La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/01/2020 | FRANCE | N°18-21616

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 janvier 2020, 18-21616


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 23 mai 2018), qu'engagé le 1er octobre 2010 par la société d'expertise comptable Segenest en qualité de responsable d'agence, M. R... a été licencié pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ; qu'un jugement a dit que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et quatrième branche

s :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement mo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 23 mai 2018), qu'engagé le 1er octobre 2010 par la société d'expertise comptable Segenest en qualité de responsable d'agence, M. R... a été licencié pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ; qu'un jugement a dit que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et quatrième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique, pris en ses autres branches :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance ; qu'en statuant au seul vu des conclusions de la société Segenest, appelante, sans examiner les motifs du jugement infirmatif ayant fait droit aux demandes de M. R..., intimé, la cour d'appel a violé l'article 472 du code de procédure civile ;

2°/ que le conseil de prud'hommes dont la cour d'appel devait examiner les motifs que M. R... s'était implicitement appropriés a considéré que la direction de l'entreprise était au courant de l'embauche concernée qui avait été discutée en réunion ; que la cour d'appel qui n'a pas examiné ce motif déterminant a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir reproduit les motifs énoncés dans la lettre de licenciement et retenu que le salarié, de manière délibérée, n'avait pas respecté un ordre clair et précis de sa supérieure hiérarchique en procédant à une embauche dont il avait dissimulé la réalité, commettant un acte prémédité d'insubordination, la cour d'appel qui a ainsi écarté les motifs du jugement, n'encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. R... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. R....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. M... R... reposait sur une faute grave et de l'avoir débouté de toutes ses demandes indemnitaires ;

Aux motifs que la lettre de licenciement adressée à M. R... est libellée comme suit : « Nous [
] sommes contraints de vous notifier [
.] votre licenciement pour faute grave en raison des manquements constatés à vos obligations professionnelles. En effet, vous avez sollicité en juin puis fin août 2014, l'embauche d'une nouvelle collaboratrice pour renforcer l'équipe de notre établissement de G... dont vous êtes chargé. Je vous ai indiqué le 05 septembre 2014 prendre en compte votre demande qui ferait l'objet d'une discussion lors de la réunion prévue le 17 septembre 2014. Or, à mon retour le 12 septembre 2014, j'ai appris par Madame U... H... que vous aviez engagé une collaboratrice sans attendre notre réunion, et qu'en outre elle avait pris ses fonctions dans notre agence de G... sans avoir signé de contrat de travail ni avoir été déclarée à l'URSSAF ! Non seulement vous avez outrepassé vos attributions en prenant cette initiative sans l'accord de la Direction, et en nous dissimulant la situation qui n'a été découverte que suite à un appel de Madame U... H... au bureau de G..., ce qui relève de l'insubordination. Mais en plus, vous faîtes travailler cette personne au sein de SEGENEST sans respecter les règles élémentaires liées à toute embauche, faisant supporter à la Direction le risque pénal y afférent alors que vous êtes expert-comptable diplômé. Fort heureusement, aucun accident n'est à déplorer mais nous ne sommes pas à l'abri d'une contestation de l'intéressée ou des suites d'un contrôle URSSAF puisque, même si nous avons régularisé la situation lors de la découverte de la situation, l'infraction pénale de travail dissimulé est incontestable. Vous avez évoqué lors de notre entretien, avoir le sentiment de faire l'objet d'une cabale,ce qui en ma qualité de dirigeante de la société SEGENEST j'ai démenti vous rappelant d'une part que l'amalgame ne devait pas être fait entre vos fonctions et responsabilités au sein de la société, et votre participation au projet de reprise de la société, et que d'autre part si cabale il y avait eu rien n'aurait été fait pour régulariser la situation de la salariée que vous aviez engagée. En outre, les faits avérés ne sont pas contestés et personne d'autre que vous n'en est responsable. Donc, rien ne peut justifier une telle attitude à notre égard ni expliquer un tel manquement à vos obligations professionnelles [
] ; selon les dispositions de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; la SARL Segenest entend se prévaloir de la faute grave de M. R... ; il est de principe que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave du salarié d'en apporter la preuve ; au soutien de ses prétentions la société produit : le contrat de travail de M . R... qui détaille ses fonctions parmi lesquelles ne figure pas celle d'embaucher une collaboratrice – les attestations des témoins suivantes : * celle de Mme U... H... qui fait état de ce que, d'une part, M. R... a demandé à Mme Q... C..., dont le contrat d'apprentissage s'était terminé le 4 septembre 2014, de rester travailler au-delà de cette date, sans en avertir, au préalable, Mme N... A..., PDG de la SA Segenest, alors en congés et de ce que d'autre part, le 12 septembre 2014, elle avait établi, sur la demande de Mme A... une déclaration préalable à l'embauche pour régulariser la situation de Mme Q... C... pour la période allant du 8 au 19 septembre 2014 ; * celle de Mme Q... C... qui indique qu'elle est revenue au travail le 8 septembre 2014 ; que le 12 septembre 2014 M. R... lui a fait signer un contrat à durée déterminée lequel a donné suite à un contrat à durée indéterminée à compter du 22 septembre 2014 ; * celle de M. F... J... expliquant que, lors d'une réunion du 17 septembre 2014, à laquelle il participait lui-même, M. R... a reconnu qu'il n'avait pas suivi les recommandations de Mme Chardin-L 'hôtel quant à l'embauche de Mme C..., selon lesquelles il y avait lieu d'attendre que se tienne cette réunion pour apprécier si la situation commerciale du bureau de G... où travaillait M. R... le permettait ; * celle de Mme B... X... qui expose, d'une part, que Mme A... a expressément demandé à M. R... de signifier à Mme C... que son embauche ne pouvait être faite puisque M. L... était susceptible de reprendre le travail après un congé maladie de plusieurs mois ; d'autre part qu'une réunion devait être organisée au retour de congé de Mme A... pour faire le point sur ce sujet et enfin, que M. V... lui avait répondu qu'il se chargeait d'en informer Mme C... ; - la déclaration préalable à l'embauche de Mme C... faite le 12 septembre 2014 à l'URSSAF – le contrat à durée déterminée pour douze jours de Mme C... signé le 8 septembre 2014 par cette dernière et Mme A... ; en conclusion, il apparaît que M. R..., de manière délibérée, n'a pas respecté un ordre clair et précis que lui avait donné sa supérieure hiérarchique, Mme A... et a caché pendant quelques jours la réalité de l'embauche de Mme C... sur sa propre initiative ; comme le soutient la SA Segenest, il s'agit d'un acte prémédité d'insubordination de M. V... dont les conséquences ont, certes, été limitées puisque les lacunes de ce dernier ont pu être rattrapées (déclaration auprès de l' URSSAF et rédaction d'un contrat de travail à durée déterminée) et qu'un contrat à durée indéterminée a été conclu quelques jours plus tard mais qui constitue une14 faute grave, M. R... ayant pris l'option, alors que Mme A... était partie en congés de se substituer à elle pour prendre une décision importante, ne relevant absolument pas de ses fonctions, de nature à engager et les fonds de la société ainsi que la responsabilité de cette dernière et, ce, en opposition totale avec la position affirmée de son PDG, au demeurant, devant plusieurs autres salariés ; ainsi, il apparaît de l'ensemble de ces éléments que le comportement de M. R... constitue une faute grave dès lors qu'il rendait impossible son maintien dans l'entreprise, ce qui conduit à infirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point ; l'article L 1234-9 du code du travail exclut le droit à l'indemnité de licenciement lorsque celui-ci est motivé par la faute grave du salarié ; le jugement entrepris est donc également infirmé en ce qu'il a octroyé à M. R... diverses indemnités en lien avec son licenciement ;

ALORS, TOUT D'ABORD, QUE la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance ; qu'en statuant au seul vu des conclusions de la société Segenest, appelante, sans examiner les motifs du jugement infirmatif ayant fait droit aux demandes de M. R..., intimé, la cour d'appel a violé l'article 472 du code de procédure civile ;

ALORS ENSUITE QUE la faute grave est celle qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise à laquelle le comportement du salarié a porté préjudice ; que la cour d'appel qui a constaté que les lacunes imputées à Monsieur R... n'avaient eu que des conséquences limitées puisqu'elles avaient pu être réparées a violé l'article L 1234-9 du code du travail ;

ALORS EN OUTRE QUE le conseil de prud'hommes dont la cour d'appel devait examiner les motifs que Monsieur R... s'était implicitement appropriés a considéré que la direction de l'entreprise était au courant de l'embauche concernée qui avait été discutée en réunion ; que la cour d'appel qui n'a pas examiné ce motif déterminant a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE la faute grave implique une réaction immédiate de l'employeur se traduisant notamment par la mise à pied conservatoire du salarié ; que le conseil de prud'hommes avait jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. R... au motif que l'employeur avait estimé que la faute n'était pas de nature à mettre en péril ou en difficulté la société ; que la cour d'appel qui n'a pas examiné les conséquences de l'absence de mise à pied conservatoire a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1332-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-21616
Date de la décision : 08/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 23 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jan. 2020, pourvoi n°18-21616


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.21616
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award