COMM.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 décembre 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10483 F
Pourvoi n° Z 18-18.172
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Thermique Sud Vendée, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 3 avril 2018 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 octobre 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Henry, avocat général, Mme Labat, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Thermique Sud Vendée, de Me Le Prado, avocat de la société Banque CIC Ouest ;
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Thermique Sud Vendée aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Banque CIC Ouest la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Thermique Sud Vendée
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Thermique Sud Vendée de ses demandes tendant à voir constater que la Banque CIC Ouest a indûment prélevé sur son compte la somme de 17.618,16 euros correspondant à la mise en jeu manifestement abusive de la garantie à première demande, et qu'il existe un trouble manifestement illicite compte tenu du caractère non sérieusement contestable du non-respect par la Banque CIC Ouest des conditions de la garantie et, en conséquence, tendant à la voir condamner à lui payer la somme de 17.618,16 euros ;
AUX MOTIFS QUE l'article 101 du code des marchés publics en sa version applicable à l'espèce énonce que "Le marché peut prévoir, à la charge du titulaire, une retenue de garantie qui est prélevée par fractions sur chacun des versements autres qu'une avance. Le montant de la retenue de garantie ne peut être supérieur à 5 % du montant initial augmenté, le cas échéant, du montant des avenants. La retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves à la réception des travaux, fournitures ou services ainsi que celles formulées, le cas échéant, pendant le délai de garantie. Le délai de garantie est le délai, qui peut être prévu par le marché, pendant lequel le pouvoir adjudicateur peut formuler des réserves sur des malfaçons qui n'étaient pas apparentes ou dont les conséquences n'étaient pas identifiables au moment de la réception. ( ...)" ; que l'article 102 ajoute que "La retenue de garantie peut être remplacée au gré du titulaire par une garantie à première demande ou, si le pouvoir- adjudicateur ne s'y oppose pas, par une caution personnelle et solidaire. Le montant de la garantie à première demande ou de la caution personnelle et solidaire ne peut être supérieur à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent. Leur objet est identique à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent (...)" ; qu'enfin l'article 103 du code des marchés publics précise que "La retenue de garantie est remboursée un mois au plus tard après l'expiration du délai de garantie. En cas de retard de remboursement, des intérêts moratoires sont versés selon les modalités définies par le décret mentionné à l'article 98. Les établissements ayant accordé leur caution ou leur garantie à première demande sont libérés un mois au plus tard après l'expiration du délai de garantie. Toutefois, si des réserves ont été, notifiées au titulaire du marché ou aux établissements avant accordé kir caution ou leur garantie à première demande pendant le délai de garantie et si elles n'ont pas été levées avant l'expiration de ce délai, les établissements sont libérés de leurs engagements un mois au plus tard après la date de leur levée." (soulignement ajouté) ; que cette dernière disposition est expressément visée par le contrat de garantie à première demande ; que l'article 2321 du code civil énonce que "La garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues. Le garant n'est pas tenu en cas d'abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre. Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie. Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie" (soulignement ajouté) ; que la société THERMIQUE VENDÉE a reproché à la banque CIC de n'avoir pas respecté les conditions de la garantie, la durée et les vérifications des documents remis pour l'appel ; qu'elle invoque le cadre juridique du trouble manifestement illicite et l'alinéa 2 de l'article 2321 du code civil ci dessus rappelé ; qu'il est constant que la société ORYON et la société THERMIQUE VENDÉE ont échangé entre elles en prévoyant plusieurs prorogations du délai de pariait achèvement une première jusque mars 2015 et une seconde jusque "début 2016" (lettre du 11/09/2015) ; que la société ORYON a informé la banque CIC : - le 22/09/2015 : > de sa demande de bloquer la garantie à première demande du montant de 42 333,52 euros pour finaliser des travaux et ce jusqu'à exécution. - te 26/04/2016 ; > qu'il restait des travaux à faire pour un total de 9 020 euros HT + 1 889,68 euros FIT et qu'elle adresserait les factures correspondantes des entreprises ayant réalisé les travaux ; - le 07/06/2016 : > elle était mandatée par le, CCAS de la Roche-sur-Yon par convention du 23/06/2011 pour piloter la construction de l'EFIPAD, rappelait les prorogations du délai de garantie de ce fait toujours valide et communiquait le certificat administratif du CCAS en date du 09/06/2016 ; que le CCAS avisait la Banque CIC par LRAR du 21/07/2017 qu'elle n'était pas libérée de la garantie à première demande, rappelant en outre l'article 44 du CCAG prévoyant la possibilité de report du délai de garantie à la demande du pouvoir adjudicateur jusqu'à l'exécution complète des travaux et prestations ; que le CCAS émettait ensuite, le 23/11/2016 "un titre exécutoire" à l'encontre de l'appelante pour la somme de 16 266,10 euros ; que la société THERMIQUE SUD VENDÉE adressait alors à la banque CIC une mise en demeure de restitution de la somme susvisée outre les frais ; qu'au vu des éléments qui précèdent, il convient donc d'apprécier si la banque a respecté le contrat de garantie à première den-Lande, sans qu'il y ait lieu d'apprécier ou discuter la question relative au bien fondé des réclamations (In CCAS , préalablement relayés parla société ORYON, laquelle a adressé à la banque les courriers et pièces susvisés au nom de son mandant ; qu'en effet, la garantie à première demande est payable dès lors que les conditions dans lesquelles elle est stipulée payable ont été respectées sans avoir égard au contrat sous jacent à savoir le marché public lui-même ; qu'à titre exceptionnel, il peut être fait application de l'article 2123 du code civil prévoyant l'exception de l'abus ou la fraude manifeste du bénéficiaire ou celle de collusion du bénéficiaire avec le donneur d'ordre ; qu'en conséquence, il s'agit en l'espèce de vérifier : - au regard de l'article 103 du CMP si le terme était manifestement dépassé de plus d'un mois ; - au regard du contrat, si les justifications contractuellement prévues étaient manifestement manquantes ; - au regard de l'article 2123 alinéa 2 du code civil, la banque aurait dû se rendre compte de l'existence d'un abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre ; qu'il incombe en effet à la société THERMIQUE SUD VENDÉE de rapporter la preuve d'un trouble manifestement illicite ; qu'il résulte des pièces fournies aux débats que les pièces sollicitées ont été dument communiquées à la Banque, après que ce qui est prévu par l'article 103 du CMP ; qu'aucun de ces documents ne permet de considérer que la banque aurait dû avoir l'attention attiré par un abus ou une fraude manifeste ; que le seul fait que la société TSV ait contesté préalablement la possibilité d'effectuer un tel débit ne peut être retenu eu égard à la nature de la garantie et au fait que ses contestations ne suffisent pas à établir un trouble manifestement illicite ; que de la même manière, la société TSV ne peut arguer de l'absence d'opposition à l'état exécutoire par la Banque ; qu'un tel moyen est inopérant à caractériser un trouble manifestement illicite si les conditions d'exécution de la garantie à première demande remplies ce qui apparaît au vu des pièces produites être le cas ; que l'existence même du titre exécutoire par le CCAS contre la banque CIC ne permet pas plus de caractériser une faute ou la preuve d'un trouble manifestement illicite dès lors que le contrat prévoyait la production " d'une décision de mise en régi ,ou d'exécution aux frais et risques des travaux" (soulignement ajouté) et qu'il s'agit non d'apprécier la régularité d'un tel acte mais de constater que la réclamation relève des recettes potentielles ; que l'article 98 de la Loi n° 92-1476 du 31 décembre 1992 énonce en effet que "Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise recouvrement, titres de perception ou de recettes que Mat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir" ; qu'en conséquence, la société TSV ne justifie ni d'un non respect manifestement illicite du contrat de garantie à première demande ni d'un abus ou d'une fraude manifeste, ni encore d'une collusion au sens de l'article 2123 alinéa 2 du code civil qui permettrait de caractériser un trouble manifestement illicite au sens de l'article 873 du code de procédure civile ; que l'ordonnance sera donc infirmée en toutes ses dispositions ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige ; qu'en retenant, pour décider que les conditions d'exécution de la garantie apparaissaient remplies, qu'il est constant que la société Oryon et la société Thermique Sud Vendée ont échangé entre elles en prévoyant plusieurs prorogations du délai de parfait achèvement, une première jusque mars 2015 et une seconde jusque "début 2016" (lettre du 11/09/2015), cependant que dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 23 février 2018 (p. 11), la société Thermique Sud Vendée soutenait tout au contraire que le délai de garantie de parfait achèvement n'avait jamais été régulièrement prorogé, expliquant que selon l'article 44.2 des CCAG, la prolongation de la garantie de parfait achèvement unilatérale ne pouvait jouer qu'en présence de désordres intervenus ou apparus pendant le délai d'épreuve d'un an à compter de la réception et qui n'ont pas été repris dans le délai, de sorte qu'il n'était pas constant que les parties avaient prévu plusieurs prorogations de délais, la cour d'appel a dénaturé les conclusions claires et précises de la société Thermique Sud Vendée et modifié l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les prorogations de délai étaient injustifiées dès lors que, selon l'article 44.2, la garantie ne peut être prorogée que si, à l'expiration du délai d'un an à compter de la réception, il y a des désordres soit réservés, soit apparus dans le délai d'épreuve, c'est-à-dire le délai initial d'un an, et qui n'ont pas été repris, de sorte qu'en l'espèce, les conditions d'application de l'article 44.2 n'étaient pas réunies puisque les seules réserves (désordres ou non conformités) notifiés à réception le 13 décembre 2013 avaient été levées le 31 juillet 2014, soit pendant le délai de garantie de parfait achèvement d'un an, lequel courrait du 13 décembre 2013 au 14 décembre 2014 ; qu'en retenant néanmoins, pour décider que les conditions d'exécution de la garantie apparaissaient remplies, qu'il est constant que la société Oryon et la société Thermique Sud Vendée ont échangé entre elles en prévoyant plusieurs prorogations du délai de parfait achèvement, une première jusque mars 2015 et une seconde jusque "début 2016" (lettre du 11/09/2015), sans rechercher, comme il lui était demandé, si, dès lors que tous les travaux avaient été exécutés et toutes les réserves reprises et levées, aucune prorogation du délai de garantie de parfait achèvement ne pouvait de toute façon être imposée à la société Thermique Sud Vendée, les conditions d'application de l'article 44.2 n'étant pas réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2321 alinéa 2 du code civil ;
3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la société Thermique Sud Vendée expliquait que le marché concernait uniquement le lot n° 17 intitulé « chauffage et Ventilation » et que le système avait nécessairement été éprouvé lors de la réception, de sorte que les désordres invoqués au titre de l'appel en garantie n'étaient pas couverts car il ne s'agissait pas de travaux compris dans le marché de base (p. 9 à 11 et p. 13 de ses conclusions) ; qu'en ne prenant pas en compte, pour apprécier si les conditions d'exécution de la garantie à première demande paraissaient remplies, la circonstance qu'il s'agissait de travaux supplémentaires, qui n'étaient pas compris dans le marché de base, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2321 alinéa 2 du code civil ;
4°) ALORS QUE la société Thermique Sud Vendée faisait valoir que la Banque CIC Ouest ne pouvait ignorer le caractère abusif de l'appel en garantie dès lors qu'elle avait été destinataire du procès-verbal de réception des travaux et de la levée des réserves, que le CCAS ne lui avait produit aucune notification de désordres survenu dans le délai de la garantie de parfait achèvement (p. 14 § 1 de ses concl.) et qu'elle s'était elle-même opposée dans un premier temps au règlement à première demande, indiquant à la société Thermique Sud Vendée, dans deux courriers des 23 et 27 juin 2016, que « La société ORYON tente de justifier la mise en jeu de notre garantie alors que les demandes de prorogation dont elle se prévaut ont été faites tardivement (
) » et que « notre garantie à première demande ne porte que sur le lot 17. La réception des travaux lot 17, Chauffage ventilation, a été faite le 13 décembre 2013 avec des réserves sur ce lot. Mais les réserves sur ce lot 17 ont ensuite été levées le 31 juillet 2014 (
) », ce dont il s'inférait qu'elle considérait l'appel en garantie comme abusif ; qu'en retenant néanmoins qu'aucun document ne permettait de considérer que la banque aurait dû avoir l'attention attirée par un abus ou une fraude manifeste et que le seul fait que la société Thermique Sud Vendée ait contesté préalablement la possibilité d'effectuer un tel débit ne pouvait être retenu eu égard à la nature de la garantie et au fait que ses contestations ne suffisent pas à établir un trouble manifestement illicite, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, les courriers de la banque par lesquels elle reconnaissait expressément le caractère injustifié de l'appel en garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2321 alinéa 2 du code civil.