COMM.
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 octobre 2019
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10408 F
Pourvoi n° R 18-12.736
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. T... N..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société UHR Limited, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 septembre 2019, où étaient présents : M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Remeniéras, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Henry, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. N..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société UHR Limited ;
Sur le rapport de M. Remeniéras, conseiller, l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. N... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société UHR Limited la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf, signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. N...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'action de M. N... en responsabilité contre la société UHR LIMITED venant aux droits de la société UBR, en raison du caractère disproportionné de son engagement de caution ;
Aux motifs que, « Sur la disproportion de l'engagement de caution des 4 et 5 août 1988
Considérant que l'article L.341-4 du Code de la consommation dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;
Considérant qu'ainsi que l'ont exactement rappelé les premiers juges, ce texte étant issu de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 n'est pas applicable au cautionnement litigieux, souscrit antérieurement à son entrée en vigueur le 6 août 2003 ;
Considérant toutefois que le banquier dispensateur de crédit pouvait, antérieurement à ce texte, voir engager sa responsabilité pour faute au motif qu'il avait fait souscrire à une caution non avertie un engagement manifestement disproportionné à ses capacités financières ;
Considérant que M. N... dément avoir eu la qualité de caution avertie au moment de son engagement de caution ; que toutefois il convient de relever que s'il n'avait pas la qualité de gérant de la société Rossini les 4 et 5 août 1988, il avait la qualité d'associé de cette société à concurrence de 56 parts sociales sur 200 ; qu'il figurait comme gérant de cette société dans les statuts établis le 6 mai 1986 ; que dans l'acte de cautionnement, il s'est désigné comme exerçant la profession de gérant de société ; que dans ses conclusions, M. N... précise qu'il était effectivement gérant d'une société dénommée VERDI ; qu'il apparaît ainsi qu'à la date de la conclusion du cautionnement litigieux, il était particulièrement avisé de la vie des affaires comme ayant été dirigeant de plusieurs sociétés ;
Considérant qu'en conséquence, la responsabilité de la banque ne saurait être engagée de ce chef » ;
Et aux motifs des premiers juges, implicitement adoptés :
« L'article L. 341-4 du Code de la consommation dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Ce texte étant issu de la loi du 5 août 2003 n'est pas applicable au cautionnement litigieux, souscrit antérieurement à son entrée en vigueur le 6 août 2003.
Si le banquier dispensateur de crédit pouvait, antérieurement à ce texte, voir engager sa responsabilité pour faute au motif qu'il avait fait souscrire à une caution non avertie un engagement manifestement disproportionné à ses capacités financières, M. T... N... n'invoque pas ce moyen et force est de constater qu'en sa qualité d'associé de la société Giocchino Rossini à concurrence de 50 parts sociales sur 200, depuis sa création, il doit être qualifié de caution avertie.
La demande de M. T... N... tendant à voir juger que la société UHR LIMITED ne peut se prévaloir de son engagement de caution des 4 et 5 août 1988 est donc rejetée » (jugement, p. 8) ;
Alors que, commet une faute le créancier professionnel qui accepte l'engagement d'une caution sans s'assurer de sa capacité financière à faire face aux engagements du débiteur en cas de défaillance de ce dernier ; qu'en l'espèce, M. N... faisait valoir dans ses conclusions que l'engagement de caution qu'il avait souscrit les 4 et 5 août 1988 était disproportionné au regard de son patrimoine et de ses revenus (conclusions, p. 8) ; qu'en se bornant à relever que M. N... était une caution avertie, et que donc la banque se trouvait dispensée de vérifier si son engagement de caution était proportionné à son patrimoine et à ses revenus, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction alors applicable ;
Alors que, subsidiairement, la qualité de caution avertie ne peut se déduire de la seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice ; qu'en l'espèce, en se fondant, pour considérer que M. N... était une caution avertie et donc que la banque n'avait pas eu à vérifier que son engagement de caution était proportionné à son patrimoine et ses revenus, sur la qualité d'associé et de gérant de la société débitrice de M. N..., sans aucune autre considération factuelle, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction alors applicable.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'action de M. N... en responsabilité contre la société UHR LIMITED venant aux droits de la société UBR, en raison d'un défaut de mise en garde de la banque au moment du cautionnement ;
Aux motifs que, « Sur le défaut de mise en garde de la banque :
Considérant que la banque a une obligation de mise en garde de la caution quant à l'inadaptation du cautionnement à ses capacités financières et quant au risque d'endettement qui résulte de l'octroi du prêt ;
Considérant toutefois que la banque n'est pas tenue de mettre en garde les cautions averties sauf s'il est démontré qu'elle avait sur les revenus, le patrimoine et les facultés de remboursement raisonnablement prévisibles du débiteur principal, en l'état du succès escompté de l'opération cautionnée, des informations que la caution ignorait ;
Considérant qu'il ressort de ce qui précède qu'au moment de la souscription de son engagement de caution, M. N... par sa qualité d'associé et membre fondateur de la société Rossini et sa qualité de gérant ou d'ancien gérant de plusieurs sociétés disposait des compétences nécessaires pour mesurer les risques de son engagement en qualité de caution ;
Considérant qu'aucun manquement à l'obligation de mise en garde n'est donc caractérisé en l'espèce ; que la demande tendant à l'engagement de la responsabilité de la banque de ce chef sera rejetée » ;
Alors que les établissements de crédit ont une obligation de mise en garde de la caution profane quant à l'inadaptation du cautionnement à ses capacités financières et quant au risque d'endettement qu'il entraine ; que la qualité de caution avertie, qui dispense les établissement de crédit de cette obligation, ne peut pas se déduire de la seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice ; qu'en jugeant pourtant que la banque n'était pas tenue de mettre en garde M. N... sur les risques de son engagement de caution, à raison de sa qualité de caution avertie résultant du seul fait qu'il fut associé et dirigeant de la société débitrice, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction alors applicable.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. N... tendant à ce soit jugée nulle et inexistante la cession de créance de la société UBR au profit de la société UHR LIMITED ;
Aux motifs que, « Considérant que M. N... invoque la nullité de la cession de créance en soutenant que l'identification de la créance cédée est incertaine tant dans son principe que dans son quantum et qu'il est impossible de déterminer le prix de cette cession ; que la société UHR LIMITED réplique que M. N... ne peut revendiquer la nullité d'un contrat auquel il n'est pas partie ;
Considérant que si un tiers à un contrat ne peut en invoquer la nullité relative, il peut en revanche se prévaloir d'une cause de nullité absolue ; qu'ainsi en est-il de l'absence de prix ; qu'en outre, M. N..., en sa qualité de caution de la créance cédée, peut, pour se soustraire aux demandes de paiement à son encontre, arguer de l'absence de cession de sa créance ; qu'il y a donc lieu d'examiner les moyens invoqués par l'appelant ;
Considérant tout d'abord qu'en ce qui concerne la cession à la société UHR LIMITED de la créance de la société UBR à l'encontre de la société Rossini, la société UHR LIMITED produit aux débats un extrait authentique en date du 5 avril 2005 de l'acte de cession d'un portefeuille de créances entre la société UBR et la société UHR LIMITED déposé au rang des minutes de l'office notarial de Meudon le 11 mai 1999 dont il résulte qu'un lot de 1527 créances a fait l'objet de la cession dont la liste figure sur le fichier informatique en annexe 1 de l'acte et que le détail des créances, des sûretés et accessoires se trouve dans les "dossiers contenant toutes les informations relatives aux créances (les dossiers de prêt)" ; que l'extrait indique que, dans l'annexe n°1/B des créances contentieuses au 31 décembre 1998, figure la créance suivante : "n° de contrat [...] n° de client [...] nom du client Rossini SARL" ; qu'il sera relevé que tant le tableau d'amortissement de la créance litigieuse que le décompte de cette créance adressé au mandataire liquidateur de la société Rossini le 24 août 1990 mentionnent le numéro [...] ; que dès lors, l'extrait authentique de l'acte du 11 mai 1999 suffit à établir la cession de la créance principale, dont le cautionnement de M. T... N... est l'accessoire, par la société UBR à la société UHR LIMITED dans le cadre de la cession du portefeuille de créances intervenue entre elles ; que le fait que le montant de la créance ne soit pas indiqué dans cet extrait ne remet pas en cause l'existence de cette cession alors que le nom du cédant, celui du cessionnaire et l'identification du contrat de prêt cédé pour lequel M. N... a accordé sa garantie sont établis ;
Considérant ensuite qu'en ce qui concerne le prix de cession, il ressort de l'extrait ci-dessus mentionné que la cession du portefeuille de créances a été effectuée à un prix de 253 000 francs diminué de 70 000 Fr. et des encaissements et augmenté des frais légaux ; que l'existence d'un prix qui ne peut être qualifié de dérisoire en contrepartie de la cession de portefeuille englobant la cession de la créance détenue par la société UBR à l'encontre de la société Rossini est établie ;
Considérant qu'ainsi il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'acte de cession » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que :
« La société UHR LIMITED produit aux débats un extrait authentique en date du 5 avril 2005 de l'acte de cession de créance déposé au rang des minutes de l'office notarial de Meudon le 11 mai 1999 dont il résulte que les créances cédées figurent dans la liste du fichier informatique en annexe 1 de l'acte et que le détail des créances, des sûretés et accessoires se trouve dans les "dossiers contenant toutes les informations relatives aux créances (les dossiers de prêt)".
L'extrait indique que, dans l'annexe n°1/B des créances contentieuses au 31 décembre 1998, est extraite la mention suivante : "n° de contrat [...] n° de client [...] nom du client Rossini SARL".
Le décompte de la créance de la société UBR adressé au mandataire liquidateur de la SARL Giocchino Rossini le 24 août 1990 mentionne le numéro [...].
Dès lors, l'extrait authentique de l'acte du 11 mai 1999 suffit à établir la cession de la créance principale, dont le cautionnement de M. T... N... est l'accessoire, par la société UBR à la société UHR LIMITED.
Le fait que le montant de la créance ne soit pas indiqué dans cet extrait ne remet pas en cause la validité de la cession intervenue alors que le nom du cédant, celui du cessionnaire et l'identification du contrat de prêt cédé pour lequel M. T... N... a accordé sa garantie sont établis.
Par ailleurs, l'article 1689 du Code civil dispose que, dans le transport d'une créance, d'un droit ou d'une action sur un tiers, la délivrance s'opère entre le cédant et le cessionnaire par la remise du titre.
En l'espèce, la société UHR LIMITED verse aux débats l'original de la grosse délivrée à la société UBR de l'ordonnance de référé du 24 octobre 1990, condamnant M. T... N... en sa qualité de caution de la SARL Giocchino Rossini au paiement d'une provision d'un montant de 1.439.083,56 francs.
Cette décision constitue bien un titre exécutoire délivré à la société UBR que la société UHR LIMITED justifie avoir en sa possession ce qui établit sa qualité de cessionnaire de ladite créance » (jugement, pp. 8-9) ;
Alors que il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en l'espèce, M. N... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la preuve de la cession de la créance cautionnée au profit de la société UHR LIMITED ne pouvait être rapportée par la seule production d'un simple extrait authentique de l'acte de cession du 11 mai 1999 d'un portefeuille de quelque 1527 créances, où il est indiqué dans un extrait de l'annexe relative aux créances contentieuses que figure la créance litigieuse ; qu'en jugeant que cet extrait suffisait à faire la preuve de l'existence d'une cession de la créance litigieuse, quand la cession de créance aurait dû être intégralement produite pour preuve et non simplement un extrait, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile.