Demande d'avis
n° 19-70.019
Juridiction : le tribunal de grande instance d'Amiens
IT2
Avis du 28 novembre 2019
n° 15019 P+B+R+I
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
COUR DE CASSATION
Deuxième chambre civile
Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;
Vu la demande d'avis formulée le 26 août 2019 par le tribunal de grande instance d'Amiens, reçue le 10 septembre 2019, dans une instance opposant M. J... au département de la Somme et ainsi libellée :
"Les tribunaux de grande instance spécialement désignés au titre de l'article L. 211-16, 3°, du code de l'organisation judiciaire peuvent-ils réduire ou remettre une créance émise par un conseil départemental en cas de précarité ou de bonne foi du bénéficiaire de la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-2 du code de l'action sociale et des familles ?"
Sur le rapport de Mme Palle, conseillère référendaire, et les conclusions de M. Gaillardot, premier avocat général, entendu en ses observations orales ;
MOTIFS :
Le litige soumis au tribunal de grande instance d'Amiens se rapporte à la contestation par le bénéficiaire de la prestation de compensation du handicap de la décision du département ayant rejeté sa demande de remise gracieuse d'un indu de versement de cette prestation, la demande d'avis portant sur l'office du juge sur ce point.
Cette question de droit, qui est nouvelle et qui présente une difficulté sérieuse, est susceptible de se poser dans de nombreux litiges. La demande d'avis est dès lors recevable.
Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, il appartenait aux juridictions administratives spécialisées de connaître des recours contre les décisions du président du conseil départemental relatives au versement de la prestation de compensation du handicap mentionnée à l'article L. 245-2 du code de l'action sociale et des familles.
Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article L. 211-16, 3° du code de l'organisation judiciaire et de l'article L. 134-3, 2°, du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, que le tribunal de grande instance spécialement désigné connaît désormais des litiges relatifs à la prestation de compensation du handicap mentionnée à l'article L. 245-2 du code de l'action sociale et des familles.
Selon l'article R. 245-72 du même code, le recouvrement de l'indu de la prestation de compensation du handicap se fait comme en matière de contributions directes. Selon l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, l'administration peut accorder des remises totales ou partielles en matière d'impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence.
Il s'en déduit que la créance d'un indu de versement de prestation de compensation du handicap est au nombre de celles qui, par leur nature, peuvent faire l'objet d'une remise totale ou partielle.
Il s'ensuit que, dès lors qu'il est régulièrement saisi d'un recours contre la décision administrative ayant rejeté en totalité ou en partie une demande de remise gracieuse d'un indu de prestation de compensation du handicap, il entre dans l'office du juge d'apprécier si la situation de précarité et la bonne foi du débiteur justifient une remise totale ou partielle de la créance dont il s'agit.
En conséquence,
LA COUR EST D'AVIS QUE : dès lors qu'il est saisi d'un recours contre une décision administrative rejetant une demande de remise gracieuse d'une créance d'indu de prestation de compensation du handicap, laquelle est au nombre des créances pouvant faire l'objet d'une remise totale ou partielle, telle que prévue à l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, il entre dans l'office du juge du tribunal de grande instance spécialement désigné en application de l'article L. 211-16, 3°, du code de l'organisation judiciaire, de remettre totalement ou partiellement la créance en cas de situation de précarité et de bonne foi du bénéficiaire de la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-2 du code de l'action sociale et des familles.
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 28 novembre 2019, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 20 novembre 2019 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Pireyre, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, conseillers, Mmes Brinet, Le Fischer, M. Gauthier, Mmes Vigneras et Dudit, conseillers référendaires , M. Gaillardot, premier avocat général, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Le présent avis a été signé par le conseiller rapporteur, le président et Mme Thomas, greffier de chambre, présente lors de la mise à disposition de l'arrêt.
Le conseiller rapporteur Le président
Le greffier de chambre