CIV.3
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 novembre 2019
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10386 F
Pourvoi n° R 18-23.592
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ Mme N... W... épouse K..., domiciliée [...] ,
2°/ Mme J... K..., domiciliée [...] ,
3°/ M. O... K..., domicilié [...] ,
4°/ Mme H... K..., domiciliée [...] ,
5°/ M. L... K..., domicilié [...] ,
6°/ M. T... K..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 16 mai 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme Z... V..., domiciliée [...] ,
2°/ à Mme F... Q..., domiciliée [...] ,
3°/ à Mme B... X..., domiciliée [...] ,
4°/ à M. E... C..., domicilié [...] ,
5°/ à Mme I... M..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Mmes V..., Q..., X... et M... et M. C... ont formé un pourvoi incident dirigé contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 octobre 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat des consorts K..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mmes V..., Q..., X... et M... et de M. C... ;
Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen unique de cassation du pourvoi principal et celui du pourvoi incident annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque demandeur la charges des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour les consorts K..., demandeurs au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'un nouveau bail portant sur les locaux situés au troisième étage de l'immeuble sis [...] a pris effet le 15 juillet 2007 entre, d'une part, Mademoiselle J... K..., Monsieur O... K..., ainsi qu'entre Madame N... W... veuve K..., Mademoiselle H... K..., Monsieur L... K... et Monsieur T... K... venant aux droits de Daniel K... et, d'autre part, Madame I... M..., Madame F... Q... et Madame Z... V... et ce moyennant un loyer annuel en principal de 32 014,38 euros ; d'avoir dit que Madame I... M..., Madame F... Q..., Madame Z... V..., Madame B... X... et Monsieur E... C... sont redevables à Mademoiselle J... K..., Monsieur O... K..., Madame N... W... veuve K..., Mademoiselle H... K..., Monsieur L... K... et Monsieur T... K... de la seule somme de 889,70 euros au titre des rappels d'indexation entre le 15 juillet 2008 et le 14 juillet 2013, déduction faite du dépôt de garantie de 6 860,21 euros et de la somme de 6 936,56 euros représentant le montant des charges indûment payé par les preneurs entre le 15 juillet 2008 et le 14 juillet 2013, et d'avoir condamné les premiers, à payer aux consorts K... cette seule somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2013, capitalisés dans les termes et conditions de l'article 1154 du code civil, et d'avoir condamné les consorts K... à payer aux médecins preneurs diverses sommes au titre de l'article 700 du code procédure civile ;
Aux motifs propres que la cour rappelle que selon les dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, le bail professionnel est conclu pour une durée au moins également à six ans ; que le contrat est reconduit tacitement aux clauses et conditions du contrat expiré à défaut pour les parties notifié à l'autre son intention de ne pas renouveler le contrat soit à l'expiration de celui-ci pour le bailleur, soit tout moment par le locataire, en respectant un délai de préavis de six mois ; que par application de l'article 57A de la loi du 23 décembre 1986 et de l'article 1738 du code civil, au terme fixé par le contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel, le contrat est reconduit tacitement pour une durée de six ans et il s'opère un nouveau bail ; que les parties ne discutent pas que le bail conclu suivant acte sous seing privé du 28 mai 1989 à effet du 15/07/1989 pour une durée de six années portant sur les locaux sis au 3e étage du [...] , est un bail professionnel soumis aux dispositions de l'article 57A de la loi du 23 décembre 1986 ; que le bail du 28 juin 1989 n'ayant pas été dénoncé à son terme a été reconduit tacitement le 15/07/1995 pour une durée de six ans, et pareillement pour les baux suivants à savoir : – le nouveau bail du 15/07/1995 a été reconduit tacitement le 15/07/2001, – le nouveau bail du 15/07/2001 a été reconduit tacitement le 15/07/2007 ; que, en revanche, le nouveau bail du 15 juillet 2007 a pris fin à son terme, par l'effet du congé avec refus de renouvellement de bail professionnel délivré le 10/12/2012, au visa de l'article 57A de la loi du 23 décembre 1986 par les consorts K... pour le 14/07/2013 ; que le bail du 28 juin 1989 contient une clause de révision automatique annuelle du loyer ainsi rédigée : « Le montant du loyer, librement fixé entre les parties, sera payable au domicile du bailleur. Il sera révisé chaque année en fonction de l'indice national I.N.S.E.E. du coût de la construction dont les éléments de référence sont indiqués en page 4, laquelle indique que le loyer sera révisé chaque année le 15 juillet avec comme indice de référence celui du 4e trimestre d'une valeur de 919 » ; que la cour observe que si l'action en paiement des loyers arriérés est soumise à la prescription quinquennale, ce qui est admis par les parties, cette prescription s'applique aux loyers et non au processus de l'indexation qui est un mode de calcul ; que les appelants procèdent à l'indexation du loyer à compter du 15 juillet 1992 par application de l'indice de référence du 4e trimestre 1988 figurant dans le bail du 28 juin 1989, de sorte qu'au 15 juillet 2007 le montant du loyer en principal serait de 12 099,95 euros par trimestre, soit 48 399,80 euros ; que cependant, à compter du 15/07/2007, le bail a été reconduit tacitement pour une durée de six ans de sorte qu'il s'est opéré à cette date un nouveau bail pour une durée de six ans au montant du loyer accepté par les parties ; qu'il convient de rechercher par application des articles 1156 et 1162 du code civil dans leur version applicable à l'espèce, qu'elle a été leur intention quant au montant du loyer en principal lors de la reconduction des baux précités ; que le bail du 28 juin 1989 fixe le montant du loyer à la somme mensuelle de 15 000 francs en principal, soit 180 000 francs par an et en principal, et prévoit qu'à compter du 17 juillet 1992, ce loyer de base annuel sera majoré de 30 000 francs, le portant ainsi à la somme totale de 210 000 francs, soit 32 014,28 euros par an et en principal ; que les consorts K... n'ont pas contesté le fait que les intimés se sont acquittés de ce montant au titre et au cours de ce bail et des baux des 15 juillet 1995, 15 juillet 2001 et 15 juillet 2007 ; qu'ils n'ont pas davantage en cours d'exécution des baux des 15 juillet 1995, 15 juillet 2001, soit pendant près de 18 ans, contesté que ce montant de 32 014,28 euros annuellement réglé par les intimés correspondait au montant effectivement dû, ni avoir, pendant cette même période, sollicité un réajustement dudit montant ou réclamé le paiement d'un rappel au titre de la clause d'indexation contractuelle ; que ce n'est que par courrier du 30 mars 2012, quatre mois avant le terme du bail du 15 juillet 2007 qu'ils ont sollicité des locataires le règlement d'un rappel d'indexation ; qu'il résulte de ces éléments la commune intention des parties de voir fixer le montant du loyer des baux des 15 juillet 1995, 15 juillet 2001 et 15 juillet 2007 à la somme de 32 014,28 euros par an en principal ; que par conséquent, c'est partir du loyer du bail du 15 juillet 2007 que doit se calculer l'indexation et l'indice de référence est celui applicable à la prise d'effet de ce nouveau bail et non l'indice de référence du bail du 28 juin 1989 ;
Et aux motifs, le cas échéant, repris des premiers juges qu'en l'espèce, la clause de révision du loyer insérée dans le bail du 28/06/1989 stipule que « le montant du loyer, librement fixé entre les parties, sera payable au domicile du bailleur. Il sera révisé chaque année en fonction de l'indice national I.N.S.E.E. du coût de la construction dont les éléments de référence sont indiqués en page 4, laquelle indique que « Le loyer sera révisé chaque année le 15 juillet avec comme indice de référence celui du 4e trimestre d'une valeur de 919 » ; que si, ainsi que chacune des parties le fait valoir, les baux successivement renouvelés entre elles, par tacite reconduction, l'ont été aux clauses et conditions de ce bail du 28/06/1989, et si la révision contractuellement prévue s'opère automatiquement ainsi que le font valoir les consorts K..., il importe, cependant et en premier lieu, de définir le montant du loyer indexable, soit le loyer dont les parties ont convenu, lors des renouvellements successifs de bail, et qui, seul, sera soumis à indexation ; que les parties appréciant différemment le montant de ces loyers, il convient, dès lors, pour le tribunal, d'interpréter leurs conventions successives et de rechercher, à cette fin et en application de l'article 1156 du code civil, quelle a été leur commune intention, à ce sujet, lors des renouvellements de bail précédemment retenus ; qu'en l'espèce, le bail du 28/06/1989 fixe le montant du loyer à la somme mensuelle de 15 000 francs en principal, soit 180 000 francs par an et en principal, et prévoit qu'à compter du 17 juillet 1992, ce loyer de base annuel sera majoré de 30 000 francs, le portant ainsi à la somme totale de 210 000 francs, soit 32 014,28 euros par an et en principal ; que les consorts K... n'ont pas contesté le fait, que les défendeurs se sont acquittés de ce montant, par versements trimestriels de 8 003,57 euros, tant au titre et au cours de ce bail du 28/06/1989 qu'au titre et au cours des baux successivement renouvelés le 15/07/1995, le 15/07/2001 et le 15/07/2007 ; qu'à cet égard, ils ne justifient pas avoir, en cours d'exécution des trois premiers baux des 28/06/1989, 15/07/1995 et 15/07/2001 soit pendant 18 années consécutives, contesté que ce montant de 32 014,28 euros annuellement réglé par les défendeurs correspondait au montant effectivement dû, ni avoir, pendant cette même période, sollicité un réajustement dudit montant ou réclamé à leurs locataires le paiement d'un quelconque rappel au titre, notamment, de la clause d'indexation contractuelle ; qu'ils ne justifient pas plus s'être manifesté auprès des défendeurs, à ce sujet, à l'occasion du renouvellement du 15/07/2007 ni en cours d'exécution de ce dernier bail, à tout le moins, jusqu'à leur courrier du 30/03/2012 sollicitant des locataires le règlement d'un rappel d'indexation depuis 2007 et dont il convient de relever qu'il leur a été adressé moins de quatre mois avant le terme du bail soit trop tardivement pour remettre en cause le montant du loyer et sa fixité que les défendeurs pouvaient légitimement, compte tenu de ce qui précède, tenir pour acquis ;
que les développements qui précèdent caractérisent ainsi la commune intention des parties, en ce qui concerne le montant du loyer des baux des 15/07/1995, 15/07/2001 et 15/07/2007, de le voir fixer à la somme de 32 014,28 euros par an en principal ; qu'en tout état de cause, et par application de l'article 1162 du code civil qui dispose que « Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation », c'est ce montant de 32 014,28 euros que le tribunal retiendra comme constituant le montant annuel et en principal du loyer des trois baux précités ; que dans ces conditions, les conventions légalement formées tenant lieu de loi à ceux qui les ont faites, aux termes de l'article 1134 du code civil, et dans la mesure où leur demande en paiement de rappels d'indexation antérieurs au 16/07/2007 a été déclarée prescrite, les consorts K... ne peuvent opposer aux défendeurs le jeu de la clause d'indexation figurant au bail du 28/06/1989 et l'automaticité de l'indexation qui en résulte pour modifier, en le majorant de cette indexation le montant au loyer de 32 014,28 euros convenu pour chacun desdits baux ; que le tribunal accueillera, en conséquence et dans les termes du dispositif, la demande des défendeurs tendant à voir dire qu'un nouveau bail a pris effet le 15/07/2007 entre les parties moyennant un loyer annuel de 32 014,28 euros en principal, lequel constituera ainsi le loyer soumis à indexation à compter du 15/07/2007 ;
Alors que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'elle ne peut se déduire de la seule inaction ou du silence de son titulaire ; que la cour d'appel ne pouvait donc déduire en l'espèce de la seule inaction ou du silence des exposants la commune intention des parties à voir renouveler le bail à chacun de ses termes et en dernier lieu à compter du 15 juillet 2007 aux conditions de loyer initiales, lors même que ce renouvellement, dans ces conditions, impliquait renonciation à l'application de la clause d'indexation, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 nouveaux du code civil.
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mmes V..., Q..., X... et M... et M. C..., demandeurs au pourvoi incident
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté la responsabilité des bailleurs et débouté les preneurs de leur demande de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE les consorts K... ont fait état d'un rappel d'indexations et de charges à hauteur d'une somme totale de 87.744,47 euros, pour la première fois, aux termes du courrier du 30 mars 2012 qu'ils ont adressé aux intimés pour leur demander paiement de ce montant ; que si cette réclamation a ainsi été effectuée plus de 20 ans après le bail du 28 juin 1989 liant les parties et ce pour une somme importante, il n'en demeure pas moins que les locataires, qui sont dans les lieux depuis le bail de 1989 pour ce qui concerne Mmes S... et Q..., ont réglé pendant de nombreuses années un loyer inchangé depuis le 15 juillet 1992 ; que cette réclamation a fait l'objet de discussion entre les avocats des parties avant que les bailleurs ne saisissent le tribunal par voie d'assignation près de 15 mois après la lettre du 30 mars 2012 ; qu'en outre, les bailleurs n'étaient pas opposés à un règlement échelonné de la somme qu'ils réclamaient tel que cela ressort du courrier du 30 mars 2012 et ils étaient, dans le cadre de la procédure de première instance, favorables à une médiation ; qu'enfin, il ne peut leur être fait grief d'avoir délivré un congé alors qu'ils ont respecté le délai légal des six mois pour ce faire s'agissant d'un bail professionnel ; que dans ces conditions, il n'est pas rapporté la preuve d'un comportement fautif de la part des bailleurs de sorte que Mme I... M..., Mme F... Q..., Mme Z... V..., Mme B... X... et M. E... C... seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;
1°) ALORS QUE la réclamation présentée pour la première fois en 2012 par le bailleur, 20 ans après la conclusion du contrat de bail, en paiement d'une somme de 87.744,47 € au titre d'un rappel d'indexation des loyers sur une période écoulée de plus de 5 années et résultant de l'application rétroactive de la clause d'indexation depuis le 15 juillet 1992, est brutale et déloyale et cause un préjudice financier au preneur dans l'incapacité de régler une telle somme ; que ce comportement est constitutif d'une faute dans l'exécution du contrat de bail et engage la responsabilité du bailleur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 devenu l'article 1231-1 du code civil ;
2°) ALORS QU'en écartant la responsabilité du bailleur sans rechercher si, outre le retard excessif dans la réclamation d'un rappel d'indexation des loyers 20 ans après la conclusion du bail, le montant de la somme réclamée de 87.744,47 € au regard de la somme réellement due et ramenée à hauteur de 14.686,47 € par le tribunal et la cour d'appel ne constituait pas un comportement abusif et déloyal de nature à engager la responsabilité du bailleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des anciens articles 1134 alinéa 3 et 1147 devenus les articles 1104 et 1231-1 nouveaux du code civil.