CIV. 3
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 mars 2020
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10187 F
Pourvoi n° C 19-16.730
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 MARS 2020
La société Do France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Hans Anders France, a formé le pourvoi n° C 19-16.730 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Central presse quatre pavillons, société à responsabilité limitée,
2°/ à la société Fondecave et fils, société civile immobilière,
ayant toutes deux leur siège [...] ,
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations écrites de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de la société Do France, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat des sociétés Central presse quatre pavillons et Fondecave et fils, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Do France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Do France et la condamne à payer aux sociétés Central presse quatre pavillons et Fondecave et fils la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Do France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Do France fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande en nullité du commandement de payer délivré le 9 mai 2014 à la société Hans Anders France ;
AUX MOTIFS QUE sur la validité du commandement de payer délivré le 9 mai 2014 à la société Hans Anders France, (
) comme l'a relevé le tribunal, outre les mentions imposées pour la régularité de tout acte d'huissier, et la reproduction des termes de la clause résolutoire du bail, le commandement litigieux détaille pour chaque bailleur les sommes restant dues en visant les factures jointes et en faisant mention dans son décompte des sommes déjà versées, ce dont il a exactement déduit que la société avait une connaissance suffisamment précise des sommes qui lui étaient réclamées, ainsi que de leur nature et de l'infraction au bail reprochées au preneur ; qu'il convient de rappeler que ce commandement de payer a été précédé de plusieurs échanges entre les parties entre le 4 avril et le 6 mai à l'issue desquels la société Hans Anders, a écrit aux bailleurs qu'elle avait parfaitement compris le mode de répartition des charges, ce dont il résulte qu'elle était suffisamment éclairée sur le fondement de la réclamation ; que le jugement qui a rejeté la demande de nullité et déclaré le commande de payer valide sera donc confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la validité du commandement de payer du 9 mai 2014, (
) outre les mentions imposées pour la régularité d'un acte d'huissier, le commandement de payer doit définir de façon suffisamment précise les infractions au bail reprochées au preneur ; qu'en l''espèce, l'acte détaillait pour chaque bailleur les sommes restant dues, visait précisément les factures numéros [...]3 et [...]8, de surcroît, jointes au commandement de payer, et faisait mention dans son décompte des sommes déjà versées par la société Hans Anders France ; que le commandement de payer susvisé reproduisait également précisément la clause résolutoire du bail ainsi stipulée : « Il est expressément convenu qu'en cas de non-exécution par le preneur de l'un quelconque de ses engagements ou en cas de non-paiement à son échéance de l'un quelconque des termes du loyer convenu ou des charges et impôts récupérables par le bailleur, le présent bail sera résilié de plein droit un mois après une sommation d'exécuter un commandement de payer délivré par acte extra-judiciaire au preneur de régulariser sa situation (
) » ; qu'ainsi, la société Hans Anders France avait une connaissance suffisamment précise des sommes qui lui étaient réclamées, de leur nature et de l'infraction au bail qui lui était reprochée ; que par conséquent, la société Hans Anders sera déboutée de sa demande de nullité du commandement de payer qui sera déclaré comme valide ;
1°) ALORS QU'est nul le commandement de payer visant la clause résolutoire d'un bail commercial dont l'imprécision est de nature à créer, dans l'esprit du preneur, une confusion l'empêchant de vérifier la réalité et l'étendue de sa dette ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que la société Hans Anders France, devenue Do France, avait eu une connaissance suffisamment précise des sommes qui lui étaient réclamées ainsi que de leur nature et de l'infraction au bail qui lui était reprochée, que le commandement de payer qui lui avait été délivré détaillait les sommes restant dues en visant les factures jointes et en faisant mention dans son décompte des sommes déjà versées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le libellé des annexes des factures était suffisamment précis pour lui permettre de vérifier la nature des charges exceptionnelles réclamées, et partant, la réalité et l'étendue de sa dette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-41 du code de commerce ;
2°) ALORS QU'en se bornant encore à énoncer, pour juger que la société Hans Anders France, devenue Do France, avait eu une connaissance suffisamment précise des sommes qui lui étaient réclamées ainsi que de leur nature et de l'infraction au bail qui lui était reprochée, que le commandement de payer qui lui avait été délivré avait été précédé de plusieurs échanges entre le 4 avril et le 6 mai 2014 avec les bailleurs à l'issue desquels elle avait écrit à ces derniers qu'elle avait parfaitement compris le mode de répartition des charges, tout en réitérant ses interrogations sur le bien-fondé de ces demandes, ce dont il résultait qu'elle était suffisamment éclairée sur le fondement de sa réclamation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si dans sa dernière lettre en date du 6 mai 2014, restée sans réponse, la société preneuse, après avoir confirmé sa compréhension du mode de répartition des charges, n'avait pas expressément demandé aux sociétés bailleresses quelle était la nature des travaux dont le coût lui était imputé, en soulignant que les libellés des factures ne lui permettaient pas de l'appréhender, ce qui était de nature à démontrer que les échanges intervenus entre les parties avant la délivrance du commandement de payer n'avaient pas permis à la société preneuse de vérifier la réalité et l'étendue de sa dette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-41 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
subsidiaireLa société Do France fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la SCI Fondecave et Fils et à la SARL Central Presse Quatre Pavillons la somme de 31.421,95 euros au titre des charges impayées, d'avoir suspendu les effets de la clause résolutoire, de l'avoir autorisée à se libérer de sa dette en un versement intégral devant intervenir au plus tard le 15 juin 2019, et d'avoir rappelé qu'à défaut de paiement à l'échéance, la clause résolutoire serait acquise de plein droit ;
AUX MOTIFS QUE sur le bien-fondé du commandement de payer, les sommes réclamées d'un montant de 31.421,95 euros correspondent : - au montant des charges courantes, pour 4.378,43 euros, - au montant des charges exceptionnelles pour 27.043,52 euros TTC ; que s'agissant des charges courantes, (
) il ressort (
) des pièces et notamment de la première facturation datée du 1er novembre 2013 qu'aucun appel de fonds n'a été réclamé à la locataire au titre des deux derniers mois de l'année 2013, correspondant aux deux premiers mois d'occupation des lieux ; que l'intimée d'ailleurs ne le conteste pas, invoquant un oubli des bailleresses ; qu'il s'agisse d'un oubli ou d'un accord verbal entre les parties, ce seul constat, en l'absence de tout accord entre les parties en dispensant la locataire, suffit à justifier la demande en paiement ; qu'en conséquence, le paiement effectué le 7 janvier 2014 par la locataire ayant été légitimement imputé sur cet appel de charges, les appelantes sont fondées à soutenir que les charges du 1er trimestre 2014 n'ont pas été réglées et que c'est à bon droit qu'elles ont été visées dans le commandement de payer ; que le jugement sur ce point sera donc infirmé et que la société Do sera déclarée redevable à ce titre de la somme de 4.378,43 euros ; que s'agissant du montant des charges exceptionnelles, (
) les sommes litigieuses portent sur des travaux d'amélioration de l'entrée, le remplacement des façades et l'étanchéité de la verrière ainsi que des travaux de conditionnement d'air ; qu'il est constant que seule une stipulation expresse permet de faire supporter au preneur la charge de travaux ordinairement imputables au bailleur, une clause générale étant insuffisante pour atteindre cet objectif ; que le tribunal, constatant que le règlement de copropriété n'était pas produit aux débats et que le bail ne reprenait pas exhaustivement les charges concernées, a estimé que les pièces produites (PV d'assemblée générale du 6 juin 2013 et annexes non détaillées de charges exceptionnelles établies au nom des copropriétaires) ne pouvaient pas constituer la preuve requise par les textes, ce qui l'a amené, la réclamation n'étant pas fondée, à considérer qu'à la date de la délivrance du commandement de payer du 9 mai 2014, la société Hans Anders France n'était redevable d'aucune somme relative aux loyers et appels de fonds trimestriels, de sorte que le commandement de payer était mal fondé ; que le règlement de copropriété est désormais versé aux débats (pièce 20 des appelantes) ; qu'au chapitre des charges, il précise – article 26 : les charges communes (générales) comprennent notamment (
) les frais de ravalement, grosses réparations et frais d'aménagement de toutes les parties communes énumérées à l'article ci-dessus (
), les frais d'entretien des parties communes, y compris les honoraires de surveillance des travaux, et généralement, tous les frais qui, d'après les usages, sont réputés communs, et notamment, les espaces plantés, - article 28 : les charges communes spéciales comprennent le chauffage, l'éclairage et le conditionnement d'air des parties communes, le chauffage et le conditionnement d'air des parties privatives (
) ; qu'en l'état de ce document dont, aux termes du bail, un exemplaire a été remis dès avant la signature du bail au preneur qui s'est engagé à en « respecter scrupuleusement toutes les charges et conditions » (page 5 du contrat), la clause du bail au titre des charges communes constitue une stipulation expresse qui permet de faire supporter au preneur la charge des travaux énumérés ; que les travaux facturés au preneur entrant dans la catégorie de ceux énumérés dans le règlement de copropriété, il y a lieu de déclarer la demande en paiement justifiée et, par voie de conséquence, le commandement de payer fondé ; que le jugement qui en décide autrement sera donc infirmé, et la société Do condamnée au paiement de la somme totale de 31.421,95 euros ;
1°) ALORS QUE la volonté du débiteur d'imputer un paiement sur une des dettes dont il est tenu à l'égard du créancier peut résulter d'une déclaration expresse ou d'un comportement non équivoque ; qu'en affirmant, pour juger que les charges du premier trimestre 2014 n'avaient pas été réglées par la société Do France et avaient par conséquent été à bon droit visées dans le commandement de payer, que le paiement que cette dernière avait effectué le 7 janvier 2014 avait été légitimement imputé sur les charges correspondant aux deux derniers mois de l'année 2013, dont elle constatait pourtant qu'elles n'avaient fait l'objet d'aucun appel de fonds, et non sur ceux du premier trimestre de l'année 2014, sans rechercher s'il ne résultait pas de ce que le paiement litigieux était intervenu le 7 janvier 2014, à réception de la facture du 1er janvier 2014 visant expressément les « loyers de janvier, février et mars 2014 » et « appel de fonds » et qu'il s'élevait à un montant correspondant à trois, et non deux mois, de charges, que la société Do France avait entendu de manière non équivoque imputer le paiement effectué sur les échéances du premier trimestre 2014 et non sur celles des deux derniers mois de l'année 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1253 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE le contrat de bail conclu entre les sociétés Central Presse Quatre Pavillons et Fondecave et Fils et la société Do France stipulait que cette dernière devrait « rembourser au bailleur sa quote-part imputée au bailleur dans toutes les charges communes de l'ensemble immobilier dont dépend le centre commercial, celles-ci étant énumérées (
) dans le règlement de copropriété », lequel définissait à l'article 26 les charges communes générales comme comprenant notamment « les frais de ravalement, grosses réparations et frais d'aménagement de toutes les parties communes énumérées à l'article ci-dessus » et « les frais d'entretien des parties communes » ; qu'en retenant, pour condamner la société Do France au paiement de la somme de 31.421,95 euros au titre des charges exceptionnelles réclamées par les sociétés bailleresses, que les sommes litigieuses portaient notamment sur des travaux d'amélioration de l'entrée, le remplacement des façades et l'étanchéité de la verrière, que ces travaux entraient dans la catégorie de ceux énumérés dans le règlement de copropriété, et que la clause du bail au titre des charges communes constituait une stipulation expresse permettant de faire supporter au preneur la charge des travaux énumérés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que les travaux litigieux constituaient des travaux de rénovation et de restructuration qui n'étaient pas mis expressément à la charge du preneur par le bail et le règlement de copropriété auquel il se référait, violant ainsi l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-301 du 10 février 2016.