CIV. 1
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 octobre 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10557 F
Pourvoi n° A 18-21.140
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. K... M..., domicilié [...] (Royaume-uni),
contre l'arrêt rendu le 12 avril 2018 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre), dans le litige l'opposant à Mme V... H..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 septembre 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Berthomier, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. M..., de Me Le Prado, avocat de Mme H... ;
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. M... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme H... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. M...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré le tribunal de grande instance d'Avignon incompétent pour statuer,
AUX MOTIFS QUE « Il incombe à la juridiction française de déterminer par application de la loi française le lieu d'ouverture de la succession.
En vertu de l'article 720 du code civil, ‘les successions s'ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt'.
Selon les critères énoncés par l'article 102 du code civil le domicile d'une personne physique est le lieu de son principal établissement, ce qui exclut la simple résidence.
Des éléments produits aux débats de part et d'autre il ressort que le défunt, de double nationalité britannique et canadienne, était propriétaire de biens immobiliers aux Bahamas, de bateaux qu'il louait. Il est également constant qu'il possédait des sociétés, Feed our planet, Sail Abaco et Performax, qui n'étaient pas établies en France.
Par ailleurs il n'était pas propriétaire de biens immobiliers en France, la maison de [...] où il résidait en France lors de son décès appartenant en propre à son épouse Mme H..., laquelle est mentionnée en qualité de seul acquéreur sur l'acte de vente reçu le 6 juillet 2007 par maître W... notaire à [...], étant observé également que M. et Mme H... M... étaient mariés au Canada (Toronto) sous le régime de séparation de bien à défaut de contrat de mariage préalable.
Il s'évince de l'ensemble des attestations produites aux débats par l'intimée que M. E... M... et son épouse vivaient aux Bahamas depuis 2000, date d'acquisition de leurs immeubles, notamment d'une maison à [...] où ils demeuraient, et qu'ils quittaient ce lieu chaque année pendant plusieurs mois au cours de la période des ouragans ; qu'à compter de l'année 2007 où Mme H... a fait l'acquisition d'une maison en France à [...], le couple a résidé chaque année en ce lieu sur des durées variables, approximativement entre mai et octobre.
Les éléments produits de part et d'autre établissent de façon concordante que les époux M... partageaient leur existence entre les Bahamas et [...] depuis 2007, et les attestations convergentes et précises produites par Mme H..., émanant de voisins, d'amis du couple, et d'un médecin font état d'une résidence du couple M... à [...] moins de 6 mois par an, durée qui conditionnait l'absence d'imposition fiscale du couple en France.
Si la présence du couple en France a pu être plus soutenue en 2013 que les années précédentes puisque des mails émanant de M. E... M... révèlent qu'ils étaient en France dès le mois de mars, son arrivée plus précoce en France était manifestement motivée par des problèmes de santé qui l'avaient conduit à opter pour un suivi médical principalement en France pour des raisons financières.
A cet égard, le fait que le décès soit intervenu en France et que le défunt ait résidé plus longuement en France dans les mois qui ont précédé le décès pour des raisons clairement médicales ne saurait suffire à établir une intention de l'intéressé de transférer en France son principal établissement et le centre de ses intérêts professionnels et personnels situés aux Bahamas et aux Etats Unis.
Ainsi si les mails adressés par M. E... M... courant juin 2013, soit un mois avant son décès, attestent d'une réflexion de l'intéressé sur une installation principale en France en raison d'une aggravation de ses problèmes de santé et du coût des soins médicaux aux Etats Unis, il ne s'agit pour autant que d'un projet non concrétisé à cette date ainsi qu'en attestent les termes hypothétiques des courriers (‘nous sommes en pleine réflexion', ‘nous allons donc devoir prendre des décisions quant à notre mode de vie', ‘nous risquons de finir par vendre notre maison d'[...] et vivre seulement en Europe' (mail du 11 juin 2013 pièce 97 de l'appelant). Le développement d'activité commerciale recherché en France et en Europe par M. E... M... lors de ses séjours en France ne remet pas en cause le centre principal de ses activités économiques aux Bahamas et aux Etats Unis où étaient localisées ses sociétés.
De plus M. M..., lors de son décès, restait propriétaire de sa maison aux Bahamas, élément démontrant qu'à cette date il n'avait pas transféré son domicile en France.
Par ailleurs le relevé des douanes américaines sur lequel l'appelant fonde en partie son argumentation, et qui porte mention des passages de M. E... M... en Floride où il passait en transit lors de déplacements hors des Bahamas, ne permet pas d'établir que le défunt avait résidé principalement en France dans les deux années qui ont précédé son décès. En effet outre le fait que rien ne permet d'établir que M. E... M... transitait par la Floride pour tous ses déplacements hors des Bahamas, et que les déplacements visés n'avaient pas uniquement la France pour destination puisque l'intéressé se déplaçait parfois au Canada, le relevé des passages en transit en Floride met en évidence depuis 2011 des séjours en France inférieurs à 183 jours par an.
Enfin M. E... M... percevait une retraite au Canada, pour laquelle il acquittait des prélèvements fiscaux obligatoires au Canada et n'était pas imposé sur les revenus en France.
De plus au moment de son décès il possédait toujours un ou plusieurs immeubles aux Bahamas.
Le fait allégué que M. E... M... n'ait pas eu la qualité de résident des Bahamas ou qu'il ait exercé en fraude une activité lucrative dans ce pays est sans incidence sur l'établissement de son domicile en ce lieu puisque sa nationalité canadienne lui permettait de résider 8 mois par an aux Bahamas.
De même le fait rapporté par l'appelant que M. E... M... ait pu bénéficier à tort de la protection sociale française en se déclarant résident français auprès des autorités britanniques afin d'être pris en charge par le système de santé français est insuffisant à caractériser une intention de transférer ses intérêts et son principal établissement en France.
De l'ensemble des considérations qui précèdent il ressort que le domicile de M. E... M... n'était pas situé en France mais à [...] aux Bahamas. Il n'est pas établi par l'appelant que les opérations de successions ne pourraient être ouvertes aux Bahamas, les documents qu'il produit (pièce 116) mettant en évidence que depuis une réforme de 2011 le tribunal des Bahamas a le pouvoir notamment d'autoriser à tout le moins l'homologation d'un testament établi par une personne non résidente ou non domiciliée par l'appelant (pièce 116) que le non respect du délai d'un an à compter du décès pour saisir la justice bahamienne ne prive pas la juridiction de la possibilité d'examiner la demande en cas de justification des raisons du retard.
En tout état de cause l'article 96 du code de procédure civile ne fait pas obligation à la cour de désigner la juridiction étrangère compétente.
En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée, mais seulement en ce qu'elle a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par Mme H... et déclaré incompétent le tribunal de grande instance d'Avignon, les parties étant renvoyées à mieux se pourvoir, sans qu'il y ait lieu à désignation des juridictions estimée compétente » (arrêt attaqué, p. 7 à 9) ;
1°/ ALORS QU' il résulte des constatations de l'arrêt que le défunt, décédé le [...] à [...], y résidait chaque année depuis 2007 entre mai et octobre ; qu'il y était revenu plus précocement en 2013 parce qu'il avait choisi de se faire suivre médicalement en France et recherchait à développer une activité commerciale en France et en Europe ; qu'en décidant néanmoins qu'au moment de son décès, la France n'était pas le lieu de son principal établissement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations de fait et violé les articles 720 du code civil et 45 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que M E... M... affirmait, dans un courriel daté du 11 juin 2013 portant sur son accident cardio-vasculaire, que « la nature de l'incident va changer notre vie, au moins concernant notre lieu de résidence permanente » ; qu'en jugeant néanmoins que M. E... M... n'avait pas fixé son lieu d'installation permanente en France, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis.