La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2020 | FRANCE | N°19-15160

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 mars 2020, 19-15160


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 216 FS-P+B

Pourvoi n° W 19-15.160

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2020

1°/ M. C... I..., domicilié [...],

2°/ l'association MSA 3A,

dont le siège est [...],

ont formé le pourvoi n° W 19-15.160 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 216 FS-P+B

Pourvoi n° W 19-15.160

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2020

1°/ M. C... I..., domicilié [...],

2°/ l'association MSA 3A, dont le siège est [...],

ont formé le pourvoi n° W 19-15.160 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant à la société Damar, société civile immobilière, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. I... et de l'association MSA 3A, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Damar, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 février 2019), et les pièces de la procédure, M. I... a interjeté appel d'un jugement rendu à son encontre dans un litige l'opposant à la société civile immobilière Damar (la SCI) relatif à la vente de biens immobiliers en l'état futur d'achèvement. Un arrêt a confirmé le jugement déféré sur le caractère parfait de la première vente et, avant-dire droit sur la seconde, ordonné une expertise. L'expert a déposé son rapport le 30 septembre 2013 et M. I... a conclu une dernière fois le 31 janvier 2014. Par ordonnance du 26 février 2014, le conseiller de la mise en état a, sur demande des parties, prononcé le retrait du rôle de l'affaire. M. I... a été placé sous curatelle renforcée par jugement du juge des tutelles du 26 novembre 2015, qui a désigné l'association MSA 3A en qualité de curateur. Le 15 janvier 2016, il a déposé et signifié des conclusions aux fins de rétablissement au rôle de l'affaire.

2. La SCI a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de voir constater la péremption de l'instance d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le troisième moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

4. M. I... et l'association MSA 3A font grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance d'appel et son extinction, de déclarer la cour d'appel dessaisie et de dire le jugement passé en force de chose jugée alors « que constitue une diligence interruptive, le dépôt de conclusions par le majeur placé sous curatelle, même sans l'assistance de son curateur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 386 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. L'effet interruptif d'une diligence, lorsqu'elle consiste en un acte de la procédure, est sans lien avec la validité de cet acte.

6. Pour dire l'instance périmée, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les conclusions aux fins de rétablissement au rôle de l'affaire déposées le 15 janvier 2016 par M. I..., sans l'assistance de son curateur, ne sont pas recevables et n'ont donc pas pu interrompre le délai de péremption. Il ajoute qu'un acte de procédure irrégulier n'est pas de nature à interrompre ce délai, même s'il traduit sans équivoque la volonté du plaideur de poursuivre l'instance, la demande de rétablissement au rôle n'étant pas affectée d'un vice de forme mais d'une irrégularité de fond, dès lors que M. I... n'a pas qualité pour agir en l'absence de son curateur.

7. En statuant ainsi, alors que les conclusions aux fins de rétablissement au rôle, prises par le majeur protégé, même sans l'assistance de son curateur, traduisaient sa volonté de poursuivre l'instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du deuxième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la SCI Damar aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Damar et la condamne à payer à M. I... et à l'association MSA 3A la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. I... et l'association MSA 3A

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation de l'ordonnance déférée, constaté la péremption de l'instance d'appel initiée par M. C... I... à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 22 septembre 2011 et son extinction, déclaré la cour d'appel de céans dessaisie et constaté que le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 22 septembre 2011 est passé en force de chose jugée ;

Aux énonciations que par conclusions d'incident du 6 février 2018, la SCI Damar a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de voir constater la péremption de l'instance d'appel, et pour voir condamner l'appelant à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par ordonnance en date du 19 juillet 2018 le conseiller de la mise en état de la première chambre A de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a constaté la péremption de l'instance d'appel initiée par M. C... I... à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 22 septembre 2011 et son extinction, déclaré la cour d'appel de ce siège dessaisie, constaté que le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 22 septembre 2011 est passé en force de chose jugée, dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. C... I..., assisté de son curateur, aux dépens. (...) Par requête du rapport 31 juillet 2018, M. C... I... représenté par son curateur, l'association MSA 3 A a déféré cette décision à la cour. Il demande à la cour de réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions, de constater qu'il ne s'est pas écoulé un délai de plus de deux ans sans que les parties n'accomplissent de diligences, de dire que la péremption d'instance n'est pas acquise et qu'elle doit se poursuivre devant la cour d'appel de ce siège, et de condamner la SCI Damar à lui verser ainsi que la MSA une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. La SCI Damar n'a pas déposé de nouvelles conclusions. La Cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties ;

ALORS QUE s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui doit statuer sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en l'espèce, en statuant au visa de la requête en date du 31 juillet 2018 de M. C... I... et des conclusions d'incident dont la SCI Damar a saisi le 6 février 2018 le conseiller de la mise en état, en relevant qu'elle n'en a pas déposé de nouvelles, cependant que cette société a déposé de nouvelles conclusions le 4 septembre 2018 auxquelles M. C... I... et son curateur ont répondu, la cour d'appel, qui n'a pas visé les dernières conclusions déposées ni exposé même succinctement les moyens respectifs des parties, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation de l'ordonnance déférée, constaté la péremption de l'instance d'appel initiée par M. C... I... à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 22 septembre 2011 et son extinction, déclaré la cour d'appel de céans dessaisie et constaté que le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 22 septembre 2011 est passé en force de chose jugée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la péremption de l'instance d'appel engagée par M. C... I... à l'encontre du jugement du 21 septembre 2011 du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence était acquise au moment où le juge s'est prononcé, étant relevé que celui-ci se borne alors à constater que le délai de deux ans est écoulé et que l'instance est éteinte ; que si l'article 121 du code de procédure civile prévoit que « la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue », c'est seulement « dans le cas où elle est susceptible d'être couverte » ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en effet, les conclusions de régularisation déposées après l'expiration du délai de péremption dans les intérêts du majeur protégé, celui-ci étant alors régulièrement représenté, n'ont pas pu avoir pour effet rétroactif d'interrompre le délai de deux ans de péremption prévu par les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile et déjà acquis ; que la circonstance que la nullité des écritures prises par le majeur protégé seul soit une nullité de protection, pour défendre ses intérêts, est inopérante à cet égard en présence de dispositions de l'article 386 du code de procédure civile qui s'appliquent de manière mécanique ; qu'il est ainsi expressément prévu à l'article 391 du code de procédure civile que « le délai de péremption court contre toutes les personnes physiques ou morales, même incapables, sauf leur recours contre les administrateurs et tuteurs » ; qu'aucune régularisation tardive, a posteriori, ne peut être admise ; qu'il s'ensuit la confirmation de l'ordonnance déférée ;

ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés du conseiller de la mise en état QU'il est constant que suite à l'arrêt de la cour de céans en date du 30 octobre 2012 ordonnant avant dire droit une mesure d'expertise, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance en date du 26 février 2014, prononcé le retrait du rôle de l'affaire à la demande des parties. Par conclusions au fond déposées et notifiées le 15 janvier 2016, M. I... a sollicité le ré-enrôlement de l'affaire. La SCI Damar soutient que de telles conclusions prises sans l'assistance de l'association MSA 3 A, désignée comme curateur de M. I... par jugement du 26 novembre 2015, sont inopérantes à interrompre le délai de prescription. La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, entrée en vigueur le 1er janvier 2009 a introduit concernant les actes faits dans la curatelle l'alinéa 3 de l'article 468 du code civil rédigé comme suit : « Cette assistance (du curateur) est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre ». Il ressort de ces dispositions que le seul placement sous curatelle d'une personne partie à une instance civile implique qu'elle soit obligatoirement assistée par son curateur, peu important que ce placement intervienne en cours de procédure, que la personne sous curatelle soit en demande ou en défense et qu'il s'agisse d'une action patrimoniale ou extra-patrimoniale. En outre, les défendeurs à l'action ou à la défense engagée par le curatélaire seul sont également fondés à soulever l'irrecevabilité des demandes formées par ce dernier. Il résulte en conséquence de ce texte que dès lors qu'il est constaté que M. C... I... a été placé sous curatelle renforcée par jugement du 26 novembre 2015, sans l'assistance de son curateur, ne sont pas recevables et n'ont donc pas pu interrompre le délai de péremption. Il ne peut être utilement soutenu qu'un acte de procédure même irrégulier est de nature à interrompre le délai de péremption s'il traduit sans équivoque la volonté du plaideur de poursuivre l'instance, la demande de ré-enrôlement n'étant pas affectée d'un vice de forme mais d'une nullité de fond, M. I... n'ayant pas qualité pour agir en l'absence de son curateur. La première diligence émanant de M. I... est intervenue par ses conclusions déposées le 24 juin 2016 avec l'assistance de son curateur l'association MSA 3 A, soit plus de deux ans après l'ordonnance de retrait du rôle en date du 24 février 2014. La péremption d'instance est donc acquise et entraîne l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la juridiction, en application de l'article 385 du code de procédure civile. Conformément à l'article 390 du code de procédure civile, la péremption en cause d'appel confère au jugement la force de la chose jugée ;

ALORS D'UNE PART QUE le jugement plaçant un majeur sous curatelle renforcée n'est exécutoire qu'à l'expiration du délai de recours, de sorte que l'assistance du curateur pour que la personne en curatelle introduise une action en justice ou y défende n'est requise qu'à compter de cette date ; qu'en l'espèce, où M. I... et son curateur faisaient valoir que le greffe du Tribunal d'instance de Fréjus n'avait confirmé que le 22 février 2016 l'absence de recours à l'encontre du jugement en date du 26 novembre 2015 plaçant M. I... sous mesure de curatelle renforcée, la cour d'appel qui a jugé inopérantes à interrompre le délai de péremption les conclusions prises par ce dernier le 15 janvier 2016 sans l'assistance de son curateur, sans vérifier à quelle date la mesure de curatelle était devenue exécutoire, a privé sa décision de base légale au regard des articles 386, 500 et 501 du code de procédure civile, et de l'article 468, alinéa 3, du code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QU'à compter de la publicité du jugement d'ouverture, si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée, l'acte ne peut être annulé que s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas constaté quel préjudice aurait subi M. I... en prenant seul le 15 janvier 2016 des conclusions sollicitant le ré-enrôlement de l'instance retirée du rôle le 24 février 2014, et qui s'est cependant fondée sur la nullité de ces conclusions pour constater la péremption de cette instance faute d'acte interruptif de celle-ci dans les deux ans suivant son retrait du rôle, a violé l'article 465-2° du code civil par refus d'application ;

ALORS EN OUTRE QUE dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en l'espèce, où elle a constaté que le curateur de M. I... est intervenu à l'instance pour régulariser les conclusions prises par ce dernier le 15 janvier 2016 avant que le conseiller de la mise en état ne statue sur l'incident de péremption d'instance, ce dont il résultait que la cause de la nullité avait disparu, la cour d'appel qui, pour confirmer l'ordonnance entreprise, a refusé de faire produire effet à cette régularisation a violé l'article 121 du code de procédure civile ;

ALORS ENFIN QUE constitue une diligence interruptive, le dépôt de conclusions par le majeur placé sous curatelle, même sans l'assistance de son curateur ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 386 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation de l'ordonnance déférée, constaté la péremption de l'instance d'appel initiée par M. C... I... à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 22 septembre 2011 et son extinction, déclaré la cour d'appel de céans dessaisie et constaté que le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 22 septembre 2011 est passé en force de chose jugée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la péremption de l'instance d'appel engagée par M. C... I... à l'encontre du jugement du 21 septembre 2011 du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence était acquise au moment où le juge s'est prononcé, étant relevé que celui-ci se borne alors à constater que le délai de deux ans est écoulé et que l'instance est éteinte ; que si l'article 121 du code de procédure civile prévoit que « la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue », c'est seulement « dans le cas où elle est susceptible d'être couverte » ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en effet, les conclusions de régularisation déposées après l'expiration du délai de péremption dans les intérêts du majeur protégé, celui-ci étant alors régulièrement représenté, n'ont pas pu avoir pour effet rétroactif d'interrompre le délai de deux ans de péremption prévu par les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile et déjà acquis ; que la circonstance que la nullité des écritures prises par le majeur protégé seul soit une nullité de protection, pour défendre ses intérêts, est inopérante à cet égard en présence de dispositions de l'article 386 du code de procédure civile qui s'appliquent de manière mécanique ; qu'il est ainsi expressément prévu à l'article 391 du code de procédure civile que « le délai de péremption court contre toutes les personnes physiques ou morales, même incapables, sauf leur recours contre les administrateurs et tuteurs » ; qu'aucune régularisation tardive, a posteriori, ne peut être admise ; qu'il s'ensuit la confirmation de l'ordonnance déférée ;

ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés du conseiller de la mise en état QU'il est constant que suite à l'arrêt de la cour de céans en date du 30 octobre 2012 ordonnant avant dire droit une mesure d'expertise, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance en date du 26 février 2014, prononcé le retrait du rôle de l'affaire à la demande des parties. Par conclusions au fond déposées et notifiées le 15 janvier 2016, M. I... a sollicité le ré-enrôlement de l'affaire. La SCI Damar soutient que de telles conclusions prises sans l'assistance de l'association MSA 3 A, désignée comme curateur de M. I... par jugement du 26 novembre 2015, sont inopérantes à interrompre le délai de prescription. La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, entrée en vigueur le 1er janvier 2009 a introduit concernant les actes faits dans la curatelle l'alinéa 3 de l'article 468 du code civil rédigé comme suit : « Cette assistance (du curateur) est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre ». Il ressort de ces dispositions que le seul placement sous curatelle d'une personne partie à une instance civile implique qu'elle soit obligatoirement assistée par son curateur, peu important que ce placement intervienne en cours de procédure, que la personne sous curatelle soit en demande ou en défense et qu'il s'agisse d'une action patrimoniale ou extra-patrimoniale. En outre, les défendeurs à l'action ou à la défense engagée par le curatélaire seul sont également fondés à soulever l'irrecevabilité des demandes formées par ce dernier. Il résulte en conséquence de ce texte que dès lors qu'il est constaté que M. C... I... a été placé sous curatelle renforcée par jugement du 26 novembre 2015, sans l'assistance de son curateur, ne sont pas recevables et n'ont donc pas pu interrompre le délai de péremption. Il ne peut être utilement soutenu qu'un acte de procédure même irrégulier est de nature à interrompre le délai de péremption s'il traduit sans équivoque la volonté du plaideur de poursuivre l'instance, la demande de ré-enrôlement n'étant pas affectée d'un vice de forme mais d'une nullité de fond, M. I... n'ayant pas qualité pour agir en l'absence de son curateur. La première diligence émanant de M. I... est intervenue par ses conclusions déposées le 24 juin 2016 avec l'assistance de son curateur l'association MSA 3 A, soit plus de deux ans après l'ordonnance de retrait du rôle en date du 24 février 2014. La péremption d'instance est donc acquise et entraîne l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la juridiction, en application de l'article 385 du code de procédure civile. Conformément à l'article 390 du code de procédure civile, la péremption en cause d'appel confère au jugement la force de la chose jugée ;

ALORS D'UNE PART QUE quand une décision mixte a été rendue, l'ensemble des dispositions définitives et des dispositions avant dire droit qui statuent sur les conséquences ou l'exécution des premières forme un tout indivisible, de sorte que l'instance tout entière échappe à la péremption ; qu'en l'espèce, où l'appel formé par M. I... contre le jugement rendu le 22 septembre 2011 a déjà donné lieu à un arrêt mixte en date du 30 octobre 2012, la cour d'appel qui a néanmoins constaté la péremption de l'instance d'appel initiée par M. I... à l'encontre du jugement en date du 22 septembre 2011 et son extinction, et qui a constaté que le jugement était passé en force de chose jugée, sans s'expliquer sur le caractère divisible ou non des dispositions définitives et des dispositions avant dire droit de son précédent arrêt rendu sur cet appel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la péremption d'une instance d'appel ne peut avoir pour effet d'anéantir une décision comportant des dispositions définitives rendue dans le cadre de cette instance ; qu'en l'espèce, où elle a rendu, sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance en date du 22 septembre 2011, un arrêt le 30 octobre 2012 comportant des dispositions définitives que la péremption ne pouvait remettre en cause, la cour d'appel qui a cependant déduit de la péremption de l'instance d'appel qu'elle a constaté que le jugement de première instance était passé en force de chose jugée, a violé les articles 386 et 500 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-15160
Date de la décision : 18/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Interruption - Acte interruptif - Diligence accomplie par une partie - Cas - Acte de procédure - Acte affecté d'une irrégularité de fond - Portée

MAJEUR PROTEGE - Curatelle - Effets - Acte de procédure réalisé sans l'assistance du curateur - Interruption de la péremption - Portée

Un acte de procédure, qui traduit sans équivoque la volonté de poursuivre l'instance, interrompt la péremption, même s'il est affecté d'une irrégularité de fond. Ainsi, des conclusions aux fins de rétablissement au rôle, prises par un majeur protégé, sans l'assistance de son curateur, constituent une diligence interruptive de péremption


Références :

article 386 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 mar. 2020, pourvoi n°19-15160, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (premier président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SARL Cabinet Briard

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15160
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award