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08/01/2020 | FRANCE | N°18-16950

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 janvier 2020, 18-16950


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 mars 2018), que Mme Y... a été engagée le 30 mai 1986 en qualité de comptable par la société [...], aux droits de laquelle vient la société S2J Finance ; que courant 2013, la société [...], holding administrative fournissant des prestations de service à destination des filiales, a décidé le transfert de son siège d'Illzach (68) à Vignoles (21), sur un site de la société [...] chargée des activités d'exploitation et de commercialisation, avec laquelle elle co

nstituait le groupe [...] ; que le 2 octobre 2013, l'employeur a proposé à ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 mars 2018), que Mme Y... a été engagée le 30 mai 1986 en qualité de comptable par la société [...], aux droits de laquelle vient la société S2J Finance ; que courant 2013, la société [...], holding administrative fournissant des prestations de service à destination des filiales, a décidé le transfert de son siège d'Illzach (68) à Vignoles (21), sur un site de la société [...] chargée des activités d'exploitation et de commercialisation, avec laquelle elle constituait le groupe [...] ; que le 2 octobre 2013, l'employeur a proposé à la salariée la modification de son contrat de travail pour motif économique consistant en une mutation sur le site de Vignoles ; que suite à son refus et celui d'autres salariés, il a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique et a réuni les délégués du personnel les 18 novembre et 4 décembre 2013 ; que par jugement du 21 janvier 2014, le tribunal d'instance a reconnu l'existence d'une unité économique et sociale (UES) entre les sociétés [...] , ce en l'état de la situation existante à la date de la demande introductive d'instance, soit le 28 octobre 2013 ; que la salariée a été destinataire, le 4 février 2014, d'une lettre de l'employeur rappelant les raisons économiques du licenciement et lui proposant un contrat de sécurisation professionnelle ; que la salariée en ayant accepté le bénéfice, son contrat de travail a été rompu à l'issue du délai de réflexion ; que considérant que suite à la reconnaissance d'une UES, l'employeur devait préalablement au licenciement mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi, Mme Y... a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement de la salariée, de le condamner à lui payer avec intérêts au taux légal diverses sommes à titre d'indemnité pour nullité du licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, alors, selon le moyen que si les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de cette unité ; que pour retenir que les licenciements entrepris « participaient d'un seul et même projet décidé au niveau de l'UES constituée entre les sociétés [...] et [...] », la cour d'appel a relevé que la procédure de licenciement s'inscrivait dans un projet de regrouper l'ensemble des activités des sociétés [...] sur le site de Vignoles ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à établir que la décision de licenciement avait été prise au niveau de l'UES, cependant que les réorganisations pouvaient avoir été décidées individuellement par chaque société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-61 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'engagement de la procédure de modification des contrats de travail, puis de licenciement, était justifié par la volonté partagée de regrouper sur le site de Vignoles l'ensemble des activités de la société [...] et de la société [...] , la réorganisation de l'exploitation de cette dernière société, initiée fin 2011, étant parallèlement en cours, que les documents remis aux délégués du personnel établissaient que les licenciements étaient envisagés en raison de l'évolution et des perspectives stratégiques du groupe dont l'objectif était de finaliser l'optimisation et la rationalisation de sa structure, ce dont il résultait que les licenciements participaient d'un seul et même projet décidé au niveau de l'UES, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société S2J finance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme Y... la somme de 600 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société S2J finance

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'avoir dit que le licenciement est nul et d'avoir, en conséquence, condamné la société S2J Finance à payer à Mme Q... Y... les sommes suivantes : 13 197,36 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1 319,74 € bruts au titre des congés payés sur préavis, et 65 000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article L. 1235-11 du code du travail ;

aux motifs que « l'engagement de la procédure de modification des contrats de travail, puis de licenciement a été justifié dans les pièces communiquées par la volonté partagée de regrouper l'ensemble des activités de la société [...] (holding administrative fournissant des prestations de service à destination des filiales) et de la société [...] (en charge des activités d'exploitation et de commercialisation du groupe [...]) sur le site de Vignoles, le regroupement sur le site de Vignoles des activités de la société [...] , dont la réorganisation de l'exploitation avait été initiée fin 2011, étant parallèlement en cours ; que dans le document remis aux délégués du personnel le 8 novembre 2013, la direction de la société [...] a expressément indiqué (cf p 27) que « En conclusion, l'évolution actuelle et les perspectives stratégiques du groupe nous contraignent à envisager le licenciement de 11 personnes, correspondant à une suppression de poste et à 10 refus de mutations en Bourgogne. Le gain d'efficacité et la baisse des charges attendues par le transfert du siège. Cette baisse de charges devrait permettre de retrouver un niveau de résultat positif. ... » ; qu'elle a encore indiqué (cf p 10) que « L'objectif du Groupe est de finaliser l'optimisation et la rationalisation de sa structure afin de porter à moyen terme les projets de croissance interne et externe qui tireront partie de ses atouts ... » ; qu'il s'ensuit que les licenciements entrepris participaient d'un seul et même projet décidé au niveau de l'UES constituée entre les sociétés [...] de sorte que la société [...] devenue S2J Finance aurait dû mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi au niveau de l'UES pour les salariés licenciés de I... Organisation» ;

alors que si les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de cette unité ; que pour retenir que les licenciements entrepris « participaient d'un seul et même projet décidé au niveau de l'UES constituée entre les sociétés [...] et [...] » (arrêt, p. 4, dernier alinéa), la cour d'appel a relevé que la procédure de licenciement s'inscrivait dans un projet de regrouper l'ensemble des activités des sociétés [...] sur le site de Vignoles ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à établir que la décision de licenciement avait été prise au niveau de l'UES, cependant que les réorganisations pouvaient avoir été décidées individuellement par chaque société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-61 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'avoir condamné la société S2J Finance à payer à Mme Q... Y... les sommes suivantes : 32 182,75 € bruts en rémunération des heures supplémentaires, 3 218,75 € bruts au titre des congés payés sur heures supplémentaires, 4 950,01 € bruts au titre de la contrepartie obligatoire en repos, et 495 € bruts au titre des congés payés s'y rapportant ;

aux motifs que « sur la convention de forfait et les heures supplémentaires :
qu'il résulte des bulletins de paie et du solde de tout compte que Mme Y..., qui en dernier lieu occupait les fonctions de responsable de missions fiscalité/comptabilité comme cadre, était rémunérée au forfait jours de 214 jours ; qu'or Mme Y.... a été embauchée sur la base d'un horaire de travail de 39 heures par semaine ; que selon l'article L3121-40, actuellement L3121-55, du code du travail, la conclusion d'une convention requiert l'accord du salarié, et doit être établie par écrit ; que la société employeur ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une convention de forfait à laquelle la salariée aurait adhéré ; que le temps de travail doit donc, comme l'ont dit les premiers juges, être décompté suivant le droit commun de l'article L3121-10, actuellement L3121-27, du code du travail, et toute heure supplémentaire effectuée au-delà de la durée légale doit lui être payée et majorée ; que l'article L. 3171-4 du code du travail dispose que « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ; qu'ainsi, si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe à aucune des parties, il incombe cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires ; que la salariée appelante étaye sa demande par la production des relevés d'heures mensuels des mois de janvier 2011 à février 2014 qu'elle était tenue de transmettre au secrétariat administratif/Mme J..., et en annexe n° 18, le tableau récapitulatif qu'elle en a déduit du nombre global des heures supplémentaires accomplies chaque mois, du mois de février 2011 au mois de février 2014, en distinguant celles ouvrant droit à majoration de 25 % de celles ouvrant droit à majoration de 50 % ; que la société [...] oppose à l'appelante qu'elle a « retraité les horaires en temps de travail effectif et temps de travail retraité en application de l'accord de modulation sur l'année civile » sans pour autant justifier des heures de travail effectivement réalisées, ce qu'elle ne peut du reste faire faute de contrôle précis du temps de travail de la salariée considérée sous convention de forfait jours ; qu'en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, la demande en paiement peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat, soit sur la période de février 2011 à février 2014, le licenciement étant intervenu le 25 février 2014 ; que dès lors, il y a lieu après infirmation du jugement, d'accorder à Mme Y..., sur la base du décompte qu'elle présente en annexe n° 18, la somme qu'elle 9 sur 11 réclame de 32.182,75 € majorée de 3.218,28 € pour les congés payés en rémunération des heures supplémentaires ; qu'une contrepartie obligatoire en repos est due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel de 180 heures supplémentaires ; que la contrepartie obligatoire en repos est fixée à 50 % des heures accomplies pour les entreprises de moins de vingt salariés ; que Mme Y... ayant effectué 311,46 heures supplémentaires en 2011, 283,21 heures supplémentaires en 2012 et 286,71 heures supplémentaires en 2013 selon son tableau en annexe n° 19, et la société [...] ayant un effectif de moins de 20 salariés, il lui sera accordé la somme qu'elle réclame exactement de 4.950,01 € majorée d'un montant de 495 € de congés payés au titre de la contrepartie obligatoire en repos dont elle s'est trouvée privée » ;

alors que la société S2J Finance soutenait qu'elle avait procédé au retraitement des heures effectuées selon le propre décompte de la salariée en application de l'accord de modulation : « la concluante a, sur la base des décomptes présentés par la salariée, retraité les horaires en temps de travail effectif et temps de travail retraité en application de l'accord de modulation sur l'année civile » ; que pour refuser de procéder au retraitement des heures, la cour d'appel a retenu que l'exposante sollicitait un retraitement « sans pour autant justifier des heures de travail effectivement réalisées, ce qu'elle ne peut du reste faire, faute de contrôle précis du temps de travail de la salariée » ; qu'en statuant ainsi, quand il était précisément souligné que le retraitement était opéré sur la base du propre décompte de la salariée, la cour d'appel a dénaturé l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-16950
Date de la décision : 08/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 20 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jan. 2020, pourvoi n°18-16950


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.16950
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