CIV. 1
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 octobre 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10589 F-D
Pourvoi n° F 18-22.755
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 septembre 2018.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. O... X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (6e chambre C), dans le litige l'opposant à Mme W... L..., épouse X..., domiciliée [...],
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 1er octobre 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Berthomier, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. X... ;
Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande relative au retour de l'enfant sur le territoire français, d'avoir dit que les parents exercent en commun l'autorité parentale, d'avoir fixé la résidence de l'enfant au domicile de la mère, d'avoir en conséquence instauré au profit de O... X... un droit de visite et d'hébergement progressif et d'avoir dit que O... X... assumera la charge de la totalité de ses frais personnels de trajet pour venir voir sa fille au Vietnam;
AUX MOTIFS QUE l'article 373-2-6 du code civil édicte que le juge aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs ; que l'article 373-2-11 du code civil rajoute que lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge aux affaires familiales prend notamment en considération : 1° la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure 2°les sentiments exprimés par l'enfant mineur dans les conditions prévues à l'article 388-1 3° l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre 4° le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant 5° les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l'article 343-2-12 6° les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre ; qu'il est constant que le 9 novembre 2014, W... L..., accompagnée de S... alors âgée d'un an, a pris à 7h30 un TGV pour Paris-Charles de Gaulle et s'est envolée en destination d'Hanoï le jour même à 13h30 ; que ce départ avait été programmé la veille, date d'acquisition des billets, et n'a été rendu possible que grâce à un stratagème de l'épouse qui avait enfermé sa belle-mère au domicile familial et avait caché son téléphone afin que cette dernière ne puisse avertir quiconque ; que cette décision unilatérale porte gravement atteinte aux droits de la coparentalité ; que pour autant, l'épouse n'est pas partie sur un coup de tête, qui aurait signé son mépris des droits du père ; qu'elle démontre effectivement que la violence s'était installée dans son couple, ce qui l'avait conduit à consulter SOS Femmes en janvier 2014, et à déposer plainte pour violences conjugales le 27 octobre 2014 ; que par ailleurs, un membre de sa famille, qui a séjourné au domicile conjugal tant avant qu'après la naissance de l'enfant, relate les conditions de vie déplorables dans lesquelles évoluait le couple ; qu'outre l'exigüité du logement (une pièce de 30 m2) et le fait que W... L... avait la charge de toutes les occupations ménagères – y compris alors qu'elle était prête d'accoucher –O... X... se comportait en véritable célibataire au domicile familial, regardant tard la nuit (jusqu'à 2-3h du matin) la télévision, jouant constamment sur son ordinateur aux jeux vidéos, buvant beaucoup et s'énervant facilement contre son épouse ; qu'à la naissance de l'enfant, le couple qui avait des problèmes financiers (ils étaient inscrits au Resto du Coeur pendant l'hiver 2013/2014), n'a pu déménager ; que le logement déjà exigu, était encombré en plus des affaires du bébé, lequel avait son berceau installé près de la télévision ; que l'enfant était souvent par terre et jouait à côté de la cuisinière et des prises électriques ; que le témoin qui est revenu voir le couple en septembre 2014, n'a constaté aucun changement dans le comportement de O... X..., qui n'apportait aucune aide à son épouse, et regardait toujours la télé ou jouait aux jeux vidéos ; qu'il ne s'occupait pas du bébé, dont les pleurs l'irritaient ; qu'il apparaît donc que ce fonctionnement de couple ait eu raison de la santé de W... L... qui est arrivée au Vietnam en état de profonde asthénie et de fatigue, très amaigrie et dans un état de très grande fragilité psychologique (tremblements, pleurs
) ; que cet état est attesté par sa mère et a été médicalement constaté ; que complètement isolée sur le plan social et culturel, comme le relatent la femme de son cousin et une amie, W... L... a inscrit S... à l'école dès le 2 janvier 2015 et a trouvé un emploi dès le 1er décembre 2014 en qualité de secrétaire d'un cabinet médical ; qu'après avoir été hébergée par sa mère, elle a pris un premier logement, puis loue depuis le 1er janvier 2016 un appartement de 70 m2 ; qu'elle a changé d'emploi en mai 2015 et a été embauchée en qualité de chargée de projet par la Croix Rouge Espagnole ; que depuis le 1er mars 2016, elle travaille comme assistante du conseil d'administration d'une entreprise de construction ; qu'elle apparaît donc s'être parfaitement réintégrée dans sa société d'origine et y exploiter ses compétences professionnelles mieux qu'elle ne le faisait en France où elle était simple serveuse de restaurant (alors qu'elle était venue en France étudier que c'est à la cité universitaire qu'elle a connu son mari) ; qu'elle offre donc de bonnes conditions de vie à sa fille ; qu'en ce qui concerne l'enfant, âgée de 4 ans et demi, il s'agit d'un jolie fillette – comme en attestent les photos prises par le père lors de ses séjours au Vietnam – qui bénéficie d'un suivi médical et d'une couverture sociale au Vietnam ; qu'elle s'est très bien intégrée au milieu scolaire et s'est vue délivrer pour l'année 2016/2017 un certificat d'excellence par son école ; qu'enfin, relativement à l'exercice de la coparentalité, même si W... L... a refusé le bénéfice d'une médiation internationale, elle ne s'oppose pas aux droits du père, puisqu'il donne des nouvelles de l'enfant par courriel et propose des rendez-vous Skype ; que O... X... s'est rendu pendant un mois au Vietnam au cours des étés 2016 et 2017 ; qu'il verse aux débats de très nombreux clichés le représentant aux côtés de sa fille, dans des lieux et activités diverses ; s'il explique qu'au début, il était étranger pour sa fillette, les liens se sont vite rétablis, et l'année suivant, l'enfant a reconnu aussitôt son père lorsqu'il s'est présenté devant elle ; que la relations qu'il fait de ses séjours au Vietnam démontre que la mère n'est absolument pas opposante aux rapports qu'il peut entretenir avec l'enfant, alors même qu'il insiste auprès de tiers pour qu'ils interviennent auprès de W... L... afin qu'elle revienne avec lui, ce qui ne permet pas une certaine fluidité dans les relations parentales ; qu'au vue de l'ensemble de ces éléments, il apparaît contraire à l'intérêt de la petite S... qui a toujours vécu avec sa mère, et qui n'a aucun repère en France, pays dont elle n'a pas la nationalité, de fixer sa résidence au domicile paternel à Marseille et de confier exclusivement au père l'exercice de l'autorité parentale ; que contrairement à ce que O... X... soutient, il n'est pas établi que les parents aient décidé que l'enfant serait nécessairement élevée sur le territoire français, alors qu'ils ont tous deux en revanche fait une déclaration auprès de la mairie d'Aix-en-Provence, dès le 12 novembre 2013, de ce qu'ils voulaient que leur enfant ait la nationalité vietnamienne, et qu'un passeport ait été délivré au nom de l'enfant par le consulat au Vietnam à Paris dès le 17 janvier 2014 ; que pour O... X... puisse maintenir des relations avec sa fille, il sera instauré à son profit un droit de visite et d'hébergement tel qu'il sera dit au dispositif, avec une progressivité conforme à l'âge de l'enfant ; qu'en ce qui concerne les frais de transport, dans la mesure où S... est à la charge totale de la mère et que cette dernière ne sollicite pas de contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant, les frais de transport seront mis en intégralité à la charge de O... X... lorsqu'il se rendra au Vietnam et partagés par moitié, lorsque la fillette viendra passer des vacances en France ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE s'agissant des demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale par les parents séparés, il y a lieu de préciser que s'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 4 février 2016 que le caractère illicite du déplacement de l'enfant est établi, le juge aux affaires familiales statue cependant sur ces points conformément à l'article 373-3-6 du code civil qui édicte notamment que : « le juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises dans le cadre du présent chapitre en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs
» ; qu'en l'espèce, il convient de constater que l'enfant n'a pas atteint l'âge de trois ans, qu'elle a toujours vécu avec sa mère, que quelles qu'en soit les raisons, elle n'a pas vu son père depuis le 9 novembre 2014, qu'il résulte des attestations versées par la mère que l'enfant est inscrite à l'école maternelle de S... depuis le 2 janvier 2015, qu'elle est qualifiée de « douce et amicale avec ses camarades de classe », que l'enseignante de sa classe a constaté ses progrès ; qu'elle bénéficie d'un suivi médical, et de la sécurité sociale du Vietnam ; qu'en outre la mère travaille depuis le 1er mars 2016, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité d'assistante du conseil d'administration de l'entreprise de construction de Thinh Ah, perçoit un salaire et bénéficie d'un logement de 70 m2 comprenant deux chambres et un salon ; qu'il résulte en outre des éléments produits par Madame L... que les parents communiquent par messages électroniques, que la mère donne des nouvelles de l'enfant au père, et lui a proposé un rendez-vous par « skype » en mars 2016 ; que ces éléments permettent de considérer que l'enfant évolue dans des conditions matérielles correctes, s'est adaptée à nouvelle vie au Vietnam et a tissé des liens dans sa famille maternelle au sein de laquelle elle vit désormais et qu'un transfert de résidence de l'enfant au domicile paternel constituerait un changement radical dans les conditions de vie de l'enfant et serait de nature à perturber l'équilibre actuel de l'enfant ; qu'il convient en conséquence et dans l'intérêt supérieur de l'enfant de fixer la résidence de l'enfant au domicile maternel, les parents s'exerçant conjointement l'autorité parentale, dès lors qu'aucun élément ne permet de considérer que l'intérêt actuel de l'enfant, commande d'attribuer à un seul des parents l'exercice de l'autorité parentale ; qu'il y a lieu en outre pour maintenir les liens entre l'enfant et le père, et malgré la distance, d'ordonner un droit de visite et d'hébergement paternel ; que cependant en raison du jeune âge de l'enfant et dès lors que l'enfant n'a plus vu son père depuis novembre 2014, il convient de procéder de façon progressive dans l'intérêt de l'enfant, selon la règlementation précisée au dispositif de la présente décision ; qu'en ce qui concerne les frais de trajet, il convient de constater que depuis novembre 2014, le père ne participe pas à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, et que la mère ne sollicite pas de contribution alimentaire pour l'enfant si le père assume les frais de trajet résultant de l'exercice de son droit de visite et d'hébergement de l'enfant ; que chacun des parents travaille actuellement et assume les charges de la vie courante ; qu'il convient en conséquence de dire que le père assumera la totalité de ses frais résultant de l'exercice de son droit de visite et d'hébergement pour l'année 2016-2017, et que par la suite, les frais de trajet de l'enfant seront partagés par moitié entre les parents, étant précisé que l'éloignement entre les domiciles des parents résulte du choix de la mère ;
1°) ALORS QUE tout changement de résidence habituelle de l'enfant dans un pays étranger décidé unilatéralement par l'un des parents parent sans avertir l'autre parent caractérise un mépris aux droits de cet autre parent qui ne peut être justifié que par des raisons liées à l'intérêt supérieur de l'enfant et non par des raisons personnelles au parent qui a pris la décision de partir ; que dès lors, en jugeant, pour dire que les parents exercent conjointement l'autorité parentale et fixer la résidence de l'enfant au domicile de la mère, que la décision unilatérale de Mme L... de partir avec sa fille au Vietnam se justifiait par ses difficultés du couple ainsi que par ses problèmes de santé et ses difficultés financières, sociales et culturelles la poussant à fuir dans sa famille au Vietnam, sans constater que l'intérêt supérieur de l'enfant commandait que l'enfant soit amenée par sa mère au Vietnam, la cour d'appel a violé les articles 373-2 et 373-3-11 du code civil, ensemble 3 § 1 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
2°) ALORS QU'en cas de désaccord des parents sur la résidence habituelle de l'enfant, le juge aux affaires familiales statue selon qu'exige l'intérêt supérieur de l'enfant, en prenant en considération, notamment, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre ; qu'en retenant, pour dire que les parents exercent conjointement l'autorité parentale et fixer la résidence de l'enfant au domicile de la mère, que malgré la décision unilatérale de Mme L... de partir avec sa fille au Vietnam, son comportement ne portait pas atteinte aux droits du père de l'enfant puisqu'elle lui donnait des nouvelles de l'enfant par courriel, lui proposait des rendez-vous Skype et ne s'était pas opposée à ce que M. X... rencontre sa fille au Vietnam durant les étés 2016-2017, quand il résulte des courriels envoyés par Mme L... que celle-ci n'a donné des nouvelles de sa fille à M. X... qu'à compter du mois d'octobre 2015, soit onze mois plus tard après leur départ et qu'elle a donc méconnu les droits du père et l'intérêt supérieur de l'enfant à maintenir des liens avec ses deux parents, la cour d'appel a violé les articles 373-2 et 373-2-11 du code civil, ensemble 3 § 1 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
3°) ALORS QU'en cas de changement de résidence habituelle de l'enfant dans un pays étranger décidé unilatéralement par l'un des parents, l'intérêt supérieur de l'enfant à rester avec ce parent ne saurait se déduire du seul temps passé avec lui dans ce pays et de la perte de repères par l'enfant en France ; que le juge doit rechercher dans quelle mesure le parent resté en France n'est pas en mesure de lui offrir des conditions de vie acceptables ; que dès lors, en retenant, pour dire que les parents exercent conjointement l'autorité parentale de l'enfant et fixer la résidence de l'enfant au domicile de la mère, qu'il apparaît contraire à l'intérêt de l'enfant qui a toujours vécu avec sa mère et qui n'a aucun repère en France, pays dont elle n'a pas la nationalité, de fixer sa résidence au domicile paternel à Marseille, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... n'était pas en mesure d'offrir à son enfant des conditions de vie acceptables, meilleures que celles qu'il lui offrait avant son départ, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2 du code civil, ensemble 3 § 1 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.