CIV.3
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 octobre 2019
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10308 F
Pourvoi n° K 18-17.699
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. V... D..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la Commune de Baie-Mahault, dont le siège est [...] , agissant par son maire en exercice,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 septembre 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me Rémy-Corlay, avocat de M. D..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Commune de Baie-Mahault ;
Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. D... ; le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la Commune de Baie-Mahault ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour M. D...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de M. V... D... tendant à le déclarer propriétaire de la parcelle cadastrée section [...] au [...] par prescription, et tendant à voir dire, par conséquent, que sa propriété était configurée par les points 1, 2,3 et A, 5, 6, 7 et 8 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE: « En vertu de ces dispositions (l'article 713 du code civil), « Les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Par délibération du conseil municipal, la commune peut renoncer à exercer ses droits, surtout ou partie de son territoire, au profit de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre. ». Il en résulte que les parcelles vacantes, sans maître, « qui n'appartiennent à aucun propriétaire », selon la mention aux écritures de M. D..., appartient à la commune où elles sont situées. Le fait d'indiquer que le terrain est à l'abandon et qu'il n'appartient à aucun propriétaire est en contradiction avec le fait d'invoquer, d'une part, des actes matériels de possession, d'autre part, d'en être propriétaire. Quoiqu'il en soit, pour justifier d'une prescription trentenaire, depuis 1969, M D... produit aux débats des attestations stéréotypées, établies ou recopiées sur le même modèle, écrites pour certaines d'entre-elles par le même scripteur. Ces attestations, qui ne sont étayées par aucun autre élément, tel que des photographies anciennes, factures ou attestations de récoltes, établissant des actes matériels d'occupation (...) sont insuffisantes à établir le caractère certain d'une possession trentenaire de la parcelle, à titre de propriétaire. A cet égard, il est relevé que la pièce n° 14, soit, la facture SOCEA du 27 février 1970 relative à une prise d'eau et à la pose de canalisation a été surchargée à la main d'une mention : « conduite d'eau agricole sur [...] ». De fait, aucune certitude ne s'attache au fait que cette facture se rapporte bien à la parcelle objet du litige. Au surplus, ainsi que l'a relevé le tribunal, les attestations invoquent l'occupation de la parcelle [...] , alors même que M. D... n'en revendique qu'une partie et il résulte de ses demandes en première instance qu'une autre personne soit, M. L..., occupe une partie de la parcelle qu'il revendique. Enfin, il n'est pas contesté, par M. D... que son propre acte de 1970 indique que sa parcelle [...] et bornée par une parcelle au Sud-Est propriété de la Commune de Baie-Mahault. Cette mention, ainsi que le contenu de son courrier du 10 septembre 2008, dont il s'évince qu'il cherche à savoir si la Commune est en possession d'un titre relatif à cette parcelle, la réponse de la commune le 24 décembre 2008, qui indique que « la parcelle est la propriété présumée de la commune qui en assume les charges fiscales étaye le caractère équivoque de la possession invoquée. En ne justifiant pas avoir fait des actes en direction des administrations et tiers depuis 1969, sauf les démarches décrites en direction de la commune, qui font d'ailleurs suite à une tentative, en 1995, de faire dresser un acte de notoriété acquisitive par un notaire, (comme le fait d'avoir payé les impôts fonciers), il ne démontre pas s'être comporté comme l'aurait fait un propriétaire, accomplissant des actes impliquant, de sa part, une prétention sur la propriété de la chose, de sorte que son comportement est entaché d'équivoque. Il résulte de ce qui précède que la présomption de propriété de la commune résultant de sa propriété du fait que le bien est sans maître apparaît meilleure et plus caractérisée que les présomptions et les preuves d'usucapion invoquées par l'appelant »;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE : « Selon l'article 2258 du code civil, la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. Selon l'article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. Selon l'article 2262 du même code, les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. En vertu de l'article 2266 du même code, ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit. Ainsi, le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire. Selon l'article 2272 du même code, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. En l'espèce, par acte authentique des 15 et 27 janvier et 6 février 1970, M. V... D... a acquis les droits indivis d'une portion de terre qui correspond actuellement selon les parties à la parcelle cadastrée section [...] au [...] (971). Il est indiqué dans cet acte que cette parcelle était bornée, notamment : - « au Sud-Est par les terres de Mme veuve D...; - et celles de la Commune de Baie-Mahault ; -au Sud-Ouest, parcelles de M. N... A... ». La correspondance réalisée avec l'état des lieux réalisé par le cabinet Hierso en novembre 2010 et avec le plan de division du 10 janvier 2011 établi par le même cabinet permet de déterminer que la parcelle actuellement cadastrée section [...] est celle de la Commune de Baie-Mahault qui borne la parcelle cadastrée section [...] au Sud-Est. Il s'en déduit qu'en 1970, selon l'acte produit, la parcelle cadastrée section [...] appartenait à la Commune de Baie-Mahault. Cela est confirmé par le courrier de M. V... D... du 10 septembre 2008 qui indique que ce terrain est dit « terrain de la commune » après consultation du service de la publicité foncière. Par ailleurs, pour démontrer une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire, M. V... D... produit des documents de géomètre-expert qui ne sont ni contradictoires, ni publiés. Il fournit de plus huit attestations qui certifient toutes, selon un texte quasiment similaire, que M. V... D... occupe en qualité de propriétaire le terrain cadastré [...] à Baie-Mahault depuis 1969. Néanmoins, les similitudes entre les différents témoignages rendent ces attestations insuffisantes pour démontrer de manière certaine une possession en tant que propriétaire par M. V... D... de la parcelle litigieuse. En outre, ces attestations affirment qu'il occupe le terrain cadastré [...] alors que le demandeur lui-même allègue qu'il n'en occupe qu'une partie. Cette imprécision diminue encore la valeur probante des attestations. De surcroît, M. V... D... ne fournit aucun élément permettant de délimiter précisément le terrain qu'il a éventuellement occupé. D'ailleurs, il ressort de ses demandes que la possession de certaines parties de la parcelle en cause fait l'objet d'un conflit avec M. L.... Par ailleurs, M. V... D... ne démontre par aucun autre élément une possession aux yeux de tous, y compris des diverses administrations et des tiers, à titre de propriétaire, continue depuis 1969, de la parcelle litigieuse. Enfin, la simple tolérance de la Commune de Baie-Mahault envers plusieurs agriculteurs leur permettant de cultiver la parcelle en cause ne peut fonder une possession. Dès lors, M. V... D..., qui a la charge de prouver la possession acquisitive, échoue à démontrer celle-ci. Sa demande de le déclarer propriétaire par prescription de la parcelle cadastrée section [...] sera dès lors rejetée. » ;
ALORS QUE 1°) la possession légale utile pour prescrire s'établit par des actes matériels de nature à caractériser la possession, actes dont la preuve peut être rapportée par tout moyen, notamment par présomptions ; que les juges doivent apprécier l'ensemble des présomptions de fait invoquées par les parties, sans pouvoir dénier toute valeur probante à certaines d'entre elles au motif qu'elles ne seraient pas de nature à établir de manière certaine la possession ; que la Cour d'appel a pourtant refusé d'accorder une valeur probante aux pièces produites par le demandeur à l'action en revendication aux motifs qu'elles seraient « insuffisantes pour démontrer de manière certaine une possession en tant que propriétaire (
) de la parcelle litigieuse » (jugement confirmé p. 4, § 6), et qu'elles seraient « insuffisantes à établir le caractère certain d'une possession trentenaire de la parcelle, à titre de propriétaire » (arrêt attaqué p. 3, §5) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 2261 et 2272 du code civil, dans leur version issue de la Loi n° 2008-561, ensemble celles des articles 1349 et suivants du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS QUE 2°) la possession légale utile pour prescrire s'établit par des actes matériels de nature à caractériser la possession ; qu'aux termes de ses propres conclusions, la Commune de Baie-Mahault avait elle-même reconnu l'existence d'actes matériels de possession effectués M. D... sur la parcelle litigieuse dès lors que : « la Commune l'a laissé cultiver cette parcelle après et avec d'autres agriculteurs » (conclusions p. 5, § 4) ; que saisie de telles conclusions, la Cour d'appel a cependant débouté M. D... de sa demande tendant à être déclaré propriétaire de la parcelle [...] par l'effet de la prescription aux motifs que les pièces qu'il produisait n'auraient été étayées par aucun autre élément, tel que notamment des attestations de récoltes, établissant des actes matériels d'occupation (arrêt attaqué p. 3, §5) ; qu'en statuant ainsi sans avoir égard aux propres conclusions de la Commune de Baie-Mahault reconnaissant l'existence de tels actes effectués par M. D..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 2261 et 2272 du Code civil dans leur version issue de la Loi n° 2008-561, ensemble de celles des articles 1349 et suivants du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
ALORS QUE 3°) la prescription trentenaire est acquise sans que soit requise la bonne foi du revendiquant ; que l'éventuelle mauvaise foi du possesseur ne rend pas en soi la possession équivoque, celle-ci supposant le doute dans l'esprit des tiers, mais non dans celui du possesseur ; que depuis sa prise de possession en 1969, à la suite de son frère, de la parcelle [...] , M. D... n'a cessé de se comporter comme le propriétaire d'une partie de celle-ci, en y cultivant divers arbres fruitiers, à la connaissance de tous ; que par un courrier du 10 septembre 2008, M. D... a voulu clarifier à l'égard de la Commune la situation de sa parcelle qu'il mentionnait lui-même comme étant « mon terrain », en demandant confirmation à la Commune de ce qu'elle n'était titulaire d'aucun titre de propriété; qu'en considérant dès lors que la possession de M. D... était équivoque au motif qu'il aurait indiqué que la parcelle était vacante, cependant que l'éventuelle connaissance de l'état d'abandon d'origine de la parcelle avant qu'elle ne soit exploitée par son frère, n'était pas susceptible de remettre en cause son intention propre de se comporter comme le seul et unique propriétaire d'une partie de la parcelle, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 2261 et 2279 du Code civil, ensemble de celles des articles 1349 et suivants du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.