La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/03/2020 | FRANCE | N°19-10.689

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 11 mars 2020, 19-10.689


CIV. 1

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2020




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10138 F

Pourvoi n° M 19-10.689




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MARS 2020

1°/ M. E... W...,

2°/ Mme N... W...,

tous deux domiciliés [.

..] ,

ont formé le pourvoi n° M 19-10.689 contre l'arrêt n° RG : 17/02162 rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Metz (1re chambre), dans le litige les opposant à la société BNP P...

CIV. 1

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mars 2020

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10138 F

Pourvoi n° M 19-10.689

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MARS 2020

1°/ M. E... W...,

2°/ Mme N... W...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° M 19-10.689 contre l'arrêt n° RG : 17/02162 rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Metz (1re chambre), dans le litige les opposant à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations écrites de Me Laurent Goldman, avocat de M. et Mme W..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, et après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme W... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour M. et Mme W...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées contre la banque au titre du manquement à son devoir de mise en garde ;

AUX MOTIFS QUE

Pour voir fixer le point de départ du délai de prescription quinquennal à une date postérieure à celle de la conclusion du contrat, les emprunteurs se prévalent du fait qu'ils n'ont découvert leur dommage qu'au cours de l'été 2011 lorsque le taux de change franc suisse/euro a chuté de plus de 30 % en défaveur de l'euro.
Ils affirment en outre que l'assurance souscrite ne couvrait que partiellement ce dommage, ce contre quoi ils n'auraient pas été avertis.
Il est constant cependant, notamment au regard de la pièce N° 4 produite par les emprunteurs, que la dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse avait commencé bien avant l'été 2011, qu'en réalité la variation d'une des monnaies par rapport à l'autre a été constante, et que le dommage dont se prévalent les emprunteurs n'est en réalité qu'une des conséquences du type de crédit souscrit.
Le dommage en lui-même, dont la réalisation a entraîné une perte de chance de ne pas contracter ce type d'emprunt ou de contracter un emprunt différent, consiste en réalité, non pas dans la dépréciation de l'euro qui constitue la concrétisation ultérieure du risque, mais dans le fait d'avoir, peut être à mauvais escient et en raison du défaut de respect par la banque d'une obligation de mise en garde, accepté de prendre un tel risque.
Dans ces conditions, il ne peut être considéré que la date de naissance du dommage, et point de départ du délai de prescription, serait le moment où la parité entre le franc suisse et l'euro aurait entraîné pour les emprunteurs une situation qu'ils n'auraient plus jugé personnellement supportable.
Outre que cette situation n'est pas pérenne puisque l'emprunt conclu par les époux W... porte sur une période de 25 ans et que le préjudice qu'ils allèguent est arrêté au 10 décembre 2017, ce raisonnement aboutirait à permettre aux emprunteurs de choisir le moment auquel ils feront débuter le délai de prescription de leur action, en fonction de l'appréciation personnelle qu'ils feront du caractère dommageable ou non de l'évolution du taux de change euro/franc suisse, solution qui relève de l'arbitraire ainsi que l'ont relevé les premiers juges, et ne peut être admise.
Le même raisonnement doit être retenu pour ce qui concerne le grief fait à la banque de n'avoir pas respecté une éventuelle obligation de mise en garde en rapport avec le contrat d'assurance souscrit.
La Cour observe que ce contrat, présenté comme inadapté, n'est pas produit mais qu'en tout état de cause, et au regard des allégations des emprunteurs quant à l'origine de leur préjudice, à savoir la dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse, le dommage était concrétisé dès la signature de l'offre préalable de crédit, laquelle contenait toutes les informations permettant aux emprunteurs d'apprécier si le contrat d'assurance qui leur était soumis, le cas échéant par le biais de la banque, état en adéquation avec leur situation.
Enfin la Cour fait siennes les observations des premiers juges, relatives aux informations résultant des exemples chiffrés figurant au contrat, lesquels illustrent les répercussions importantes sur le coût du crédit d'une variation minime du taux de change, ce dont les emprunteurs étaient informés dès l'acceptation de l'offre. Elle reprend également les observations des premiers juges, tenant au fait que le contrat de crédit ne contient aucune particularité susceptible de se révéler en cours de contrat ou à son issue.
La Cour observe au surplus que les documents que produisent les emprunteurs pour soutenir que leur dommage se serait manifesté à eux au cours de l'été 2011 sont particulièrement lacunaires, puisque en particulier aucun relevé de situation antérieur à septembre 2012 n'est produit illustrant l'avènement de ce préjudice précisément à l'époque alléguée.
Dans ces conditions, aucune considération ne justifie qu'une date autre que celle de la conclusion du contrat soit retenue au titre du point de départ du délai de prescription concernant une action en responsabilité contractuelle intentée à l'encontre de la banque pour défaut de respect de son devoir de mise en garde, que ce soit au titre du prêt ou au titre de l'assurance souscrite, à supposer qu'elle ait été tenue sur ce dernier point.
Dans ces conditions il convient de considérer que le point de départ de la prescription quinquennale visée aux articles L. 110-4 du Code de commerce et 2224 du code civil précités, est le 125 novembre 2009 date d'acceptation de l'offre de crédit émise le 9 novembre 2009, de sorte que l'action intentée par les époux W... se trouvait atteinte par la prescription lors de l'assignation délivrée le 16 mars 2016.
Il y a donc lieu de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite la demande des époux W... à l'encontre de la SA BNP PARIBAS fondée sur le défaut de respect du devoir de mise en garde incombant à la banque.

ALORS QUE le point de départ de la prescription d'une action en manquement au devoir de mise en garde est fixé au jour où l'emprunteur a eu conscience du risque d'endettement excessif auquel il était exposé ; que la cour d'appel qui, après avoir relevé que le devoir de mise en garde est dû par la banque s'il apparait que le crédit consenti est excessif par rapport aux capacités contributives des emprunteurs et se manifeste dès la conclusion du contrat, sauf démonstration par l'emprunteur de ce qu'il pouvait légitimement ignorer ce dommage, et que, sur une période supplémentaire de cinq années, les mensualités du prêt pouvaient être augmentées dans leur nombre et leur montant sans plafond afin de permettre l'apurement du prêt, ce dont il résultait un risque d'endettement excessif dont les emprunteurs ne pouvaient mesurer l'étendue au jour de la conclusion du contrat, a néanmoins estimé que le point de départ de la prescription du devoir de mise en garde se situait au jour de la conclusion du contrat, a violé l'article 2224 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les emprunteurs de leurs demandes fondées sur l'allégation d'une clause abusive ;

AUX MOTIFS QUE

Il résulte des explications fournies par les emprunteurs qu'ils considèrent en réalité comme abusives les dispositions du contrat prévoyant qu'ils empruntent des francs suisses et remboursent leurs échéances en euros, de sorte qu'ils s'acquittent de la contrevaleur en euros du montant en francs suisses dont ils sont redevables, qu'il s'agisse du capital ou des intérêts, et ce au gré des variations à la hausse ou à la baisse de l'euro par rapport au franc suisse.
(
)
Par arrêt du 20 septembre 2017 (CJUE, affaire C-186/16) la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que : «
»
En outre, dans un arrêt du 20 septembre 2018, affaire C-51/17, la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit que : «
»
En l'espèce, et dès lors que la clause, ou plus précisément les stipulations contractuelles, visées par les emprunteurs, portent sur l'objet principal du contrat, ces stipulations ou cette clause ne peuvent être considérées comme abusive, à moins qu'elles n'aient pas été rédigées de façon claire et compréhensible.
La Cour rappelle à cet égard qu'il est clairement rappelé dans l'offre préalable de crédit :
-Que le montant emprunté est un montant en francs suisses, en l'espèce 323.636,82 francs suisses,
-Que ce crédit est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le Prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises, un tel emprunt permettant aux emprunteurs de bénéficier du taux d'intérêts défini au contrat
-que le montant en francs suisses de ce crédit permettra de libérer la somme de 210.966,00 € chez le notaire, et de payer les frais et charges correspondant à cette opération soit 3.164,49 €,
-Que le crédit sera géré, d'une part en francs suisses (monnaie de compte) pour connaître à tout moment l'état de remboursement dudit crédit, et d'autre part en Euros (monnaie de paiement) pour permettre le paiement des échéances,
-qu'un compte interne en euros et un compte interne en francs suisses doivent dès lors être ouverts dès réception de l'acceptation de l'offre, pour gérer le crédit, comptes dont les modalités de fonctionnement sont ensuite, dans l'offre, entièrement détaillées.
Les modalités de fonctionnement du compte interne en euros et du compte interne en francs suisses sont entièrement rappelées dans l'offre, en particulier à l'occasion des paiements mensuels effectués par les emprunteurs en euros, avant conversion en francs suisses selon les modalités définies au chapitre « opérations de change ».
L'existence de ces deux comptes et les modalités de paiement en euros puis de conversion en francs suisses, permettent clairement aux emprunteurs de se rendre compte du lien existant entre les deux monnaies, monnaie de compte et monnaie de paiement.
Par ailleurs le paragraphe intitulé « OPERATIONS DE CHANGE » explicite également le lien existant entre le franc suisse et l'euro, en rappelant notamment que « le prêt objet de la présente est un prêt de francs suisses. Ne s'agissant pas d'une opération de crédit international vos versements au titre de ce prêt ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses ».
Et également : « en acceptant la présente offre de crédit vous acceptez les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisse nécessaires au fonctionnement et au remboursement de votre crédit tel que précisés au sein de cette offre »(...) « le montant de votre prêt, qui comprend les frais de change relatifs à l'opération de change du montant de votre crédit de francs suisses en euros est fixé selon le taux de change de 1 euro contre 1,5114 francs suisses. Ce taux est invariable jusqu'au déblocage complet de votre crédit de sorte que le montant du financement en euros est arrêté définitivement. Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change ».
Le même paragraphe détaille les différentes opérations de change susceptibles d'être réalisées par le prêteur au cours de la vie du crédit, à savoir : conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros effectués par l'emprunteur après paiement des charges annexes, conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses en cas d'exercice d'une des deux options définies à l'article « options pour un changement de monnaie de compte », conversion en francs suisses du remboursement en euros en cas de remboursement anticipé total ou partiel.
Il est encore précisé qu'en cas de défaillance de l'emprunteur à une période où la monnaie de compte du crédit est toujours le franc suisse, cette monnaie de compte pourra à tout moment et unilatéralement être changée par le prêteur et remplacée par l'euro.
Le paragraphe « REMBOURSEMENT DE VOTRE CREDIT » mentionne quant à lui :
-que la monnaie de paiement est l'euro et que les paiements sont mensuels, -qu'après le premier versement du crédit, les règlements sont, d'abord un différé de 24 mois au cour duquel l'emprunteur n'a aucun règlement à effectuer, et ensuite pendant les 276 mois suivants, un versement mensuel de 1.179,82 €.
-que « l'amortissement du capital de votre prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué à vos règlements mensuels, après paiement des charges annexes, selon les modalités définies au paragraphe « opérations de change »
-que « s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigibles l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance de votre crédit sera inscrite au solde débiteur de votre compte interne en francs suisses », et que : « s'il résulte de l'opération de change un somme supérieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera plus rapide et vous rembourserez plus rapidement votre crédit », -qu'en tout état de cause les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement :
-au paiement des intérêts de l'échéance,
-à l'amortissement du prêt
-qu'à chaque 3ème anniversaire du premier règlement effectué au titre du crédit, le taux d'intérêt du crédit sera révisé (voir « charges de votre crédit ») et que l'emprunteur en sera avisé un mois à l'avance, et que :
- « si le montant de ce règlement mensuel théorique est inférieur au règlement mensuel en euros précédemment payé, le montant de vos règlements en euros restera néanmoins inchangé, la duré de votre crédit sera raccourcie et vous rembourserez plus rapidement, « -si le montant de ce règlement mensuel théorique est supérieur au règlement mensuel en euros précédemment payé, le montant de vos règlements en euros restera néanmoins inchangé mais la durée de votre crédit sera allongée. Néanmoins, si le maintien du montant de vos règlements en euros ne permettait pas de régler la totalité du solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale majorée de 5 années, vos règlements en euros seraient alors augmentés »
« Dans cette hypothèse, cette augmentation de vos règlements en euros sera établie de manière à permettre de régler le solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale du crédit majorée de 5 années » .
Les clauses suivantes prévoient les modalité de calcul et de révision du montant des échéances au cours de cette période de cinq ans permettant de les réajuster afin de parvenir à l'apurement du prêt au terme de cette période supplémentaire.
Après les dispositions relatives au report d'un règlement à la demande de l'emprunteur ou à la modification des règlements à la demande de celui-ci, l'offre préalable comporte encore un paragraphe intitulé « CHARGES DE VOTRE CREDIT », mentionnant notamment :
-que les charges du crédit comprennent les intérêts, les charges annexes et les frais d'acte,
-que « le taux d'intérêt initial est de 3,15 % l'an et sera fixé et appliqué pendant les 3 premières années suivant le premier versement de votre crédit »,
-que à la fin de cette période le taux d'intérêt du crédit sera calculé sur la base de la moyenne mensuelle du taux SWAP francs suisses 3 ans du mois civil précédant l'application du nouveau taux du prêt, et que « cette révision a une incidence sur la composition de votre échéance et donc sur l'évolution du solde de votre compte »
-que cette révision interviendra ensuite tous les 3 ans et également au début de l'éventuelle période complémentaire limitée à 5 ans.
Les modalités de calcul du nouveau taux sont ensuite précisées.
Suivent les indications relatives au Taux Effectif Global du crédit, calculé « à supposer que le taux de change et le taux d'intérêts du crédit restent constants pendant toute la durée du crédit »
Au paragraphe « OPTIONS POUR UN CHANGEMENT DE MONNAIE DE COMPTE », sont indiqués ainsi que déjà rappelé, les deux possibilités laissées à l'emprunteur pour opter, tous les trois ans, pour une monnaie de compte en euros.(option pour un taux fixe ou option pour un taux révisable).
Après différentes autres clauses plus habituelles (modalités du remboursement anticipé, modalités de versement, garanties et/ou assurances retenues..) , est annexé à l'offre un tableau d'amortissement prévisionnel en francs suisses (monnaie de compte) portant notamment l'indication suivante :
« nous vous rappelons cependant que, l'euro étant la monnaie de paiement, vos règlements mensuels sont effectués en euros pour un montant initial défini à l'article « Remboursement de votre crédit ». C'est le solde de ce règlement en euros déduction faite de cette prime d'assurance et des frais de change qui, converti en francs suisses, impacte le tableau ci-dessous ».
Enfin sont annexés à l'offre trois documents supplémentaires, à savoir une « NOTICE PRESENTANT LES CONDITIONS ET MODALITES DE VARIATION DU TAUX D'INTERET DE VOTRE CREDIT », une « SIMULATION DE L'EVOLUTION DU TAUX D'INTERET DE VOTRE CREDIT » comprenant des hypothèses chiffrées d'évolution et enfin une notice intitulée « INFORMATIONS RELATIVES AUX OPERATIONS DE CHANGE QUI SERONT REALISEES DANS LE CADRE DE LA GESTION DE VOTRE CREDIT ».
Ce dernier document rappelle que « le prêt qui vous est proposé est un prêt en francs suisses. Toutefois, vos versements au titre de ce prêt ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses. Des opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses seront nécessaires aux fonctionnement et remboursement de votre crédit ».
(...)
« Les opérations de change intervenant au cours de la vie de votre crédit seront réalisées selon les modalités définies au paragraphe « Opérations de change » de votre offre de prêt, sur la base du taux de change de référence publié sur le site Internet de la Banque Centrale Européenne
(http://www.ecb.int/stats/exchange/eurofxref/html/index.en.html) »
« votre offre de prêt a été établie sur la base d'un taux de change de 1 euro contre 1,5072 francs suisses.
Les variations éventuelles de ce taux de change au cours de la vie de votre crédit auront un impact sur son plan de remboursement (cf. paragraphes « Opérations de change »
et « Remboursement de votre crédit » de votre offre de prêt) » ;
« Dans l'hypothèse où, à compte du 37ème règlement de votre crédit, le taux de change initial passe à 1 euro contre 1,5914 francs suisses :
*le montant de vos règlement, hors assurance, serait :
-de 0 euro pendant 24 mois,
-de 1179,82 euros pendant 257 mois,
-de 411,44 euros pendant un mois
*la durée de votre crédit serait de 282 mois,
*le coût total de votre crédit serait de 93.965,41 euros assurance incluse. »
« Dans l'hypothèse où, à compter du 37ème règlement de votre crédit, le taux de change initial passe à 1 euro contre 1,4314 francs suisses :
*le montant de vos règlement, hors assurance, serait :
-de 0 euro pendant 36 mois,
-de 1179,82 euros pendant 297 mois,
-de 996,76 euros pendant un mois
*la durée de votre crédit serait de 322 mois,
*le coût total de votre crédit serait de 141.876,69 euros assurance incluse. »
A l'examen de ces différentes stipulations contractuelles, la Cour ne peut que constater que celles-ci sont complètes, et intelligibles tant au strict point de vue grammatical ou lexical, que dans leur contenu qui, s'il est certes complexe eu égard à la nature même du prêt, n'en reste pas moins compréhensible par l'emprunteur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ayant recours à ce type d'opération immobilière et de financement immobilier.
Le fait que l'emprunt porte sur des francs suisses, que le montant à rembourser porte sur des francs suisses mais que les versements au titre des remboursement doivent être effectués en euros, est mentionné à plusieurs reprises en diverses occasions des stipulations contractuelles. (« Opérations de change », « remboursement de votre crédit », « Tableau d'amortissement », « informations relatives aux opérations de change qui seront réalisées dans le cadre de la gestion de votre crédit »). Ainsi est il également expressément expliqué la nécessité de disposer d'un compte interne en francs suisses et d'un compte interne en euros, de même qu'il est expliqué que la variation du taux de change peut entraîner un amortissement plus ou moins rapide du capital prêté, et, compte tenu du caractère fixe de l'échéance payable en euros, un raccourcissement ou au contraire un allongement de la durée du prêt.
Il est expressément indiqué aux emprunteurs que dans cette dernière hypothèse, le rallongement de la durée du prêt, et donc des montants payés, peut aller jusqu'à cinq ans et que la variation du taux de change peut entraîner également des modifications dans le calcul des échéances des années supplémentaires, afin de ne pas dépasser cinq ans de remboursement supplémentaires.
Ces indications sont donc de nature à permettre à l'emprunteur, non seulement de comprendre que la variation du cours de l'euro par rapport au franc suisse va avoir une incidence sur le montant en capital amorti à chaque échéance, mais également de se rendre compte que cette incidence peut être rapidement importante.
En effet le risque inhérent à ce type d'emprunt est explicité par le biais des indications figurant au contrat, et plus concrètement, deux exemples de modification de la durée de remboursement et du coût total du crédit sont donnés dans l'offre préalable de crédit, permettant de se rendre compte de l'ampleur possible des variations des montants dus.
L'examen de ces deux exemples permet ainsi à l'emprunteur de réaliser qu'une baisse de valeur de l'euro par rapport au franc suisse de 0,08 point ( de un euro valant 1,5114 francs suisses à un euro valant 1,4314 francs suisses) a déjà à elle seule pour conséquence de faire passer le nombre des échéances de remboursement, hors période de différé, de 276 à 297 mois outre une mensualité de 996,76 euros, ce qui représente une différence de (1179,82 X 297) – (1179,82 X 276) = 24.776,22 € supplémentaires, plus 996,76 € résiduels.
A l'inverse, une hausse de la valeur de l'euro de 0,08 point fait baisser le nombre d'échéances de remboursement de 276 à 258 dont une résiduelle de 411,44 €.
Enfin, une baisse de valeur de l'euro de 0,16 point (de 1,5914 franc suisse pour un euro à 1,4314 franc suisse) a pour conséquence de faire passer le coût total du crédit, assurance comprise, de 93.965,41 € à 141.876,69 € soit une différence de 47.911,28 €.
Ces exemples chiffrés illustrent suffisamment qu'une variation de cours pouvant paraître de peu d'importance a immédiatement une répercussion importante sur le montant du capital amorti, sur la durée de remboursement du prêt, et sur le coût total du crédit.
Au vu de ces exemples chiffrés et des indications données dans l'offre et précédemment rappelées, la cour considère que la clause dite « d'indexation » en réalité d'emprunt en franc suisse, et l'ensemble des modalités de remboursement en découlant, est rédigée de façon suffisamment claire, intelligible et détaillée, est illustrée de façon suffisamment concrète, notamment en ce que les exemples donnés permettent de se rendre compte de la réalité et de l'importance des conséquences de la variation de taux, et répond ainsi aux exigences telles qu'elles résultent de la jurisprudence de la CJUE précédemment rappelée.
Elle contient en l'occurrence des informations suffisamment claires et complètes pour qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en particulier eu égard à la nature de l'opération immobilière envisagée, puisse évaluer les conséquences économiques pouvant découler d'une clause d'emprunt de francs suisses sur ses obligations financières.
Dans ces conditions, la clause critiquée apparaissant claire et compréhensible, et dès lors qu'elle concerne l'objet principal du contrat, il n'y a pas lieu de la considérer comme abusive, au sens de la jurisprudence de la CJUE comme de l'article L.132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la signature du contrat.
Il convient dès lors de débouter les époux W... de leur demande en tant qu'elle est fondée sur le caractère abusif de la clause figurant au contrat qui concerne l'objet principal de celui-ci, et plus généralement de l'ensemble de leurs demandes, tant en principal qu'en dommages et intérêts.

ALORS QU'une clause relative à l'objet principal du contrat peut faire l'objet d'un contrôle de son caractère abusif lorsqu'elle n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible ; qu'en se bornant à relever que l'emprunteur avait été clairement et objectivement informé par les offres de prêt et leurs annexes, notamment une notice illustrant les conséquences d'une variation du taux de change par des exemples chiffrés, sans rechercher, comme elle y était invitée et comme l'exige la Cour de justice de l'Union européenne, si l'exemple chiffré présenté permettait d'envisager un décrochage aussi important que celui qui s'est produit, et de mesurer l'ampleur du risque pour la période du prêt où les mensualités ne sont plus plafonnées, ni si le contrat de prêt avertissait l'emprunteur qu'il supportait un risque de change pouvant rendre difficilement supportable le paiement des échéances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à l'espèce.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-10.689
Date de la décision : 11/03/2020
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Première chambre civile, arrêt n°19-10.689 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 11 mar. 2020, pourvoi n°19-10.689, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10.689
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award