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13/11/2019 | FRANCE | N°18-14809

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 novembre 2019, 18-14809


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 février 2018), que M. J... a été engagé le 30 décembre 1988 par la société Mahle pistons France en qualité de directeur des ressources humaines ; que son contrat a été transféré à la société Mahle France, qui est la société holding du groupe Mahle en France et a pour activité la distribution et la vente des produits fabriqués par le groupe Mahle et des prestations de services au profit des filiales du groupe en France ; que les fonctions de M. J... ont alors

été celles de directeur des ressources humaines France ; qu'il a été licenc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 février 2018), que M. J... a été engagé le 30 décembre 1988 par la société Mahle pistons France en qualité de directeur des ressources humaines ; que son contrat a été transféré à la société Mahle France, qui est la société holding du groupe Mahle en France et a pour activité la distribution et la vente des produits fabriqués par le groupe Mahle et des prestations de services au profit des filiales du groupe en France ; que les fonctions de M. J... ont alors été celles de directeur des ressources humaines France ; qu'il a été licencié pour motif économique le 20 juillet 2014 ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes alors, selon le moyen :

1°/ que le motif économique s'apprécie au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée ; qu'appartiennent à un même secteur d'activité des entreprises délivrant les mêmes biens ou services, ciblant la même clientèle et les mêmes réseaux et modes de distribution et se rapportant à un même marché ; que ne relèvent pas du même secteur d'activité des entreprises ayant pour activité la production de pièces automobiles et celles qui en assurent la commercialisation ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les sociétés du groupe Mahle ont pour activité la production d'équipements automobiles ; qu'en retenant que la société Mahle France ne pouvait soutenir que la réalité des difficultés économiques devait s'apprécier à son seul niveau dès lors qu'elle exerçait certes une activité de holding prestataire de services mais également une activité commerciale et de stockage, « en lien » avec l'activité de production des BU et des sites de production du groupe allemand, la cour d'appel n'a pas caractérisé que la société appartenait au même secteur d'activité des autres sociétés du groupe, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2°/ que le motif économique s'apprécie au moment du licenciement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt tirées de l'analyse des comptes annuels effectuée par le cabinet d'expertise comptable ACE comptabilité à la demande du salarié que la société avait essuyé une perte de 2,4 millions d'euros en 2014 ; que l'expert avait également relevé d'importantes pertes en 2013 ; qu'en se fondant néanmoins sur les résultats de l'année 2015 pour juger que les difficultés économiques de la société Mahle France n'étaient pas établies, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3°/ que la lettre de licenciement invoquait pour motif économique du licenciement du salarié une réorganisation visant à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que la réorganisation pour sauvegarde de la compétitivité n'est pas subordonnée à l'existence de difficultés économiques qu'elle a pour but de prévenir ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt l'existence de pertes en 2014, l'expert ayant également relevé d'importantes pertes en 2013 ; qu'en retenant que n'étaient pas démontrées une diminution importante et durable de l'activité ni l'existence de graves difficultés économiques pour dire que le licenciement pour motif économique ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse, sans cependant rechercher si la compétitivité de la société n'était pas à tout le moins menacée par les pertes précitées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail ;

4°/ que les juges du fond, tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, pour retenir que le salarié occupait en sus de ses fonctions de DRH France les fonctions de responsable des ressources humaines du personnel de la société Mahle France, la cour d'appel a énoncé qu'il était avéré que l'intitulé de fonctions de « directeur des ressources humaines France » qui figurait au contrat de travail du salarié n'était autre que la reprise de l'intitulé des fonctions figurant au contrat de travail qui le liait à la société Mahle pistons France et qui avait été transféré à la société Mahle France SAS ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer en quoi le maintien de cet intitulé impliquait l'exercice de fonctions de RRH au sein de la société Mahle France, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que le licenciement pour motif économique est justifié en cas de suppression d'emploi consécutive notamment à des difficultés économiques ou à une réorganisation pour sauvegarde de la compétitivité ; qu'en l'espèce, il était constant que le salarié occupait un poste de directeur des ressources humaines France consistant à assurer la coordination des ressources humaines de toutes les filiales du groupe, dont la cour d'appel a constaté la suppression ; que la cour d'appel a néanmoins estimé que le salarié exerçait également les fonctions de responsable des ressources humaines au sein de la société Mahle France, pour en conclure que l'absence de disparition de ces fonctions, au demeurant non mentionnée dans la lettre de licenciement, excluait que le poste de le salarié ait été supprimé ; qu'en statuant ainsi quand il résultait de ses propres constatations qu'il n'existait pas de poste de responsable des ressources humaines au sein de la société avant le licenciement du salarié, si bien qu'à supposer qu'il ait exercé des fonctions de responsable ressources humaines au sein de la société Mahle France, ces fonctions ne pouvaient qu'être rattachées à son poste de directeur des ressources humaines lequel avait été dûment supprimé, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté, au terme d'une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que les difficultés économiques de la société Mahle France n'étaient pas établies à l'époque du licenciement ; que, sans être tenue de procéder à la recherche prétendument omise selon la troisième branche, qui ne lui était pas demandée, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Mahle France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. J... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Mahle France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour motif économique de M. J... est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Mahle France à payer à M. J... la somme de 295.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Mahle France à payer à M. J... la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Mahle France à Pôle Emploi Alsace Champagne-Ardenne Lorraine des prestations de chômage versées à M. J... dans la limite de six mois d'indemnités en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail et d'AVOIR condamné la société Mahle France aux dépens de première instance et d'appel,

AUX MOTIFS QUE "Sur les demandes liées au licenciement pour motif économique de Monsieur E... J... : Monsieur E... J... a été licencié pour motif économique par un courrier en date du 20 août 2014 qui expose les difficultés de la branche automobile notamment en Europe et en France, ainsi que l'évolution de l'effectif des sociétés Mahle en France avec 668 postes supprimés, et des conséquences financières pour la société holding Mahle France Sas dont le résultat net s'est effondré à (-) 5 606 k€ en 2012 puis (') 32 699 k€ en 2013, dans le contexte suivant : « La fermeture du site de Mahle Pistons France va poursuivre cet impact brutal et durable sur la charge de travail de l'établissement d'Ingersheim. En effet les prestations de services effectuées par les salariés de Mahle France Sas ont vocation à s'arrêter avec la fermeture du site. Cette disparition d'une partie importante des activités ne saurait être compensée par ailleurs alors que les perspectives économiques ne permettent pas d'envisager un surcroît d'activité en France. Le poste de directeur des ressources humaines France que vous occupez au sein de Mahle France Sas est dédié à la coordination des activités ressources humaines pour la France. Or la taille des filiales de Mahle France Sas et le volume actuel de leurs activités remettent en cause la pertinence du maintien d'une coordination RH France assurée par un poste de directeur des ressources humaines France, faute d'activité suffisante. De plus, un responsable ressources humaines opérationnel est présent au sein de chaque entité du groupe Mahle en France permettant ainsi de gérer les activités Ressources Humaines. Le maintien de votre poste dans l'organisation Mahle France Sas ne se justifie donc plus, et nous avons pris la décision de le supprimer. Vos attributions résiduelles seront réparties entre les salariés de la société et les RRH des filiales'.. ». « 'La présente constitue donc la notification de votre licenciement pour motif économique, en raison de la suppression de votre poste de directeur des ressources humaines France, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un projet de réorganisation et de restructuration visant la société Mahle France Sas confrontée à une baisse importante et durable de son niveau d'activité et à de graves difficultés financières et économiques. ». Aux termes de l'article L 1233.3 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. A l'appui de la démonstration du motif économique du licenciement de Monsieur E... J... qui lui incombe, la société Mahle Sas évoque dans ses écrits des difficultés économiques caractérisées par des pertes « du groupe Mahle France Sas et de ses filiales en France », en soutenant que la société Mahle France Sas, du fait de son activité de holding prestataire de services pour ses filiales, ne fait pas partie d'une des Business Unit du groupe. Or, comme le souligne avec pertinence Monsieur J... et tel que cela ressort du document d'information remis le 22 mai 2014 à la délégation unique du personnel (pièce 2 de la société intimée), la société Mahle France Sas est composée de trois sites, soit non seulement le site d'Ingersheim (qui a ensuite été installé à Rouffach après la fermeture de la société Mahle Pistons France), dédié à assurer des prestations administratives pour le compte des filiales et à gérer les personnels des trois sites, mais aussi un site de Rueil Malmaison dédié à une activité commerciale concernant les pièces produites sur les différents sites de production du groupe Mahle dans le monde et à la gestion commerciale des deux principaux clients français (PSA et Renault), et enfin un site de Dardilly dédié à la logistique avec une activité de négoce, stockage et expédition de matériels fabriqués dans les usines de production du groupe Mahle dans le monde. La cour constate, outre que la société intimée se rapporte à des règles légales destinées à définir le périmètre d'appréciation des difficultés économiques qui sont postérieures au licenciement de Monsieur J..., que la société Mahle France ne peut valablement soutenir que la réalité des difficultés économiques doit être appréciée à son seul niveau de par son activité, qui est certes celle d'une holding prestataire de services pour ses filiales mais qui est aussi commerciale et en lien avec l'activité de production des BU et des sites de production du groupe allemand. La cour constate également que le seul document auquel se rapporte la société Mahle France Sas dans ses écrits au soutien de sa démonstration de ses difficultés économiques et financières et de celles de ses filiales et de nature à justifier cinq licenciements économiques, correspond aux déclarations fiscales (sa pièce 39) de la société Mahle France et de ses filiales françaises sur la période 2013-2015, qui font état de pertes fiscales cumulées sur les trois années de - 24 739 160 €. Or Monsieur J... souligne avec pertinence que le résultat fiscal n'est pas un élément révélateur de la performance économique des sociétés concernées, et produit aux débats de nombreux documents qui rapportent des considérations économiques émanant notamment quelques semaines avant son licenciement du directeur financier de la société intimée (son annexe 16) mentionnant que la situation de la société Mahle France n'est « aucunement alarmante », et émanant également du directeur général de la société qui évoque une exploitation positive de la société seulement trois mois avant que la procédure de licenciement pour motif économique de Monsieur J... ne soit engagée (son annexe 17) ainsi qu'une hausse du CA prévisionnel en expliquant que « la tendance 2015 reste très positive avec un CA qui dépassera les 100 millions d'euros, sous l'effet combiné de nouveaux marchés pompes à huile et arbres à came à assembler et d'un marché européen à nouveau porteur » (son annexe 14). Si la société Mahle France conteste la pertinence de l'analyse de ses comptes annuels de 2013 à 2015 qui a été effectuée par le cabinet d'expertise comptable Ace Compta mandaté par Monsieur J... (pièce 25 de l'appelant), ce document mentionne que les capitaux propres ont augmenté sur cette période de 49 M€ à 60 M€, et que « la légère perte constatée en 2014 de 2,4 M€ est largement compensée par le bénéfice de 13 M€ de 2015. L'annexe des documents annuels indique par ailleurs que les 13 M€ de bénéfice de 2015 sont consécutifs à la reprise d'une provision trop importante sur la liquidation de la société Mahle Pistons France. En d'autres termes les provisions passées sur les années précédentes étaient trop importantes et par voie de conséquence les exercices antérieurs à 2015 ont subi des pertes surévaluées. La situation nette reste positive et est supérieure au capital social initial de 43 M€. ». L'expert comptable conclut que « la santé économique et financière de Mahle France Sas n'était pas menacée en 2013. En effet le résultat net de - 35 M€ n'était composé à 80 % que d'une provision pour fluctuation de cours qui a été compensée dès 2014 ». La société Mahle France n'apporte aucun argument de contestation sérieux face à ces données comptables précises produites par Monsieur J... ; si elle évoque le fait que l'analyse de la santé financière doit tenir compte de l'ensemble de ses sociétés filiales, la société intimée soutient à l'inverse comme cela a été relevé ci-avant (page 16 de ses écrits) que « Mahle France Sas, du fait de cette activité de holding prestataire de services pour ses filiales, ne fait pas partie d'une des Business Unit du groupe » . La cour retient donc que la société Mahle France ne démontre pas la réalité d'une baisse importante et durable de son niveau d'activité ni la réalité de graves difficultés financières et économiques, justifiant la suppression du poste de Monsieur E... J.... De plus Monsieur E... J... soutient avec pertinence que ce n'est qu'une partie de son poste que la société Mahle France prétend avoir supprimé, et non les fonctions de Monsieur E... J... exercées au sein de la société Mahle France. Si la société intimée affirme que Monsieur J... n'était pas chargé des ressources humaines en son sein au regard de ses fonctions de ''directeur des ressources humaines France'', il est avéré que cette appellation de directeur des ressources humaines France qui correspondait déjà aux fonctions occupées par l'appelant au sein de la société Mahle Pistons France n'a été que reprise lors du changement d'employeur et de l'embauche de Monsieur J... par la société Mahle France Sas. Par ailleurs il ressort des données du débat et notamment des documents mêmes produits par l'employeur (ses annexes 21 et 22) qu'au moment du licenciement de l'appelant le service Ressources Humaines de la société Mahle France était composé outre de Monsieur J..., DRH France, d'une gestionnaire RH Madame N... et d'une manager RH Madame X... embauchée au mois de mai 2013 pour 18 mois en raison d'un surcroît d'activité constitué par la réorganisation de la fonction RH Mahle France Sas, ainsi que l'accompagnement au sein de la DRH France de dossiers ponctuels (annexe 73 de l'appelant), et avec une définition de ses fonctions prévoyant qu'elle « rendra compte de ses activités au directeur des ressources humaines France ». De plus il ressort des éléments du débat que les fonctions de Madame X... ont évolué d'un poste de manager à un poste de responsable ressources humaines qui n'existait pas jusqu'alors, et qui a été créé après le licenciement de Monsieur J.... Au regard de ces données de fait incontestables quant à la composition du personnel de son service ressources humaines avant mais aussi après le licenciement de Monsieur J..., la société Mahle France ne peut sérieusement soutenir que Monsieur J... n'avait pas la responsabilité des ressources humaines concernant son propre personnel. En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens présentés par Monsieur J... à l'appui de sa contestation du bien fondé de son licenciement, notamment au titre de son remplacement à son poste de DRH France par Monsieur J... et au titre du non respect de l'obligation de reclassement, le licenciement économique de Monsieur J... sera déclaré sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens. Compte tenu de l'ancienneté importante, du niveau de rémunération et de l'âge de Monsieur J... au moment de la rupture (56 ans), il lui sera alloué la somme de 295 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation intégrale de son préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au regard du caractère indemnitaire de ce montant, la demande de la société Mahle France tendant au prononcé d'une condamnation brute de charges sociales sera rejetée. Si Monsieur J... réclame un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, la société Mahle France objecte avec pertinence que l'avantage en nature que constitue la mise à disposition d'un véhicule de fonction a bien été pris en compte dans le montant de la rémunération du salarié, qui ne peut prétendre à un calcul tenant compte de frais de leasing et de carburant. De même, Monsieur J... ne peut valablement soutenir que les cotisations patronales versées à l'organisme concerné au titre d'une retraite supplémentaire constituent un élément de sa rémunération. En conséquence les prétentions de Monsieur J... au titre d'un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement seront rejetées. Monsieur J... sollicite des dommages-intérêts pour non respect de l'engagement de proposer deux offres valables d'emploi dans le cadre du congé reclassement. Or la société Mahle France justifie que l'appelant s'est positionné dès le début de son suivi en qualité de créateur d'emploi (son annexe 33), et elle justifie également que les actions de formation dont Monsieur J... a bénéficié (son annexe 34) confirment cette orientation. Aussi faute pour Monsieur J... de démontrer le bien fondé de cette prétention, celle-ci sera également rejetée. La société Mahle France Sas sera condamnée au remboursement à Pôle Emploi Alsace Champagne-Ardenne Lorraine des prestations de chômage versées à Monsieur E... J... dans la limite de six mois d'indemnités en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.",

1/ ALORS QUE le motif économique s'apprécie au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée ; qu'appartiennent à un même secteur d'activité des entreprises délivrant les mêmes biens ou services, ciblant la même clientèle et les mêmes réseaux et modes de distribution et se rapportant à un même marché ; que ne relèvent pas du même secteur d'activité des entreprises ayant pour activité la production de pièces automobiles et celles qui en assurent la commercialisation ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les sociétés du groupe Mahle ont pour activité la production d'équipements automobiles (arrêt p.2§1) ; qu'en retenant que la société Mahle France ne pouvait soutenir que la réalité des difficultés économiques devait s'apprécier à son seul niveau dès lors qu'elle exerçait certes une activité de holding prestataire de services mais également une activité commerciale et de stockage, « en lien » avec l'activité de production des BU et des sites de production du groupe allemand, la cour d'appel n'a pas caractérisé que la société appartenait au même secteur d'activité des autres sociétés du groupe, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail,

2/ ALORS QUE le motif économique s'apprécie au moment du licenciement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt tirées de l'analyse des comptes annuels effectuée par le cabinet d'expertise comptable ACE comptabilité à la demande du salarié que la société avait essuyé une perte de 2,4 millions d'euros en 2014 ; que l'expert avait également relevé d'importantes pertes en 2013 (production n°6) ; qu'en se fondant néanmoins sur les résultats de l'année 2015 pour juger que les difficultés économiques de la société Mahle France n'étaient pas établies, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail,

3/ ALORS QUE la lettre de licenciement invoquait pour motif économique du licenciement de M. J... une réorganisation visant à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que la réorganisation pour sauvegarde de la compétitivité n'est pas subordonnée à l'existence de difficultés économiques qu'elle a pour but de prévenir ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt l'existence de pertes en 2014, l'expert ayant également relevé d'importantes pertes en 2013 (production n°6) ; qu'en retenant que n'étaient pas démontrées une diminution importante et durable de l'activité ni l'existence de graves difficultés économiques pour dire que le licenciement pour motif économique ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse, sans cependant rechercher si la compétitivité de la société n'était pas à tout le moins menacée par les pertes précitées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail,

4/ ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, pour retenir que M. J... occupait en sus de ses fonctions de DRH France les fonctions de responsable des ressources humaines du personnel de la société Mahle France, la cour d'appel a énoncé qu'il était avéré que l'intitulé de fonctions de "directeur des ressources Humaines France" qui figurait au contrat de travail de M. J... n'était autre que la reprise de l'intitulé des fonctions figurant au contrat de travail qui le liait à la société Mahle Pistons France et qui avait été transféré à la société Mahle France SAS ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer en quoi le maintien de cet intitulé impliquait l'exercice de fonctions de RRH au sein de la société Mahle France, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,

5/ ALORS QUE le licenciement pour motif économique est justifié en cas de suppression d'emploi consécutive notamment à des difficultés économiques ou à une réorganisation pour sauvegarde de la compétitivité ; qu'en l'espèce, il était constant que M. J... occupait un poste de Directeur des Ressources Humaines France consistant à assurer la coordination des ressources humaines de toutes les filiales du groupe (conclusions d'appel p.21-23 ; arrêt p 2 § 2), dont la cour d'appel a constaté la suppression ; que la cour d'appel a néanmoins estimé que M. J... exerçait également les fonctions de Responsable des Ressources Humaines au sein de la société Mahle France, pour en conclure que l'absence de disparition de ces fonctions, au demeurant non mentionnée dans la lettre de licenciement, excluait que le poste de M. J... ait été supprimé ; qu'en statuant ainsi quand il résultait de ses propres constatations qu'il n'existait pas de poste de Responsable des Ressources Humaines au sein de la société avant le licenciement de M. J... (arrêt p.10§5), si bien qu'à supposer qu'il ait exercé des fonctions de responsable ressources humaines au sein de la société Mahle France, ces fonctions ne pouvaient qu'être rattachées à son poste de Directeur des Ressources Humaines lequel avait été dûment supprimé, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Mahle France à payer à M. J... la somme de 295.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Mahle France à payer à M. J... la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,

AUX MOTIFS QUE « Compte tenu de l'ancienneté importante, du niveau de rémunération et de l'âge de Monsieur J... au moment de la rupture (56 ans), il lui sera alloué la somme de 295 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation intégrale de son préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au regard du caractère indemnitaire de ce montant, la demande de la société Mahle France tendant au prononcé d'une condamnation brute de charges sociales sera rejetée »

ALORS QUE dans sa version applicable à la date du licenciement, l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exonérés de cotisations sociales dans la limite de deux plafonds annuels de la sécurité sociale et sont intégralement soumis à cotisations sociales lorsque le montant cumulé des indemnités de rupture excède 10 plafonds annuels de la sécurité sociale ; que la société faisait valoir dans ses écritures que ces deux plafonds seraient dépassés en cas de condamnation (conclusions d'appel de la société p.49) ; qu'en retenant le caractère indemnitaire du montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour écarter la demande de la société tendant au prononcé de la condamnation pour dommages et intérêts en un montant brut de charges sociales, sans rechercher si les montants des indemnités de rupture cumulés n'excédaient pas deux ou dix plafonds de la sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-14809
Date de la décision : 13/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 08 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 nov. 2019, pourvoi n°18-14809


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14809
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