COMM.
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 décembre 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10487 F
Pourvoi n° T 18-18.925
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. W... E...,
2°/ Mme J... T..., épouse E...,
domiciliés tous deux [...]
contre les arrêts rendus les 15 mars 2018 et 10 avril 2018 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige les opposant :
1°/ à la société [...], société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [...] , et dont l'établissement secondaire est [...] , représentée par M. H... I..., mandataire judiciaire en qualité de liquidateur judiciaire de M. W... E...,
2°/ à M. O... E..., domicilié [...] ,
3°/ à M. P... E..., domicilié [...] ,
4°/ à M. F... E..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 octobre 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Henry, avocat général, Mme Labat, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP [...] et [...], avocat de M. et Mme E..., de la SCP [...] et [...], avocat de MM. O..., P... et F... E..., de la SCP [...], [...] et [...], avocat de la société [...], ès qualités ;
Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme E... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société [...], liquidateur de M. W... E..., la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP [...] et [...], avocat aux Conseils, pour M. W... E..., Mme J... T..., épouse E...
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir annulé la donation-partage consentie par Monsieur et Madame E... au profit de leur trois enfants, O..., P... et F..., portant sur la nue-propriété de l'immeuble situé dans un ensemble immobilier à [...] et de les avoir condamnés à payer à Maître I..., pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de Monsieur W... E..., la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres de l'arrêt du 15 mars 2018, que, sur la demande tendant à l'annulation de l'acte de donation-partage en date du 14 juin 2004 portant sur un immeuble situé à [...], en application de l'article L.621-107 ancien du Code de commerce applicable au litige (désormais L.632-1), le tribunal peut annuler les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements ; qu'en l'espèce, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de M. W... E..., le 11 mars 2005, la date de la cessation des paiements étant fixée au 1er juillet 2004 ; que par jugement du 3 février 2006, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de monsieur U... ; qu'aux termes d'un acte notarié dressé le 17 juin 2004, monsieur W... E... et son épouse, madame J... T..., dénommés le « donateur » ont fait donation à leurs trois enfants, messieurs O..., P... et F... E..., dénommés les « donataires », entre vifs à titre de partage anticipé, conformément aux dispositions des articles 1075 et suivants du Code civil, de la nue-propriété d'un ensemble immobilier ; que l'acte notarié indique que le total des biens donnés et à partager est évalué à la somme de 30 490 euros ; qu'il est constant que cet acte a été passé une quinzaine de jours avant que monsieur W... E..., représentant légal de la SCS [...] ne procède lui-même à la déclaration de l'état de cessation des paiements qui a donné lieu à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de cette entreprise ; que par ailleurs, il ressort clairement de l'arrêt rendu par la cour de céant [sic] le 19 janvier 2006 et qui est versé aux débats par monsieur et madame E... que le redressement judiciaire de monsieur W... E... est directement lié à la qualité d'associé commandité de la SCS [...] , le passif de la personne morale s'ajoutant au passif propre de monsieur U... ; qu'en outre, la lecture des différentes décisions de justice produites par monsieur et madame E... mentionnent que le passif de la société SCS [...] s'établissait 1 590 000 euros dont 978 000 de dette familiale ; que dans ces circonstances, il n'est pas contestable – et il n'est d'ailleurs pas contesté par les consorts E... – que, principal sinon seul animateur des sociétés familiales, monsieur W... E... ne pouvait ignorer lorsqu'il a passé l'acte litigieux qu'il se trouverait effectivement en état de cessation des paiements à titre individuel dans les quelques jours suivants ; que pour contester l'application de l'article L.621-107 ancien précité, les consorts E... soutiennent que l'acte litigieux n'est pas un acte à titre gratuit mais un contrat commutatif ; que l'acte litigieux dispose que les donataires : « s'acquitteront, à compter du jour de l'entrée en jouissance, les impôts et contributions de toute nature auxquels les biens dont s'agit sont et pourront être assujettis, ainsi que tous abonnements contractés à raison, notamment de l'eau et s'il y a lieu du gaz, de l'électricité si le bien est un immeuble bâti », « devront faire leur affaire personnelle de toute police d'assurance pouvant exister sauf à tenir compte, le cas échéant, de ce qui peut avoir été stipulé aux présentes » ; qu'il ajoute que la donation a lieu sous les charges et conditions insérées au règlement de copropriété, dont les donataires ont pris connaissance, qu'ils s'obligent à respecter et que les donataires s'engagent à acquitter au jour de la jouissance desdits biens la quote-part des dépenses communes de l'immeuble mise à la charge des parties à l'acte ; qu'il est manifeste que ces charges ne constituent pas une contrepartie du bénéfice conféré par le transfert de la nue-propriété du bien mais la seule conséquence de l'acquisition par les donataires d'un droit de propriété, fût-il démembré ; que, en effet, tout titulaire d'un droit de propriété est tenu au respect du règlement de copropriété et aux dépenses nécessaires à la préservation du bien ; que par ailleurs, il n'est pas soutenu que ces dispositions avaient pour objet ou même qu'elles ont eu pour effet – de dispenser les donateurs des obligations pouvant résulter le cas échéant de l'occupation du bien ; que l'intention libérale manifeste des donateurs à la date à laquelle l'acte a été passé et qui résulte de ses termes est corroborée, en tant que de besoin, par l'absence totale de toute justification de quelque contrepartie effectivement assumée par les donataires ; qu'en conséquence, l'acte litigieux est un acte à titre gratuit qui entre dans les prévisions de l'article L.621-107 ; que les consorts E... font valoir que le liquidateur judiciaire de monsieur W... E... n'est pas habile à solliciter l'annulation de l'acte litigieux aux motifs d'une part, que le bien cédé n'appartient pas à monsieur E... seul mais également à son épouse, tierce à la procédure collective et d'autre part, que la communauté des droits des conjoints ferait obstacle à la réalisation effective de l'actif au profit de la procédure collective ouverte à l'encontre de monsieur U... ; que l'existence de droits communs entre monsieur et madame E... sur le bien litigieux est indifférente à l'appréciation du bien-fondé de l'action tenant à une nullité qui atteint l'acte dans son entier ; qu'en outre, le caractère indivis ou commun des droits d'une personne placée en liquidation judiciaire ne fait pas obstacle à l'exécution des diligences qu'il incombe au liquidateur de mettre en oeuvre afin de liquider l'ensemble de l'actif de la procédure collective au bénéfice de ses créanciers : pour communs qu'ils soient, les droits de monsieur E... sur l'immeuble concerné par la donation litigieuse n'en constituent pas moins un élément d'actif de la liquidation judiciaire ; qu'en conséquence, il convient de rejeter les moyens tirés de ces chefs ; que Monsieur et madame E... soulignent à bon droit que l'annulation de l'acte litigieux ne résulte pas de la seule loi en ce que cet acte a été passé antérieurement à la date de cessation des paiements de Monsieur E... et que le texte précité renvoie à l'appréciation du juge ; qu'en l'espèce, la très grande proximité temporelle entre la passation de l'acte litigieux et la déclaration par monsieur E... de l'état de cessation des paiements de la société en commandite qui ne pouvait qu'aboutir à l'ouverture d'une procédure collective contre l'associé commandité qu'il était, signe une intention frauduleuse de soustraire les droits immobiliers concernés du gage des créanciers ; que, enfin, le fait que les donataires connaissent ou non tant la fraude ainsi commise ou les difficultés pécuniaires de l'entreprise du donateur est indifférent à l'application de l'article L.621-107 ancien et à la solution du litige ; qu'il n'y a pas lieu d'examiner le moyen tiré de l'article L.621-108 ancien qui n'est pas applicable au litige ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé l'annulation de l'acte de donation-partage dressé le 17 juin 2004 relatif à un immeuble situé à [...] ;
Et aux motifs, le cas échéant, repris des premiers juges que l'action diligentée par la SELAS [...] en nullité de la donation-partage du 17 juin 2004 en ce qu'elle porte sur l'immeuble sis à [...] non visé par le jugement précédant de cette juridiction en date du 13 mai 2008 doit être déclarée recevable et bien fondée dès lors que l'acte dont la nullité est sollicitée a été établi non en période suspecte mais à moins d'un moins [sic] de la date provisoire de cessation des paiements retenus au 1er juillet 2004 pour la liquidation judiciaire de Monsieur W... E..., entrant comme telle dans le cadre des nullités encourues au titre de l'article l'article [sic] L.621-107 du code de commerce devenu l'article L.632-1 II du code de commerce, prévoyant l'annulation possible des actes à titre gratuit visés au 1° du I, faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements, parce que Monsieur W... E..., pour partie des motifs que ceux visés au jugement précédant du 13 mai 2008, allait au moment de la passation de cet acte, une parfaite connaissance, en sa qualité de dirigeant de la société SCS [...] ] dont il était associé commandité, de « la situation emblématique de cessation des paiements de la société dont les comptes déposés par le dirigeant et arrêtés successivement 31 décembre 2002 et 31 décembre 2003 faisaient apparaître des pertes respectives 103 171 euros et 271 711 euros pour des capitaux propres négatifs à ces mêmes dates de 500 594 euros et 681 451 euros » et qu'il ne pouvait méconnaître l'incidence grave, qu'allait entraîner la mise en redressement judiciaire de la société SCS [...] sur son propre patrimoine en sa qualité d'associé commandité indéfiniment et solidairement responsable du passif social ; que, parce qu'en procédant à cet acte, avec son épouse, commune en biens, Madame M... E... T... qui ne saurait opposer une fin de non-recevoir tirée de sa qualité de « non-débiteur » alors que l'article L.621-107 ancien du code de commerce ne distingue pas entre les biens propres du débiteur et les biens indivis, et que selon l'arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2009 n° 06195338 [sic] «
la nullité de cet acte, atteint l'acte en son entier
», à une donation-partage de leur immeuble commun en biens sis à [...], il a sciemment agi en fraude des droits pour soustraire l'immeuble litigieux aux droits de ses créanciers au bénéfice de ses enfants donataires dont la connaissance ou non de la cessation des paiements n'est pas une condition pour la validité d'une action en nullité ; que dès lors et sans qu'à ce stade il n'y ait lieu de s'intéresser sur les dispositions du propre contrat de mariage Monsieur U... et de Madame J... T... en date du 5 août 1974, qui mettrait en échec toute perspective de saisie ultérieure de ce bien par le liquidateur, et il y a lieu de prononcer la nullité sollicitée [
] ;
Alors, de première part, qu'il résulte des termes clairs et précis des écritures d'appel des exposants que celles-ci n'avaient d'autre objet de démontrer que les dispositions de l'acte de donation litigieux avaient pour objet de dispenser les donateurs des obligations incombant à l'usufruitier et donc résultant le cas échéant de l'occupation du bien par celui-ci, dont ils déduisaient le caractère commutatif de cet acte, l'excluant des actes antérieurs à la cessation des paiements susceptibles d'annulation ; qu'en déniant la portée de ces conclusions et en affirmant qu'il ne serait pas « soutenu que ces dispositions avaient pour objet – ou même qu'elles ont eu pour effet – de dispenser les donateurs des obligations pouvant résulter le cas échéant de l'occupation du bien », la cour d'appel qui en a dénaturé les termes clairs et précis a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors, de deuxième part, que les dispositions alléguées de l'acte de donation n'ayant vocation à produire effet que dans les relations entre donateurs et donataires, la cour d'appel ne pouvait, pour leur dénier toute portée, s'appuyer sur les obligations des uns ou des autres à l'égard des tiers, et notamment du syndicat des copropriétaires, sans statuer par là-même par un motif inopérant et priver sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-107 du code de commerce, désormais article L.632-1 du même code ;
Alors, enfin, que Monsieur et Madame E... faisaient en outre valoir en leurs écritures d'appel, délaissées de ce chef, que les règles spécifiques figurant dans leur contrat de mariage faisaient obstacle à ce que les dettes propres à Monsieur W... E..., tel le passif de la procédure collective dont il faisait l'objet, puissent être poursuivies à l'encontre des biens communs du couple, qui n'entraient pas dès lors dans le gage des créanciers ; qu'ils en déduisaient que le liquidateur de Monsieur W... U... était dès lors irrecevable, faute d'intérêt, autant que mal fondé à poursuivre l'annulation de la donation faite par l'un et l'autre époux d'un tel bien commun n'entrant pas dans le gage des créanciers ; que la cour d'appel qui n'a pas répondu à ce chef pertinent des écritures d'appel des exposants a par-là même entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusion et l'a privé de motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile.