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27/11/2019 | FRANCE | N°18-10.240

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 27 novembre 2019, 18-10.240


SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 novembre 2019




Rejet non spécialement motivé


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 11249 F

Pourvoi n° C 18-10.240







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la so

ciété Sogea Est BTP, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2017 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans...

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 novembre 2019

Rejet non spécialement motivé

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 11249 F

Pourvoi n° C 18-10.240

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Sogea Est BTP, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2017 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. I... P..., domicilié [...] ,

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 23 octobre 2019, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Sogea Est BTP, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. P... ;

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sogea Est BTP aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sogea Est BTP à payer à M. P... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Sogea Est BTP

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement rendu le 28 avril 2016 par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a dit le licenciement de M. P... par la société Sogea Est BTP sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. P... la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts, d'AVOIR statuant à nouveau sur ces points, dit nul le licenciement de M. P... par la société Sogea Est BTP, d'AVOIR condamné la société Sogea Est BTP à payer à M. P... la somme de 50 508 euros à titre de dommages et intérêts, d'AVOIR confirmé la décision entreprise pour le surplus, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de l'instance et de l'AVOIR condamné à payer à M. P... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « - Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 du même code en ses dispositions applicables aux faits de la cause prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. I... P... soutient qu'il a été victime de la part de son directeur d'agence, M. H... X..., de faits de harcèlement moral qui ont conduit à une dégradation de sa santé et en définitive à l'inaptitude qui a justifié le licenciement.
Il ressort de :
- l'attestation établie par M. O... R..., collègue de M. I... P..., que 'pendant les années 2011- 2012, [ M. P... ] subissait de la part de M. H... X... des brimades sur la façon de manager et gérer ses chantiers...en présence des conducteurs de travaux et les autres chefs de chantier' ;
- l'attestation établie par M. G... J..., chef de chantier au sein de la SAS Sogea Est BTP, qu'il a 'pu constater qu'à plusieurs reprises M. X... a rabaissé les compétences professionnelles de M. P... en lui disant qu'il n'arriverait pas à gérer son chantier même avec de bons poseurs' et que 'des réflexions vexantes en des termes crus lors de réunions de planning lui sont faites publiquement au lieu d'être débattues face à face à l'écart dans un bureau' ;
- l'attestation établie par M. M... K..., conducteur d'engin, qu'il était présent sur le chantier [ de Toul ] quand M. X... est venu sur le chantier et 'a traité M. P... d'incapable devant tout le personnel ' ;
M. I... P... produit également une attestation établie par M. S... E..., maçon, qui relate un entretien téléphonique le 9 novembre 2012 au cours duquel M. X... a réprimandé M. P... en le qualifiant d'incompétent, lui déclarant qu'il 'ferait mieux d'aller travailler dans le Sahara car là bas il n'y a pas d'obstacles qui gênent', échange qui a fortement perturbé M. P....
Il ressort du compte-rendu de la commission mise en place par l'employeur 'chargée de l'enquête relative à une situation de harcèlement moral' que M. H... X... n'a pas contesté d'une part la teneur de la conversation téléphonique du 9 novembre 2012 et d'autre part qu'il 'peut avoir parfois une façon vive de parler'.
Il ressort des conclusions motivées du rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanent en maladie professionnelle établi le 26 mai 2015 que 'M. P... présente un état anxio-dépressif en lien direct et déterminant avec ses conditions de travail'.
Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de constater que les faits présentés par M. I... P... pris dans leur ensemble permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement.
Le compte-rendu de la commission mise en place par l'employeur 'chargée de l'enquête relative à une situation de harcèlement moral ' fait apparaître que M. H... M. justifie son attitude vis à vis de M. I... P... par l'incapacité de celui-ci à assumer ses missions professionnelles, cette incompétence ayant motivé des sanctions ; cependant, la SAS Sogea Est n'apporte aucun élément sur la prétendue incompétence de M. P... ni sur les sanctions évoquées par M. X....
Il ressort en revanche du compte-rendu de la réunion extraordinaire du CHSCT Lorraine du 27 janvier 2014 que l'employeur relève à la charge de M. H... X... des 'pratiques managériales parfois inadaptées' justifiant qu'un coaching professionnel soit proposé à M. X... afin de corriger 'ces pratiques'.
La SAS Sogea Est ne démontre pas que les pratiques reprochées à M. M., son délégataire, sont étrangères à tout harcèlement.
Il y a donc lieu de constater que M. I... P... a été victime de la part du délégataire de son employeur d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le médecin du travail a, par les avis des 4 et 23 février 2015 déclaré M. I... P... inapte au poste de chef de chantier sur tous les sites du groupe, inapte à tout poste dépendant du site de Velaine en Haye, mais apte à un poste fonctionnel sur un autre site ; M. P... a refusé les postes qui lui ont été proposés en raison de son état de santé et le rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente en maladie professionnelle établi le 26 mai 2015 indique un état anxio-dépressif en lien direct et déterminant avec ses conditions de travail.
L'inaptitude de M. I... P... a motivé son licenciement.
Il y a donc lieu de constater que le licenciement de M. I... P... est une conséquence directe des faits de harcèlement dont il a été victime.
Il y a donc lieu de dire le licenciement de M. I... P... par la SAS Sogéa Est BTP frappé de nullité.
Le jugement appelé sera réformé sur ce point.
- Sur l'indemnisation :
M. I... P... avait 57 ans à la date de son licenciement, et 29 ans et 6 mois d'ancienneté.
M. I... P... a subi du fait des circonstances de son licenciement un préjudice moral important.
Par ailleurs, il ne justifie pas de sa situation professionnelle et matérielle postérieure à son licenciement.
En conséquence, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnisation de M. I... P... à l'équivalent de 18 mois de salaire, soit la somme de 50 508 euros.
Le jugement sera réformé sur ce point.
La SAS Sogea Est BTP, qui succombe, supportera les dépens de l'instance.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. I... P... l'intégralité des frais irrépétibles ; il y a lieu de faire droit à la demande sur ce point à hauteur de 2 000 euros » ;

1°) ALORS QU'il appartient au salarié d'établir et aux juges du fond de constater la matérialité d'éléments de faits précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence d'un harcèlement moral au préjudice de M. P..., sur les attestations de M. R..., M. J..., M. K... et M. E... selon lesquels il aurait fait l'objet de brimades, et réflexions vexantes, notamment sur ses compétences ainsi que sur un compte-rendu de commission mise en place par l'employeur « chargée de l'enquête relative à une situation de harcèlement moral » selon lequel M. X... n'avait pas contesté la teneur de la conversation téléphonique qu'il avait eu avec M. P... le 9 novembre 2012 aux termes de laquelle il avait déploré son incompétence et sur les conclusions du rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente établi le 26 mai 2015 fondées sur les propres allégations du salarié, lorsque ces pièces, qui ne renvoyaient à aucun fait précis, daté et circonstancié, à l'exception d'un seul entretien téléphonique du 9 novembre 2012, ne permettaient pas d'établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1154-1 et L. 1152-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le juge doit examiner les pièces produites par les parties ; qu'en l'espèce, étaient versés aux débats l'avertissement notifié au salarié le 4 octobre 2012 en raison d'un non respect des consignes de sécurité, ainsi que l'étude du poste du salarié effectuée par le Dr. F..., médecin du travail, le 10 février 2015 selon lequel le salarié rencontrait des difficultés d'adaptation à l'évolution du métier de chef de chantier, des difficultés dans la prise d'initiatives, dans la préparation des chantiers, dans les tâches administratives ainsi que dans la gestion financière et qu'il acceptait mal les remarques de sa hiérarchie sur ces points, ce qui expliquait le conflit avec M. X... (productions n°12 et 13) ; qu'en ne visant ni n'analysant ces pièces, serait-ce sommairement, pourtant de nature à justifier objectivement les remontrances du supérieur hiérarchique du salarié, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le harcèlement moral ne rend nul le licenciement pour inaptitude du salarié que si un lien de causalité est établi avec certitude entre ledit harcèlement et l'inaptitude ; qu'en l'espèce, pour affirmer que le licenciement pour inaptitude était nul, la cour d'appel s'est bornée à relever que le médecin du travail avait, dans ses avis des 4 et 23 février 2015, déclaré le salarié inapte au poste de chef de chantier sur tous les sites du groupe, inapte à tout poste dépendant du site de Velaine en Haye, mais apte à un poste fonctionnel sur un autre site et que le rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente en maladie professionnelle établi le 26 mai 2015 indiquait un état anxio-dépressif en lien direct et déterminant avec ses conditions de travail (arrêt p.5 § 4) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé un lien de causalité direct et certain entre le harcèlement qu'elle retenait et l'inaptitude, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1235-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 18-10.240
Date de la décision : 27/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre sociale, arrêt n°18-10.240 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 27 nov. 2019, pourvoi n°18-10.240, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10.240
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