CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 mars 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10157 F
Pourvoi n° W 19-10.629
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2020
M. Q... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 19-10.629 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [...], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations écrites de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. H..., après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. H... aux dépens ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. H...
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE d'avoir dit que Monsieur Q... H..., né le [...] à GAKOURA (République du Mali), n'est pas de nationalité française,
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
« (
) en application de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve incombe à l'appelant qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française ;
(
) Que Monsieur Q... H... s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française le 27 décembre 2013 aux motifs allégués de l'existence de deux copies certifiées conformes de son acte de naissance à son nom ne comportant pas les mêmes indications et de la non-conformité de cet acte à l'article 64 du code de la famille malien ; Qu'il lui incombe donc de rapporter la preuve de la nationalité française ;
(
) Que Monsieur Q... H... prétend être de nationalité française pour être né le [...] à GAKOURA (Mali), de la liaison entretenue entre Monsieur I... H... et Madame Y... J..., cette dernière étant née en [...], également à GAKOURA, titulaire d'un certificat de nationalité française en date du 9 avril 2008 et fille de Monsieur S... J..., né vers [...] à BAMAKO (Mali), ayant lui-même obtenu un certificat de nationalité française le 2 juillet 1998 du tribunal d'instance de BOBIGNY sur avis conforme du Garde des Sceaux en sa qualité « d'enfant légitime né aux colonies d'un français car majeur à la date d'accession à l'indépendance » et domicilié en France à cette date ;
(
) Qu'à supposer établis l'état civil de l'appelant et son lien de filiation à l'égard de sa mère, ce que le Ministère Public conteste, il incombe à Monsieur Q... H... de rapporter la preuve de ce que Monsieur S... J..., son grand-père prétendu, était français et a conservé cette nationalité le 20 juin 1960, date de l'indépendance du Mali, ce qui suppose de justifier que cet ascendant avait, à cette date, transféré de façon effective son domicile de nationalité hors des territoires devenus indépendants ;
(
) Que les certificats de nationalité française délivrés aux membres de la famille de l'appelant n'opérant renversement de la charge de la preuve qu'au bénéfice de leur titulaire, les allégations de Monsieur Q... H... selon lesquelles la nationalité française de sa mère et de son grand-père maternel serait établie par ces certificats sont inopérantes ;
(
) Que le seul relevé de carrière de la caisse nationale de retraite versé aux débats faisant état d'un salaire limité à 646 francs (98,48 €) pour l'année 1960 est insuffisant à établir que Monsieur « S... » J... avait en France, à la date du 20 juin 1960, une résidence effective, présentant un caractère stable et permanent coïncidant avec le centre de ses attaches familiales et de ses occupations ; Que cette condition devant être réalisée au jour de l'indépendance, peu importe l'allégation de Monsieur Q... H... selon laquelle telle était « l'intention » de son grand-père au motif que celui-ci, après son mariage en 1963 avec Madame O... J... au Mali où sont nés les enfants communs, a vécu en France avec sa famille « à tout le moins à partir de l'année 1983 » ;
(
) Que Monsieur Q... H... ne justifiant à aucun autre titre de sa nationalité française, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions
» ;
ET AUX MOTIFS NON CONTRAIRES EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE :
« Par application de l'article 30 du code civil, il appartient à Monsieur Q... H..., qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française sont remplies. En particulier, son action déclaratoire étant fondée sur sa filiation maternelle, il lui incombe de prouver, d'une part la nationalité française de sa mère au jour de sa naissance, et d'autre part un lien de filiation légalement établi à l'égard de cette dernière, ce avant sa majorité, afin de pouvoir produire effets sur la nationalité conformément aux exigences de l'article 20-1 de code, et au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du même code.
À cet égard, il sera rappelé que les effets sur la nationalité de l'accession à l'indépendance des anciens territoires d'outre-mer d'Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti), sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5) qui s'est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s'est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960.
Il résulte de l'application combinée de ces textes qu'ont conservé la nationalité française :
- les originaires (et leurs descendants) du territoire de la République française tel que constitué le 28 juillet 1960, auxquels étaient assimilés les « métis » (et leurs descendants) nés de parents dont l'un, demeuré légalement inconnu, était présumé de souche européenne et d'origine française, reconnus comme tels citoyens français par jugements rendus sur le fondement du décret du 5 septembre 1930 (pour l'Afrique occidentale française) ou du 15 septembre 1936 (pour l'Afrique équatoriale française) ;
- les personnes qui, installées en France, ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française ;
- celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l'un des nouveaux états anciennement sous souveraineté française ;
- enfin celles, originaires de ces territoires, qui avaient établi leur domicile hors de l'un des États de la Communauté lorsqu'ils sont devenus indépendants ;
- les enfants mineurs de 18 ans suivant la condition parentale selon les modalités prévues à l'article 153 du code de la nationalité française de 1945.
Le domicile au sens du droit de la nationalité s'entend d'une résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations ; il ne se réduit pas au lieu de travail.
En l'espèce, au soutien de son action, le demandeur produit la copie littérale de son acte de naissance, dressé sous le numéro 234, mentionnant qu'il est né le [...] à GAKOURA (république du Mali), de I... H... et de Y... J....
Pour démontrer la nationalité française de Y... J..., le demandeur produit le certificat de nationalité française délivré à cette dernière le 9 avril 2009 par le greffier en chef du service de la nationalité des français nés et établis hors de France.
Il est donc rappelé que, par application des articles 30 et 30-1 du code civil, la présomption de nationalité française attachée à un certificat de nationalité française ne joue qu'au bénéfice de son titulaire et ne dispense nullement le tiers qui s'en prévaut, fut-ce un fils, de rapporter la preuve de la réunion de toutes les conditions requises par la loi pour établir cette nationalité française.
Or le demandeur ne produit aucun élément permettant d'établir que sa mère alléguée serait de nationalité française pour être issue d'un père qui aurait conservé cette nationalité à l'indépendance du Mali.
Ainsi, contrairement à ses allégations, aucun élément ne permet d'établir que S... J..., son grand-père maternel allégué, aurait fixé son domicile de nationalité en France à cette date. À cet égard, les éléments produits, à savoir les actes de naissance des enfants de ce dernier mentionnant que ceux-ci sont nés en France en [...] et [...], ne permettent pas de démontrer que celui-ci avait fixé son domicile en France à la date de l'indépendance du Mali, le 20 juin 1960. L'acte de mariage de celui-ci, dont il résulte qu'il s'est marié le [...] à AMBIDEDI, cercle de Kayes (république du Mali), ne permet pas davantage de démontrer qu'il résidait en France à cette date, étant relevé que cet acte mentionne au contraire que l'intéressé était domicilié à [...] à la date du mariage. Il n'est par ailleurs pas allégué, ni a fortiori démontré, que celui-ci aurait conservé la nationalité française à un quelconque autre titre.
Dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'établissement de la filiation maternelle du demandeur et du lien de filiation entre Y... J... et S... J..., il y a lieu de relever que le demandeur ne justifie d'aucun titre à la nationalité française.
En conséquence, Monsieur Q... H... sera débouté de son action déclaratoire et verra constater son extranéité
» ;
1/ ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité ; Que le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; Que, pour contester les motifs du jugement entrepris aux termes desquels aucun élément ne permet d'établir que S... J..., son grand-père maternel allégué, aurait fixé son domicile en France à la date d'indépendance du Mali, Monsieur H... faisait valoir que, après enquête, le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, avait retenu dans son avis du 25 juin 1998 que Monsieur S... J... avait bien eu l'intention de fixer en France son domicile au sens du droit de la nationalité lors de l'accession du Mali à l'indépendance ; Qu'en s'abstenant totalement de s'expliquer sur le moyen opérant ainsi soulevé par Monsieur H..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE, lorsque la nationalité française ne peut, comme en la présente espèce, avoir sa source que dans la filiation, elle est tenue pour établie, sauf la preuve contraire, si l'intéressé et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre ont joui d'une façon constante de la possession d'état de Français ; Qu'en s'abstenant, tout comme les premiers juges, de rechercher si Madame Y... J..., mère de Monsieur H..., et ce dernier à sa suite, ne pouvaient prétendre à la nationalité française par application des dispositions de l'article 30-2 alinéa 1er du code civil, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application ;
3/ ALORS QUE tout français domicilié à la date de son indépendance sur le territoire d'un État qui avait antérieurement le statut de département ou de territoire d'outre-mer de la République conserve de plein droit sa nationalité dès lors qu'aucune autre nationalité ne lui a été conférée par la loi de cet État ; qu'en jugeant que Monsieur H... ne justifiait pas que Monsieur S... J..., son grand-père paternel, avait conservé la nationalité française lors de l'accession du Mali à l'indépendance sans même constater que ce dernier avait alors reçu la nationalité malienne, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 18 et 32-3 du code civil.