CIV. 1
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 mars 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10124 F
Pourvoi n° U 19-12.444
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2020
Mme D... H..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 19-12.444 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son [...], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations écrites de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme H..., après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme H... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme H... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme H...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Madame H... E... fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR dit que Mme H... née le [...] à El Bagour n'est pas de nationalité française,
AUX MOTIFS QUE « le ministère public représenté à l'audience par Mme A..., substitut général (
) vu les dernières conclusions du ministère public notifiées au greffe le 22 février 2017 qui demande à la cour de déclarer l'acte d'appel caduc, subsidiairement de confirmer le jugement et d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil » ;
ALORS QUE les conclusions écrites du ministère public doivent être communiquées en temps utile afin que les parties soient mises à même d'en débattre contradictoirement, même lorsqu'elles sont présentées oralement à l'audience ; qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt que les conclusions écrites du ministère public datées du 22 février 2017 ont été communiquées à Mme H..., afin qu'elle puisse y répondre utilement ; que la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 15 et 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Madame H... fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR dit que Mme H... née le [...] à El Bagour n'est pas de nationalité française,
AUX MOTIFS QUE « considérant qu'il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 28 novembre 2017 ; que la déclaration d'appel n'est pas caduque et que les conclusions de Mme D... H... sont donc recevables ; que considérant qu'en application de l'article 30 alinéa P' du code civil, il appartient à celui qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, lorsqu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom, conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du code civil ; Considérant que conformément à l'article 47 du code civil, « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » ; que nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française s'il ne justifie pas d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil fiables au sens de cet article ; Considérant que Mme D... H..., se disant née le [...] à El Bagour (Egypte), soutient qu'elle est française par filiation paternelle, son père, W... Q... H..., né le [...] à Abschiseh (Egypte), ayant acquis la nationalité française par déclaration souscrite le 25 août 1980 devant le juge d'instance du 20e arrondissement de Paris et qu'elle est issue du mariage de celui-ci avec sa mère, R... I... W... K..., célébré selon la forme coutumière en Egypte le 1er février 1984 ; que considérant que le ministère public soutient devant la cour d'appel que Mme D... H... ne justifie pas d'une filiation légitime ; que considérant qu'en effet, la transcription consulaire de l'acte de mariage de W... Q... H... et de R... K..., effectuée le 15 juin 2009 à la demande de l'époux, indique que le mariage a été célébré le 19 décembre 2008 à Bassous (Egypte), soit postérieurement à la naissance de l'appelante ; que cette mention a été également portée sur l'acte de naissance établi à Nantes de W... H... ; que Mme D... H... soutient qu'en réalité, elle serait née du mariage de ses parents, célébré en la forme coutumière le 1er février 1984, qu'elle produit un document intitulé « contrat de mariage coutumier » daté du le 1er février 1984 ainsi que la copie d'un "acte de confirmation de mariage" daté du 19 décembre 2008 ; Mais considérant, comme le relève à juste titre le ministère public, que la preuve du mariage coutumier invoqué n'est pas rapportée en l'absence de copies certifiées conformes des actes originaux en arabe et de leur traduction, par l'autorité compétente pour les délivrer, les seules mentions apposées l'ayant été à Paris par une personne dont l'identité et la qualité sont inconnues ; qu'au surplus, le document intitulé « contrat de mariage coutumier »produit par Mme D... H... devant la cour diffère sensiblement de celui qu'elle avait produit devant les premiers juges lequel mentionnait que "ce contrat légal est conclu en conformité avec les désirs des deux mariés, et en attendant la préparation des documents nécessaires pour légaliser ce mariage devant l'organisme official (sic) compétent", mention non reprise dans la pièce produite devant la cour d'appel ; que considérant qu'au surplus, W... H... a épousé au Caire le 26 décembre 1979, T..., L... S..., de nationalité française, et acquis la nationalité française par mariage par déclaration souscrite le 25 août 1980 ; qu'à la date du mariage coutumier allégué en Egypte le 1er février 1984, le père de l'intéressée, de nationalité française, était dans les liens d'un précédent mariage non dissous ; Considérant que ce mariage coutumier qui aurait été contracté par un époux Français en état de bigamie, prohibé par l'article 147 du code civil, serait en tout cas inopposable en France comme contraire à la conception française de l'ordre public international ; que Mme D... H... ne saurait invoquer l'effet de ce mariage pour l'établissement de sa nationalité française ; que considérant enfin que W... H... a reconnu à Paris le 13 septembre 2005 Mme D... H..., soit postérieurement à la majorité de l'intéressée ; que considérant que Mme D... H... ne justifiant d'aucune filiation légalement établie à l'égard d'un parent de nationalité française durant sa minorité, le jugement qui a dit qu'elle n'avait pas la nationalité française sera confirmé » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le récépissé justifiant de l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré le 5 décembre 2014 ; que la demande est donc régulière à cet égard ; que par application de l'article 30 du code civil, il appartient à Madame D... H..., qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française sont remplies ; que son action déclaratoire étant fondée sur les dispositions de l'article 18 du code civil, il lui incombe de prouver, d'une part, la nationalité française de son père au jour de sa naissance et, d'autre part, un lien de filiation légalement établi à l'égard de ce dernier, ce, avant sa majorité, afin de pouvoir produire effets sur la nationalité conformément aux exigences de l'article 20-1 de ce code, et au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du même code ; qu'en l'espèce, la nationalité française de Monsieur W... H..., acquise par déclaration souscrite le 25 août 1980 devant le juge d'instance du 20e arrondissement de Paris, sur le fondement de l'article 37.1° du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, n'est pas contestée ; que s'agissant de l'établissement de la filiation paternelle de la demanderesse, il convient de constater que cette dernière produit, pour démontrer l'existence d'un mariage coutumier contracté par ses parents allégués avant sa naissance, un contrat de mariage coutumier en date du 1er février 1984, produit en simple photocopie, précisant notamment que "ce contrat légal est conclu en conformité avec les désirs des deux mariés, et en attendant la préparation des documents nécessaires pour légaliser ce mariage devant l'organisme officiel compétent" ; qu'or, il résulte de la matérialité de l'acte produit, ainsi que de ses propres énonciations, que sa portée juridique et sa nature sont incertaines ; qu'en outre, l'ensemble des actes d'état civil produits font état d'un mariage de Monsieur W... H..., né le [...] à Abschisch, et de Madame R... K..., née le [...] à El Bagour, contracté à Bassous (Egypte) le 19 décembre 2008, et notamment le livret de famille des époux délivré par le consulat général de France au Caire, la copie de la transcription de l'acte de naissance de Monsieur W... H... par le service central de l'état civil de Nantes délivrée le 24 octobre 2012, ou encore la copie de la transcription de l'acte de mariage par le service central de l'état civil de Nantes en date du 15 juin 2009 qu'il s'en déduit que le mariage des parents prétendus de l'intéressée a été contracté à Bassous (Egypte) le 19 décembre 2008, conformément aux actes d'état civil probants produits aux débats, et non le 1er février 1984, soit après la naissance de la demanderesse ; que cette dernière prétend en outre justifier de sa filiation paternelle en invoquant une demande de transcription" de sa naissance par son père durant sa minorité et bien avant la reconnaissance faite par ce dernier à Paris 2ème le 13 septembre 2005, dont il n'est pas contesté qu'elle ne saurait emporter d'effets sur sa nationalité ; qu'à cette fin, elle produit une traduction de son acte de naissance faisant mention de son inscription dans le registre de [...] le 14 mars 1987 sous le n° 76, indiquant qu'elle est née le [...] de Monsieur W... H... et de Madame R... K..., sans précision quant au déclarant que de même, la copie intégrale de son acte de naissance dressé sous le [...], mentionne ses père et mère sans indication du nom du déclarant et précisant cette fois que sa naissance aurait été enregistrée le 7 mars 1987 ; qu'outre le fait que les actes produits divergent quant à la date de l'enregistrement de la naissance de la demanderesse, il convient de constater que le père n'est nulle part mentionné comme déclarant et que le document portant "demande de transcription d'une naissance sur les registres de l'état civil", daté du 13 mars 2008, ne saurait établir que ce dernier a déclaré la naissance de l'enfant, événement dont la preuve ne peut résulter que d'un acte d'état civil ou d'une copie certifiée conforme du registre, qui fait défaut ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la preuve du lien de filiation paternelle n'est pas rapportée faute d'établissement d'un mariage des parents antérieur à la naissance de la demanderesse ou d'une reconnaissance par le père avant sa majorité ; qu'en conséquence, Madame D... H... échouant à faire la preuve qu'elle est née d'un père français, sa demande sera rejetée, son extranéité sera constatée et les dépens seront mis à sa charge » ;
1°) ALORS QUE l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, conformément à l'article 561 du code de procédure civile ; que les parties peuvent produire de nouvelles pièces en cause d'appel ; qu'en motivant sa décision exclusivement par adoption des motifs du premier juge concernant l'établissement de la filiation de Mme H... par la production de son acte de naissance, sans examiner la pièce nouvelle produite en appel, à savoir, le jugement du 22 mars 2016 (pièce n° 19) enjoignant l'autorité administrative de rectifier l'erreur matérielle entachant ses actes de naissance produits en première instance, la cour d'appel a violé les articles 561 et 563 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les juges d'appel doivent examiner les pièces nouvelles qui leur sont soumises ; qu'en s'abstenant d'examiner la pièce numéro 19, correspondant à un jugement du 22 mars 2016, nouvelle en appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la nationalité française de M. H..., acquise par déclaration souscrite le 25 aout 1980 devant le juge d'instance du 20e arrondissement de Paris ; qu'en énonçant, pour considérer que la filiation de Mme H... à l'égard de M. H... n'était pas établie par les copies de son acte de naissance, qu'ils ne faisaient pas mention du nom du déclarant, sans rechercher, quelle était la loi personnelle de la mère de Mme H..., au jour de sa naissance, ni son contenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 du code civil ;
4°) ALORS QUE, en tout état de cause, est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la nationalité française de M. H..., acquise par déclaration souscrite le 25 août 1980 devant le juge d'instance du 20e arrondissement de Paris ; qu'en énonçant, pour considérer que la filiation de Mme H... à l'égard de M. H... n'était pas établie par les copies de son acte de naissance, qu'ils ne faisaient pas mention du nom du déclarant, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la loi égyptienne ne prévoyait pas que la seule mention du nom du père sur l'acte de naissance permet d'établir une filiation paternelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 du code civil ;
5°) ALORS QUE tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que la cour d'appel a relevé que Mme H... a produit des actes de confirmation du mariage de ses parents ; qu'en n'appliquant pas la présomption prévue par l'article 47 du code civil à ces actes, sans relever qu'ils seraient irréguliers, falsifiés, ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité, la cour d'appel a violé pour refus d'application l'article 47 du code civil ;
6°) ALORS QUE les juges doivent viser et analyser, fut-ce sommairement, les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu'en affirmant qu'à la date du mariage coutumier allégué en Egypte le 1er février 1984, le père de l'intéressée de nationalité française était dans les liens d'un précédent mariage non dissous, sans viser la pièce sur laquelle elle s'est fondée pour retenir ce fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE la conception française de l'ordre public ne saurait être opposée pour priver d'effet un mariage, qui n'a pas été annulé, invoqué afin d'établir le lien de filiation des enfants issus de cette union, dans le cadre d'un débat sur leur nationalité ; qu'en jugeant le contraire, pour priver d'effet le mariage coutumier des parents de Mme H..., la cour d'appel a violé les articles 18 et 147 du code civil.