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11/12/2019 | FRANCE | N°18-10.818

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 11 décembre 2019, 18-10.818


SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 décembre 2019




Rejet non spécialement motivé


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 11317 F

Pourvoi n° F 18-10.818





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société

Miidex, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2017 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre civile, section 2, chambre soci...

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 décembre 2019

Rejet non spécialement motivé

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 11317 F

Pourvoi n° F 18-10.818

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Miidex, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2017 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre civile, section 2, chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme O... N..., domiciliée [...] ,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 14 novembre 2019, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Miidex, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme N... ;

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Miidex aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Miidex à payer la somme de 3 000 euros à Mme N... ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Miidex

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement de Mme N... prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement et d'AVOIR condamné la société Miidex à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES DU JUGEMENT QUE, comme éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, Mme N... se prévaut d'un mode de calcul de sa rémunération variable, revu chaque année, et notamment pour l'année 2014, qui lui était défavorable, d'un retrait de clients faisant partie de son portefeuille, de l'imputation sur son chiffre d'affaires réalisé des retours clients, de la privation de son droit à commission sur les commandes passées le mercredi (journée non travaillée de la salariée qui était à temps partiel), et du comportement "exécrable" de M. R..., gérant de la société ; Mme N... soutient que ces faits ont engendré une dégradation de son état de santé et verse aux débats :
- l'arrêt de travail du 27 février 2014 établi par le docteur D... pour « Asthénie. Insomnie. Accumulation de problèmes professionnels »,
- les prolongations établies par le même médecin qui font état de burn out, de syndrome anxio-dépressif en rapport avec des difficultés relationnelles avec sa hiérarchie,
- la fiche d'aptitude médicale mentionnant un examen de reprise du 13 mai 2014 par le médecin du travail qui conclut à une inaptitude en un seul examen pour danger immédiat ;
la salariée verse également aux débats:
- son contrat de travail prévoyant notamment un droit à commission sur portefeuille personnel clients ouvert, à compter de 4 000 € de marge mensuelle, le taux étant de 4 % et de 6 % si la salariée obtient une marge de 6 000 € et plus, outre un taux de commissionnement de 2 % sur la marge encaissée chaque mois s'agissant des distributeurs de produits sous marque d'enseigne;
- l'avenant pour 2013 qui maintient les taux de 4 et de 6 % sur les mêmes marges, prévoyant en outre une prime sur le chiffre d'affaires plafonnée à 3 000 € et un taux de commissionnement de 4 % sur la marge encaissée chaque mois s'agissant des distributeurs de produits sous marque d'enseigne;
- l'avenant qu'elle a refusé de signer pour l'année 2014, qui prévoit un taux de 2 % sur toute la marge au-delà de 4 000 €, une prime sur le chiffre d'affaires plafonnée à 2 000 €, outre un taux de commissionnement de 0,5 % sur la marge encaissée chaque mois s'agissant des distributeurs de produits sous marque d'enseigne;
- les attestations de M. B..., commercial, dans laquelle celui-ci déclare que certaines commandes en attente étaient expédiées le mercredi, jour non travaillé de Mme N..., suivant ordre donné par la direction; le témoin atteste avoir entendu un mercredi M. R... dire téléphoniquement à Mme N... « dommage une commande à 40 000 € qui te passe sous le nez »;
- son listing client au 21 octobre 2013 qui mentionne Projet O sur la commune de [...] et une capture d'écran mentionnant que ce même client est attribué à M. R... au mois de novembre 2013,
- le listing clients 2014 sur lequel ne figure pas FCE Energy Consulting, un autre client,
- l'historique du client Franc Energy Consulting au 1er octobre 2013 faisant mention d'un avoir de 4 053 € octroyé à ce dernier et l'attestation de M. B... confirmant que le retour de produits défectueux était décompté du chiffre d'affaires de la salariée,
- le courrier du 31 janvier 2014 envoyé à la salariée par M. R... dans lequel celui-ci l'informe qu'il suspend le versement de ses commissions, en l'absence de signature de l'avenant relatif à l'année 2014, et que Mme N... percevra à compter du 1er janvier 2014 un salaire de 1 500 € brut,
- les attestations de Mme C... et de M. B..., ayant travaillé respectivement pendant 6 mois et plus d'un an dans la société avec Mme N...: Mme C... déclare avoir été témoin du comportement de M. R... envers Mme N... qui était souvent prise à partie et humiliée par ce dernier; M. B... déclare que M. R..., lors de l'arrivée de Mme N... le matin, la regardait de la tête aux pieds, en disant « Tu peux te baisser pour me ramasser le stylo », ce qui lui permettait de regarder ses fesses, estimant qu'il tenait des propos « sexistes et limite indécents » ;
la modification considérable dans l'avenant pour 2014 de la part variable de la rémunération de la salariée à son désavantage, sa rémunération réduite à 1 500 € à compter de janvier 2014, ainsi que le comportement déplacé et humiliant du gérant de la société constituent des éléments de nature à avoir eu pour effet non seulement une dégradation des conditions de travail de la salariée mais de son état de santé psychique, laquelle justifie avoir été en situation d'arrêt de travail ininterrompu pour état dépressif sévère ayant conduit à un avis d'inaptitude de la part du médecin du travail le 13 mai 2014 ; les faits ainsi présentés pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral ; la société Miidex fait valoir que la fixation des objectifs relève du chef d'entreprise et de ses choix de gestion et qu'en tout état de cause, la rémunération de la salariée avait évolué de manière favorable ; cependant, le contrat de travail liant les parties n'autorise pas l'employeur à modifier de façon discrétionnaire les bases et le mode de calcul de la part variable de la rémunération de la salariée ; il prévoit expressément que « les parties se rencontreront pour définir le système de rémunération variable pour l'année à venir » , de sorte qu'à défaut d'accord entre les parties, l'employeur ne pouvait légitimement décider de suspendre purement et simplement le versement des commissions au mois de janvier 2014, et de verser à sa salariée un salaire réduit des 2/3 ; par ailleurs, pour démontrer que l'avenant proposé à la salariée pour l'année 2014 était sans incidence sur le montant de la rémunération variable de cette dernière, la société Miidex se prévaut d'une commission complémentaire de 2 % prévue sur la marge à encaisser si la salariée apportait mensuellement 4 nouveaux clients ou 12 clients sur un trimestre ; or, l'avenant pour l'année 2013 prévoit le maintien du taux de commission au moins à 4 % si la salariée apporte sur l'année moins de 48 clients (soit moins de 4 par mois), ce qui démontre que l'avenant pour 2014 obligeait la salariée non seulement à atteindre une marge d'au moins 4 000 € par mois mais encore d'apporter au moins 4 clients par mois ou 12 par trimestre ; s'agissant du taux de 6 % auquel Mme N... pouvait prétendre en 2013 à partir de 6 000 € de marge encaissée sur le mois si elle apportait sur le trimestre au moins 12 clients, il ne pouvait être atteint en 2014 :
- que par l'apport mensuel de 4 nouveaux clients (ou 12 par trimestre),
- que par la progression sur le trimestre de 80 % du portefeuille clients,
- et qu'à la condition que 95 % des clients de la salariée reçoivent « un appel engagé et productif chaque quinzaine », cette notion n'étant pas autrement définie ;
en outre, même si l'employeur fait valoir que Mme N... était peu concernée par les distributeurs de produit sous marque d'enseigne, il demeure que le taux de commission a été revu à la baisse par la société Miidex à savoir de 4 % en 2013 à 0,5 % en 2014 ; enfin, le montant du chiffre d'affaires que la salariée devait atteindre en 2014 pour obtenir une prime minimale était de 1 500 000 € (pour 900 000 € en 2013), le montant maximun de la prime étant fixé à 2 000 € si elle atteignait un chiffre d'affaires de 2 100 000 € alors qu'en 2013, elle pouvait prétendre à 3 000 € pour un chiffre d'affaires de 1 300 000 € ; le comparatif « chiffre d'affaires/marge » entre commerciaux pour les années 2012, 2013 et 2014 produit par la société permet de constater que Mme N... était en tête du classement des commerciaux, ce qui n'est nullement contesté ; la simulation effectuée par l'employeur sur l'année 2014 pour démontrer que son salaire n'aurait subi aucune baisse ne peut être retenue alors que les calculs sont effectués sur un taux de commission de 6 % dont il a été rappelé ci-dessus les conditions plus draconiennes d'obtention ; s'agissant du retrait de clients et du chiffre d'affaires réalisé le mercredi, la société appelante produit l'attestation de M. T..., directeur d'exploitation ; ce dernier reconnaît que les commandes des clients les plus importants en chiffres d'affaires étaient « parfois » traitées le mercredi mais précise qu'il lui arrivait de ne pas traiter des commandes de clients de Mme N... le mercredi pour ne pas la pénaliser ; le témoin affirme que le client France Energy Consulting (qu'il classe dans les clients les plus importants en chiffre d'affaires) a été attribué à la salariée jusqu'à son départ de l'entreprise, précisant que le listing produit par cette dernière n'était pas fiable car il pouvait être modifié, et que le client Project 0 a été retiré à cette dernière car « il avait été convenu que la gestion de ce compte client serait ponctuelle et dépendrait de l'évolution du compte » ; aucun élément objectif ne permet d'établir que le listing clients 2014 produit par la salariée a été falsifié et de justifier de manière objective le retrait du client Project O ; Mme F... et Mme A..., respectivement assistante de direction et assistante commerciale, confirment avoir été amenées à avancer la saisie des commandes au mardi soir ou à la repousser au jeudi, à la demande de Mme N... ou de la direction afin que celle-ci puisse être commissionnée ; le tableau établi par l'employeur sur les « mercredis non travaillés / autres jours travaillés » démontre un perte de commandes qui s'est accentuée en 2013 ; les déclarations de M. T..., de Mme F... et de Mme A... ne permettent pas de contredire utilement les déclarations de M. B... alors que M. T... reconnaît qu'il arrivait que les commandes des clients les plus importants en chiffre d'affaires soient traitées le mercredi et que Mme F... ou Mme A... évitaient de pénaliser la salariée lorsque celle-ci ou la direction en faisait la demande, ce qui confirme une pratique aléatoire de l'entreprise et donc défavorable pour la salariée ; il n'apparaît pas légitime que les commandes de clients recrutés par Mme N... n'aient pas donné lieu à commissionnement à son profit ; s'agissant de retrait des retours clients, l'explication donnée par l'employeur tirée de la réintégration du chiffre d'affaires lors de la réexpédition de la commande en bonne et due forme ne repose sur aucun élément probant et ne peut utilement contredire les déclarations M. B... qui confirme que Mme N... avait « subi un grand nombre de retours de produits défectueux décomptés de son chiffre d'affaires » ; enfin, s'agissant du comportement de M. R... à l'égard de Mme N... tel que décrit par M. B... et Mme C..., les attestations de Mme U..., Mme X..., Mme W... et Mme S... , soit en poste au sein de l'entreprise comme Mme U... soit anciennes salariées de la société comme les 3 dernières, libellées en termes concordants sur les bonnes relations professionnelles qu'elles entretiennent ou entretenaient avec M. R... qui avait à leur égard un comportement exempt d'ambigüité ou d'incorrection ne permettent pas de contredire les attestations de M. B... et de Mme C... alors qu'elles ne font référence à aucun moment à la situation de Mme N... telle que décrite par ces derniers dans les termes ci-dessus rappelés ; dans ces conditions, en l'absence de preuve rapportée par l'employeur que les différents agissements ci-dessus décrits reposent sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour considère que le lien entre la dégradation des conditions de travail et de l'état de santé de Mme N... et les agissements répétés de l'employeur dans la période de temps considérée est établi ; il convient en conséquence, par confirmation du jugement entrepris, de prononcer la nullité du licenciement intervenu le 11 juin 2014 ;

1° ALORS QUE seuls caractérisent un harcèlement moral des agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail du salarié, de nature à porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé, ou de compromettre son avenir professionnel ; que ne constitue pas un harcèlement moral, la mise en oeuvre d'un système évolutif de rémunération variable prévue par le contrat de travail lequel permet, en accord avec la salariée, de modifier les objectifs précédemment fixés ou encore des erreurs éparses commises dans le calcul du commissionnement ; qu'en jugeant le contraire aux motifs que la proposition de l'avenant de rémunération faite à Mme N... pour l'année 2014 prévoyait des conditions de commissionnement plus restrictives que celles fixées par les avenants antérieurs ou que des commandes de clients recrutés par Mme N... n'avaient pas donné lieu à commissionnement ou encore que certains « retours clients » avaient été décomptés à tort du chiffre d'affaires de la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;

2°- ALORS QU' en retenant l'existence d'un harcèlement moral en se fondant sur les attestations de Mme C... et de M. B... qui font état d'un comportement « exécrable » de M. R..., gérant de la société, à l'égard de Mme N... et en écartant celles de quatre salariées produites par la société Miidex qui établissent le comportement exempt d'ambigüité ou d'incorrection de son dirigeant , sans s'expliquer sur les conclusions de la société Miidex qui a fait valoir que les attestations de Mme C... et de M. B... avaient été versées au débat de manière déloyale pour la première fois devant la cour d'appel quelques jours avant l'audience, après trois ans et demi de procédure, mettant ainsi en exergue le caractère purement artificiel des accusations portées à l'encontre de M. R..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 18-10.818
Date de la décision : 11/12/2019
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre sociale, arrêt n°18-10.818 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse 42


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 11 déc. 2019, pourvoi n°18-10.818, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10.818
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