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25/09/2019 | FRANCE | N°18-15980

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2019, 18-15980


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 mars 2018), que M. Q... a été engagé en qualité de chef de secteur à compter du 3 septembre 2001 par la société C... N... constructeur ; que la rupture de son contrat de travail pour motif économique est intervenue après acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle le 14 avril 2015 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de juger le licencie

ment dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser au salarié de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 mars 2018), que M. Q... a été engagé en qualité de chef de secteur à compter du 3 septembre 2001 par la société C... N... constructeur ; que la rupture de son contrat de travail pour motif économique est intervenue après acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle le 14 avril 2015 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser au salarié des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que satisfait à son obligation de reclassement l'employeur qui justifie de l'absence de poste disponible au jour du licenciement ; qu'il n'a pas à proposer les postes disponibles postérieurement au licenciement, sous la seule réserve de la fraude, qu'il appartient aux juges de caractériser ; qu'en l'espèce, il était constant qu'au moment du licenciement, le 3 avril 2015, il n'existait dans l'entreprise et le groupe auquel elle appartenait, aucun poste disponible pouvant être proposé au salarié, chef de secteur, à titre de reclassement ; que dès lors, en se bornant à relever qu'un ouvrier maçon avait été embauché le 28 avril 2015 pour un chantier devant débuter le 4 mai 2015 d'une part, que l'employeur ne pouvait ignorer dès avant le licenciement qu'un poste de maçon serait disponible plus de 3 semaines plus tard d'autre part, que l'intéressé avait enfin les compétences pour occuper le poste en cause, de même que ceux pourvus par MM. S... et G... les 30 avril et 20 mai 2015 en remplacement de salariés absents, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une fraude de l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a souverainement constaté que l'emploi pourvu le 28 avril 2015 était disponible pendant la recherche de reclassement et que l'employeur ne pouvait ignorer au moment de la rupture du contrat de travail la disponibilité de ce poste, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du moyen, ci-après annexée, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société C... N... constructeur aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société C... N... constructeur à payer à M. Q... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du président empêché, en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société C... N... constructeur.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour motif économique de M. Q... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société C... N... Constructeur à payer à M. Q... la somme de 15 514,14 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1 551,41 € au titre des congés payés afférents, ces sommes produisant des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2015, d'AVOIR condamné la société C... N... Constructeur à payer à M. Q... la somme de 72 400 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société C... N... Constructeur aux dépens de première instance et d'appel et d'AVOIR condamné la société C... N... Constructeur à payer à M. Q... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « 1 * sur le bien-fondé du licenciement
Que selon l'article L1233-2 du code du travail, tout licenciement pour motif économique est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Que l'adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle constitue une modalité du licenciement pour motif économique.
Qu'en vertu des articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail, la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'employeur doit en énoncer le motif économique dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.
Qu'en l'espèce, pour soutenir que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. Q... soulève deux moyens, l'un tiré de l'absence de motif économique, l'autre tiré du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement; qu'il convient d'examiner successivement ces deux moyens.
(
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2. sur l'obligation de reclassement
Qu'il résulte des dispositions de l'article L1233-4 du code du travail dans sa rédaction alors applicable que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie; que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente, le reclassement ne s'effectuant sur un emploi d'une catégorie inférieure que sous réserve de l'accord exprès du salarié; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
Que le caractère temporaire d'un poste n'interdit pas de proposer celui-ci en vue d'un reclassement.
Que l'employeur est tenu de procéder à des recherches sérieuses et effectives de reclassement; que tout manquement à l'obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Qu'en l'espèce, M. Q... fait valoir au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de reclassement que l'employeur ne lui a pas proposé les postes de maçon pour lesquels la société C... N... Constructeur a procédé à l'embauche de M... K..., R... S... et V... G... immédiatement après son licenciement conformément à l'annonce faite aux représentants du personnel en janvier 2015.
Que la société C... N... Constructeur soutient que les embauches alléguées ont été réalisées après la notification du licenciement de M. Q... pour le remplacement de salariés absents, que M... K... a été engagé « dans le cadre de l'insertion », et que ces postes ne correspondaient pas à la qualification du salarié licencié.
Qu'il n'est pas discuté que la société C... N... Constructeur a embauché chacun en qualité de maçon:
- M... K... le 28 avril 2015 en vertu d'un contrat à durée indéterminée pour la durée du chantier « Immeuble Caravelle - 41 logements » à Bron prévu pour débuter le 4 mai 2015;
- R... S... suivant contrat à durée déterminée en date du 30 avril 2015 pour le remplacement d'un salarié absent pour maladie;
- V... G..., travailleur temporaire, suivant contrat de mise à disposition du 20 mai 2015 pour le remplacement d'un salarié.
Que la cour relève qu'il ressort des pièces du dossier:
- que la société C... N... Constructeur ne pouvait pas ignorer, lorsqu'elle menait ses recherches de reclassement de M. Q... jusqu'au licenciement du 3 avril 2015 que le recrutement d'un maçon était nécessaire pour la réalisation du chantier « Immeuble Caravelle - 41 logements » à Bron dès lors que d'une part l'embauche a été réalisée suivant un contrat de travail conclu le 28 avril 2015, soit 3 semaines après avoir prononcé le licenciement de M. Q... pour un démarrage de chantier prévu le 4 mai 2015, et que d'autre part le comité d'entreprise indiquait dès le 22 janvier 2015 dans un compte-rendu de réunion que « le carnet de commandes est plein pour le premier semestre 2015 » ;
- qu'il n'existe aucune pièce de nature à établir que ce poste de maçon pour ledit chantier devait être expressément réservé à M... K..., notamment dans le cadre d'une insertion;
- que le CV de M. Q..., né en 1962, révèle que celui-ci est titulaire du brevet d'études professionnelles (BEP) de bâtiment, maçonnerie et béton armé obtenu en 1979 de sorte que ce salarié disposait des compétences nécessaires pour occuper les postes en cause.
Qu'il s'ensuit que durant la période de recherche de reclassement de M. Q..., l'emploi pour lequel M... K... a été recruté était disponible pour le reclassement de M. Q....
Que force est de constater que la société C... N... Constructeur s'est abstenue de proposer cet emploi à M. Q... avant son licenciement.
Qu'en conséquence, la société C... N... Constructeur n'a pas respecté l'obligation de reclassement de M. Q....
Que le licenciement de M. Q... est dépourvu de cause réelle et sérieuse; que le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
2 - sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
2.1. sur l'indemnité compensatrice de préavis
Que le salarié licencié pour motif économique ne perçoit pas d'indemnité compensatrice de préavis lorsqu'il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle; qu'en effet, le contrat de travail est rompu dès la fin du délai de réflexion pour accepter le contrat de sécurisation professionnelle; que l'équivalent de l'indemnité compensatrice de préavis est versé par l'employeur à Pôle Emploi pour financer le contrat de sécurisation professionnelle; que toutefois, si le montant est supérieur à trois mois de salaire, la fraction excédant les trois mois de salaire est versée au salarié dès la rupture du contrat de travail.
Que lorsque le licenciement prononcé pour motif économique est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle accepté par le salarié devient sans objet; que l'employeur est alors tenu à l'obligation de préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées au salarié; que les sommes versées par l'employeur à Pôle Emploi ne peuvent être déduites de la créance au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Qu'en l'espèce, il est constant que le 14 avril 2015, M. Q... a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.
Que M. Q... peut donc prétendre à une indemnité compensatrice de préavis dont il n'est pas discuté qu'elle est équivalente à trois mois de salaire sur la base du salaire que l'intéressé aurait perçu s'il avait continué de travailler pendant la durée du préavis, lequel comprend tous les éléments de la rémunération, soit la somme de 5 171.38 € figurant sur le dernier bulletins de paie; que M. Q... a donc droit à une indemnité compensatrice de préavis de 15 514,14 € ;
Que la société C... N... Constructeur sera donc condamnée à payer à M. Q... la somme de 15 514,14 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1 55,.41 € au titre des congés payés afférents;
Que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2015, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

2.2. sur les dommages et intérêts
Que lorsque le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié qui a une ancienneté de plus de deux ans ou dont l'entreprise occupe habituellement au moins 11 salariés peut prétendre à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi et dont l'étendue est souverainement appréciée par les juges du fond.
Qu'en l'espèce, compte tenu de l'ancienneté de M. Q... de 14 années, de son âge au jour de cette rupture, du montant précité de sa rémunération à cette même date, de son expérience professionnelle et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, la cour estime que le préjudice résultant pour M. Q... de la rupture doit être indemnisé par la somme de 72 400 €.
Que la société C... N... Constructeur sera donc condamnée à payer à M. Q... la somme de 72 400 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Que cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en vertu de l'article 1151-3 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016.
Que la cour ayant fait droit à la demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, les demandes au titre du critère d'ordre sont sans objet.
3 - sur les demandes accessoires
Que les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société C... N... Constructeur.
Que l'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif. » ;

1 - ALORS QUE satisfait à son obligation de reclassement l'employeur qui justifie de l'absence de poste disponible au jour du licenciement ; qu'il n'a pas à proposer les postes disponibles postérieurement au licenciement, sous la seule réserve de la fraude, qu'il appartient aux juges de caractériser ; qu'en l'espèce, il était constant qu'au moment du licenciement, le 3 avril 2015, il n'existait dans l'entreprise et le groupe auquel elle appartenait, aucun poste disponible pouvant être proposé au salarié, chef de secteur, à titre de reclassement ; que dès lors, en se bornant à relever qu'un ouvrier maçon avait été embauché le 28 avril 2015 pour un chantier devant débuter le 4 mai 2015 d'une part, que l'employeur ne pouvait ignorer dès avant le licenciement qu'un poste de maçon serait disponible plus de 3 semaines plus tard d'autre part, que l'intéressé avait enfin les compétences pour occuper le poste en cause, de même que ceux pourvus par MM. S... et G... les 30 avril et 20 mai 2015 en remplacement de salariés absents, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une fraude de l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause.

2- ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société C... N... Constructeur faisait expressément valoir que M. Q... était surqualifié pour occuper les postes de maçon pourvus après son licenciement (v. concl. d'appel de la société p. 15 et 16) ; qu'en se bornant à relever que M. Q... avait les compétences nécessaires pour occuper les postes litigieux au vu de son brevet d'études professionnelles, sans répondre au moyen tiré de sa surqualification, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-15980
Date de la décision : 25/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 02 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2019, pourvoi n°18-15980


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.15980
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