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18/12/2019 | FRANCE | N°19-10.591

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 18 décembre 2019, 19-10.591


CIV. 1

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 décembre 2019




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10711 F

Pourvoi n° E 19-10.591







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par :

1°/ M. H... B...,
<

br>2°/ Mme M... B...,

domiciliés tous deux [...],

3°/ Mme O... B..., épouse N..., domiciliée [...] ,

contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section...

CIV. 1

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 décembre 2019

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10711 F

Pourvoi n° E 19-10.591

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par :

1°/ M. H... B...,

2°/ Mme M... B...,

domiciliés tous deux [...],

3°/ Mme O... B..., épouse N..., domiciliée [...] ,

contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme O... P..., épouse F..., domiciliée [...] ,

2°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en sa qualité d'office notarial détenteur des minutes de M. I..., notaire à [...],

défenderesses à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 novembre 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Berthomier, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP [...] et [...], avocat de M. H... B... et de Mmes M... et O... B..., de la SCP [...], [...] et [...], avocat de la SCP [...] et de la SCP [...], de la SCP [...] et ..., avocat de Mme P... ;

Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. H... B... et Mmes M... et O... B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP [...] et [...], avocat aux Conseils, pour M. H... B... et Mmes M... et O... B....

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de E... Q... pour ne pas avoir opté dans le délai de trente ans suivant l'ouverture de la succession de L... Q... et d'avoir, par voie de conséquence, déclaré irrecevable faute de qualité à agir l'action de E... Q..., reprise par ses héritiers, M... B..., épouse J..., O... B..., épouse N..., et H... B... ;

Aux motifs que, « Les consorts B..., ayants droit de E... Q..., agissent en nullité de l'acte de notoriété du [...], de l'attestation immobilière du 26 juillet 2012, en nullité ou en rectification de l'acte de notoriété prescriptive des [...] et [...], ainsi qu'en nullité du testament olographe du [...] ; ils sollicitent également l'application des peines du recel successoral à l'encontre de C... Q... et son héritière.

La recevabilité de l'action suppose que les demandeurs, et leur auteur avant eux, aient la qualité d'héritier nécessaire à la revendication de leurs droits dans la succession de L... Q....

C'est donc bien d'une action en pétition d'hérédité qu'il s'agit, comme l'a dit le premier juge.

Le cadre juridique est fixé par les textes antérieurs à la réforme du 23 juin 2006, la succession ayant été ouverte antérieurement au 1er janvier 2007 puisque L... Q... est décédé le [...] . Les textes alors en vigueur (articles 789 et 2262 du code civil) prévoyaient que l'option successorale, c'est-à-dire la faculté d'accepter ou de répudier une succession, se prescrivait par trente ans à compter de l'ouverture de la succession ; ce délai expiré, la qualité d'héritier est perdue.

En l'espèce, la succession ayant été ouverte au décès de L... Q..., et non comme le soutiennent les appelants au jour de l'acceptation expresse de C... Q..., les consorts B... et d'abord leur auteur, avaient perdu par le jeu de la prescription, leur qualité d'héritier au jour de la délivrance de l'exploit introductif d'instance.

Pour solliciter l'infirmation du jugement qui a déclaré l'action prescrite sur le fondement des règles ci-dessus, les appelants font valoir en premier lieu, que l'action en nullité de l'acte du 20 août 2012 a été engagée dans le délai de cinq ans prévus par la loi ; cependant ce moyen est inopérant, E... Q... ayant perdu la qualité d'héritier, du fait de la prescription, en 2011.

En deuxième lieu, ils soutiennent que, du fait des accords familiaux entre les deux soeurs, aucune manifestation expresse d'acceptation de la succession de L... Q... n'est intervenue, mais que comme sa demi-soeur, E... Q... a accepté tacitement la succession. Comme l'a dit le premier juge, si E... Q... a pu occuper au moins occasionnellement les biens de la famille, elle ne démontre pas, au-delà des attestations indiquant son attachement à la famille et au village, avoir effectué l'un des actes emportant aux termes de la loi acceptation tacite de la succession, ni accompli spécifiquement un acte d'héritier. Sur ce point, le tribunal a exactement relevé que, même en présence d'accords entre les deux soeurs rien n'empêchait E... Q..., qui affirme avoir bien eu connaissance du décès de son père en temps voulu, d'accomplir les actes nécessaires pour manifester clairement ses intentions quant à l'acceptation de la succession.

La circonstance que C... Q... n'ait manifesté que le 26 juillet 2012 de façon expresse son intention d'accepter la succession de son père ne peut juridiquement avoir pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription de 30 ans opposé à E... Q..., ce délai courant nécessairement à partir du décès du de cujus et étant déjà expiré au 26 juillet 2012.

Ce point de départ ne peut non plus être décalé au décès du conjoint survivant, le premier juge ayant exactement rappelé que le nouvel article 780 du code civil, issu de la réforme de 2006, prévoyant que la prescription de la faculté d'option ne court contre l'héritier qui a laissé le conjoint survivant en jouissance des biens héréditaires qu'à compter de l'ouverture de la succession de ce dernier, n'est pas applicable à la succession en cause.

Les appelants invoquent, ensuite, la suspension du délai de prescription par l'effet de la fraude et du dol commis par C... Q... et font plaider que le point de départ de la prescription en matière de dol court du jour où il a été découvert : en l'espèce, le jour de la publication à la conservation des hypothèques, le 20 août 2012, de l'attestation immobilière du 26 juillet 2012.

Sur ce dernier point, il sera rappelé que la prescription trentenaire a été accomplie, comme expliqué plus haut, le [...] ; n'ayant plus à compter de cette date la qualité d'héritier, E... Q... et ses héritiers après elle, ne sont donc pas recevables à agir en nullité de l'acte qu'ils considèrent comme lésant leurs droits héréditaires, même si leur action se fonde sur le dol.

Quant à la suspension du délai, l'article 2234 du code civil prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. En l'espèce, la convention qui serait intervenue entre les deux soeurs n'a pu créer aucune impossibilité d'agir pour E... Q..., même dans le « contexte corse », l'accès au droit et la consultation d'un notaire, par exemple, étant parfaitement envisageables. La fraude et la dissimulation évoquée par les appelants ne saurait constituer un cas de force majeure au seul motif qu'il existait entre les deux soeurs une confiance et une amitié réciproques. E... Q..., qui n'a jamais prétendu avoir ignoré la mort de son père et la teneur de sa succession, n'a pas été privée dans les faits, en raison d'une force majeure imprévisible et irrésistible, de toute possibilité de connaître ses droits et les revendiquer.

L'évocation de l'adage « contra non valentem agere non currit praescriptio » se heurte aux mêmes objections.

Enfin, l'action en recel successoral ne peut être exercée que par un héritier « dissimulé », ce qui n'est pas le cas de Mme E... Q... et de ses héritiers, la qualité d'héritier ayant été perdue le [...].

Pour la même raison, aucune action en partage ne peut être exercée par les consorts B....

Le jugement sera confirmé en ce qu'il déclare irrecevable l'action en pétition d'hérédité ainsi que l'action en recel successoral pour cause de prescription » ;

Et par motifs des premiers juges, éventuellement adoptés :

« 2.1. Sur la prescription de l'action principale

A titre liminaire, le Tribunal souligne que les parties ne contestent pas que l'action initiale de Madame E... Q... avait pour objet la reconnaissance de sa qualité d'héritière dans la succession de son père, Monsieur Y... Q..., et qu'il s'est donc agi d'une action en pétition d'hérédité.

D'ailleurs, les consorts B... reconnaissent eux-mêmes (Page 12 de leurs dernières conclusions, in fine) que sont applicables aux faits de l'espèce les dispositions anciennes de l'article 789 du Code civil régissant la prescription de l'option successorale et, partant, le délai au terme duquel l'héritier n'ayant pas ignoré l'ouverture d'une succession perd son droit héréditaire.

A ce titre, il est rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article 780 du Code civil, telles qu'issues de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, la faculté d'option se prescrit par dix ans à compter de l'ouverture de la succession, l'héritier n'ayant pas pris parti dans ce délai étant réputé renonçant.

Pour autant, il résulte des dispositions de l'article 47 de la loi sus-évoquée que les dispositions précitées du Code civil ne sont applicables qu'aux successions ouvertes à compter de l'entrée en vigueur du texte législatif, fixée au 1er janvier 2007.

Or, en l'espèce, Monsieur Y... Q... est décédé le [...] et il est juridiquement constant que l'ouverture de sa succession est fixée au jour de sa mort, par application des anciennes dispositions des articles 718 a lm du Code civil, reprises à l'article 720 par la loi n° 2001-1135 du 03 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral.

Il est donc établi que la succession de Monsieur Y... Q... s'est ouverte antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi susmentionnée du 23 juin 2006, a que par conséquent, sont effectivement applicables à la fin de non-recevoir présentement soulevée les anciennes dispositions de l'article 789 du Code civil, aux termes desquelles la faculté d'accepter ou de répudier une succession se prescrivait pas le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers, soit trente aimées par application des dispositions de l'article 2262 du Code civil antérieures à la réforme du droit de la prescription intervenue à la faveur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Dès lors, l'action de Madame E... Q... s'est nécessairement éteinte trente années après le décès de son père, soit le [...] et antérieurement à son acte introductif d'instance, sauf à ce qu'il soit démontré une acceptation tacite de la succession par la demanderesse initiale ou l'existence d'une cause d'interruption ou de suspension du délai de prescription.

A ce stade, le Tribunal souligne que les consorts B... ne peuvent à la fois reconnaître l'application des dispositions anciennes de l'article 789 du Code civil au présent litige et y solliciter parallèlement l'application du cinquième alinéa de l'article 780 du même Code tel qu'issu de la réforme précitée de 2006 aux termes duquel la prescription ne court pas tant que le successible a des motifs légitimes d'ignorer la naissance de son droit, et notamment l'ouverture de la succession, précision faite à titre superfétatoire que l'ensemble des attestations produites par les demandeurs en reprise d'instance et les moyens évoqués dans leurs écritures tendent à démontrer que Madame E... Q... n'a manifestement pu ignorer le décès de son père.

2.1.1. Sur l'éventuelle acceptation tacite par Madame E... Q... de la succession de Monsieur Y... Q...

Aux termes des dispositions de l'article 778 du Code civil antérieures à la réforme sus-évoquée du 23 juin 2006, l'acceptation de la succession peut être expresse ou tacite. Elle est expresse quand on prend le titre ou la qualité d'héritier dans un acte authentique ou privé. Elle est tacite quand l'héritier fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'aurait droit de faire qu'en sa qualité d'héritier.

Par application, il est constant qu'il appartient aux juridictions du fond d'apprécier les circonstances de l'espèce d'où peut résulter l'acceptation tacite d'une succession, étant rappelé, d'une part, qu'une telle acceptation ne saurait se présumer; et, d'autre part, que les anciennes dispositions de l'article 780 du Code civil, reprises à. l'article 783 depuis le 1er janvier 2007, précisent que la donation, vente ou transport que fait de ses droits successifs un des cohéritiers, soit à un étranger, soit à tous ses cohéritiers, soit à quelques-uns d'entre eux, emporte de sa part acceptation de la succession, et qu'il en est de même de la renonciation, même gratuite, que fait un des héritiers au profit d'un ou de plusieurs de ses cohéritiers, e de la renonciation qu'il fait même au profit de tous ses cohéritiers indistinctement, lorsqu'il reçoit le prix de sa renonciation.

Au surplus, les anciennes dispositions de l'article 779, reprises à l'alinéa 1er de l'article 784, indiquent que les actes purement conservatoires, de surveillance et d'administration provisoire ne sont pas des actes d'addition d'hérédité si l'on n'y a pas pris le titre ou la qualité d'héritier.

En l'espèce, les ayants-droit de Madame E... Q... font valoir que leur aïeule a tacitement accepté la succession de son père en occupant, à la suite de son décès et au vu et au su de sa cohéritière, les biens composant la masse successorale dans l'attente du règlement général de ladite succession.

Il doit pour autant être constaté que Madame E... Q... n'a fait que rapporter des actes conservatoires dans lesquels elle n'a pas pris le titre ou la qualité d'héritier, pas davantage qu'elle n'a justifié avoir accompli, dans le délai de trente années suivant le décès de son père, un des actes légalement déclarés comme constitutifs d'une acceptation tacite de succession.

En toutes hypothèses, il n'est démontré aucune intention d'accepter, ni aucun acte d'acceptation expresse dans le délai de prescription de l'option successorale, de sorte que les ayants-droit de la demanderesse initiale ne peuvent désormais valablement exciper d'une quelconque acceptation interruptive de prescription.

2.1.2. Sur l'éventuelle prescription de l'option successorale de Madame C... Q...

Le Tribunal rappelle que les consorts B... arguent de ce que Madame C... Q... a officiellement accepté la succession de son père le 16 juillet 2012, date à laquelle elle a donné procuration à sa fille, désormais défenderesse principale, aux fins d'accepter purement et simplement ladite succession pour établissement de l'attestation immobilière présentement querellée du 26 juillet 2012 ; et qu'ils en déduisent qu'en l'absence d'acceptation dans le délai trentenaire d'ouverture de la succession en cause, aucune prescription de leur action ne peut leur être opposée.

Sur ce, il est répondu que d'évidence, celui qui réclame l'exercice de ses droits dans une succession ouverte depuis plus de trente ans doit justifier qu'il l'a acceptée au moins tacitement avant l'expiration de ce délai.

Néanmoins et en l'espèce, la fin de non-recevoir soulevée par Madame O... X... Q... épouse F... en reprise d'instance ne saurait être assimilée à la réclamation de droits dans une succession ouverte.

Dès lors, il est manifeste que l'existence ou non d'une acceptation de la succession de Monsieur Y... Q... par la défenderesse initiale est parfaitement indépendante de l'acquisition ou non de la prescription de l'action en pétition d'hérédité de Madame E... Q..., la demisoeur de cette dernière pouvant opposer l'irrecevabilité de l'action engagée contre elle, pas tant en sa qualité d'éventuelle successible qu'en sa simple qualité de défenderesse régulièrement assignée.

Dans ces conditions, les moyens selon lesquels Madame C... Q... n'aurait accepté la succession de son père que postérieurement à l'expiration du délai de prescription de son option successorale sont écartés comme inopérants.

2.1.3. Sur l'éventuel report du point de départ du délai de prescription de l'option successorale au jour du décès du conjoint survivant

Le Tribunal relève que les consorts B... n'apportent aucun fondement légal au soutien de leur moyen selon lequel la présente juridiction pourrait reporter l'ouverture de la succession de feu Monsieur L... Q... au jour du décès de son épouse survivante, décès survenu le [...].

Il ne saurait en tout état de cause en être autrement, au regard des dispositions précitées des anciens articles 718 et 110 et du nouvel article 720 du Code civil, sauf à considérer, contra legem, que les de cujus mariés devraient bénéficier d'un régime particulier au seul titre de leur union.

Il est toutefois noté qu'aux termes des dispositions du troisième alinéa de l'article 780 du Code civil, telles qu'issues de la réforme de 2006, la prescription de la faculté d'option ne court contre l'héritier qui a laissé le conjoint survivant en jouissance des biens héréditaires qu'à compter de l'ouverture de la succession de ce dernier.

Pour autant, il doit être rappelé que les dispositions précitées, entrées en vigueur le 1er janvier 2007, ne sont pas applicables à la présente espèce, et qu'à titre superfétatoire, Madame E... Q... puis ses ayants-droit n'ont jamais démontré avoir laissé Madame X... Q... en jouissance des biens héréditaires.

Par conséquent, aucun report du point de départ de la prescription de l'option successorale de Madame E... Q... ne saurait être prononcé.

2.1.4 Sur l'indépendance procédurale du régime de nullité de l'option pour vice du consentement

Aux termes des anciennes dispositions de l'article 783 du Code civil, le majeur ne peut attaquer l'acceptation expresse ou tacite qu'il a faite d'une succession que dans le cas où cette acceptation aurait été la suite d'un dol pratiqué envers lui.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 1304 du môme Code que l'action en nullité ou en rescision d'une convention pour dol dure cinq ans, si elle n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, à compter du jour où ledit dol a été découvert.

Partant, l'annulation de l'option successorale pour dol peut être poursuivie au-delà du délai trentenaire de prescription de l'option successorale, si le comportement dolosif est révélé postérieurement à un délai de vingt-cinq ans suivant l'ouverture de la succession en cause, les dispositions de l'article 2262 du Code civil relatives à la prescription de droit commun ne pouvant priver d'effet celles susvisées des articles combinés 783 et 1304.

En l'espèce, il est donc patent que les consorts B... disposent de la faculté de solliciter l'annulation de l'option de Madame E... Q... pour dol au-delà de l'acquisition, au [...], de la prescription trentenaire ci-dessus analysée, si leur action repose sur un dol découvert postérieurement au 19 novembre 2006 et si elle a été exercée dans un délai de cinq ans suivant ladite découverte.

Néanmoins, il y a lieu de souligner, d'une part, qu'aucune acceptation de la succession par Mada.me E... Q..., fût-elle tacite, ne saurait être caractérisée ; et, d'autre part, que la preuve d'un comportement dolosif par la défenderesse initiale n'est pas rapportée par les demandeurs.

En effet, et même si l'action en annulation pour dol pourrait être réservée à l'hypothèse d'une renonciation, ce qui ne correspond pas à la lecture littérale des textes susvisés, aucun élément de la procédure ne permet d'affirmer que Madame C... Q... a volontairement tu l'existence de sa demi-soeur aux Notaires mis en cause, et dissimulé à la première les actes reçus par les seconds.

A ce titre, le Tribunal souligne que la défenderesse initiale n'avait aucune obligation légale de relever l'existence de Madame E... Q... lorsqu'elle a déposé le [...] en l'étude de Maître I... le testament olographe du [...] par lequel elle a été instituée légataire universelle.

Il constate, par ailleurs, que Madame C... Q... n'était pas présente lors de l'établissement de l'acte de notoriété dévolutive contesté du [...], au cours duquel le notaire rédacteur, Maitre I..., a rappelé le dépôt du testament sus-évoqué.

Partant, il n'est aucunement établi que Madame C... Q... a, par un quelconque raisonnement fallacieux, dolosif, tenté de vicier la renonciation de sa demi-soeur à la succession de leur père, cette dernière ne contestant pas avoir eu connaissance du décès et de la date de sa survenance.

Dans ces conditions, l'action en nullité pour dol est rejetée, le droit commun de la prescription de l'option successorale devant de facto s'appliquer.

2.1.5. Sur l'existence de causes légales de suspension du délai de prescription de l'option successorale

Aux termes des dispositions de l'article 2234 du Code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

En l'espèce, les consorts B... estiment, en se fondant sur l'analyse d'un professeur de droit à laquelle la présente juridiction ne saurait être liée, que Madame E... Q... aurait été empêchée d'opter dans la succession de son père, à la fois au regard des relations entretenues avec sa demi-soeur créant une convention tacite aux -fins de conserver un statu quo relativement aux biens composant la masse successorale, et en raison de la dissimulation d'héritière organisée par la défenderesse initiale et constitutive d'une fraude revêtant les caractères de la force majeure.

Pour autant, il convient de constater que l'existence même d'une éventuelle convention entre Mesdames Q..., existence non rapportée, n'a pu sérieusement empêcher la demanderesse initiale d'accepter ou de renoncer à la succession de son père, encore une fois dans la mesure où elle n'ignorait pas son décès et pouvait légitimement se douter que l'ouverture de la succession serait suivie de certaines conséquences juridiques auxquelles elle eût pu être appelée.

Au surplus, et compte tenu de ce qui précède, il ne saurait être excipé d'une quelconque fraude de Madame C... Q..., et quand bien même il en serait différemment, ladite fraude ne pourrait aucunement présenter un caractère d'irrésistibilité constitutif d'une force majeure puisque Madame E... Q... avait, implicitement mais nécessairement, les moyens de se manifester auprès d'un Notaire de son choix.

En toutes hypothèses, aucun empêchement à agir au sens des dispositions susvisées n'est matérialisé, de sorte que le délai de prescription trentenaire de l'option successorale n'a pas été suspendu sur ce fondement.

2.1.6. Sur l'application du principal général du droit contra non valentem agere non carrit praescriptio

De manière constante, la prescription, quelle qu'elle soit, ne court pas contre celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir. Il s'agit là d'un principe général du droit connu sous l'expression latine contra non valentem.., et repris, comme précisé ci-avant, en partie par les dispositions de l'article 2234 du Code civil.

Partant, les consorts B... font valoir que la prescription trentenaire de l'option successorale ne saurait leur être opposée en raison de la fraude commise par Madame C... Q..., tant dans l'établissement du testament olographe déposé le [...] que dans la rédaction de l'attestation immobilière du 20 août 2012 ayant reposé sur l'acte de notoriété dévolutive frauduleux du [...] et non sur une usucapion caractérisée.

A ce titre, le Tribunal relève que la validité du testament précité est remise en cause aux motifs de la seule absence de signature, alors que la simple lecture de l'acte dressé par Maître I... en décembre 1981 suffit à constater que le document rédigé le [...] a été signé par "Q... L... A... ", cette mention répondant suffisamment aux exigences de l'article 970 du Code civil dès lors qu'elle permet d'établir avec certitude l'identité de l'auteur du texte et sa volonté d'en approuver les dispositions.

Par ailleurs, il est constaté que les demandeurs n'exposent pas les raisons pour lesquelles Madame C... Q... ne pouvait se fonder à la fois sur le testament précité et sur une prescription acquisitive trentenaire En tout état de cause, l'attestation immobilière de 2012 constitue la suite logique de l'acte de notoriété dévolutive de 1982, auquel encore une fois la défenderesse initiale n'était pas partie.

Dès lors, aucune fraude ne peut être reprochée à Madame C... Q..., et aucun empêchement à agir n'est démontré par sa demi-soeur, de sorte que le principe ci-évoqué ne trouve à s'appliquer.

Au regard de tout ce qui précède, il est établi que Madame E... Q... n'a pas opté dans la succession de Monsieur Y... Q... dans un délai de trente ans à compter de l'ouverture de ladite succession, et qu'aucune cause d'interruption ou de suspension, voire de report du point de départ, dudit délai ne peut être retenue.

Dans ces conditions, Madame E... Q... a perdu sa qualité supposée d'héritière à compter du [...] et, partant, sa faculté d'agir en pétition d'hérédité à compter de cette dernière date.

L'acte introductif d'instance ayant été délivré les 10 et 11 septembre 2013, l'action est irrecevable comme étant prescrite » (jugement, pp. 8-14) ;

Alors que, d'une part, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; qu'en l'espèce, les consorts B... faisaient régulièrement valoir qu'il existait des accords familiaux entre les deux soeurs C... et E... Q..., aux termes desquels elles avaient convenu de demeurer dans l'indivision et de ne pas demander le partage des biens, indivis entre elles du fait du décès de leur père (conclusions, p. 30 et s.) ; qu'il en ressortait que E... Q... s'était donc conventionnellement engagée à ne pas faire acte d'héritier sur les biens successoraux, aussi longtemps que durerait l'indivision ; qu'en ne recherchant pas si, concrètement, ces accords familiaux n'avaient pas empêché E... Q... de faire acte d'héritier et donc de procéder à l'acceptation tacite ou exprès de la succession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2234 du code civil, ensemble l'application de l'adage contra non valentem agere non currit prasecriptio ;

Alors que d'autre part, en bornant à faire référence de façon générale au « contexte corse » pour retenir que la convention intervenue entre les héritiers n'avait pu créer aucune impossibilité d'agir sans prendre en considération, comme cela lui était pourtant demandé, le statut dérogatoire de la Corse en matière de règlement des succession, en vigueur à l'époque des faits, tel qu'il résultait de l'arrêté du 21 prairial an IX (10 juin 1801) et en particulier de son article 3, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ensemble l'article 2234 du code civil

Alors qu'au surplus, en se bornant à retenir que C... Q... avait, à la date de son action, perdue sa qualité d'héritière pour refuser de se prononcer sur le moyen qui la saisissait qui faisait valoir que le délai de prescription de son action n'avait pu courir qu'à compter de la découverte du dol qu'elle reprochait à sa soeur, (conclusions p.30 à 37) la cour d'appel a laissé sans réponse ce moyen en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

Alors qu'enfin, l'héritier qui remet à un notaire un testament l'instituant légataire universel en taisant volontairement l'existence d'un héritier légal commet une faute civile, qui peut être à l'origine d'un dol ; qu'en l'espèce, les consorts B... faisaient régulièrement valoir dans leurs conclusions d'appel que si par l'écoulement du délai de prescription trentenaire, E... Q... devait être considérée comme renonçante à la succession de son père, cette renonciation était en réalité viciée pour cause de dol à raison du silence volontairement gardé par C... Q... quant à l'existence de sa demi-soeur E... Q..., au moment du dépôt le [...] du testament daté du [...] (conclusions, pp. 32-33) ; qu'en jugeant, par motifs adoptés, que C... Q... n'avait aucune obligation de révéler l'existence de sa demi-soeur lorsqu'elle a déposé le testament l'instituant légataire universelle, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction alors applicable.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-10.591
Date de la décision : 18/12/2019
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Première chambre civile, arrêt n°19-10.591 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 18 déc. 2019, pourvoi n°19-10.591, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:19.10.591
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