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23/10/2019 | FRANCE | N°18-18151

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2019, 18-18151


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. O..., engagé le 11 janvier 2006 par la société Imprimerie Blond en qualité d'ouvrier polyvalent, exerçait en dernier lieu les fonctions d'opérateur PAO ; que, le 14 avril 2015, la société Imprimerie Blond a été reprise par la société Imprim'Eclair ; que le salarié a été licencié le 15 juin 2015 au motif de son refus d'accepter la modification de ses conditions de travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième

branche :

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ord...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. O..., engagé le 11 janvier 2006 par la société Imprimerie Blond en qualité d'ouvrier polyvalent, exerçait en dernier lieu les fonctions d'opérateur PAO ; que, le 14 avril 2015, la société Imprimerie Blond a été reprise par la société Imprim'Eclair ; que le salarié a été licencié le 15 juin 2015 au motif de son refus d'accepter la modification de ses conditions de travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu que, pour juger le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse et le débouter de ses demandes, l'arrêt retient que la modification du lieu de travail dans un même bassin d'emploi constitue une modification des conditions de travail et non du contrat de travail ; qu'il s'ensuit que le refus opposé par le salarié de se rendre sur le site sur lequel était déplacée l'entreprise constitue une cause réelle et sérieuse justifiant son licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le déplacement de l'entreprise s'accompagnait de l'insertion dans le contrat de travail du salarié d'une clause de mobilité, qui constituait une modification dudit contrat que l'intéressé était en droit de refuser, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Imprim'Eclair aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Imprim'Eclair à payer à M. O... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. O...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de monsieur O... était fondé sur une cause réelle et sérieuse, et débouté celuici de l'ensemble de ses demandes ;

Aux motifs que : I... O... soutient qu'il a fait l'objet d'un licenciement économique déguisé ; que, toutefois, aucun élément du dossier, et notamment pas les derniers documents comptables produits aux débats par la SARL Imprim'Eclair n'établissent que le transfert du site de Reims à Épernay a été rendu nécessaire en vertu d'un quelconque motif économique, et notamment pas pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'il s'ensuit que la décision déférée doit être infirmée, qui s'est placée sue le terrain du licenciement économique pour en apprécier le bienfondé ; que la lettre de licenciement adressée à I... O... le 10 juin 2015 est fondée sur le refus du salarié du changement de ses conditions de travail ; qu'après avoir rappelé que le changement était rendu nécessaire par la modification de la situation juridique de l'employeur, en l'occurrence par la cession de la société Imprimerie Blond à la société Imprim'Eclair impliquant la fermeture du site de Reims à compter du 14 avril 2015, du refus de changement de lieu de travail opposé par le salarié par courrier recommandé du 10 avril 2015, indiquant qu'il ne se présenterait pas le 14 avril 2015 à Épernay, l'employeur a considéré fautif ce refus de voir modifier les conditions de travail ; qu'en réalité, le litige doit être apprécié sous l'angle de savoir si, dans le cadre du déplacement de l'entreprise, qui relève du pouvoir de direction de l'employeur, le nouveau contrat de travail proposé à la signature de I... O..., que celui-ci a refusé, caractérisait une modification de son contrat ou des conditions de son exécution ; que, s'agissant de la rémunération, il n'est pas contesté que celle-ci n'a pas été modifiée, alors que le temps hebdomadaire de travail se trouve réduit à une moyenne de 35 heures par semaine, pour être soumis, ce qui n'est pas contesté à une modulation annuelle engendrant une variation du temps de travail de 6 heures à 8 heures par jour en fonction des périodes d'activité haute et basse ; que la limite du temps de travail à 8 heures par jour correspond au temps de travail qu'effectuait I... O... sur son précédent site ; que, même en cas de modulation, la modification du temps de travail ne peut caractériser une modification du contrat mais seulement de ses conditions d'exécution ; que, s'agissant des fonctions, il est prévu que I... O... continue d'exécuter son travail en qualité d'opérateur PAO, groupe 5, échelon B de la convention collective applicable, tel qu'il les exerçait au sein de la SARL Imprimerie Blond ; que, s'agissant de l'exercice d'une activité professionnelle complémentaire, I... O... fait valoir que le contrat qui lui était proposé lui interdisait de continuer l'exercice de son activité professionnelle complémentaire, en qualité d'intervenant à l'enseignement du football, qu'il exerce auprès de la Maison des Jeunes et d'Éducation Populaire de [...] ; que, s'il est constant que le contrat initial ne portait d'autre mention que l'interdiction d'exercer une activité professionnelle au service d'une société concurrente, l'insertion de cette clause dans le contrat proposé à I... O... met à sa charge une seule obligation d'information préalable de son employeur de l'exercice d'une activité complémentaire, sans fixer une quelconque interdiction ; qu'au surplus, il y a lieu de souligner qu'en l'espèce l'activité complémentaire exercée par I... O... relevait d'un contrat à durée déterminée, à raison de 29 heures par mois, pour s'achever fin juin 2015 ; que l'insertion de cette clause ne peut être considérée comme modifiant l'économie générale du contrat de travail liant les parties ; que, s'agissant du lieu de travail, il est constat que le contrat liant I... O... à la SARL Imprimerie Blond ne portait aucune mention sur ce point ; qu'en revanche, le contrat proposé à I... O... par la SARL Imprim'Eclair énonçait « à titre informatif, le salarié exercera ses fonctions au siège social de la SARL Imprim'Eclair situé actuellement à [...]. Le salarié sera amené à exercer ses fonctions, à titre temporaire ou définitif, dans les locaux de tous établissements que la SARL Imprim'Eclair viendrait à créer. En fonction des nécessités, l'employeur se réserve le droit de demander au salarié d'effectuer des déplacements temporaires n'entraînant pas de changement de résidence » ; qu'il incombe à la cour de rechercher si la détermination du lieu de travail constituait un élément essentiel du contrat ou une modalité de son exécution ; qu'il a été ci-dessus rappelé qu'aucune mention ne figurait quant au lieu d'exécution du travail dans le contrat liant I... O... à la SARL Imprimerie Blond ; que la convention collective applicable en l'espèce, en son article 332, fixe les conditions applicables au contrat liant les parties en cas de déplacement de l'entreprise, lorsque celle-ci n'implique pas un changement de résidence du salarié ; qu'en l'espèce, il n'est pas soutenu que le déplacement de l'entreprise du site de Reims à celui d'Épernay nécessiterait, pour le salarié, un changement de résidence ; que cette clause de mobilité est générale et imprécise ; que I... O... soutient que le site de l'entreprise à Épernay est distant de 42 km de son domicile ; qu'au soutien de cette allégation, il produit aux débats un itinéraire calculé sur le site Internet Mappy, depuis la rue [...], alors que son adresse figurant sur les courriers échangés entre les parties à l'époque de son licenciement était situé [...] et que dans le dernier état des bulletins de salaire qu'il produit aux débats, il est domicilié [...] ; que l'employeur soutient pour sa part que cette distance est moindre, produisant au soutien de son argumentation la liste de ces salariés et la distance que ceux-ci doivent parcourir pour se rendre sur leur lieu de travail ; que, parmi cette liste, figure un salarié résidant à Bétheny qui indique réaliser 41,1 km, tandis que les salariés résidant sur Reims, effectuent entre 26,1 et 31,4 km pour se rendre sur leur lieu de travail ; que cette distance, même maximale, entre deux villes situées dans un même département, relevant d'un même bassin d'emploi, conduit la cour à conclure que cette modification du lieu de travail constitue une modification des conditions de travail et non une modification du contrat de travail ; qu'en page 12 de ses conclusions, le salarié rappelle que constitue une modification du contrat le changement de lieu de travail entraînant un bouleversement des conditions de vie personnelle et familiale, sans produire aucun élément de ce chef, de sorte que ce moyen sera écarté ; qu'il s'ensuit que le refus opposé par I... O... à son employeur de se rendre sur le site sur lequel était déplacée l'entreprise légitime le licenciement dont il a fait l'objet ; qu'il sera donc débouté en sa demande en paiement de dommages-intérêts découlant d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse (arrêt attaqué, pp. 3 à 5),

1° Alors que la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique ; qu'en décidant que monsieur O... avait fait l'objet d'un licenciement pour un motif inhérent à sa personne qui était justifié par une cause réelle et sérieuse, et en le déboutant de ses demandes, notamment celles relatives au non-respect de la procédure de licenciement économique, tout en constatant que le motif de la modification du contrat de travail refusée par monsieur O... résidait dans la cession de la société Imprimerie Blond à la société Imprim'Eclair, sans qu'il soit démontré ou même allégué par l'employeur que le transfert du site de Reims à Épernay, et la fermeture subséquente du site de Reims, résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques, ou qu'elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, en sorte que le licenciement du salarié, de nature économique, était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L.1222-6, L.1224-1 et L.1233-3 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction applicable en la cause ;

2° Alors que l'instauration d'une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser, peu important le maintien de sa rémunération ; que, pour dire le licenciement de monsieur O... fondé sur une cause réelle et sérieuse, et débouter celui-ci de ses demandes, l'arrêt attaqué a retenu que la modification du contrat de travail du salarié introduisait une modulation annuelle du temps de travail, sans perte de rémunération, engendrant une variation du temps de travail de 6 heures à 8 heures par jour en fonction des périodes d'activité, mais que, même en cas de modulation, la modification du temps de travail ne peut caractériser une modification du contrat mais seulement de ses conditions d'exécution ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil et les articles L.1222-6 et L.1224-1 du code du travail ;

3° Alors que l'insertion d'une clause de mobilité constitue une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser ; qu'ayant constaté que le contrat de travail de monsieur O... ne comportait pas de mention relative au lieu de travail et que la modification refusée stipulait au contraire : « à titre informatif, le salarié exercera ses fonctions au siège social de la SARL Imprim'Eclair situé actuellement à [...]. Le salarié sera amené à exercer ses fonctions, à titre temporaire ou définitif, dans les locaux de tous établissements que la SARL Imprim'Eclair viendrait à créer. En fonction des nécessités, l'employeur se réserve le droit de demander au salarié d'effectuer des déplacements temporaires n'entraînant pas de changement de résidence », l'arrêt attaqué a retenu que les sites d'Épernay et de Reims étant distants de 42 km au plus, et étant situés dans le même département et le même bassin d'emploi, cette modification du lieu de travail constituait une modification des conditions de travail et non pas du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que la clause de mobilité engageait également le salarié à accepter à l'avance une mutation en tout lieu où l'employeur viendrait à s'implanter, en sorte qu'elle constituait une modification du contrat de travail que monsieur O... était en droit de refuser, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil et les articles L.1222-6 et L.1224-1 du code du travail ;

4° Alors, de surcroît, que la clause par laquelle le salarié s'engage à accepter à l'avance une mutation en tout lieu où l'employeur est implanté est nulle en raison de son indétermination ; qu'en retenant, pour dire le licenciement de monsieur O... fondé sur une cause réelle et sérieuse, et le débouter de ses demandes, que la modification du lieu de travail constituait une modification des conditions de travail et non une modification du contrat de travail, cependant que la clause refusée par le salarié l'engageait « à exercer ses fonctions, à titre temporaire ou définitif, dans les locaux de tous établissements que la SARL Imprim'Eclair viendrait à créer », en sorte qu'elle constituait, en raison de son indétermination, une modification nulle du contrat de travail, que monsieur O... était en droit de refuser, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil et les articles L.1222-6 et L.1224-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-18151
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 04 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 oct. 2019, pourvoi n°18-18151


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.18151
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