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26/02/2020 | FRANCE | N°18-13.878

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 26 février 2020, 18-13.878


COMM.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 février 2020




Rejet non spécialement motivé


Mme MOUILLARD, président



Décision n° 10075 F

Pourvoi n° H 18-13.878




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 FÉVRIER 2020

La Caisse régionale de crédit agricole mu

tuel Alpes Provence, société coopérative de crédit, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 18-13.878 contre les arrêts n° RG : 12/22219 rendus les 15 janvier 2015 et 18 ...

COMM.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Rejet non spécialement motivé

Mme MOUILLARD, président

Décision n° 10075 F

Pourvoi n° H 18-13.878

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 FÉVRIER 2020

La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence, société coopérative de crédit, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 18-13.878 contre les arrêts n° RG : 12/22219 rendus les 15 janvier 2015 et 18 janvier 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre C), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. F... FC..., domicilié [...] ,

2°/ à Mme U... L... N..., épouse I..., domiciliée [...] ,

3°/ à M. Y... S...,

4°/ à Mme U... CX... , épouse S...,

tous deux domiciliés [...] ,

5°/ à Mme A... W..., domiciliée [...] ,

6°/ à M. L... W..., domicilié [...] ,

7°/ à M. M... X..., domicilié [...] ,

8°/ à Mme E... H..., épouse T..., domiciliée [...] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière d'P... Q..., veuve H...,

9°/ à Mme B... G..., domiciliée [...] ,

10°/ à Mme C... O..., veuve J..., domiciliée [...] ,

11°/ à Mme C... OL... M..., domiciliée [...] ,

12°/ à Mme D... K..., domiciliée [...] ,

13°/ à Mme C... R..., domiciliée [...] ,

14°/ à Mme SX... LO..., domiciliée [...] ,

15°/ à M. OR... JE..., domicilié [...] ,

16°/ à M. LF... LV..., domicilié [...] ,

17°/ à Mme IY... II..., domiciliée [...] ,

18°/ à M. SD... CH... K..., domicilié [...] ,

19°/ à M. FN... BY... , domicilié [...] ,

20°/ à Mme NR... VK..., épouse XZ... , domiciliée [...] ,

21°/ à M. BK... XZ... , domicilié [...] ,

22°/ à Mme QT... S..., épouse KY..., domiciliée [...] ,

23°/ à Mme HV... II..., épouse QS..., domiciliée [...] ,

24°/ à M. GR... HQ...,

25°/ à Mme DK... SP..., épouse HQ...,

tous deux domiciliés [...] ,

26°/ à Mme EI... FD..., épouse KZ..., domiciliée [...] ,

27°/ à M. GW... ER..., domicilié [...] ,

28°/ à Mme RO... PJ..., veuve LG..., domiciliée [...] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de E... LG...,

29°/ à Mme P... IN..., domiciliée [...] ,

30°/ à M. QB... RK..., domicilié [...] ,

31°/ à M. KS... AT...,

32°/ à Mme LI... VX..., épouse AT...,

tous deux domiciliés [...] ,

33°/ à Mme U... BO..., domiciliée [...] ,

34°/ à M. VT... QW..., domicilié [...] ,

35°/ à Mme IV... UJ..., épouse NU..., domiciliée [...] ,

36°/ à M. BK... FN..., domicilié [...] ,

37°/ à Mme KD... JL..., épouse WX..., domiciliée [...] ,

38°/ à M. CA... FN..., domicilié [...] ,

39°/ à M. ID... XN..., domicilié [...] ,

40°/ à Mme MG... N..., domiciliée [...] ,

41°/ à M. OR... GU... , domicilié [...] ,

42°/ à M. KD... SU..., domicilié [...] ,

43°/ à M. BK... OR... GX..., domicilié [...] ,

44°/ à Mme U... QU..., épouse GX..., domiciliée [...] ,

45°/ à Mme A... TA..., épouse QG..., domiciliée [...] ,

46°/ à Mme A... M..., épouse UG..., domiciliée [...] ,

47°/ à M. FK... QQ..., domicilié [...] ,

48°/ à M. GW... QQ..., domicilié [...] ,

49°/ à Mme SX... SE..., épouse QQ..., domiciliée [...] ,

50°/ à Mme P... DT..., épouse DN..., domiciliée [...] ,

51°/ à Mme XQ... HI..., domiciliée [...] ,

52°/ à M. XF... SV..., domicilié [...] ,

53°/ à M. GW... RH...,

54°/ à M. PE... RH...,

tous deux domiciliés [...] ,

55°/ à Mme NJ... YD..., épouse NP..., domiciliée [...] ,

56°/ à M. BK... L... TX..., domicilié [...] ,

57°/ à Mme SX... U..., épouse GJ..., domiciliée [...] ,

58°/ à Mme VO... GJ..., épouse LB..., domiciliée [...] ,

59°/ à Mme PK... II..., épouse TQ..., domiciliée [...] ,

60°/ à M. MY... GJ..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de E... EV...,

61°/ à Mme C... GJ..., domiciliée [...] , prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de E... EV...,

62°/ à M. OO... GJ..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de E... EV...,

63°/ à Mme U... QH..., domiciliée [...] , en qualité de tutrice de M. VD... QH... et de M. OR... QH..., pris en leur qualité d'héritiers de E... EV...,

64°/ à Mme U... IL..., domiciliée [...] ,

65°/ à Mme FA... DI..., domiciliée [...] , prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de BX... DI...,

66°/ à M. HP... DI..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de BX... DI...,

67°/ à M. DU... DI..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de BX... DI...,

68°/ à Mme WK... SP..., épouse EO..., domiciliée [...] , prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de BX... DI...,

69°/ à M. KM... CS..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de BX... DI...,

70°/ à M. BK... PN..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de BX... DI...,

71°/ à M. NQ... PN..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de BX... DI...,

72°/ à M. BK... L... FD..., domicilié [...] ,

73°/ à M. HP... XG..., domicilié [...] ,

74°/ à Mme EI... TH..., épouse YX..., domiciliée [...] ,

75°/ à Mme A... OX..., domiciliée [...] ,

76°/ à M. IV... E..., domicilié [...] ,

77°/ à M. WN... K..., domicilié [...] ,

78°/ à M. IV... LV..., domicilié [...] ,

79°/ à M. PK... QS..., domicilié [...] ,

80°/ à Mme C... KZ..., domiciliée [...] ,

81°/ à M. PA... WI..., domicilié [...] ,

82°/ à Mme NJ... NP..., épouse N..., domiciliée [...] ,

83°/ à l'Association pour le soutien au handicap mental et psychique, dont le siège est [...] , prise en qualité de tutrice de Mme VT... TY..., tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de KQ... XI..., veuve TY...,

84°/ à l'Association tutélaire de protection (ATP) Méditerranée, dont le siège est [...] , prise en qualité de tutrice de M. BK... B... TY..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de KQ... XI..., veuve TY...,

85°/ à M. WH... TY..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de KQ... XI..., veuve TY... et de TT... TY..., veuve II...,

86°/ à M. JL... TY..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de KQ... XI..., veuve TY..., et de TT... TY..., veuve II...,

87°/ à Mme OK... TY..., domiciliée [...] , prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de KQ... XI..., veuve TY... et de TT... TY..., veuve II...,

88°/ à Mme WF... PL..., épouse GJ..., domiciliée [...] ,

89°/ à M. WH... II..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de JL... II...,

90°/ à Mme BX... II..., domiciliée [...] , prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de JL... II...,

91°/ à Mme FA... II..., domiciliée [...] , prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de JL... II...,

92°/ à Mme VT... U..., domiciliée [...] ,

93°/ à Mme MH... DY... , veuve LV..., domiciliée [...] ,

94°/ à M. KS... GJ..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. F... FC... et des quatre-vingt-treize autre défendeurs, et l'avis de M. Richard de la Tour, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Richard de la Tour, premier avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société coopérative de crédit Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence et la condamne à payer à M. F... FC... et aux quatre-vingt-treize autre défendeurs, représentés par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, la somme globale de 5 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision confirmative attaquée d'avoir condamné la CRCAM à payer diverses sommes aux victimes du docteur OS... en réparation de leur préjudice matériel ;

aux motifs propres que « il sera précisé que les premiers juges, après avoir rappelé qu'un banquier n'a pas, en principe, à s'ingérer dans le fonctionnement du compte de son client, dont il doit respecter la vie privée et les choix de dépense et d'investissement, ont également rappelé que ce principe comporte une limite, lorsque le compte fonctionne de façon manifestement anormale ; qu'en pareil cas, il appartient au banquier de faire preuve de vigilance pour éviter que des irrégularités manifestes et apparentes facilement détectables par une banque normalement diligente ne soient commises par le titulaire du compte, faute de quoi il engage sa responsabilité à l'égard des victimes d'agissements dus à son manque de vigilance ;
Qu'en l'espèce, les premiers juges ont considéré que l'importance des opérations enregistrées sur le compte de M. OS... en 2005, 2006 et les trois premiers mois de l'année 2007, soit 3.135.351 euros au titre des opérations débitrices (dont 2.420.831 euros de chèques émis et 515.370 euros de retraits d'espèces) et 3.120.735 euros au titre des opérations créditrices (dont 2.778.726 euros de chèques encaissés et 226.750 euros d'espèces déposées), rapportées aux honoraires tirés de l'activité professionnelle de M. OS... au cours de la même période, soit 235.634 euros, constituait une anomalie aisément décelable à la simple lecture des relevés de banque, révélant la mise en place d'un système dit de cavalerie bien connu des banques ;
Que les premiers juges ont également retenu qu'au cours des 27 mois considérés, le Crédit agricole avait délivré à M. OS... un total de 86 chéquiers de 25 formules chacun, soit 2.150 formules de chèques ; qu'ils ont considéré que le Crédit agricole aurait dû mettre fin au fonctionnement anormal du compte en refusant de délivrer de nouveaux chéquiers, tant que les anciens chèques remis à M. OS... n'avaient pas été encaissés ;
Que concernant la connaissance que le Crédit agricole pouvait avoir de l'anomalie de la situation, les premiers juges ont encore souligné que le paiement de certains chèques présentés à l'encaissement n'a été effectué in extremis que grâce à un ou plusieurs chèques remis le même jour et portés au crédit du compte, ce qui indique sans ambiguïté possible que M. OS... était avisé par la banque ou l'un de ses employés de la nécessité de couvrir la position débitrice de son compte dans la journée ;
Attendu que par l'arrêt avant dire droit du 15 janvier 2015, le Crédit agricole a été invité à justifier du nombre des chéquiers qu'il a remis à M. U... OS... chaque année depuis 1999 et de produire les relevés du compte de ce dernier depuis lors ou à tout le moins, si cela ne lui est pas possible, depuis janvier 2003 afin de permettre la discussion sur la date à partir de laquelle la fourniture de nouveaux chéquiers doit être qualifiée de fautive ;
Attendu que le Crédit agricole a fait connaître qu'il n'était pas en mesure de fournir les éléments demandés, au motif qu'il avait détruit ses archives bancaires ; qu'il a toutefois fourni un listing informatique d'où il ressort que 7 chéquiers ont été délivrés en 2000, 21 en 2001, 16 en 2002, 32 en 2003, le nombre étant inconnu à partir de l'année 2004 ; que ceux-ci viennent s'ajouter aux chéquiers dont le nombre a été relevé par l'expert judiciaire mandaté dans le cadre de l'enquête pénale, M. BK... SD..., à savoir, 33 en 2005, 49 en 2006 et 4 en 2007 ;
Attendu que le Crédit agricole, appelant, fait valoir que le reproche qui lui est fait consiste à avoir manqué à un devoir de vigilance, en ne procédant pas à une analyse plus poussée des mouvements du compte bancaire de M. OS... et en ne sollicitant pas les explications nécessaires ;
Qu'il rappelle que, tenu par le principe de non-immixtion ou de non-ingérence, il n'avait pas à surveiller les comptes de son client pour y déceler d'éventuelles opérations inhabituelles ou anormales, sa seule obligation en la matière relevant de la lutte contre le blanchiment pour des opérations d'un montant de plus de 150.000 euros, montant qui n'est pas concerné par les opérations en cause ; que pour le reste, le banquier n'est tenu d'un devoir de vigilance qu'en présence d'anormalités apparentes, tel que la falsification d'un chèque ou un défaut de signature, ce qui n'a jamais été allégué au cas particulier ;
Qu'il considère par ailleurs que la cause du préjudice des demandeurs réside dans le défaut de provision des chèques, lesquels ont été remis dans le cadre d'une escroquerie visant à obtenir des victimes la remise de fonds ; qu'il fait valoir qu'il ne peut être tenu pour responsable du défaut de provision, n'ayant pas connaissance de la création d'un chèque et moins encore de son montant jusqu'à ce qu'il soit présenté à l'encaissement ;
Qu'il observe qu'en prêtant des fonds à M. OS..., les demandeurs ne pouvaient ignorer que celui-ci n'était pas en possession de telles sommes, et que donc, les chèques remis étaient sans provision ; qu'il estime que les demandeurs ne peuvent lui reprocher d'avoir permis à M. OS... d'émettre des chèques sans provision, alors qu'ils ont eux-mêmes accepté de recevoir des chèques qu'ils savaient sans provision ;
Qu'en outre, il relève que les chèques remis étaient irréguliers, en l'absence de date, ou en présence d'une date inscrite a posteriori par une autre main, de sorte qu'il aurait dû les refuser de ce seul fait s'ils avaient été présentés à l'encaissement, même si le compte présentait une provision suffisante ; qu'il en est de même des chèques ne comportant pas le nom du bénéficiaire ou sur lesquels une mention apocryphe, précisant ce bénéficiaire, a été portée ; que d'autres, enfin, étant anciens, avaient perdu toute valeur cambiaire ; que le Crédit agricole estime ainsi qu'il ne peut se voir reprocher le défaut de paiement de chèques dépourvus de valeur cambiaire ;
Qu'il ajoute que les chèques ont été dévoyés de leur fonction cambiaire, en étant utilisés comme titre de garantie, ce dont il affirme ne pas avoir eu connaissance ;
Que s'agissant de la date à laquelle la délivrance de nouvelles formules de chèque pourrait être considérée comme fautive, le Crédit agricole considère que l'anormalité n'a été consommée qu'à compter du moment où le compte de M. OS... a fonctionné au-delà de son découvert autorisé, c'est à dire à compter du mois de mars 2007 ; qu'il rappelle qu'aucun règlement, norme bancaire ni règle prudentielle ne limite le nombre de formules de chèques à remettre à un client, les seules limites à la délivrance d'un chéquier étant l'inscription au FICP et une position débitrice du compte au-delà du découvert autorisé ;
Mais attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu, à l'encontre du Crédit agricole une faute consistant dans un défaut de vigilance face à un fonctionnement manifestement anormal du compte de M. OS... ;
Qu'il suffit d'ajouter, au vu des réponses apportées par le Crédit agricole à la demande de la cour, que la délivrance de formules de chèque en nombre très important est un phénomène ancien, ayant précédé la période visée par les demandes dont la cour est saisie de plusieurs années, puisque 69 chéquiers ont, au total, été délivrés entre 2001 et 2003, soit un total de 1.725 formules de chèques en considérant que les chéquiers délivrés comportaient 25 formules ; que la cour ne peut, par ailleurs, que s'étonner que la Crédit agricole ne soit pas en mesure de fournir d'indications concernant l'année 2004 ;
Qu'ainsi l'anomalie constituée par la délivrance de chéquiers en très grand nombre est un phénomène qui remontait déjà à plusieurs années à l'époque où les chèques objets de la présente procédure ont été remis aux victimes de M. OS... ; que la cour considère de plus fort que le Crédit agricole aurait dû, dès avant l'année 2005, refuser de délivrer de nouvelles formules à M. OS..., compte tenu du nombre très important de chèques potentiellement en circulation et dont la plupart n'avait pas encore été portés à l'encaissement ;
Que la cour constate encore, au vu des relevés produits aux débats, que le compte de M. OS... était de manière chronique en position débitrice et que cette position se situait la plupart du temps à la limite du découvert autorisé ; qu'elle note également que les chèques émis et reçus l'étaient toujours pour des chiffres "ronds" relativement élevés, ne correspondant manifestement pas à des dépenses courantes ou à des honoraires perçus ; qu'enfin, M. OS... a fait usage à différentes reprises, parfois plusieurs fois au cours de la même journée, de cartes de retrait dites de dépannage, grâce auxquelles il a pu procéder à des retraits d'espèce au-delà du plafond de retrait dont il disposait ; que la délivrance manuelle de telles cartes de dépannage ne pouvait qu'attirer l'attention du guichetier et de la banque ;
Attendu que la remise de chèques aux victimes de M. OS..., en dépit du caractère illusoire de la garantie qu'elle pouvait leur conférer, est intervenue dans un rapport causal avec la remise des fonds, peu important que certaines mentions portées sur ces chèques n'aient pas été contemporaines de leur signature ; qu'en effet, en se voyant remettre un chèque signé de M. OS..., les victimes disposaient ainsi d'un titre de paiement qu'elles ont pu considérer comme plus efficace qu'une simple reconnaissance de dette ; que le fait même que M. OS... soit en mesure de tirer un chèque sur une banque connue et ayant une agence située à proximité était un indice de solvabilité apparente destiné à rassurer les victimes et à vaincre ainsi les dernières réticences ;
Qu'au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu à l'encontre du Crédit agricole une faute, intervenue dans un rapport causal avec le préjudice dont il est réclamé réparation ;
Sur la faute des victimes
Attendu que le Crédit agricole soutient que les victimes auraient participé à la réalisation de leur propre dommage en manquant de vigilance, notamment celles qui ont procédé à plusieurs versements et se sont vu remettre plusieurs chèques, et en recherchant des rémunérations anormalement élevées ;
Qu'il observe qu'un avocat a été consulté par certaines victimes et aurait déconseillé ce type d'opération ;
Qu'en réponse, les demandeurs en réparation font valoir qu'ils ont été mis en confiance par différents éléments, tenant à la profession de M. OS..., sa qualité d'expert judiciaire, et parfois incités à donner suite à ses sollicitations en raison, selon les cas, une situation de redevabilité au regard de services rendus antérieurement ou de l'existence d'une expertise en cours ; qu'ils soutiennent que, d'une manière générale, M. OS... a usé de leur vulnérabilité ; qu'ils notent que
M. OS... a choisi ses victimes, parmi lesquelles on ne dénombre aucun juriste ; que la remise d'un "chèque de garantie" a, enfin, eu raison de leurs dernières réticences ;
Attendu que le Crédit agricole, à qui il incombe de démontrer à l'encontre de chaque victime une faute, même d'imprudence, susceptible d'être intervenue dans la réalisation du dommage, se fonde sur les déclarations qu'elles ont faites individuellement devant les enquêteurs ou sur les commentaires formulés à leur propos par l'expert désigné dans le cadre de la procédure pénale ;
Que la cour, qui a procédé à l'examen de chacun des extraits cités, note en premier lieu, parmi les éléments mis en avant par le Crédit agricole, la répétition des prêts consentis par la plupart des victimes par M. OS... ; que cependant, cette répétition ne suffit, tout d'abord, pas à caractériser l'existence d'une faute d'imprudence dans les très nombreux cas où les victimes ont été incitées à procéder à une nouvelle remise après avoir été remboursées d'une remise précédente, la plupart du temps d'un montant moins important ; qu'il en est, ensuite, de même dans les autres cas, où les remises successives ont été rendues possibles par le recours à différents moyens de persuasion démontrant l'emprise que M. OS... exerçait sur ses victimes ; que plusieurs victimes indiquent, en effet, avoir été contraintes (Mme J...) par M. OS..., que celui-ci se montrait très insistant (M. GV..., M. K...), n'hésitant pas à harceler téléphoniquement ses victimes (M. SV..., Mme OL...) ou avait l'air plus affolé que précédemment (Mme G...), embêté financièrement (Mme II...) ; que plus généralement et ainsi que l'enquête l'a révélé, les victimes ont été sollicitées par M. OS... dans le contexte de l'exercice de sa profession, où il jouissait à la fois de la mise en confiance de ses patients et exerçait à leur égard l'ascendant lié à son statut social et professionnel ; que l'examen des déclarations faites par les victimes, loin de démontrer une légèreté fautive, révèle au contraire leur embarras à ne pas répondre aux sollicitations répétées de M. OS... ou la difficulté de résister à ses sollicitations, particulièrement pour les patients présentant un état dépressif (Mme G..., Mme KZ..., Mme GV..., Mme WX..., Mme OL..., Mme IL...) ;
Qu'en second lieu, le Crédit agricole n'est pas fondé à opposer aux victimes la recherche de profit indu pour caractériser une faute à leur encontre ; qu'il importe tout d'abord de constater que la très grande majorité de celles-ci évoquent des prêts ou des avances (Mme R..., M. XZ... ) ou une situation de redevabilité, et n'escomptait donc aucun profit direct ; que seules une minorité de victimes évoquent des taux de rémunération élevés allant de 15 % (Mme I...,
M. FN..., Mme YX... M. II...), à 18 % (Mme II..., Mme NU..., Mme N..., M. GX..., Mme XI..., Mme GJ...), voire 20 % (M. BY..., M. GE..., M. RH...) ; que la promesse de telles rémunérations participait de l'escroquerie en visant à vaincre les résistances des victimes ; qu'elle ne peut être retenue comme une circonstance fautive à l'encontre des victimes concernées, mais démontre au contraire leur crédulité, dont M. OS... a tiré avantage ;
Que la cour ne peut, enfin, manquer de constater que le Crédit agricole cite, pour démontrer que l'émission d'un chèque n'aurait pas été déterminante de la remise des fonds, de nombreuses déclarations d'où il résulte que M. OS... a, de façon plus ou moins directe, fait intervenir la promesse de certains avantages, tels que la mise en tête de liste pour obtenir une greffe (époux S...), l'évolution favorable d'une expertise en cours (Mme R..., époux GV..., M. IN..., M. RK...), ou encore l'obtention d'un signe GIG-GIC (Mme GX...), voire une sortie de maison d'arrêt (Mme DI...) ; que ces éléments démontrent l'emprise qu'exerçait M. OS... sur ses victimes, mais ne diminue en rien le rôle causal que constituait la remise d'un chèque en contrepartie des espèces soutirées aux victimes ainsi qu'il a été précédemment examiné ;

Qu'il résulte de ce qui précède que le Crédit agricole ne démontre pas, à l'encontre d'aucune des victimes, de faute de nature à atténuer ou exclure sa responsabilité » ;

et aux motifs adoptés que « il est de principe que la banque auprès de laquelle un client a ouvert un compte de dépôt n'a pas à s'ingérer dans le fonctionnement de ce compte dès lors qu'elle est tenue de respecter la vie privée de ce client et ses choix de vie, notamment ses choix de dépenses ou d'investissements. Cette règle constamment réaffirmée a toutefois une limite lorsque le compte en question fonctionne de manière manifestement anormale. Il appartient en effet à la banque de faire preuve de vigilance pour éviter que des irrégularités manifestes et apparentes facilement détectables par une banque normalement diligente ne soient commises par le titulaire du compte. Dans cette hypothèse, si de telles irrégularités sont la cause d'un préjudice subi par un ou des tiers, la banque engage sa responsabilité à leurs égards et doit réparer le préjudice qu'ils ont subis du fait de son manque de vigilance.
En l'espèce, l'expertise effectuée par le juge d'instruction dans le cadre de la procédure d'instruction a révélé qu'en 2005, 2006 et 2007, le total des transactions débitrices sur le compte du docteur OS... s'est élevé à 3.135.351€ (dont 2.420.831€ de chèques émis et 515.370€ de retraits d'espèces) pour 3.120.735€ de transactions créditrices (dont 2.778.726€ de chèques encaissés et 226.750€ d'espèces déposées).
Suite l'interdiction bancaire notifiée au docteur OS... début 2007, celui-ci a utilisé le compte bancaire de son épouse qui a enregistré d'avril à juillet 2007 des transactions importantes sans rapport avec la modicité des transactions antérieures puisque ce compte a été crédité par chèques de 99.346€ et débités de 75.444€ de chèques et de 36.600€ d'espèces pendant cette période.
Les honoraires tirés de l'activité professionnelle du docteur OS... encaissés sur le compte Crédit Agricole représentent 235.634€ au cours de cette période pour ceux qui ont été payés par chèques, soit 7.55% des opérations créditrices (235.634: 3.120.735).
Pendant ces 27 mois, le Crédit Agricole a délivré au docteur OS... 33 chéquiers en 2005, 49 chéquiers en 2006 et 4 chéquiers en 2007 avant son interdiction bancaire, soit un total de 86 chéquiers de 25 formules ou plus précisément encore 2150 chèques.
L'analyse détaillée des mouvements fait apparaître que les chèques remis aux parties civiles correspondent pour l'essentiel à des remboursements d'avances précédemment consenties au docteur OS... éventuellement assorties de paiement d'intérêts effectué en espèces. Ces chèques avaient pour objet de rembourser les multiples prêts contractés auprès de leurs bénéficiaires selon un système analogue à la pyramide de WT... caractérisé par le recours à de nouveaux emprunts effectués pour rembourser les plus anciens.

La lecture des relevés de compte fait en outre apparaître que certains chèques étaient payés par la banque au moyen de chèques déposés le jour même par le docteur OS..., ce qui permet de dire qu'il était prévenu par sa banque de ce que certains chèques étaient présentés à l'encaissement et qu'il faisait en sorte que le montant de ces chèques soit immédiatement couvert par des chèques déposés au crédit de son compte.
L'instruction a révélé que ce système existait depuis 1999, année au cours de laquelle le docteur OS... a commencé à emprunter de l'argent à ses patients pour faire face à ses difficultés financières en indiquant que les fonds prêtés seraient récupérables à tout moment. Mettant en avant sa qualité d'expert judiciaire, il avait pu capter la confiance de certains de ses patients en promettant aussi des taux d'intérêts élevés, voire très élevés avec paiement des intérêts en espèces et en remettant un chèque de dit de "caution" qui ne devait pas être encaissé sans qu'il n'ait été préalablement prévenu. Dans d'autres cas, il avait remis des reconnaissances de dettes manuscrites établies parfois sur des modèles d'ordonnance.
Ce système s'est écroulé lorsque le docteur OS... a été frappé d'une interdiction bancaire et lorsque la rumeur de son insolvabilité s'est ensuite peu à peu répandue. L'expert judiciaire désigné par le magistrat instructeur a évalué à 1.805.323€ le préjudice subi par les 103 victimes qu'il a identifiées.
Le docteur OS... a confirmé au cours de l'information ce système de cavalerie en indiquant qu'il acceptait de payer à certains préteurs des intérêts au taux maximum de 12 à 18% payés en espèces.
L'analyse globale de ces opérations permet de dire que le compte du docteur OS... a été crédité de sommes qui représentaient plus de 12 fois ses revenus en 2005, 2006 et 2007, que son compte était alimenté par des chèques remis par des particuliers dont le montant était souvent sans rapport avec le montant des honoraires dus par un patient à son médecin, que dans le même temps, le compte du Docteur OS... était débité de sommes très importantes sans rapport avec ses revenus et que l'ensemble de ces opérations n'a pu être mené que grâce à un système dit de cavalerie par lequel les derniers dépôts de chèques permettent de payer les chèques présentés à l'encaissement.
Pendant la période de 2005 à 2007 qui a fait l'objet d'investigations, ce système de cavalerie n'a pu exister que grâce à la délivrance des nombreux chéquiers remis par le Crédit Agricole utilisés pour remettre aux prêteurs des chèques dits de "caution" qui ne devaient pas être encaissés car bien entendu sans provision. Le Crédit Agricole a ainsi remis 86 chéquiers contenant 2150 chèques alors même que la majeure partie de ces chèques n'avait pas été encaissée, manquant ainsi à un devoir minimum de vigilance.
D'autre part, la simple lecture des relevés de compte permet de constater que l'on se trouve face à un système dit de cavalerie bien connu des banques, notamment en matière d'effets de commerces.

Ce système était facilement décelable à la seule lecture des relevés de compte sans qu'il soit besoin de procéder à une analyse complexe du fonctionnement du compte tant les faits étaient simples. Les sommes inscrites au crédit et au débit du compte professionnel représentaient en outre plus de dix fois le montant des revenus professionnels du docteur OS..., ce qui ne devait pas manquer de poser question au Crédit Agricole.
Enfin, le paiement de certains chèques présentés à l'encaissement n'a été effectué in extremis que grâce à un ou des chèques remis le jour même au crédit du compte, ce qui indique sans ambiguïté possible que le docteur OS... était avisé par la banque ou un de ses employés de la nécessité de couvrir la position débitrice de son compte dans la journée.
Au surplus alors que les difficultés financières du docteur OS... étaient connues de la banque qui venait de lui notifier une interdiction bancaire, le système de cavalerie qu'il avait mis en place sur son compte bancaire a été déplacé sur le compte de son épouse ouvert également au Crédit Agricole sans que la banque ne réagisse là aussi pendant plusieurs mois.
Il est donc possible de dire que le compte du docteur OS... ouvert au Crédit Agricole a fonctionné de façon absolument anormale pendant cette période et que la banque aurait dû mettre un terme à ce fonctionnement en refusant de délivrer de nouveaux chéquiers tant que les anciens chèques remis au docteur OS... n'avait pas été encaissés, ce qui aurait rendu impossible la poursuite du système de cavalerie qu'il avait mis en place grâce aux chéquiers qui lui avaient été délivrés.
Il n'est pas possible par contre de dire que les demandeurs ont commis une faute d'imprudence qui est en partie la cause de leurs préjudices sans tenir compte du contexte très particulier de cette affaire. D'une part, ces fautes sont en effet affirmées sans être démontrées. D'autre part, l'instruction pénale a permis de constater que le docteur OS... utilisait sa situation de médecin et d'expert auprès de la Cour d'appel pour exercer un ascendant psychologique sur ses patients et les escroquer dans le cadre de la relation de confiance qu'il établissait avec chacune de ses victimes.
Le Crédit Agricole sera en conséquence tenu de réparer le dommage subi par chacun des requérants du fait de son comportement fautif qui résulte d'un manque de vigilance » ;

alors 1°/ que le banquier n'est tenu d'une obligation de vigilance qu'à l'égard d'une opération présentant une anomalie apparente, tenant en échec le devoir de non-immixtion ; qu'en retenant comme fautifs d'une part, la remise de trop nombreuses formules de chèques à M. OS..., bien que les précédentes formules de chèques n'aient pas été présentées à l'encaissement et, d'autre part, le manque de vigilance de la CRCAM au regard de l'importance des opérations constatées sur le compte rapportées aux revenus de l'activité professionnelle de M. OS..., la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'anomalie apparente, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en la cause ;

alors 2°/ qu'en retenant comme fautive la remise de trop nombreux chéquiers à M. OS..., au prétexte que la banque aurait dû mettre fin au fonctionnement anormal du compte en refusant de délivrer de nouveaux chéquiers tant que les anciens chèques remis à M. OS... n'avaient pas été remis à l'encaissement, sans avoir caractérisé le fonctionnement anormal du compte autrement que par l'affirmation qu'une banque devrait refuser la remise de chéquiers à son client dès lors que les chèques issus anciens chéquiers dont il disposait n'avaient pas été remis à l'encaissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en la cause ;

alors 3°/ qu'en retenant comme fautif le manque de vigilance de la CRCAM au regard de l'importance des opérations constatées sur le compte rapportées aux revenus de l'activité professionnelle de M. OS..., bien que l'ensemble des chèques encaissés ou des espèces portées au crédit du compte avaient l'apparence de revenus professionnels, sans constater que la banque avait connaissance des revenus professionnels de M. OS..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en la cause ;

alors 4°/ qu'en énonçant que « l'importance des opérations enregistrées sur le compte de M. OS... en 2005, 2006 et les trois premiers mois de l'année 2007, soit 3.135.351 euros au titre des opérations débitrices (dont 2.420.831 euros de chèques émis et 515.370 euros de retraits d'espèces) et 3.120.735 euros au titre des opérations créditrices (dont 2.778.726 euros de chèques encaissés et 226.750 euros d'espèces déposées), rapportées aux honoraires tirés de l'activité professionnelle de M. OS... au cours de la même période, soit 235.634 euros, constituait une anomalie aisément décelable à la simple lecture des relevés de banque », quand il ne ressort pas de la lecture des relevés de compte le montant des honoraires tirés de l'activité professionnelle de M. OS..., rien ne venant distinguer les revenus professionnels des autres revenus, la cour d'appel a dénaturé lesdits relevés de banque en violation de l'article 1103 du code civil ;

alors 5°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a en toute hypothèse procédé par voie de simple affirmation, privant sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

alors 6°/ que ne constitue pas une anomalie apparente aisément décelable par le teneur de compte, tenu à non-immixtion, le fait qu'un compte ait été de manière chronique en position débitrice à la limite du découvert autorisé ou le fait que les chèques émis ou reçus l'étaient toujours pour des chiffres ronds relativement élevés ne correspondant pas à des dépenses courantes ou des honoraires perçus ; qu'en se fondant néanmoins sur de tels éléments pour juger que la banque avait commis une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en la cause ;

alors 7°/ qu'en énonçant que « le fait même que M. OS... soit en mesure de tirer un chèque sur une banque connue et ayant une agence à proximité était un indice de solvabilité apparente », quand il résultait des constatations des juges du fond que M. OS... ne « tirait » pas les chèques mais se contentait de distribuer des formules de chèques lesquelles précisément n'étaient pas destinées à être tirées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en la cause ;

alors 8°/ que le code monétaire et financier impose au banquier, quelle que soit la connaissance éventuelle de son client de l'insuffisance de provision d'un chèque qu'il se propose d'émettre, d'informer par tout moyen approprié mis à disposition par lui le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision avant de refuser le paiement d'un chèque ainsi présenté ; qu'en reprochant à la banque d'avoir avisé M. OS... d'avoir à couvrir la position débitrice de son compte dans la journée quand un chèque non provisionné se présentait, ce qui correspondait à une obligation légale de la banque, la cour d'appel a violé l'article L. 131-73 du code monétaire et financier ensemble l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en la cause.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision confirmative attaquée d'avoir condamné la CRCAM à payer diverses sommes aux victimes du docteur OS... en réparation de leur préjudice matériel et de l'avoir débouté de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que les demandeurs à l'action ont commis des fautes ayant participé à la réalisation de leur préjudice ;

aux motifs propres que « Sur la faute des victimes
Attendu que le Crédit agricole soutient que les victimes auraient participé à la réalisation de leur propre dommage en manquant de vigilance, notamment celles qui ont procédé à plusieurs versements et se sont vu remettre plusieurs chèques, et en recherchant des rémunérations anormalement élevées ;
Qu'il observe qu'un avocat a été consulté par certaines victimes et aurait déconseillé ce type d'opération ;
Qu'en réponse, les demandeurs en réparation font valoir qu'ils ont été mis en confiance par différents éléments, tenant à la profession de M. OS..., sa qualité d'expert judiciaire, et parfois incités à donner suite à ses sollicitations en raison, selon les cas, une situation de redevabilité au regard de services rendus antérieurement ou de l'existence d'une expertise en cours ; qu'ils soutiennent que, d'une manière générale, M. OS... a usé de leur vulnérabilité ; qu'ils notent que
M. OS... a choisi ses victimes, parmi lesquelles on ne dénombre aucun juriste ; que la remise d'un "chèque de garantie" a, enfin, eu raison de leurs dernières réticences ;
Attendu que le Crédit agricole, à qui il incombe de démontrer à l'encontre de chaque victime une faute, même d'imprudence, susceptible d'être intervenue dans la réalisation du dommage, se fonde sur les déclarations qu'elles ont faites individuellement devant les enquêteurs ou sur les commentaires formulés à leur propos par l'expert désigné dans le cadre de la procédure pénale ;
Que la cour, qui a procédé à l'examen de chacun des extraits cités, note en premier lieu, parmi les éléments mis en avant par le Crédit agricole, la répétition des prêts consentis par la plupart des victimes par M. OS... ; que cependant, cette répétition ne suffit, tout d'abord, pas à caractériser l'existence d'une faute d'imprudence dans les très nombreux cas où les victimes ont été incitées à procéder à une nouvelle remise après avoir été remboursées d'une remise précédente, la plupart du temps d'un montant moins important ; qu'il en est, ensuite, de même dans les autres cas, où les remises successives ont été rendues possibles par le recours à différents moyens de persuasion démontrant l'emprise que M. OS... exerçait sur ses victimes ; que plusieurs victimes indiquent, en effet, avoir été contraintes (Mme J...) par M. OS..., que celui-ci se montrait très insistant (M. GV..., M. K...), n'hésitant pas à harceler téléphoniquement ses victimes (M. SV..., Mme OL...) ou avait l'air plus affolé que précédemment (Mme G...), embêté financièrement (Mme II...) ; que plus généralement et ainsi que l'enquête l'a révélé, les victimes ont été sollicitées par M. OS... dans le contexte de l'exercice de sa profession, où il jouissait à la fois de la mise en confiance de ses patients et exerçait à leur égard l'ascendant lié à son statut social et professionnel ; que l'examen des déclarations faites par les victimes, loin de démontrer une légèreté fautive, révèle au contraire leur embarras à ne pas répondre aux sollicitations répétées de M. OS... ou la difficulté de résister à ses sollicitations, particulièrement pour les patients présentant un état dépressif (Mme G..., Mme KZ..., Mme GV..., Mme WX..., Mme OL..., Mme IL...) ;
Qu'en second lieu, le Crédit agricole n'est pas fondé à opposer aux victimes la recherche de profit indu pour caractériser une faute à leur encontre ; qu'il importe tout d'abord de constater que la très grande majorité de celles-ci évoquent des prêts ou des avances (Mme R..., M. XZ... ) ou une situation de redevabilité, et n'escomptait donc aucun profit direct ; que seules une minorité de victimes évoquent des taux de rémunération élevés allant de 15 % (Mme I...,
M. FN..., Mme YX... M. II...), à 18 % (Mme II..., Mme NU..., Mme N..., M. GX..., Mme XI..., Mme GJ...), voire 20 % (M. BY..., M. GE..., M. RH...) ; que la promesse de telles rémunérations participait de l'escroquerie en visant à vaincre les résistances des victimes ; qu'elle ne peut être retenue comme une circonstance fautive à l'encontre des victimes concernées, mais démontre au contraire leur crédulité, dont M. OS... a tiré avantage ;
Que la cour ne peut, enfin, manquer de constater que le Crédit agricole cite, pour démontrer que l'émission d'un chèque n'aurait pas été déterminante de la remise des fonds, de nombreuses déclarations d'où il résulte que M. OS... a, de façon plus ou moins directe, fait intervenir la promesse de certains avantages, tels que la mise en tête de liste pour obtenir une greffe (époux S...), l'évolution favorable d'une expertise en cours (Mme R..., époux GV..., M. IN..., M. RK...), ou encore l'obtention d'un signe GIG-GIC (Mme GX...), voire une sortie de maison d'arrêt (Mme DI...) ; que ces éléments démontrent l'emprise qu'exerçait M. OS... sur ses victimes, mais ne diminue en rien le rôle causal que constituait la remise d'un chèque en contrepartie des espèces soutirées aux victimes ainsi qu'il a été précédemment examiné ;
Qu'il résulte de ce qui précède que le Crédit agricole ne démontre pas, à l'encontre d'aucune des victimes, de faute de nature à atténuer ou exclure sa responsabilité » ;

et aux motifs adoptés qu'« il n'est pas possible par contre de dire que les demandeurs ont commis une faute d'imprudence qui est en partie la cause de leurs préjudices sans tenir compte du contexte très particulier de cette affaire. D'une part, ces fautes sont en effet affirmées sans être démontrées. D'autre part, l'instruction pénale a permis de constater que le docteur OS... utilisait sa situation de médecin et d'expert auprès de la Cour d'appel pour exercer un ascendant psychologique sur ses patients et les escroquer dans le cadre de la relation de confiance qu'il établissait avec chacune de ses victimes.
Le Crédit Agricole sera en conséquence tenu de réparer le dommage subi par chacun des requérants du fait de son comportement fautif qui résulte d'un manque de vigilance » ;

alors que la banque soutenait que le fait générateur du dommage, outre l'escroquerie commise par M. OS..., résidait dans l'imprudence des victimes ; que la faute de la victime s'apprécie au regard du fait de la victime et non du fait d'un tiers ; qu'en relevant uniquement des éléments relatifs au comportement de M. OS... pour en déduire que les victimes n'auraient commis aucune faute, sans rechercher si le comportement de chacune d'elles n'était pas constitutif de négligence ou d'imprudence, ainsi qu'il le lui était demandé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 18-13.878
Date de la décision : 26/02/2020
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, arrêt n°18-13.878 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 26 fév. 2020, pourvoi n°18-13.878, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.13.878
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