CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 janvier 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10045 F
Pourvoi n° P 18-20.324
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2020
1°/ Mme Q... U..., épouse J...,
2°/ M. T... J...,
3°/ Mme L... J...,
4°/ Mme D... J...,
tous domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° P 18-20.324 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2017 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme Y... U..., épouse A..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. O... U..., domicilié [...] ,
3°/ à Mme N... K..., veuve U..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mmes Q..., L..., D... J... et de M. T... J..., de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme Y... U... et M. O... U..., et l'avis de Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes Q..., L..., D... J... et M. T... J... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mmes Q..., L..., D... J... et M. T... J...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la lettre de révocation du 24 août 2015 adressée par les consorts J... à M. O... U... et Mme Y... U... était sans effet et d'AVOIR débouté les consorts J... de leur demande de désignation d'un mandataire successoral ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE par acte authentique du 29 décembre dressé par Me V... notaire, les consorts U... et J... ont matérialisé leur accord transactionnel de partage partiel de la succession et ont procédé à la désignation de x mandataires successoraux conventionnels ; ils ont choisi de désigner M U... O... ( notaire de profession ) et Mme Y... U... épouse A... aux fins d'administrer le patrimoine immobilier successoral de M G... U... moyennant un dédommagement à prélever sur les droits successoraux devant revenir aux autres indivisaires, fixé forfaitairement et globalement à 2000 euros par et appliqué le cas échéant au prorata temporis ; que force est de constater que le mandat confié à M U... O... et Mme Y... U... un mandat d'intérêt commua puisque les consorts J... et les mandataires sont tous intéressés par le même patrimoine successoral non partagé ; que la communauté d'intérêts est acquise pour ces deux groupes qui ont tous les deux intérêts au meilleur déroulement possible de l'administration du patrimoine successoral non partagé ; que dès lors le dit mandat n'est pas révocable ad nutum ; que pour révoquer un mandat successoral conventionnel, il convient, en cas de pluralité d'héritiers mandants de procéder par un acte unilatéral collectif qui nécessite une décision unanime ; qu'en l'espèce, la lettre de révocation du 24 août 2015 signée de chacun des consorts J... à l'intention de Mme Y... U... et de M O... U... n'émane pas de tous les autres héritiers ; qu'elle ne peut pas avoir effet de révoquer le mandat successoral conventionnel décidé le 29 décembre 2012 ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE le mandat d'intérêt commun compris dans l'acte du 29 décembre 2012 est ainsi rédigé : « elles ont ainsi convenu de (...) mettre un terme à l'intervention de Me F... C... en qualité d'administrateur du patrimoine immobilier successoral de Monsieur G... U..., patrimoine qui sera administré par Madame Y... A... et Monsieur O... U... moyennant un dédommagement à prélever sur les droits successoraux de vente à revenir aux autres indivisaires, fixés forfaitairement et globalement à 2000€ par an et appliqué le cas échéant prorata temporis » ; qu'il ne figure dans l'acte aucune modalité de révocation ou de changement des mandataires ; que dès s'agissant d'un contrat, il importe peu qu'il s'agisse d'une clause transactionnelle, ayant autorité de la chose jugée, d'un acte authentique, ou d'un simple contrat, puisqu'une telle désignation d'administrateurs successoraux n'a pas vocation à perdurer ad vitam aeternam ; que par contre sa rupture ne peut intervenir que pour des motifs tirés de l'article 813-1 du code civil, et certainement pas ad nutum, comme l'a estimé à bon droit le président du tribunal de Grande instance de Lisieux ; qu'il s'ensuit que la révocation du mandat a été irrégulière, faute d'accord unanime des héritiers ou d'une décision judiciaire au fond ;
ALORS QUE la révocation d'un mandat d'intérêt commun, même non intervenue d'un commun accord, produit tous ses effets, sous réserve de la responsabilité du mandant qui a pris l'initiative de la révocation, envers le mandataire ; que la cour d'appel a constaté que les consorts J... avaient, par un courrier du 24 août 2015, révoqué le mandat, qu'elle a qualifié d'intérêt commun, consenti à M. O... U... et Mme Y... U... et que cette révocation n'émanait donc pas de l'ensemble des héritiers parties au mandat ; qu'il se déduisait de ces constatations que le mandat avait été révoqué, fusse dans des conditions irrégulières ; qu'en jugeant que cette révocation ne pouvait avoir effet, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 2003 et 2004 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme J... et ses enfants de leurs prétentions ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE concernant le patrimoine mobilier, l'article 813-1 du code civil peut recevoir application dans la mesure où la désignation des mandataires successoraux conventionnels du 29/12/2012 concerne le patrimoine immobilier ; que la désignation d'un mandataire successoral est une possibilité offerte au juge ; que conformément à l'accord transactionnel du 29 décembre 2012, les consorts J... ont reçus chacun la somme de 200 000 euros ; que les consorts U... ont rappelé aux consorts J... que ces fonds ont été dégagés grâce à la vente de la Petite Fôret (vente faite par acte des 18/06/2003 et 13/12/2005 voir page 28 du rapport I... E...) ; que l'inventaire des valeurs mobilières et liquidités figure au rapport I..., en page 29, la créance sur le conservatoire du littoral est reprise en page 26, le détail des valeurs mobilières figure en annexe 13 du rapport I... ; que les consorts J... ne précisent pas en quoi ce patrimoine mobilier est en péril pour l'une des raisons prévues à l'article 813-1 du code civil ; que si la succession se montrait complexe au début, les opérations réalisées depuis : rapport I..., succession de procédure judiciaire expertise judiciaire B..., partage transactionnel partiel du 29/12/2012 l'ont réduite très fortement ; que dès lors il n'y a pas lieu de désigner un mandataire successoral pour la gestion du patrimoine mobilier successoral ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE l'acte précité de 2012 n'a désigné des mandataires que pour la gestion immobilière ; que comme il vient d'être écrit, le remplacement ou la désignation d'un mandataire successoral entre dans le champ d'application de l'article 813-1 du code civil et le président du tribunal de grande instance est compétent pour statuer en la forme de référé en application de l'article 1380 du code civil ; mais comme l'indiquent les intimés dans leurs conclusions une telle désignation ressort du pouvoir d'appréciation du juge ; que dans leurs conclusions d'appel, les consorts J... soutiennent que depuis le décès et le rapport I..., le sort des avoirs mobiliers relevant de la succession est inconnu et qu'aucune suite n'a été donnée à leur sommation de produire en première instance la liste des fonds et la situation des comptes dépendant de la succession en nue-propriété et sur lesquels Madame veuve U... exerce son usufruit, en se reportant aux créances ou valeurs mobilières découlant du rapport précité et en se plaignant de ne pas avoir obtenu les contrats d'assurance et les baux et fermages des biens restés en indivision ; que les consorts U... répliquent qu'il n'est apporté aucune justification de prétendues demandes amiables, d'autant plus qu'ils ont communiqué devant le président statuant en la forme des référés le récapitulatif des dépenses et recettes de 2013 à 2015 ; qu'ils ajoutent que les relevés bancaires sont directement reçus par Madame Q... J... qui est donc au courant en temps réel de la gestion ; que la cour considère que les motifs de rejet de la désignation d'un mandataire par le président du tribunal de grande instance sont tout à fait adaptés puisque les consorts J... connaissent la consistance des fonds dégagés grâce à la vente de La petite Forêt et ont toutes informations sur les valeurs mobilières et liquidités qui figurent au rapport I... précité page 29, avec en page 26 la créance sur le conservatoire du littoral, et en annexe 13 le détail des valeurs mobilières ; que les réponses ainsi données et les comptes et pièces produites (pièces 15 à 41 dont liste des dépenses et recettes, baux, relevés de compte, factures) suffisent à démontrer l'absence de carence de la gestion des mandataires, en sorte que les consorts J... n'établissent pas en quoi ce patrimoine mobilier (comme immobilier d'ailleurs) serait en péril en raison de l'inertie ou d'une faute de leurs adversaires ; que par ailleurs la seule existence de la présente procédure ne permet pas de démontrer une mésentente réelle et fondée ; que de plus aucune opposition d'intérêt n'est établie, et au regard de toutes les opérations intervenues antérieurement énumérées dans les conclusions des consorts U..., ce qui subsiste de l'indivision ne comporte pas une si grande complexité de gestion qu'il faille désigner un mandataire successoral ; qu'il doit être ajouté que le litige opposant les parties (affaire dite « Vigneron ») ayant donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de Caen du 8 mars 2016 ne permet pas de détecter une quelconque anomalie, puisque la cour n'a fait que déclarer les consorts J... irrecevable en leur appel d'une ordonnance du juge de la mise en état ; que quant à la faute reprochée d'avoir laissé construire une extension du magasin Carrefour Market sur le parking de Tourgeville, l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 12 mai 2015 a relevé que c'est le locataire (Carrefour Market) qui a édifié en cours de bail des constructions sur la parcelle louée et l'empiétement par ce locataire n'apparaît pas manifestement illicite, en sorte que les reproches adressés aux consorts U... ne sont pas démontrés ;
1/ ALORS QUE la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt attaqué ayant rejeté la demande de désignation d'un mandataire successoral pour la gestion tant de l'actif successoral immobilier que mobilier, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE la cour d'appel a constaté que les héritiers avaient demandé la désignation d'un mandataire successoral en 2011, dans le cadre de la procédure de partage ; qu'elle a constaté que les héritiers avaient signé un protocole transactionnel de partage partiel de succession le 29 décembre 2012, portant notamment mandat successoral conventionnel pour l'actif successoral immobilier mais que les consorts J..., se plaignant d'une gestion erratique par les deux héritiers mandataires et leur manquement à leur obligation de rendre compte, avaient révoqué le mandat et introduit la présente instance aux fins de désignation d'un nouveau mandataire successoral eu égard à la mésentente entre les consorts J... et les consorts U... et à l'importance de l'actif successoral ; qu'elle a constaté que les consorts U... contestait la révocation du mandat, considérant que la révocation n'avait pu produire effet ; qu'il se déduisait de ces constatations l'existence d'une mésentente entre les héritiers et d'une opposition d'intérêts dans la gestion de l'actif successoral ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de désignation d'un mandataire successoral, que « la seule existence de la présente procédure ne permet pas de démontrer une mésentente réelle et fondée ; que de plus aucune opposition d'intérêt n'est établie », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 813-1 du code civil.