La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/01/2020 | FRANCE | N°18-17901

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 janvier 2020, 18-17901


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Limoges, 3 avril 2018), qu'engagé par la société But international le 10 janvier 1986 en qualité de manutentionnaire et occupant dans le dernier état des relations contractuelles la fonction de chef de dépôt magasin, M. B... a été licencié pour faute grave le 16 janvier 2016 ; qu'il a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié par une faute

grave et de le débouter de l'ensemble de ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Limoges, 3 avril 2018), qu'engagé par la société But international le 10 janvier 1986 en qualité de manutentionnaire et occupant dans le dernier état des relations contractuelles la fonction de chef de dépôt magasin, M. B... a été licencié pour faute grave le 16 janvier 2016 ; qu'il a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié par une faute grave et de le débouter de l'ensemble de ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la faute grave s'entend uniquement de celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'un comportement pratiqué dans l'entreprise et connu de l'employeur qui n'a jamais fait l'objet de sanction n'est pas constitutif d'une faute grave ; qu'en considérant que le fait pour le salarié, M. B..., d'avoir lui-même livré avec son véhicule personnel et monté le meuble d'une cliente contre une somme de 60 euros était constitutif d'une faute grave dès lors que les attestations « n'en justifient pas pour autant que la direction l'avait formellement avalisé ou même sérieusement toléré », après cependant avoir constaté la réalité de cette pratique dans l'entreprise à la connaissance de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et 1234-1 du code du travail ;

2°/ que la faute grave s'entend uniquement de celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur de démontrer la gravité de la faute ; qu'en considérant que le fait pour le salarié, M. B..., d'avoir lui-même livré avec son véhicule personnel et monté le meuble d'une cliente contre une somme de 60 euros était constitutif d'une faute grave dès lors que les attestations « n'en justifient pas pour autant que la direction l'avait formellement avalisé ou même sérieusement toléré », après cependant avoir constaté la réalité de cette pratique, quand il appartenait à l'employeur de démontrer que cette pratique n'avait jamais été tolérée si bien qu'il était impossible de maintenir le salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve violé les articles L. 1232-1 et 1234-1 du code du travail ensemble l'article 1315 (ancien) du code civil ;

3°/ que la faute grave s'entend uniquement de celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'elle s'apprécie au regard de l'ancienneté du salarié et des sanctions dont il a pu préalablement faire l'objet ; qu'en considérant que le fait pour le salarié, M. B..., embauché en 1986, soit trente ans avant la procédure de licenciement, et qui n'avait fait l'objet d'une sanction disciplinaire, d'avoir lui-même livré avec son véhicule personnel et monté le meuble d'une cliente contre une somme de 60€ était constitutif d'une faute grave sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'ancienneté et l'absence de sanction préalable, tel un avertissement, n'ôtaient pas aux faits leur gravité, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles L. 1232-1 et 1234-1 du code du travail ;

Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel qui, après avoir estimé que les faits reprochés au salarié, établis, étaient contraires aux instructions de l'employeur incitant au fonctionnement du service intégré de livraison, a pu décider qu'ils rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et constituaient une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour M. B...

M. B... reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement justifié par une faute grave et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes.

AUX MOTIFS QUE : « Attendu qu'une faute grave, visée dans une lettre de licenciement qui délimite le litige, doit être de nature à rendre impossible le maintien du contrat de travail qu'en l'espèce le seul fait visé est celui du 17 novembre 2015, renvoyant à la notion d'une pratique courante dans l'entreprise ; Attendu qu'il est constant que ce jour-là, monsieur B... est allé livrer chez madame C..., entre 15 et 18 heures, un meuble qu'elle avait commandé au magasin le 13 novembre et qui était prévu à emporter; qu'elle atteste précisément que le salarié lui aurait indiqué procéder ainsi de façon régulière pour arrondir ses fins de mois ; qu'elle dit que la somme de 60,00 euros aurait été négociée par elle avec l'intéressé et son collègue commercial (monsieur U..., qui allait plus tard recevoir de la direction un avertissement) ; que le voisin Bastière confirme le déroulement des faits au domicile de madame C... ; qu'elle indique encore que monsieur B... l'avait par la suite appelée et était même venu sonner à sa porte, afin qu'elle dise qu'il était un ami et avait agi bénévolement; Attendu que la réalité du montage de meubles hors service de livraison But, contre rémunération en liquide, est donc établie; Attendu que pour voir admettre que la direction - ce qu'elle conteste fermement - aurait admis ce genre de pratique qui constituerait donc une tolérance, et donc la priver de toute gravité, monsieur B... verse au dossier plusieurs attestations de clients : F... : elle a acheté des meubles en 1989 (...) ; monsieur B... l'avait livrée en 24 heures en dehors de ses heures de travail, avec la camionnette But; K... : il a acheté une cuisine en 2010 ; le vendeur lui disait que la pose serait assurée par un de ses collègues, sur ses jours de repos ; J... : il a acheté des meubles en septembre 2010 ; le vendeur l'orientait vers le dépôt, pour une livraison en dehors des heures de travail ; T... elle a acheté une cuisine en 2011; monsieur B... est intervenu sur demande de But, après mauvais travail du sous-traitant poseur; L... : il a acheté des meubles en mai 2014 ; les conditions de livraison ne le satisfaisant pas, le vendeur l'avait dirigé vers le dépôt pour trouver un arrangement; X... : elle a acheté une armoire en octobre 2015 ; le vendeur lui avait dit que les délais de livraison étaient longs mais qu'un collègue en congé pourrait le faire; ce fut fait le lendemain « pour sauver la vente »; - I... elle a acheté divers meubles ; elle refusait les livraisons trop onéreuses; le vendeur proposait la livraison par un employé du dépôt pour qu'il ne perde pas la vente; il disait que la direction était au courant ; A... : il a acheté des meubles ; il était mis en relation avec le chef de dépôt pour la livraison; Attendu que monsieur B... produit des attestations de collègues : B... (homonyme), livreur, a travaillé à But; les vendeurs renvoyaient vers monsieur B... pour la pose, avec l'approbation du directeur (prise de la camionnette devant les caméras) ; il prenait sur son temps libre; Y... : elle a travaillé chez But jusqu'en 2012 comme vendeuse; elle faisait appel à monsieur B... en cas de souci de livraison, sur ses heures de repos, au vu et au su de la direction; D...: elle a travaillé chez But jusqu'en mars 2015 comme caissière; le montage de meubles chez les clients étaient courants, connus de la direction, et sauvaient des ventes; Attendu cependant que ces éléments, s'ils font apparaître la réalité d'un système, n'en justifient pas pour autant que la direction l'avait formellement avalisé ou même sérieusement toléré, alors surtout que madame N..., secrétaire commerciale, atteste que le directeur n'a jamais donné d'accord aux employés pour des livraisons et montages avec encaissement pour leur compte personnel ; qu'il incitait au contraire l'équipe à faire fonctionner à plein le service intégré de livraisons. Attendu qu'il n'est donc pas établi que le comportement reproché à monsieur B..., matériellement avéré, aurait constitué une tolérance de l'employeur; que cette pratique consistant à se faire rémunérer en lieu et place du service « normal » de livraison est à l'évidence fautive et présente un caractère de gravité suffisant et ne permettant pas le maintien du salarié dans l'entreprise pour que le licenciement prononcé soit validé; Attendu que le jugement sera dès lors infirmé; Sur les autres demandes. »

ALORS QUE 1°) la faute grave s'entend uniquement de celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'un comportement pratiqué dans l'entreprise et connu de l'employeur qui n'a jamais fait l'objet de sanction n'est pas constitutif d'une faute grave ; qu'en considérant que le fait pour le salarié, M. B..., d'avoir lui-même livré avec son véhicule personnel et monté le meuble d'une cliente contre une somme de 60 € était constitutif d'une faute grave dès lors que les attestations « n'en justifient pas pour autant que la direction l'avait formellement avalisé ou même sérieusement toléré », après cependant avoir constaté la réalité de cette pratique dans l'entreprise à la connaissance de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et 1234-1 du Code du travail ;

ALORS QUE 2°) la faute grave s'entend uniquement de celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur de démontrer la gravité de la faute ; qu'en considérant que le fait pour le salarié, M. B..., d'avoir lui-même livré avec son véhicule personnel et monté le meuble d'une cliente contre une somme de 60 € était constitutif d'une faute grave dès lors que les attestations « n'en justifient pas pour autant que la direction l'avait formellement avalisé ou même sérieusement toléré », après cependant avoir constaté la réalité de cette pratique, quand il appartenait à l'employeur de démontrer que cette pratique n'avait jamais été tolérée si bien qu'il était impossible de maintenir le salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve violé les articles L. 1232-1 et 1234-1 du Code du travail ensemble l'article 1315 (ancien) du Code civil ;

ALORS QUE 3°) la faute grave s'entend uniquement de celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'elle s'apprécie au regard de l'ancienneté du salarié et des sanctions dont il a pu préalablement faire l'objet ; qu'en considérant que le fait pour le salarié, M. B..., embauché en 1986, soit trente ans avant la procédure de licenciement, et qui n'avait fait l'objet d'une sanction disciplinaire, d'avoir lui-même livré avec son véhicule personnel et monté le meuble d'une cliente contre une somme de 60 € était constitutif d'une faute grave sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'ancienneté et l'absence de sanction préalable, tel un avertissement, n'ôtaient pas aux faits leur gravité, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles L. 1232-1 et 1234-1 du Code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-17901
Date de la décision : 08/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 03 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jan. 2020, pourvoi n°18-17901


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.17901
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award