CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 octobre 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10549 F
Pourvoi n° N 18-20.829
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme V... E..., épouse U..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2016 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 2), dans le litige l'opposant à M. A... U..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
M. U... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 septembre 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Bozzi, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Berthomier, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme E..., de Me Laurent Goldman, avocat de M. U... ;
Sur le rapport de Mme Bozzi, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation du pourvoi principal et ceux du pourvoi incident, annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme E...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'à compter de cette même décision la question de l'indemnité d'occupation relevait des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux ;
AUX MOTIFS QUE « l'ordonnance de non-conciliation du 13 juin 2014 a accordé à Mme E... la jouissance gratuite du domicile conjugal pour la durée de l'instance, alors que les époux étaient tous deux déjà retraités, en relevant que cette mesure relevait de l'équité dès lors que M. U... était hébergé gratuitement par sa compagne ; la jouissance gratuite du domicile conjugal est une modalité du devoir de secours, M. U..., n'a pas relevé appel de cette décision et la situation n'a pas changé depuis, de sorte qu'il n'y a pas lieu de mettre rétroactivement à la charge de Mme E... une indemnité d'occupation à compter de l'assignation en divorce ; pour la période postérieure à la présente décision, M. U... sera comme Mme E... renvoyé aux opérations de compte, liquidation et partage pour ce qui concerne le montant de l'indemnité d'occupation » ;
ALORS QUE l'attribution à un époux de la jouissance gratuite du domicile conjugal à titre de mesure provisoire ne prend fin qu'à la date à laquelle la décision prononçant le divorce passe en force de chose jugée, soit à la date à laquelle elle n'est plus susceptible de recours suspensif ; qu'en décidant que le caractère gratuit de la jouissance de l'ancien domicile conjugal cessait à compter de l'arrêt qu'elle rendait et par lequel elle a confirmé le prononcé du divorce, lorsque la décision n'est pas passé en force de chose jugée de ce chef pendant le délai du pourvoi, la cour d'appel a violé les articles 254 du code civil, 500 et 1086 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi incident par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour M. U...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. U... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à Mme E... la somme de 10 000 euros au titre de l'article 266 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE le divorce étant prononcé aux torts exclusifs de monsieur U..., madame E... peut prétendre à des dommages intérêts en application de ce texte, à condition de démontrer les circonstances d'une exceptionnelle gravité qu'elle subit du fait de la dissolution du mariage ; que Madame E... verse aux débats deux certificats médicaux du Docteur P..., psychiatre, le premier du 30 mai 2013, faisant état d'une réaction psychique intense et évolutive secondaire à la demande en divorce de son mari, le second du 25 novembre 2014, par lequel le médecin certifie continuer à lui donner ses soins ; que la somme de 10 000 € allouée par le premier juge, qui ne peut être qualifiée de dérisoire, constitue une juste réparation du préjudice subi ;
ALORS QUE des dommages et intérêts ne peuvent être accordés à un époux qu'en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage ; qu'en se contentant de retenir, pour attribuer à Mme E... une indemnisation sur le fondement de l'article 266 du code civil, qu'elle avait subi une réaction psychique intense et évolutive secondaire à la demande en divorce de son mari et qu'elle bénéficiait encore de soins, non précisés, en novembre 2014, soit deux ans avant le prononcé de son arrêt, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser les conséquences d'une particulière gravité subies par Mme E... du fait de la dissolution du mariage, a violé l'article 266 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
M. U... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à Mme E... la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE la réalité des griefs allégués par madame E... est établie, et l'abandon du domicile conjugal, ainsi que l'installation de monsieur U... chez sa compagne, sont générateurs d'un préjudice moral direct et certain qui sera réparé par une somme de 5 000 € ;
ALORS QUE l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu'en se contentant de relever, pour condamner M. U... sur le fondement de l'article 1382 du code civil, son abandon du domicile conjugal et l'installation chez sa compagne, sans examiner aucun des éléments d'explication qu'il avait donnés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
M. U... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à Mme E... la somme de 15 000 euros à titre de prestation compensatoire
AUX MOTIFS QUE madame E... bénéficie d'une pension de retraite de l'ordre de 2 099 € (avis d'imposition 2012), et supporte les charges courantes ; que l'ordonnance de non-conciliation lui a accordé la jouissance gratuite du domicile conjugal ; que Monsieur U... bénéficie d'une pension de retraite de 1 817 € (avis d'imposition 2013) et vit chez sa compagne ; que le seul bien commun à partager est le domicile conjugal évalué à 412 000 € ; que les époux ne font pas état de biens propres ; que Madame E... retrace son parcours professionnel, dont il résulte qu'a l'exception de quelques mois en 1973 elle a toujours travaillé comme éducatrice à la protection judiciaire de la jeunesse, dans le Val d'Oise, puis à Toulouse d'octobre 1973 à mars 1983, puis à Cosne sur Loire jusqu'en août 1989, puis à nouveau à Toulouse jusqu'à la retraite, ses changements de poste étant consécutifs à des changements d'emplois de son mari, lesquels l'ont souvent conduite à se trouver seule avec ses enfants ; que Monsieur U... ne conteste pas cette chronologie expliquant avoir, après concertation avec son épouse, pris le travail là où il en avait, afin de pourvoir aux besoins de sa famille ; que rien ne permet de démentir cette affirmation, et de conclure que madame E... aurait favorisé la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ; que par ailleurs, madame E... n'établit pas avoir renoncé à des postes plus avantageux afin d'assurer l'éducation des enfants, et si elle explicite son refus de passer le concours de chef de service également par les mutations géographiques qu'aurait entraîné la réussite du concours, elle reconnaît qu'elle a toujours préféré le travail de terrain d'une éducatrice ; qu'il résulte de ce qui précède que madame E... bénéficie d'une retraite légèrement supérieure à celle de monsieur U..., mais que ce dernier, qui forme avec sa compagne un couple stable, est hébergé gratuitement et partage les charges courantes, ce qui induit au détriment de l'épouse qui devra assumer intégralement son logement une disparité certes faible mais réelle, qu'il convient de compenser, eu égard à la durée du mariage soit 41 ans, par une prestation compensatoire en capital de 15 000 € ;
ALORS QUE l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que la cour d'appel qui, après avoir relevé que la retraite de Mme E... était légèrement supérieure à celle de M. U..., s'est contentée de relever, pour tout de même lui attribuer une prestation compensatoire, que M. U... était hébergé gratuitement et partageait les charges courantes avec sa compagne, sans s'expliquer ni sur les charges courantes, même partagées, que supportait M. U..., ni sur celles que devrait supporter Mme E..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil.