SOC.
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10052 F
Pourvoi n° N 18-23.911
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2020
La société Herbalife international France, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 18-23.911 contre les arrêts rendus les 11 février 2014, 8 mars 2016 et 18 septembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. C... L..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
M. L... a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Herbalife international France, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. L..., après débats en l'audience publique du 3 décembre 2019 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé au pourvoi principal et celui annexé au pourvoi incident éventuel, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Herbalife international France, demanderesse au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Herbalife International France de toutes ses demandes - relatives à l'annulation de la transaction conclue le 16 juillet 2009 avec M. L... et aux conséquences financières de cette annulation - et de l'avoir condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. L... la somme de 6.000 euros pour frais irrépétibles;
AUX MOTIFS QUE « que l'objet du litige demeure comme en première instance la demande de la SA de nullité de la transaction conclue le 16 juillet 2009 avec Monsieur L... aux fins de régler les conséquences de son licenciement notifié le 2 juillet 2009 ; que la SA qui soutient que son consentement a été vicié par les manoeuvres dolosives de Monsieur L... -et ceci alors que l'article 1116 du Code civil régissait encore le litige- supporte exclusivement la charge de prouver la réalité du dol qu'elle allègue; que Monsieur L... est fondé à faire grief aux premiers juges de s'être mépris pour retenir que la preuve du prétendu dol résultait de manière évidente des constats réalisés le 28 janvier 2010 au siège de la Société TRIOVISTA dont Monsieur L... était Président ; qu'en effet ces éléments ont abouti à la condamnation de Monsieur L... -et de Monsieur B... autre ancien salarié de la SA ainsi que de Monsieur G... fournisseur de celle-ci- pour des actes qualifiés de concurrence déloyale envers la Société intimée par arrêt de la première Chambre civile de la Cour de céans du 27 mai 2015 devenu irrévocable par l'effet de l'arrêt de la Cour de Cassation du 13 septembre 2017 ayant rejeté le pourvoi, ce qui était l'événement ayant mis fin au sursis à statuer; que cependant le cadre juridique de cette instance est distinct de celui de la présente espèce, étant notamment observé, ainsi que le relève Monsieur L..., que le dol ne se présume pas et que la caractérisation postérieure d'une concurrence déloyale, ni d'un préjudice, ne constituent des moyens de preuve suffisants ; qu'il s'ensuit que les moyens de preuve tirés à cette occasion du procès-verbal de constat du 28 janvier 2010 sont en l'espèce sans valeur probante suffisante et que Monsieur L... sera débouté de sa demande de retrait de ceux-ci ; que les premiers juges se sont à tort abstenus d'examiner les moyens afférents à la réalité des manoeuvres prétendues et à leur incidence sur le consentement au jour de la conclusion de la transaction querellée, le seul constat que Monsieur L... en mai 2009 avait échangé des mails au sujet de la création de la Société TRIOVISTA s'avérant dépourvu de valeur probante suffisante ; qu'à cet égard là SA soutient que les manoeuvres dont elle a été victime ont constitué en l'organisation d'un complot entre Monsieur L... et Monsieur B... qui était son Directeur Général, ainsi que l'épouse de ce dernier, Madame N... ayant à l'époque occupé les fonctions de Responsable des Ressources Humaines -ces trois personnes entretenant des liens d'amitié- pour organiser le licenciement fictif de l'appelant puis convaincre celle-là de conclure une transaction avantageuse pour lui avec le projet déjà conçu de créer une société destinée à lui faire concurrence de manière déloyale ; que sans que la Cour ne soit tenue de répondre à tous les détails de l'argumentation des parties, notamment sur l'activité de la Société HERBALIFE, il appert des propres moyens de preuve de la SA, ainsi que le fait valoir Monsieur L..., que les manoeuvres dolosives ne sont pas suffisamment caractérisées, et que l'intimée avait négocié puis signé la transaction litigieuse en en mesurant parfaitement les causes et conséquences, ce qui exclut la réalité d'un vice du consentement ; que ceci s'avère de plus fort confirmé par le fait que la transaction considérée -qui se referme sur son objet constitué par les conséquences de la rupture d'un contrat de travail- ne produisait aucun effet extinctif du droit de la SA de se protéger postérieurement de l'éventuelle concurrence déloyale que mènerait à son encontre un ancien salarié, ce qu'elle n'allègue pas avoir ignoré et du reste elle en a très vite usé envers Monsieur L... ; qu'ainsi dès le 9 décembre 2009 la SA par un mail et un courrier de Monsieur D..., son Vice-Président Europe et Afrique, fait connaître à Monsieur L... courtoisement son intérêt pour la Société TRIOVISTA en lui rappelant son obligation de loyauté, puis en faisant autoriser les saisies en janvier 2010, cette chronologie brève faisant déjà ressortir l'attention -du reste légitime- portée par celle-là à ses intérêts commerciaux, sans pour autant dans le courrier susvisé soutenir avoir été trompée par l'appelant sur ses intentions lors de la conclusion de la transaction, ce qui est de nature à faire douter du vice du consentement ; que par ailleurs bien que la transaction litigieuse, comme la lettre de licenciement, ont été signées par Monsieur B..., avec en amont l'intervention de Madame N... épouse B..., ainsi que le souligne Monsieur L... il est avéré que la négociation du tout s'est effectuée au niveau des instances européennes de l'intimée -avec l'intervention de Monsieur S... A... Directeur Général Europe et de Monsieur V... Vice-Président Europe des Ressources Humaines- ces personnes ayant connaissance des inquiétudes et questions de Monsieur L... sur la stratégie de la SA, mais aussi conscience du savoir ainsi que de l'expérience de ce dernier afférents à son activité commerciale et donc de la possible utilisation par lui de ceux-ci alors que son contrat de travail ne contenait pas de clause de non-concurrence étant relevé avec Monsieur L... que dans ce cas son action postérieure au licenciement pour le compte d'une société concurrente ne se trouvait pas reprochable, rien ne permettant de convaincre que lors de la conclusion de la transaction celui-ci avait l'intention de pratiquer une concurrence déloyale, des échanges de mails avec Monsieur G... même à propos de documents et méthodes de la SA HERBALIFE, régulièrement à l'époque connus d'eux dans l'exercice de leurs fonctions se révélant insuffisants pour prouver une mauvaise foi qui ne se présume pas ; qu'il s'évince en ce sens que le 27 mai 2009 Monsieur S... A... proposait à Monsieur L... de le rencontrer pour échanger -se disant très concerné- sur "ses questions significatives sur la direction actuelle et future que prend HERBALIFE" et ceci après que Q... (c'est Monsieur B...) l'en avait informé, en ajoutant souhaiter "prendre le temps d'écouter les inquiétudes en personne, car je veux les comprendre et en même temps te partager mon point de vue" ; que cette rencontre a eu lieu -le mail du secrétariat de Monsieur S... A... du 9 juin 2009 la confirmant pour le 10 juin 2009-, et si la teneur ne résulte d'aucune pièce, il apparaît du mail ci-avant analysé du 27 mai 2009 que son objet était l'avenir de Monsieur L... au sein de la SA ; qu'en juin et juillet 2009 ont été échangés des mails entre Mme N... et M. V... sur les conditions de la transaction réglant les conséquences de la rupture du contrat de travail de Monsieur L... ; que la SA s'était aussi adjointe le concours d'un avocat avec lequel a correspondu Madame N... ; qu'il appert du tout que Monsieur V... avait envisagé de soumettre Monsieur L... à une clause de non-concurrence ; que la SA peine à convaincre que les affirmations de Madame N... sur la difficulté et le coût de prévoir une telle clause auraient malicieusement pu vicier l'appréciation d'un supérieur hiérarchique au niveau européen en charge des ressources humaines, et du professionnel du droit, l'avocat, dont le concours avait été requis ; que la circonstance que Madame N... a été licenciée le 26 février 2010 pour faute grave tirée de l'exécution de sa mission lors de la rupture du contrat de travail de Monsieur L..., et que la Cour de céans par arrêt devenu irrévocable du 8 mars 2016 a considéré que ce licenciement était bien fondé, ne contribue pas à établir le dol allégué, ni le vice du consentement subséquent ; que d'abord du fait de l'effet relatif des décisions de justice l'arrêt susvisé est dépourvu sur la présente espèce d'autorité de chose jugée ; qu'il s'évince toutefois de l'énoncé dans cet arrêt des motifs du licenciement que la SA confirme qu'elle s'était adjointe les services d'un avocat, et que la salariée avait enfreint les instructions expresses de celle-là de veiller à ce que Monsieur L... ne puisse conserver aucune information confidentielle concernant la Société, notamment sur un ordinateur ; que l'émission par la SA d'un tel ordre à l'occasion de la rupture du contrat de travail et de la conclusion de l'accord transactionnel met en exergue l'absence de vice du consentement et au contraire les précautions dont elle s'entourait ; que l'insubordination fautive de Madame N..., au vu de ce qui précède a été sans lien avec le consentement de la SA à la transaction, mais postérieurement elle en a tiré les conséquences en exerçant son pouvoir disciplinaire, et en l'invoquant pour obtenir réparation de la concurrence déloyale commise postérieurement ; que l'attestation émise le 10 février 2010 par Monsieur X... D..., Vice-Président Europe, relatant des discussions en novembre 2009 avec Monsieur B... au sujet de la Société TRIOVISTA et de Monsieur L..., où celui-ci aurait déclaré avoir été surpris ne suffit pas, au vu de ce qui précède, à établir le complot prétendu; que cette analyse suffit à exclure faute de preuve suffisante l'existence d'un vice du consentement de la SA, ce qui commande en infirmant le jugement querellé de la débouter de toutes ses demandes afférentes à la nullité de la transaction ainsi que de sa demande additionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ; que le jugement sera aussi infirmé sur les frais irrépétibles et les dépens ; que la SA sera condamnée aux dépens des deux instances ainsi qu'à payer à Monsieur L... la somme de 6.000 Euros pour frais irrépétibles d'appel, ses propres demandes à ce titre pour les deux instances étant rejetées » ;
1. ALORS QUE les manoeuvres dolosives invoquées par l'une des parties, en l'absence desquelles cette partie n'aurait pas conclu le contrat, doivent nécessairement être mises en relation avec l'objet particulier du contrat dont la validité est contestée ; que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme le commandaient les conclusions de la société employeur, si la rupture du contrat de travail procédait bien d'un licenciement qui avait été contesté par le salarié et si de réelles concessions avaient été faites en contrepartie des concessions de la société et non simulées à seule fin d'obtenir une indemnité transactionnelle avantageuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 ( nouveaux articles 1137et 1138), 2044 et 2048 du code civil ;
2. ALORS, AU SURPLUS, QUE la transaction litigieuse avait pour objet déclaré de régler les conséquences du désaccord exprimé par le salarié sur le bien- fondé de son licenciement et de prévenir ainsi toute action contentieuse portant sur ce licenciement ; que, pour en demander l'annulation, la société se prévalait du caractère frauduleux de la procédure de licenciement, fictivement organisée pour justifier le versement d'une indemnité transactionnelle sans contrepartie réelle pour la société, la rupture procédant en réalité de la seule volonté du salarié; qu'en rejetant la demande d'annulation de la transaction par des motifs inopérants - relatifs notamment à la faculté laissée à la société de se protéger contre les risques de concurrence de l'ancien salarié -, sans rechercher si des preuves suffisantes de l'absence de réalité du licenciement et de l'inexistence du différend qu'il risquait d'engendrer n'étaient pas rapportées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1116 dans sa rédaction applicable en la cause (actuels articles 1137 et 1138) du code civil ;
3. ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait sans contradiction affirmer que « les manoeuvres dolosives ne sont pas suffisamment caractérisées » et que l'intimée avait « négocié et signé la transaction en en mesurant parfaitement les causes et les conséquences » et reconnaitre par ailleurs que le licenciement et les négociations relatives à la transaction ont été menées sous l'égide de Mme N..., alors DRH de la société, et que celle-ci « a été licenciée le 26 février 2010 pour faute grave tirée de l'exécution de sa mission lors de la rupture du contrat de travail », licenciement définitivement jugé bien fondé et, enfin, que la salariée avait enfreint les instructions expresse de la société ; qu'en raison du manque de cohérence de ces motifs, il apparaît que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a méconnu le sens et la portée des articles de l'article 1116 dans sa rédaction applicable en la cause (actuels articles 1137 et 1138) du code civil et 2044 et 2048 du code civil ;
4. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE si le dol ne se présume pas et doit être prouvé par celui qui l'invoque, il n'en demeure pas moins que ce vice du consentement constitue un fait juridique susceptible d'être prouvé par tous moyens, notamment par de simples présomptions ; qu'en refusant de rechercher, comme le commandaient les conclusions de la société employeur, si la création d'une société concurrente concomitante au prétendu licenciement du salarié, les manoeuvres et captations d'informations établies par constat d'huissier pendant la période ayant précédé le prétendu licenciement, le comportement anormal de la DRH qui a diligenté la procédure de licenciement et dont la faute grave a été ultérieurement retenue ainsi que sa part prise à la constitution de la société concurrente, ne permettaient pas d'établir la réalité de l'intention dolosive du salarié qui avait bien eu la volonté de quitter l'entreprise et n'avait en revanche jamais eu l'intention de contester un quelconque licenciement dont il aurait fait l'objet ni de respecter l'obligation de loyauté souscrite dans la transaction, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1116 du code civil dans son ancienne rédaction (actuel article 1137).
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. L..., demandeur au pourvoi incident éventuel
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. L... de sa demande de retrait de pièces,
AUX MOTIFS QUE le dol ne se résume pas et que la caractérisation postérieure d'une concurrence déloyale, ni d'un préjudice, ne constituent pas des moyens de preuve suffisants ; qu'il s'ensuit que les moyens de preuve tirés à cette occasion du procès-verbal de constat du 28 janvier 2010 sont en l'espèce sans valeur probante suffisante et que M. L... sera débouté de sa demande de retrait de ceux-ci,
ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en se bornant, après avoir relevé leur absence de valeur probante suffisante pour établir le dol, à rejeter la demande de M. L... visant à ce que les éléments de preuve issus du procèsverbal de constat du 28 janvier 2010 soient écartés des débats et retirées du dossier, sans répondre au moyen qui soutenait que ces pièces avaient été obtenues en violation des termes de l'ordonnance rendue par le juge des requêtes, en violation du principe de la contradiction et en violation du droit de M. L... au respect de sa vie privée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.