LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, et l'article 384 du code de procédure civile ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 1er avril 2015 en qualité de chauffeur-livreur par la société X... I... transport, M. B... a saisi le 9 décembre 2015 le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement dirigée à l'encontre de son employeur et enregistrée sous le n° RG 15/00400 ; que licencié pour inaptitude le 15 mars 2016, il a saisi le 25 mars 2016 la juridiction prud'homale statuant en référé d'une demande enregistrée sous le n° RG 16/00026, tendant à la production de certains documents ; que le 5 avril 2016, le conseil de prud'hommes, statuant en référé au visa de l'article 385 du code de procédure civile, a constaté que le salarié avait déclaré expressément « se désister d'instance et d'action de sa demande au profit de l'affaire R 16/00026 audiencée le 5 avril 2016 », et que la société avait accepté expressément ce désistement ; que par jugement du 10 juin 2016, le conseil de prud'hommes, statuant au fond, a déclaré recevables les demandes du salarié ;
Attendu que pour infirmer ce jugement et déclarer irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt retient que l'instance au fond, introduite le 9 décembre 2015 par M. B..., s'est éteinte accessoirement à l'action, par l'effet du désistement d'action constaté le 5 avril 2016 par la formation de référé en considération, d'une part, du principe de l'unicité de l'instance, alors applicable aux demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties, d'autre part, du désistement d'action, clair et non équivoque, matérialisé par l'envoi au greffe du conseil de prud'hommes d'une télécopie en ce sens, datée du 5 avril 2016, soit à une date à laquelle le salarié avait connaissance de tous les éléments de fait et de droit fondant ses prétentions ;
Qu'en statuant ainsi alors, d'une part, que la règle de l'unicité de l'instance n'est pas applicable au cas où une demande dérivant du contrat de travail est portée devant le juge des référés tandis que l'instance est pendante au fond et, d'autre part, que le désistement d'instance et d'action devant la formation de référé de la juridiction prud'homale ne peut avoir d'effet que dans la limite des demandes dont cette juridiction est saisie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société X... I... transport aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société X... I... transport à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 000 euros, à charge pour elle de renoncer à l'indemnité prévue par l' Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. B....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en toutes ses dispositions et d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes du salarié tendant à la condamnation de l'employeur au paiement des salaires du 16 au 31 mars 2015 et des congés payés afférents, des heures supplémentaires et des congés payés afférents, d'une somme au titre du travail dissimulé, et de dommages-intérêts pour harcèlement et violence et pour remise tardive des documents de rupture.
AUX MOTIFS QUE l'article 384 du code de procédure civile énonce que, en dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l'instance s'éteint accessoirement à l'action, par l'effet notamment du désistement d'action ; qu'en l'espèce, il ressort des débats, conclusions et pièces versées au dossier que le 25 mars 2016, soit postérieurement tant à la saisine au fond de la juridiction prud'homale (14 décembre 2015) qu'à la date de notification du licenciement (15 mars 2016), M. B... a saisi en référé le conseil de prud'hommes d'Epinal d'une demande dirigée à l'encontre de son employeur, la société X... I... Transports ; que le 5 avril 2016, le conseil de prud'hommes d'Epinal a constaté que le demandeur (M. B...) a déclaré expressément, par télécopie reçue au greffe le 31 mars 2016, se désister d'instance et d'action au profit de l'affaire R 16/00026 audiencée le 05 avril 2016, que le défendeur (la société X... I... Transports) a accepté expressément ce désistement, et dit que les frais de l'instance éteinte seront supportés par demandeur, et que celle-ci sera retirée du rang des affaires en cours ; qu'en considération d'une part du principe de l'unicité de l'instance, alors applicable aux demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties, d'autre part du désistement d'action émanant de M. B..., clair et non équivoque, matérialisé par l'envoi au greffe du conseil de prud'hommes d'Epinal d'une télécopie en ce sens, datée du 05 avril 2016, soit à une date à laquelle le salarié avait connaissance de tous les éléments de fait et de droit fondant ses prétentions, la cour ne peut que constater que l'instance au fond introduite le 14 décembre 2015 par M. B... s'est éteinte accessoirement à l'action, par l'effet du désistement d'action constaté le 05 avril 2016 par la formation de référé du conseil de prud'hommes d'Epinal ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. J... B..., ainsi que dans ses dispositions ultérieures.
1° ALORS QUE la règle de l'unicité de l'instance n'est pas applicable au cas où le même litige est porté successivement devant le juge des référés et devant le juge principal ; que pour déclarer les demandes irrecevables et décider que l'instance au fond introduite le 14 décembre 2015 s'est éteinte accessoirement à l'action, par l'effet du désistement d'action constaté le 5 avril 2016 par la formation de référé du conseil de prud'hommes, l'arrêt oppose la règle de l'unicité de l'instance et retient que le désistement est intervenu à une date à laquelle le salarié avait connaissance de tous les éléments de fait et de droit fondant ses prétentions ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.
2° ALORS QUE la règle de l'unicité de l'instance n'est applicable que lorsqu'une décision sur le fond a été précédemment rendue ; qu'en statuant ainsi, quand aucune décision sur le fond n'avait été rendue, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.
3° ALORS QUE le désistement d'un salarié dans une instance est sans effet sur la poursuite d'une autre instance engagée antérieurement par le même salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'instance au fond avait été engagée antérieurement à la saisine en référé, ce dont il résultait que le désistement constaté par la formation de référé du conseil de prud'hommes était sans effet sur la poursuite de l'instance au fond ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.
4° ALORS QUE le désistement d'instance et d'action ne peut avoir d'effet que dans la limite de son objet ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié avait demandé au président de la formation de référé de constater son désistement « en ce qui concerne exclusivement les demandes portées en référé » ; qu'il est également constant que la formation de référé s'est bornée à constater le désistement d'instance et d'action « au profit de l'affaire R 16/0026 audiencée le 5 avril 2016 » ; qu'en conséquence, ce désistement était sans effet sur la poursuite de l'instance et de l'action au fond (R.G. 15/00400) ; qu'en opposant cependant au salarié le caractère clair et non équivoque de son désistement devant la formation de référé, pour en déduire que l'instance au fond s'est éteinte accessoirement à l'action, la cour d'appel a violé l'article 384 du code de procédure civile.
5° ALORS, en tout cas, QUE le désistement d'instance et d'action devant la formation de référé de la juridiction prud'homale ne peut avoir d'effet que dans la limite des demandes dont cette juridiction était saisie ; qu'en l'espèce, la formation de référé avait été saisie par le salarié aux fins de voir condamner l'employeur à lui payer une somme correspondant au paiement du salaire après le délai d'un mois suivant la deuxième visite médicale d'inaptitude, ainsi qu'à lui remettre le certificat de travail, des bulletins de salaire et l'attestation Pôle emploi ; qu'ainsi, le désistement d'instance et d'action devant cette juridiction était sans effet sur les demandes distinctes formées devant le juge du fond, tendant à la condamnation de l'employeur au paiement des salaires sur la période d'essai du 16 au 31 mars 2015, des heures supplémentaires, d'une indemnité au titre du travail dissimulé, de dommages-intérêts pour harcèlement et violence ayant conduit au licenciement et pour remise tardive des documents de rupture ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 384 du code de procédure civile.