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22/01/2020 | FRANCE | N°19-12.904

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 22 janvier 2020, 19-12.904


SOC.

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 janvier 2020




Rejet non spécialement motivé


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10087 F

Pourvoi n° U 19-12.904




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2020

1°/ la société Connected World Servi

ces France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Axyme, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en...

SOC.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Rejet non spécialement motivé

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10087 F

Pourvoi n° U 19-12.904

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2020

1°/ la société Connected World Services France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Axyme, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. N..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Connected World Services France, ont formé le pourvoi n° U 19-12.904 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. X... F..., domicilié [...] ,

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

M. F... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat des sociétés Connected World Services France et Axyme, ès qualités, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. F..., après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé au pourvoi principal et celui annexé au pourvoi incident, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne la société Axyme, ès qualités, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axyme, ès qualités et la condamne à payer à M. F... la somme de 1 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour les sociétés Connected World Services France et Axyme, ès qualités, demanderesses au pourvoi principal

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir dit et jugé que le licenciement économique de M. F... a été prononcé sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'avoir condamné la société CWS à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'avoir en outre ordonné le remboursement par la société CWS aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant au salarié à compter du jour du licenciement, et ce à concurrence de trois mois

AUX MOTIFS QUE l'article L.1233-3 du code du travail dispose que : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. » Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi. La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement. Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, la sauvegarde de la compétitivité doit s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national. Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé notamment par la nature des produits et services vendus, des réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché. C'est à la date du licenciement qu'il convient d'apprécier l'existence du motif économique invoqué. Dans sa lettre de licenciement pour motif économique notifiée le 17 janvier 2014 à M. F... ; la société The phone House, devenue société Connected World Services indique : « Monsieur, La société Phone House a mis en oeuvre un projet de réorganisation visant à sauvegarder sa compétitivité et celle du secteur d'activité du Groupe auquel elle appartient, avec Plan de Sauvegarde de l'Emploi. La procédure d'information/consultation des instances représentatives du personnel sur ce projet de réorganisation a pris fin le 6 septembre 2013. Nous sommes aujourd'hui contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique, et ce après avoir recherché des postes de reclassement. Les motifs économiques de votre licenciement sont les suivants : La société Phone House évolue dans un secteur d'activité impacté non seulement par des facteurs macro-économiques, où l'on constate une érosion de l'épargne des ménages et des arbitrages réalisés en matière de dépenses défavorables aux produits et services télécoms, mais aussi et surtout par de profonds bouleversements structurels du marché de la téléphonie mobile. En effet, d'une part, l'activité de la société Phone House est impactée par l'arrivée de nouveaux acteurs low cost ou MVNO (Mobile Virtual Network Operator) sur le marché français.
Ainsi la part des offres sans engagement (SIM Only) est passée de 20 % à 33 %, mettant à mal les offres subventionnées sur lesquelles reposait le modèle économique du secteur (mobile pour une poignée d'euros contre une période d'engagement longue et un forfait mensuel couteux). De plus, l'arrivée de Free en janvier 2012 a accru une intensité concurrentielle déjà extrême, qui dégrade considérablement les marges des opérateurs. L'arrivée de ces acteurs low cost a entraîné un changement de consommation de la part des clients, préférant acheter des mobiles sans carte SIM, et donc non subventionnés par les opérateurs, tout en prenant chez les différents opérateurs low cost leur abonnement (ventes de mobiles nus passées de 20 % des ventes totales fin 2011 à 50 % en février mars 2012). La rupture du modèle économique est encore illustrée par la plainte déposée par Free contre SFR pour concurrence déloyale, visant à démontrer que la pratique de la subvention du mobile est illégale. D'autre part, les constructeurs et distributeurs connaissent eux aussi des bouleversements profonds. S'agissant des constructeurs, ils subissent un recul de l'ordre de 8 % des ventes, dû au tarif élevé de leurs mobiles, plus subventionnés, entraînant de facto un allongement de leur cycle de vie. De plus, le marché se polarisant autour de deux grands constructeurs, Apple et Samsung {plus de 70 % de parts de marché à eux deux), les autres constructeurs peinent à se développer et à se maintenir sur le marché et baissent significativement leur soutien à la société Phone House. Enfin l'émergence de constructeurs low cost (ZTE, HUAWEI, WIKO, ALCAYEL) a favorisé les volumes, au détriment de la marge et d'un budget marketing. S'agissant des distributeurs, et notamment la société Phone House, ceux-ci sont fortement impactés par le changement de « business model ». L'explosion des ventes dites « Sim only », qui a représenté 60 % du marché des activations sur janvier 2013 a eu pour conséquence un ralentissement important des ventes de mobile. La société Phone House a ainsi enregistré dans ses magasins une baisse de 15 % du trafic et a vu ses volumes de ventes fortement impactées. L'arrivée de Free a également provoqué, par effet domino, une renégociation à la baisse des accords commerciaux en vigueur entre opérateurs et distributeurs. En effet, également impactés dans leur propre réseau de distribution, et contraints de s'aligner en termes d'offre, les opérateurs, pour compenser la baisse de leur marge, ont baissé leurs coûts d'acquisition et revu leur politique de rémunération pour l'ensemble de la distribution. C'est ainsi que Bouygues Telecom a mis fin à la commercialisation des offres postpayées par la société Phone House à compter du 1er janvier 2013, engendrant un manque à gagner pour la société Phone House de 17 millions d'euros sur les trois prochaines années. Ces récents bouleversements impactent d'autant plus la société Phone House qu'elle est confrontée à une perte d'activité continue depuis 3 ans
» ; qu'il appartient à la cour de vérifier, dans le cadre de son contrôle, si le licenciement économique apparaît justifié par la nécessité de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, comme invoqué par la société Connected World Services France, à l'appui de cette lettre de licenciement économique notifiée à son salarié. Ce faisant, la cour relève d'emblée que la société Connected World Services France a d'abord intégré les « Mobile Virtual Network Operator » (MVNO) dont fait partie la société Virgin Mobile France, dans son secteur d'activité inclus dans le cadre d'un premier plan de sauvegarde de l'emploi le 27 septembre 2012, puis, l'a ensuite retiré dans un second plan de sauvegarde de l'emploi établi en 2013, sans avoir justifié des raisons d'un tel retrait. La cour note en outre que si la société Connected World Services France fait bien état du « groupe » dans la lettre de licenciement, elle n'en précise pas le périmètre exact. Pour cerner le périmètre d'activité de la société Connected World Services France, la cour se réfère dès lors à sa propre note économique relative au premier plan de sauvegarde, duquel elle relève que la société Connected World Services France précise que son secteur d'activité est celui des « télécoms », soit le marché de la téléphonie incluant des « offres de services et de produits » en téléphonie mobile. La cour relève également que la société Connected World Services France indique avoir pour activités la « vente de connexion via des accords opérateurs, la vente de produits à valeur et service, la vente de téléphones, la vente de tablettes, la vente d'abonnements sous forme de connexions, la vente de connexions sous forme de cartes prépayées, la vente d'assurance et la vente d'accessoires ». La cour retient enfin que par une décision du 25 juin 2013 relative à une prise de contrôle d'une société « New Bbed Limited » par la société mère Carphone Warehouse Plc, l'autorité de la concurrence a indiqué que l'activité de la société Virgin Mobile relevait du marché « de la distribution au détail de téléphonie mobile ». Ainsi, si la cour peut admettre qu'une distribution indépendante de produits de téléphonie demeure différente de celle d'un opérateur de télécom : - l'une est relative à la vente des téléphones ou accessoires, parfois associés à des forfaits pour le compte d'opérateurs qui le rétribue pour ce service, c'est l'activité dont se revendique la société Connected World Services France, - l'autre a trait à la vente de ses propres forfaits de téléphonie, c'est le cas des 'mobile virtual network operator' (MVNO) dont fait partie la société Virgin Mobile France, que la société Connected World Services France a désormais exclue de son champ d'activités en raison de cette différence, à l'occasion de son deuxième plan de sauvegarde de l'emploi. Elle relève cependant que l'activité de distribution indépendante revendiquée par la société Connected World Services France demeure néanmoins indissociable de celle des opérateurs de téléphonie qui distribuent leurs produits par le biais de leurs propres boutiques dédiées mais aussi par celui de distributeurs indépendants, comme la société Connected World Services, ses magasins 'The Phone House' commercialisant notamment les produits Virgin Mobile, et retient ainsi qu'elles ont une activité commune identique de « vente de forfaits et de mobiles » ;
Par ailleurs, s'agissant d'un groupe, le motif économique s'apprécie au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel l'entreprise intervient, et demeure celui de l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail qui dispose dans sa version en vigueur au moment du licenciement : « qu'un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Est également considérée comme entreprise dominante, pour la constitution d'un comité de groupe, une entreprise exerçant une influence dominante sur une autre entreprise dont elle détient au moins 10 % du capital, lorsque la permanence et l'importance des relations de ces entreprises établissent l'appartenance de l'une et de l'autre à un même ensemble économique. L'existence d'une influence dominante est présumée établie, sans préjudice de la preuve contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement : - peut nommer plus de la moitié des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ; - ou dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par une autre entreprise ; - ou détient la majorité du capital souscrit d'une autre entreprise. Lorsque plusieurs entreprises satisfont, à l'égard d'une même entreprise dominée, à un ou plusieurs des critères susmentionnés, celle qui peut nommer plus de la moitié des membres des organes de direction, d'administration ou de surveillance de l'entreprise dominée est considérée comme l'entreprise dominante, sans préjudice de la preuve qu'une autre entreprise puisse exercer une influence dominante ». En application de cette règle, la cour relève que la Société Omer Telecom Limited (dont 'Virgin Mobile' est l'enseigne commerciale) constitue bien une société qui appartient au groupe, notamment car la société mère Carphone Warehouse Plc en détient 46 % des droits de vote, alors que personne ne détient une fraction supérieure à la sienne et ce alors même que le groupe ne se limite pas aux seules sociétés situées sur le territoire français, peu important qu'elle ait son siège social à Londres. En conséquence, la cour retient que la société mère Carphone Warehouse Plc exerce bien ainsi une influence dominante sur la Société Omer Telecom Limited (enseigne Virgin Mobile) qui rentre dans le périmètre du « comité de groupe » et donc du groupe pour l'appréciation du motif économique. Elle en déduit en conséquence, que les activités 'MVNO' de la société Virgin Mobile font ainsi partie intégrante du groupe auquel appartient la société Connected World Services France et doivent dès lors être prises en considération pour apprécier la nécessité de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise qu'il lui appartient de vérifier au niveau du secteur d'activité du groupe dont relèvela société Connected World Services France. La cour constate au vu des pièces produites que l'expert-comptable du comité d'entreprise a relevé qu'au niveau du secteur des Télécoms du groupe incluant donc le marché européen des « MNVO » de la société Virgin Mobile, le taux de croissance à long terme (taux « Earnings Before Interest and Taxes ») demeure élevé et ne laisse augurer aucune menace sur le secteur d'activité de la téléphonie du groupe. De plus, la société Connected World Services France qui prétend encore à l'appui de la lettre de licenciement que « l'activité de la société Phone House (devenue société Connected World Services ) est impactée par l'arrivée de nouveaux acteurs low cost ou « MVNO » (Mobile Virtual Network Operator) sur le marché français », fait ainsi totalement fi de la circonstance que les activités « MVNO » de la société Virgin Mobile font aussi partie intégrante du groupe auquel elle appartient et dont la 'concurrence' qu'elle croit dénoncer lui profite dès lors pour partie, ce qui rend inopérant le motif invoqué de ce chef à l'appui de la lettre de licenciement. Dans la lettre de licenciement, la société Connected World Services France indique que « l'émergence de constructeurs low cost (ZTE, HUAWEI, WIKO, ALCAYEL) a favorisé les volumes, au détriment de la marge et d'un budget marketing », passant ainsi encore sous silence les activités de la société Virgin Mobile qui font partie du groupe et qui demeurent pourtant également un acteur « low cost » ayant favorisé des volumes qui ont eux aussi nécessairement profité à son propre groupe. La cour relève de la même façon que les coupures de presse versées aux débats par la société Connected World Services France qui ont trait à une simple analyse de la compétitivité du marché des « MVNO » en France, ne sont pas de nature à rapporter la preuve « d'une forte compétitivité », et alors au surplus qu'au moins l'une de ces « MVNO » appartient à son groupe (la société Virgin Mobile) dont l'activité demeure susceptible de lui profiter. La cour retient ainsi qu'une réorganisation de l'entreprise ne peut constituer un motif de licenciement que si elle est effectuée pour la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, ce que en excluant de fait les activités « MVNO » de la société Virgin Mobile, la société Connected World Services France échoue à établir. La cour rappelle encore que si la réorganisation, n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, elle doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. Or, il se constate que la société Connected World Services France exclut, à tort, les activités MVNO de la société Virgin Mobile comme appartenant au groupe alors que, curieusement, elle ne la cite pas, dans la lettre de licenciement, parmi ses concurrents majeurs qui participent à la mise en danger de sa compétitivité. Dès lors, cette motivation ne reflète pas la réalité économique dénoncée. Au surplus, la cour relève enfin que la société Connected World Services France ne produit pas les bilans et comptes de résultats pour l'année 2013 ayant précédé le licenciement, notamment de sa société mère « Carphone Warehouse Plc », de « Cpw Europe », de l'intégralité de ses filiales dont sa filiale, en 2013, « Omer Télécom Limited », de ses résultats consolidés au niveau du secteur d'activité du groupe. Or, il lui appartient de produire tous les éléments permettant à la cour de vérifier dans le cadre de son contrôle que les mesures de réorganisation de l'entreprise sont ou non nécessaires à la sauvegarde de sa compétitivité. Pour l'ensemble de ces raisons, le motif économique du licenciement n'est pas établi, ce qui le rend sans cause réelle et sérieuse et le jugement rendu le 9 septembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Nanterre mérite d'être infirmé.

1° ALORS QUE la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise doit être appréciée au regard du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée, caractérisé par la nature des services délivrés, la clientèle à laquelle les produits s'adressent et le mode de distribution mis en oeuvre par l'entreprise ; qu'en l'état de deux activités différentes, l'une de distributeur indépendant exercée par CWS qui commercialise des produits et services de téléphonie mobile, l'autre exercée par les opérateurs de réseau classiques ou virtuels qui construisent des offres de téléphonie ou exploitent le réseau d'un opérateur, les conséquences de cette différence d'activités ne peuvent être neutralisées du seul fait de leur caractère indissociable ; que c'est précisément ce caractère indissociable qui justifie que l'activité de distributeur de CWS soit mise en péril par la décision des opérateurs de proposer la souscription d'un abonnement seul au lieu d'un abonnement adossé à l'achat d'un mobile et de résilier les contrats de distribution ; que l'arrêt attaqué a relevé que l'activité dont se revendique la société CWS, qui est relative à la vente des téléphones ou accessoires, parfois associée à des forfaits pour le compte d'opérateurs qui le rétribuent pour ce service, demeure différente de celle des opérateurs de télécom, dont fait partie la société Virgin Mobile France, qui a trait à la vente de leurs propres forfaits de téléphonie (arrêt page 8) ;qu'en incluant néanmoins les activités des opérateurs, telles celle des MVNO de la société Virgin mobile qui exploitent le réseau d'un autre opérateur, dans le secteur d'activité du groupe de la société CWS, au motif inopérant que l'activité de celle-ci demeure indissociable de celle des opérateurs de téléphonie, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle l'avait elle-même relevé, si ces activités relevaient du même secteur en raison de la nature des produits et services vendus et des réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2° ALORS QUE le motif économique du licenciement doit s'apprécier à la date du licenciement ; que, pour juger que le motif économique du licenciement n'est pas établi, la cour a retenu que la société CWS avait d'abord intégré les « Mobile Virtual Network Operator » dont fait partie la société Virgin Mobile France dans son secteur d'activité inclus dans le cadre d'un premier PSE le 27 septembre 2012, puis les a retirés dans un second PSE établi en 2013, sans justifier les raisons d'un tel retrait ; qu'en se fondant sur la note économique relative au premier PSE en date du 27 mai 2012, cependant qu'en l'état du licenciement pour motif économique notifié le 17 janvier 2014, le motif économique devait être apprécié à la date de celui-ci, au vu de la note économique du 17 mai 2013 et au besoin, au regard du dernier plan de sauvegarde de l'emploi du 6 septembre 2013, dont la validité n'était pas contestée ; qu'en se fondant sur la note de 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3° ALORS QUE si la lettre de licenciement doit énoncer la cause économique du licenciement telle que prévue par l'article L. 1233-3 du code du travail et l'incidence matérielle de cette cause économique sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, le périmètre d'appréciation du secteur d'activité et donc le caractère sérieux du motif invoqué relève uniquement du débat instauré devant le juge en cas de litige ; que pour affirmer que le motif économique du licenciement n'est pas établi, l'arrêt attaqué a énoncé que si la société CWS fait bien état du « groupe » dans la lettre de licenciement, elle n'en précise pas le périmètre exact ; qu'en se déterminant ainsi, quand il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement énonçait que le licenciement avait pour motif économique la suppression de l'emploi du salarié consécutive à la réorganisation de l'entreprise justifiée par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité en sorte qu'elle répondait aux exigences légales de motivation, la cour d'appel, à qui il appartenait de vérifier le caractère réel et sérieux du motif économique tel qu'invoqué dans la lettre de licenciement au regard du périmètre pertinent pour son appréciation, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;

4° ALORS QUE, à supposer même que l'activité des MVNO ait été à juste titre intégrée au secteur d'activité du groupe, CWS faisait valoir dans ses conclusions (prod.10 page 31 et s.) que la note économique du 17 mai 2013 (prod.5) et ses annexes et le rapport de l'expert-comptable de juillet 2013 (prod.6) établissaient la perte de compétitivité des MVNO concurrencés par Free et justifiaient la perte de compétitivité du groupe incluant l'activité des opérateurs virtuels ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions pourtant de nature à démontrer le bien fondé du motif économique avancé par CWS, le Cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5° ALORS QUE le périmètre du groupe à prendre en considération pour apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ; que si l'article L. 233-3, II, du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 2331-1 du code du travail, dispose qu'une personne est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne, la preuve contraire est admise ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a affirmé que la société Omer Telecom Limited constitue une société appartenant au groupe, notamment parce que la société mère Carphone Warehouse plc en détient 46 % des droits de vote et que personne ne détient une fraction supérieure à la sienne ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y invitée (prod 10 page 25 ) si, en cas d'égalité pour la prise de décision, il ne revenait pas à la société Financom qui détenait 8 % des voix, de départager les actionnaires, de sorte que la société Carphone Warehouse plc n'exerçait pas une influence dominante sur la société Omer Telecom Limited, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 2331-1 du code du travail, ensemble l'article L. 233-3, II, du code de commerce ;

6° ALORS QUE le juge ne peut méconnaître l'objet du litige tel qu'il résulte des conclusions des parties ; qu'il était acquis aux débats que les comptes des sociétés du groupe auquel appartenait la société CWS étaient clôturés au 31 mars de chaque année ; que l'employeur invoquait ainsi la dégradation de la rentabilité du secteur pour l'exercice clos au 31 mars 2012 et se fondait sur la note économique du 17 mai 2013 qui visait les exercices chevauchant systématiquement deux années civiles (prod.15 p. 42, al. 5 et p. 43), et que le salarié invoquait les « comptes clos au 31 mars 2013 » (cf. ses conclusions d'appel, p. 30, al. 5) ; qu'en affirmant néanmoins que le motif économique du licenciement n'était pas établi, au motif que la société CWS ne produit pas les bilans et comptes de résultat pour l'année 2013 ayant précédé le licenciement, notamment de sa société mère « Carphone Warehouse plc », de « CPW Europe », de l'intégralité de ses filiales dont sa filiale, en 2013, « Omer Telecom Limited », de ses résultats consolidés au niveau du secteur d'activité du groupe, quand les parties s'accordaient pour affirmer que les comptes des sociétés en cause ne portaient pas sur l'ensemble de l'année 2013, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

7° ALORS en toute hypothèse QUE la preuve des menaces sur la compétitivité peut se faire par tous moyens ; que pour affirmer que le motif économique du licenciement n'est pas établi, l'arrêt attaqué a énoncé que la société CWS ne produit pas les bilans et comptes de résultat pour l'année 2013 ayant précédé le licenciement, notamment de sa société mère « Carphone Warehouse plc », de « CPW Europe », de l'intégralité de ses filiales dont sa filiale, en 2013, « Omer Telecom Limited », de ses résultats consolidés au niveau du secteur d'activité du groupe ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (prod.10, p. 41 à 46) s'il ne résultait pas de la note économique du 17 mai 2013 qui accompagnait son second PSE et de ses annexes 18.1 à 18.37 que la société CWS justifiait de la baisse de profitabilité des sociétés relevant du secteur d'activité du groupe au regard d'exercices comptables qui s'achevaient au 31 mars de chaque année, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 du code du travail et 1315 devenu 1353 du code civil.

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. F..., demandeur au pourvoi incident

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes relatives à sa qualité de cadre responsable de magasin.

AUX MOTIFS propres QUE selon contrat de travail à durée indéterminée prenant effet à compter du 18 décembre 2006, CWS a engagé M. X... F... en qualité de "Conseiller commercial débutant", statut employé, niveau II, échelon 3, au magasin de Dijon Toison d'Or et qu'à compter du 1er octobre 2008, il a été promu "Responsable Adjoint en remplacement de Monsieur B... M..., la mission de "Responsable de Magasin du 1er juin 2011 », et ce, uniquement dans le magasin de Dijon Godrans ; que cette mission temporaire a pris fin le 30 juin 2011 et que le 1er juillet 2011 M. F... a retrouvé ses fonctions d'adjoint magasin, statut agent de maîtrise, fonctions qu'il occupera jusqu'au jour de sou licenciement, comme en attestent ses bulletins de salaire sur cette période ; que la cour déduit des pièces versées et notamment d'un courrier du 28 juin 2011, que si M. F... avait effectivement la fonction de responsable de magasin à cette date, celle-ci était bien temporaire pour le seul remplacement de M. M..., M. F... ayant par la suite, à compter du 1er juillet 2011, repris ses fonctions d'adjoint de magasin comme le relèvent tous les bulletins de salaire postérieurs au 1er juillet 2011 indiquant bien ses fonctions et son statut d'agent de maîtrise ; qu'en outre M. F... ne fait pas la démonstration par les pièces qu'il verse aux débats de ce qu'il aurait exercé l'emploi de "responsable magasin" au-delà du 30 juin 2011, M. U... G..., étant à cette date le responsable de magasin au Centre Commercial Toison d'Or 91 Grand Mail à Dijon et devenu son supérieur hiérarchique ;

AUX MOTIFS adoptés QUE Monsieur X... F... réclame des rappels de salaire à compter de sa nomination comme Responsable de magasin, statut Cadre, en juillet 2011, la société n'ayant pas tenu compte de ce changement de statut en continuant à le rémunérer en tant qu'adjoint de magasin, statut Agent de maîtrise ; qu'il produit au soutien de sa réclamation, un avenant à son contrat de travail du 30 mai 2011 pour une mission temporaire de Responsable magasin jusqu'au 30 juin 2011 et une lettre de changement d'affectation datée du 28 juin 2011 comme Responsable Magasin, statut Cadre à compter du 5 juillet 2011 ; que l'employeur soutient que Monsieur X... F... devra être débouté de ses demandes à ce titre dans la mesure où il n'a jamais formulé de réclamation salariale pendant l'exécution de son contrat de travail et surtout qu'il n'a jamais exercé cette fonction, hormis pendant une période temporaire d'un mois du 1er au 30 juin 2011, la lettre d'affectation produite par le salarié comportant manifestement une erreur de plume ; qu'il apparaît que le bulletin de paie de juin 2011, relatif à l'avenant du contrat de travail de mission temporaire de Responsable Magasin, mentionne l'emploi de « Responsable Magasin », la « position 1 » avec un salaire forfaitaire de 2.058,02 euros et l'établissement n° 2102 alors que tous les bulletins de paie avant et après juin 2011 indiquent l'emploi de « Adjoint Magasin », « le niveau 4 échelon 1 » avec un salaire de base de 1.830 euros et l'établissement n° 2101 ; que la contradiction entre la lettre de changement d'affectation du 28 juin 2011 et les bulletins de paie à compter de juillet 2011 nécessite de disposer d'autres éléments d'appréciation permettant notamment de connaître les fonctions réellement exercées par Monsieur X... F... à partir de juillet 2011 ; qu'en l'état des pièces produites par Monsieur X... F..., celui-ci ne démontre pas suffisamment le bien-fondé de sa réclamation salariale en ne prouvant pas avoir exercer les fonctions de Responsable Magasin à compter de juillet 2011, la lettre du 28 juin 2011 intitulée « changement d'affectation » indiquant également le retour à l'établissement d'affectation d'origine, Dijon Toison d'Or après une affectation temporaire à l'établissement Dijon Godrans.

1° ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que l'avenant au contrat de travail par lequel les parties conviennent d'une nouvelle affectation dans le cadre de laquelle est confiée au salarié la fonction de responsable magasin, statut cadre, position I oblige l'employeur à attribuer au salarié la fonction de responsable magasin ainsi que la rémunération correspondante ; qu'en refusant d'allouer à l'exposant les rappels de salaire et d'indemnités correspondant à la qualification convenue, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et violé l'article 1134 du code civil alors en vigueur.

2° ALORS QUE le défaut d'exécution par l'employeur de son obligation d'avoir à fournir au salarié les fonctions convenues ne le dispense pas d'avoir à lui verser la rémunération correspondante ; qu'en retenant, pour débouter le salarié de sa demande que celui-ci ne prouvait pas avoir exercé les fonctions de responsable magasin à compter de juillet 2011, quand le salarié pouvait prétendre au paiement du salaire contractuel peu important qu'il ait ou non occupé les fonctions correspondantes que son employeur était tenu de lui confier, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1134 du code civil alors en vigueur.

3° ALORS en tout cas QUE le défaut d'exécution par l'employeur de son obligation d'avoir à fournir au salarié les fonctions convenues ne le dispensent pas d'avoir à lui verser la rémunération correspondante ; que pour débouter l'exposant de ses demandes, la cour d'appel a retenu qu'il ne prouvait pas avoir exercé les fonctions de responsable magasin à compter de juillet 2011, ses bulletins de salaire faisant au contraire état des fonctions d'adjoint de magasin statut agent de maîtrise et M. G... étant à cette date le responsable de magasin ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si l'exposant n'avait pas été dans l'impossibilité d'exécuter les fonctions convenues faute pour l'employeur de les lui avoir confiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 alors en vigueur du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-12.904
Date de la décision : 22/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre sociale, arrêt n°19-12.904 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 22 jan. 2020, pourvoi n°19-12.904, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.12.904
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