La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2020 | FRANCE | N°18-14089

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 février 2020, 18-14089


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 146 F-D

Pourvoi n° M 18-14.089

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2020

M. O... Y..., domicilié [...] , a

formé le pourvoi n° M 18-14.089 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2017 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'op...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 146 F-D

Pourvoi n° M 18-14.089

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2020

M. O... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 18-14.089 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2017 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. M... L..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

M. M... L... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Y..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. L..., après débats en l'audience publique du 7 janvier 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Richard, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 18 décembre 2017), M. Y... a été engagé le 15 avril 1996, en qualité de comptable, par M. L..., huissier de justice.

2. Il a été licencié pour faute grave le 3 avril 2014, après mise à pied conservatoire.

3. La cour d'appel a dit que l'employeur était M. L..., à titre personnel, confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné celui-ci à payer un rappel de salaire, des congés payés d'ancienneté et une indemnité conventionnelle de licenciement et infirmé le jugement en ce qu'il avait dit que le licenciement était fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, ordonné la remise des documents de fin de contrat et condamné l'employeur au paiement d'une indemnité de préavis. Enfin, la cour d'appel a dit que le licenciement du salarié était fondé sur une faute grave.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal du salarié, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à obtenir le paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement alors « que les juges ne peuvent dénaturer par omission les pièces produites au débat ; que la cour d'appel a considéré que le salarié ne justifiait pas avoir été en arrêt maladie au jour de son licenciement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand le salarié avait versé au débat des avis d'arrêt de travail et de prolongation portant notamment sur les périodes du 28 janvier 2014 au 14 février 2014, du 14 février 2014 au 14 mars 2014 et du 14 mars 2014 au 25 avril 2014, et donc au jour du licenciement intervenu le 3 avril 2014, la cour d'appel a dénaturé lesdites pièces par omission. »

Réponse de la cour

6. Le moyen qui, sous le couvert du grief de dénaturation, se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine des éléments de preuve par les juges du fond, qui ont estimé que le salarié ne justifiait aucunement avoir été en arrêt de travail pour maladie au jour de son licenciement, ne saurait être admis.

Mais sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt, après avoir dit que le licenciement du salarié était fondé sur une faute grave, de le condamner à verser à ce dernier une certaine somme à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement alors « que la faute grave est privative de l'indemnité de licenciement ; que la cour d'appel, qui, bien qu'elle ait jugé que le licenciement reposait sur une faute grave, a néanmoins condamné M. L... à verser à M. Y... la somme de 31 135,26 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le salarié ne pouvait prétendre à une telle indemnité, violant ainsi, par fausse application, l'article L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la cour

Vu l'article L. 1234-9 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 :

8. Selon ce texte, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

9. La cour d'appel, après avoir retenu que le licenciement était fondé sur une faute grave, a confirmé le jugement en ce qu'il a prononcé condamnation de l'employeur à payer au salarié une indemnité de licenciement.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. L... à payer à M. Y... la somme de 31 135,26 euros à titre d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 18 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement fondé sur une faute grave, et d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à obtenir le paiement d'une indemnité de préavis, les congés payés y afférents, et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : « Comme vous le savez, mon étude a fait l'objet d'un contrôle approfondi sur place par la Chambre nationale des huissiers les 20, 21 et, 22 janvier 2014. Cinq jours avant l'arrivée des contrôleurs, en votre qualité de comptable de l'étude, mais également en qualité de responsable administratif et financier, je vous ai instamment demandé d'être présent à ce contrôle pour pouvoir répondre à toute interrogation des inspecteurs. Vous avez été présent durant deux jours et demi mais avez brillé par votre absence le dernier jour, sans aucun motif. J'ai donc essayé de vous joindre, sans succès, car vous aviez coupé votre portable, alors que les inspecteurs tentaient également de vous joindre. J'ai été convoqué par la chambre nationale des huissiers de justice à l‘issue de ce contrôle, chambre qui m'a notifié un rapport le 5 mars 2014. Ce rapport est accablant, car il révèle beaucoup d'errements fautifs dans la gestion de l'étude, dont vous aviez pourtant la charge au titre de la délégation de pourvoir que je vous ai donné depuis le 1er octobre 2000. Je vous rappelle que cette délégation, outre votre poste de comptable, vous attribuait la fonction de responsable administratif et financier. À ce titre, l‘étude vous avait confié notamment : - la gestion du personnel, - la gestion administrative et financière. De par les pouvoir qui vous étaient conférés, vous perceviez une rémunération brute de 3 777 €, outre une prime brute pour délégation de pouvoir de 2 170 €, sans compter une prime bilan que vous vous êtes octroyée. Or le rapport fait état de ce que, s'agissant de la tenue de la comptabilité générale : - les fournisseurs n'étaient pas payés, ou avec retard, - Les organismes fiscaux (TVA) faisaient l'objet de paiements tarifs, entraînant des pénalités de retard, - Les organismes sociaux faisaient l'objet de paiement tardif. Pire, les écritures de crédits ne comportaient par les crédits encaissés sur un compte d'attente, ce qui génère une insuffisance de déclaration au 31.12.2013 de 31 282 €. - Des écritures comptables n'étaient pas passées (honoraires de l'expert comptable pour établissement de la comptabilité non retracés et non payés) ou encore passées en retard, - Le compte d'attente n'avait jamais été ventilé depuis deux ans, de sorte que l'étude sur ces produits n‘a déclaré ni payé aucune TVA, - Les salaires de novembre 2013 n'avaient pas été enregistrés en comptabilité ou sur les comptes bancaires. Interrogé sur ce point, vous n'avez pas été en mesure d'indiquer aux contrôleurs comment les paiements avaient été effectués, ni pourquoi l'écriture n'avait pas été constatée, puisque les salaires ont bien été payés. Ils ont alors constaté que le règlement a été fait au départ d'un compte externe à la comptabilité qui évidemment ne peut être que le compte client. En d'autres termes, vous vous êtes permis de débiter le compte client pour payer des salaires, alors que ceci est strictement interdit, puisque le compte client ne peut être débité qu'au profit du client ou du compte de gestion, - Le logiciel [...] était mal paramétré car les taux utilisés étaient ceux de métropole. Je vous rappelle que vous êtes le seul utilisateur de ce logiciel, installé du reste sur votre portable personnel... Enfin, vous ne reversiez pas aux créanciers les fonds détenus pour leur compte, alors que nous sommes assujettis à des délais légaux pour le reversement. Il a été constatés des retards exprimés en mois, voire pour certains en années... Or, comme le soulignent les contrôleurs, vous aviez la charge de cette administration comptable. Enfin, le samedi 8 mars 2014 à 20h33, alors que vous étiez en mise à pied conservatoire, vous avez, de votre domicile, adressé un mail au Crédit Moderne, en marquant en copie Me DUPOND, avocat, alors que celle-ci n'était nullement concernée par ledit mail. Vous avez tenu des propos incohérents à Me D..., lui indiquant que c'était par intervention de ce dernier que l'étude avait subi un contrôle de la Chambre nationale, et que vous risquiez d'en perdre votre emploi. Je vous rappelle enfin que mon courrier du 24 février 2014 vous invitait à remettre la ou les clefs USB et les codes d'accès que vous êtes le seul à détenir. Vous n'avez pas déféré à cette demande, pas plus que vous ne vous êtes présenté à l'entretien, votre silence étant un aveu de responsabilité pleine et entière que vous portez de la situation comptable et financière obérée de l'étude. L'ensemble des faits qui vous sont reprochés sont d'une particulière gravité et votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement à la présentation de la présente lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement » ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant de la relation de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il appartient à l'employeur d'apporter la preuve des fautes qu'il invoque au soutien du licenciement ; il convient d'analyser les motifs invoqués dans la lettre de licenciement, afin d'en vérifier la réalité et la gravité ; que de la délégation de pouvoir, Me L... expose que la délégation de pouvoir faite à M. Y... depuis 14 ans, était parfaitement valide, puisque circonscrite à deux domaines précis (hygiène et sécurité, et gestion administrative et financière de l'étude), et que le délégataire disposait des compétences, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice de cette délégation de pouvoir ; M. Y... soutient que la délégation constituait un moyen pour Me L... d'échapper à sa propre responsabilité, et qu'il ne disposait pas des moyens humains et matériels nécessaires, le mettant dans une situation de surcharge de travail, sans possibilité de subdélégation ; le document écrit, versée aux débats, liste précisément la délégation faite à M. Y..., en sa qualité de responsable administratif et financier, à savoir : - L'hygiène et la sécurité au travail, - La surveillance, le suivi et la bonne exécution des travaux, - Le suivi de la gestion du personnel de l'étude, qu'il dirige tant sur le plan administratif que disciplinaire, - La gestion administrative et financière de l'étude. Est mentionné le fait que « M. O... Y... devra tenir régulièrement informé Me L..., huissier de l'étude, de la façon dont il exécute sa mission, des difficultés rencontrées, ou des moyens qui lui ferait défaut » ; il convient de constater que la délégation de pouvoir est claire, précise, et prévoit la mise à disposition des moyens nécessaires, elle est donc parfaitement valide ; que de l'absence de M. Y... le dernier jour du contrôle, Me L... expose que M. Y... aurait dû être présent durant la totalité du contrôle, au vu de ses fonctions de responsable administratif et financier ; M. Y... soutient qu'il était prévu qu'il soit absent le dernier jour de contrôle, ayant un rendez-vous médical, raison pour laquelle Me L... devait être présent afin de recueillir les conclusions et de répondre à des questions auxquelles lui seul pouvait répondre, notamment concernant les utilisation personnelles des comptes de l'étude, ses dettes fiscales personnelles, et les questions relevant de l'utilisation de la carte bancaire de l'étude ; M. Y... fait valoir que ce contrôle était compliqué, notamment car il devait répondre à trois personne « sans que Me L... soit à [ses] côtés » ; M. Y... ne justifie pas du rendez-vous médical dont il fait état concernant le dernier jour du contrôle, et le rapport de la Chambre nationale indique « durant les trois jours de notre contrôle, Me L... s'est rendu disponible pour répondre à nos questions (...). M. Y..., comptable salarié de l'office, présent les deux premiers jours jusqu'à 15 heures, était absent sans réel motif le troisième » ; il convient de considérer que M. Y... était absent, sans justification, lors du dernier jour du contrôle opéré par la Chambre nationale des huissiers de justice, alors même qu'il était responsable administratif et financier et aurait donc dû être présent aux côtés de Me L... ; que des griefs ressortant du rapport, le rapport de la Chambre nationale fait état de la situation suivante : « les honoraires de l'expert-comptable de l'étude, facturés en juin 2013 pour l'établissement de la déclaration 2012, ne figurent pas en comptabilité de l'étude ; à ce jour ils demeurent impayés » ; le rapport indique que « les déclarations de TVA sont régulièrement effectuées et payées, mais des retards sont observés, induisant des demandes de pénalité de 10 %, Ainsi qu'indiqué précédemment, ces déclarations n'incluent pas les produits encaissés dans le compte d'attente 472000, ce qui représente au 31 décembre 2013 une insuffisance de déclaration et de paiement de la TVA d'un montant de 31 282 € » ; M. Y... reconnaît les impayés et retards de paiement auprès des organismes sociaux et TVA, mais expose que cela était du à la situation financière de l'étude, qui ne permettait pas de faire face aux échéances, ce de façon récurrente et comme il l'avait déjà signalé à Me L... ; il produit un courriel en date du 29 octobre 2013, dans lequel il écrit à Me L... : « je reviens vers vous dans le cadre de l'objet cité en marge et des problèmes évoqués quant aux reversements de disponible gestion, conséquence de la mauvaise gestion des dossiers incriminés. Pour toute réponse, vous m'avez laissé avec M. R... en tant qu'interlocuteur privilégié. En préambule, je tiens à vous préciser que ma mission est de vous alerter, de vous prêter main forte à la bonne gestion de votre étude » ; Me L... expose que M. Y... était bien responsable des divers retards de paiement, et impayés, puisque si les sommes n'étaient pas disponibles, c'est parce qu'il prenait un retard important dans le recouvrement de factures impayées à l'étude, ce dont il ne justifie pas ; que concernant le paiement salaires, dont M. Y... avait nécessairement la charge en tant que comptable, mais aussi en sa qualité de responsable du personnel, le rapport indique : « Les salaires sont systématiquement constatés au début du mois suivant. Au 31 décembre 2013, les salaires de novembre et décembre sont comptabilisés mais pas leur règlement. Le solde du compte 421000 - Personnel rémunérations dues, est créditeur de 28 602,76 €. Cette somme représente les salaires de novembre et décembre 2013. Les salaires de décembre ont été, comme à l'accoutumée, payés au début du mois suivant pour 14 513,106. En revanche nous n'avons pu trouver de trace du paiement des salaires de novembre, pour 14 0001,01€, que ce soit en comptabilité ou sur les comptes bancaires de gestion. Interrogé sur ce point, M. Y... n'a pas été en mesure de nous indiquer comment le paiement avait été effectué, ni pourquoi l'écriture n 'avais pas été constatée, puisque les salariés ont bien été payés au début du mois de décembre 2013. Le paiement a donc été fait sur un compte externe à la comptabilité ou correspond au virement de 14 089,66€ du 4 décembre 2013, fait sur le compte affecté » ; que sur le mauvais paramétrage du logiciel de paye, le rapport indique : « le logiciel de paye CIEL n'est pas correctement paramétré, les taux utilisés étant ceux de métropole » ; il est de la charge du comptable, qui plus est lorsqu'il est responsable administratif et financier, de vérifier que les taux horaires appliqués sont bien ceux correspondant à la Guadeloupe ; qu'au vu de la délégation de pouvoir, des missions confiées à M. Y..., de sa qualité de comptable et de responsable administratif et financier, et à la lecture du rapport de la Chambre nationale des huissiers de justice, en date du 23 janvier 2014, il apparaît que M. Y... a manqué à plusieurs de ses obligations, sans justifier de ce qu'il aurait alerté Me L... de l'impossibilité financière de procéder aux divers paiements, en outre, il ne s'est pas présenté le dernier jour du contrôle, sans motif valable, et malgré le fait que ses fonctions rendaient sa présence indispensable ; ces manquements sont graves au vu de ses responsabilités et fonctions de M. Y..., et donc de nature à justifier son licenciement pour fautes graves.

1° ALORS QUE la charge de la preuve de la faute grave incombe exclusivement à l'employeur ; que le salarié soutenait que la délégation de pouvoirs permettait à l'employeur d'échapper à sa propre responsabilité, qu'il devait faire face seul à une surcharge de travail et ne disposait pas des moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour effectuer son travail et assurer l'application effective de la réglementation qu'il était chargé de faire respecter ; que la cour d'appel a retenu que la délégation de pouvoir était claire et précise, qu'elle prévoyait la mise à disposition des moyens nécessaires et était donc parfaitement valide ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le salarié disposait effectivement des moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour effectuer son travail et assurer l'application effective de la réglementation qu'il était chargé de faire respecter, preuve qui incombait exclusivement à l'employeur, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige).

2° Et ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige et les juges ne peuvent considérer que le licenciement est fondé en raison de faits ou griefs qui n'y sont pas énoncés ; que pour considérer que le licenciement pour faute grave était justifié, la cour d'appel a retenu que le salarié ne justifiait pas de ce qu'il aurait alerté M. L... de l'impossibilité financière de procéder aux divers paiements ; qu'en statuant comme elle l'a fait quand, dans la lettre de licenciement, l'employeur ne reprochait pas au salarié de ne pas l'avoir alerté, la cour d'appel a violé les articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige).

3° ALORS, surtout, QUE l'employeur doit agir de bonne foi ; qu'il ne peut licencier un salarié en lui reprochant une situation qu'il a provoquée par son propre comportement sans prendre la moindre mesure pour y remédier ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que l'employeur était à l'origine de la situation qu'il connaissait parfaitement, qu'il avait provoquée par son propre comportement sans prendre la moindre mesure pour y remédier, ni examiner les pièces qu'il produisait, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1222-1, L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige).

4° ALORS encore QU'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher s'il ne résultait pas des pièces produites, et notamment du courriel du 29 octobre 2013, que le salarié avait attiré l'attention de l'employeur sur des difficultés qu'il rencontrait, sur la surcharge de travail, sur le manque de moyens et sur des manquements et carences de l'employeur, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1222-1, L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige.

5° ALORS subsidiairement QUE lorsque les griefs relèvent, à défaut de mauvaise volonté délibérée, d'une insuffisance professionnelle, le licenciement, prononcé pour faute grave, est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que la cour d'appel a retenu un « mauvais paramétrage du logiciel de paie » et des erreurs ou d'omissions affectant la comptabilité ; qu'en considérant néanmoins que le licenciement pour faute grave était justifié, quand, à défaut de démontrer que la situation était imputable à une mauvaise volonté délibérée du salarié, le licenciement, prononcé pour faute grave, était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige.

6° ALORS par ailleurs QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige et les juges ne peuvent considérer que le licenciement est fondé en raison de faits ou griefs que l'employeur n'a pas lui-même considéré comme le justifiant ; qu'il résulte de la lettre de licenciement que l'employeur a uniquement évoqué l'absence du salarié le 22 janvier 2014, mais n'a pas considéré qu'il s'agissait d'un manquement justifiant son licenciement ; que la cour d'appel qui, pour considérer que le licenciement était justifié pour fautes graves, a retenu que le salarié ne s'était pas présenté le dernier jour du contrôle sans motif valable, a violé l'article L 1232-6 du code du travail.

7° Et ALORS en tout état de cause QU'en considérant le licenciement justifié pour faute grave aux motifs que le salarié ne s'était pas présenté le dernier jour du contrôle sans motif valable, quand une absence d'une seule journée ne permet pas de fonder un licenciement pour faute grave, a fortiori s'agissant d'un salarié ayant dix-huit ans d'ancienneté au cours desquelles il n'a fait l'objet d'aucun reproche , la cour d'appel a violé les articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail, (dans leur rédaction applicable au litige).

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à obtenir le paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.

AUX MOTIFS QUE M. Y... expose qu'il était en arrêt de travail lorsque le licenciement a été prononcé, ce qui entache la procédure de licenciement d'irrégularité en application de l'article 1.7.7 de la convention collective applicable ; l'article 1.7.7 de la convention collective nationale du personnel des huissiers de justice dispose : « en cas de maladie, aucun licenciement ne peut intervenir pendant les six premiers mois d'indisponibilité. Au-delà de cette période, seule l'inaptitude constatée par la médecine du travail peut justifier m licenciement » ; que M. Y... ne justifie aucunement d'avoir été en arrêt maladie au jour de son licenciement.

ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer par omission les pièces produites au débat ; que la cour d'appel a considéré que le salarié ne justifiait pas avoir été en arrêt maladie au jour de son licenciement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand le salarié avait versé au débat des avis d'arrêt de travail et de prolongation portant notamment sur les périodes du 28 janvier 2014 au 14 février 2014, du 14 février 2014 au 14 mars 2014 et du 14 mars 2014 au 25 avril 2014, et donc au jour du licenciement intervenu le 3 avril 2014, la cour d'appel a dénaturé lesdites pièces par omission.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à obtenir le paiement des intérêts légaux sur les sommes qui lui étaient allouées à compter de l'acte introductif d'instance.

SANS MOTIFS ALORS QUE lorsque la décision constate la dette résultant de sommes dues au salarié au titre du contrat de travail, des dispositions légales ou de la convention collective, les intérêts de ces sommes sont dus du jour de la demande en justice valant mise en demeure ; que la cour d'appel a rejeté la demande du salarié portant sur les intérêts légaux à compter de l'acte introductif d'instance et ce, sans aucun motifs ; qu'en statuant comme elle l'a fait quand les intérêts étaient dus du jour de la demande en justice valant mise en demeure, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. L...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, après avoir dit que le licenciement de M. Y... était fondé sur une faute grave, condamné Me L... à verser à ce dernier la somme de 31.135,26 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE sur l'indemnité de licenciement, M. Y... sollicite le paiement de la somme de 31.135,26 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; que Me L... soutient qu'en application de la convention collective, le montant de cette indemnité doit être ramené à la somme de 16.511 euros ; qu'au vu des dispositions de l'article 1.8.2 de la convention collective nationale du personnel des huissiers de justice, et des 18 années d'ancienneté dont justifiait M. Y... au jour de son licenciement, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Me L... au paiement de la somme de 31.135,26 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

ALORS QUE la faute grave est privative de l'indemnité de licenciement ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait jugé que le licenciement reposait sur une faute grave, a néanmoins condamné Me L... à verser à M. Y... la somme de 31.135,26 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le salarié ne pouvait prétendre à une telle indemnité, violant ainsi, par fausse application, l'article L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-14089
Date de la décision : 05/02/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 18 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 fév. 2020, pourvoi n°18-14089


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.14089
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award