COMM.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 décembre 2019
Rejet non spécialement motivé
M. GUÉRIN, conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10477 F
Pourvoi n° D 17-31.765
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société ACA fiduciaire, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 2 novembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Guerlain, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société LVMH Fragrance Brands, société anonyme, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Parfums Christian Dior, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 octobre 2019, où étaient présents : M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société ACA fiduciaire, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Parfums Christian Dior ;
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, l'avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ACA fiduciaire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux sociétés Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Parfums Christian Dior ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société ACA fiduciaire
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir interdit, sous astreinte de 10 000 € par infraction constatée à compter du 8e jour de sa signification, à une société de conseil en affaires (la société ACA Fiduciaire, l'exposante) d'encaisser toute somme et tout chèque en règlement de la vente de produits Dior, Givenchy, Guerlain et Kenzo et de lui avoir ordonné, sous astreinte de 10 000 € par infraction constatée à compter du 8e jour de sa signification, de supprimer et/ou de faire supprimer la mention dans l'onglet « informations de paiement » et, plus généralement, sur l'ensemble des pages du site internet accessible à l'adresse www.distriparfum.com, ainsi que sur l'ensemble des documents et courriels de Distriparfum, de la possibilité de régler des commandes de produits Dior, Givenchy, Guerlain et Kenzo et ce à son ordre ;
AUX MOTIFS QUE la société ACA Fiduciaire soutenait d'abord que la production de contrats types vierges non approuvés par la Commission européenne ne mettait la cour en mesure de s'assurer ni de l'existence ni de la licéité du réseau de distribution sélective allégué, ensuite, que ces contrats types violaient les règlements d'exemption n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 et n° 330/2010 du 20 avril 2010 et, enfin, que les intimées n'établissaient pas qu'à l'évidence elles ne dépassaient pas le seuil de 30 % de parts de marché au-delà duquel elles ne pouvaient prétendre à l'exemption prévue par l'article 3 du règlement UE n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, au vu du seul extrait de l'étude NPD intitulée « Prestige » qu'elles fournissaient ; que, toutefois, un arrêt de la chambre commerciale du 27 octobre 1992 (n° 90-18943, Bull. IV, n° 332) avait admis que le réseau mis en place par la société Dior était licite ; que, en outre et surtout, au vu tant des contrats types que des procès-verbaux de constats d'huissier du 27 septembre 2016 constatant le nombre de contrats de détaillants agréées signés pour la France, soit respectivement 479, 488, 411 et 409 pour chacune des sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, Givenchy et Kenzo (pièces intimées 91-94), l'existence du réseau de distribution sélective revendiqué était établie avec l'évidence requise en référé ; que, d'autre part, il résultait à l'évidence de l'extrait produit de l'étude NPD pour les parts de marché des années 2013-2015 (pièce 52), produit en pages 32 et 33 des conclusions des intimées, que celles-ci ne détenaient, ni séparément ni même globalement, une part de marché supérieure au seuil de 30 % fixé par l'article 3 du règlement d'exemption 330/2010 susvisé ; que, à cet égard, l'objection de la société ACA Fiduciaire quant à la fiabilité de cette étude dont l'intitulé « Prestige » n'aurait pas permis de déterminer s'il s'agissait du seul marché de la parfumerie de luxe n'était pas déterminante, dès lors que NPD constituait manifestement une autorité reconnue en la matière dont les analyses étaient utilisées par l'Autorité de la concurrence et la Commission européenne dans leurs avis (pièces intimées 89) et que la société ACA Fiduciaire n'avait pas cru devoir faire sommation de communiquer cette étude dans son intégralité ;
ALORS QUE, de première part, l'existence et la licéité d'un réseau de distribution sélective ne peuvent s'apprécier qu'au regard de contrats de distribution effectivement conclus et comportant une date antérieure aux faits litigieux ; qu'en retenant que l'existence d'un réseau de distribution sélective était rapportée au vu de contrats types vierges et de constats d'huissiers dénombrant les contrats prétendument conclus par chacune des sociétés intimées avec des distributeurs agréés sans constater la production de contrats effectivement conclus à une date antérieure aux faits litigieux, la cour d'appel n'a conféré aucune base légale à sa décision au regard des articles 1353 et 1103 du code civil, ensemble l'article L 420-1 du code de commerce ;
ALORS QUE, de surcroît, se fondant sur les contrats type vierges produits par les promoteurs du réseau sans constater que lesdits contrats avaient fait l'objet d'une décision de reconnaissance par la Commission européenne, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 (ancien) du code civil, ensemble l'article L 420-1 du code de commerce ;
ALORS QUE, de deuxième part, la licéité d'un réseau de distribution sélective doit s'apprécier au regard des dispositions en vigueur à la date où le juge se prononce ; qu'en se référant à un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 27 octobre 1992 pour justifier de la licéité du réseau mis en place par la société Dior, quand cette décision était antérieure au règlement d'exemption n° 330/210 et ne concernait au demeurant qu'un seul des promoteurs du réseau en litige, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du règlement UE n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 ;
ALORS QUE, de troisième part, l'exposante faisait valoir que les promoteurs du réseau de distribution sélective ne démontraient pas, par la production d'un extrait d'une étude NPD intitulée « Prestige », l'absence de dépassement du seuil de 30 % de parts de marché au-delà duquel ils ne pouvaient prétendre à l'exemption prévue par l'article 3 du règlement UE n° 3330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, dès lors que cet extrait ne permettait pas de déterminer si l'étude portait sur la parfumerie de luxe ; qu'en se bornant, pour écarter ce moyen, à retenir que NPD constituait manifestement une autorité reconnue en la matière dont les analyses étaient reconnues par l'Autorité de la concurrence et la Commission européenne dans leur avis, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, entachant ainsi sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 3 du règlement UE n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 ;
ALORS QUE, enfin, le fournisseur doit apporter la preuve que la part de marché qu'il détient ne dépasse pas 30 % pour pouvoir bénéficier de l'exemption à l'interdiction des ententes ; qu'en retenant que l'exposante n'avait pas cru devoir faire sommation de lui communiquer l'intégralité de l'étude NPD intitulée « Prestige » afin de s'assurer du respect de cette interdiction, la cour d'appel a violé l'article 1315 (ancien) du code civil.