LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 septembre 2017) que Mme L..., engagée le 1er août 2000 par la société Cayla aux droits de laquelle vient la société Invivogen, en qualité de technicienne de laboratoire, a été licenciée le 4 avril 2012 pour faute grave en raison de deux courriels du 3 mars 2012, considérés comme injurieux, adressés, l'un, aux délégués du personnel et aux responsables hiérarchiques, l'autre, à l'employeur avec copie aux responsables hiérarchiques ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes indemnitaires subséquentes, alors, selon le moyen :
1°/ que, sauf propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apportées que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que, pour retenir la faute grave, la cour d'appel a énoncé que, « dans le message électronique du 3 mars 2012, Mme L... reproche précisément à M. R..., président de la société Invivogen son comportement au cours d'une réunion du personnel, elle expose qu'il considère les arrêts de travail pour maladie comme de la fainéantise et critique les arrêts maternité, qu'il ne prend pas en compte la quantité et la qualité du travail fourni ; elle écrit également que la réunion était trop longue et inutile, « une perte de temps », que M. R... a présenté un cours hors de portée de l'auditoire, qu'il a tenu des propos sur sa fille « déplacés », qu'il a fait un « monologue sans fin » ; qu'elle le critique également sur ses interventions en matière d'encadrement et de social, demandant « qu'il s'abstienne ! », affirmant qu'il ne sait pas manager, qu'il démotive les salariés, les nivelle par le bas
», puis estimé que « ces propos, confirmés dans le mail du lendemain, qui constituent une critique grave du dirigeant de l'entreprise, exprimée en termes familiers et pour certains outranciers, sans aucune concession, de manière réitérée, sont excessifs » ; qu'en statuant ainsi, sur le fondement de termes épars sortis de leur contexte, sans rappeler précisément les propos incriminé contenus dans le courriel de la salariée adressé aux délégués du personnel du 3 mars 2012 et dans celui envoyé parallèlement, très peu de temps après, à M. R... afin de lui préciser son ressenti et sa déception face à ses propos, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'abus commis par Mme L... dans l'exercice de sa liberté d'expression, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'en se déterminant comme elle a fait, sans caractériser précisément en quoi les propos tenus par Mme L... à l'endroit de M. R... seraient excessifs, ni recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si les critiques formulées par la salariée n'étaient pas légitimes et justifiées dès lors que l'employeur s'était engagé, en réunion des délégués du personnel, à modifier la gestion du personnel pour y répondre favorablement et les mettre en oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble les articles 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que, pour statuer ainsi, la cour d'appel a retenu qu'« une telle liberté d'expression n'est pas justifiée par le contexte, s'agissant d'une réunion du personnel, dans laquelle la salariée n'a pas été mise personnellement en cause (puisqu'elle s'interroge sur l'identité des personnes visées par certaines des paroles de M. R...) » ; qu'en se déterminant de la sorte, cependant qu'il ressortait des constatations de l'arrêt, d'une part, que le dirigeant d'entreprise considérait les arrêts de travail pour maladie comme de la fainéantise et critiquait les arrêts maternité, d'autre part, qu'avant l'envoi par Mme L... de son courriel du 3 mars 2012, elle avait été absente pour congés de maladie et maternité du 16 mars au 23 juillet 2011, puis en congé parental jusqu'au 3 janvier 2012, et enfin, que la salariée rappelait sans être utilement contestée qu'elle avait encore dû être placée en arrêt de travail pour un kyste synovial du poignet droit du 9 au 24 février 2012, ce dont il résultait que Mme L... avait légitimement pu, même sans être expressément nommée devant la collectivité des salariés, se sentir personnellement visée par les propos péjoratifs tenus publiquement par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble les articles 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'en vertu de l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché ; que le salarié jouit, sauf abus caractérisé par l'emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle il ne peut être apportées que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que le périmètre de diffusion des propos incriminés doit être dûment pris en considération dans l'appréciation de l'existence d'un abus par le salarié de sa liberté d'expression ; que le fait pour un salarié de s'ouvrir auprès des délégués du personnel, interlocuteurs naturels et légitimes en cas de difficultés concernant les conditions de travail ou les relations dans l'entreprise, et de sa hiérarchie, de façon interne, sans diffusion plus large dans l'entreprise et encore moins à l'extérieur, de dysfonctionnements, de comportements ou de propos qu'il estime injustifiés et/ou préjudiciables, ne saurait constituer de la part du salarié un abus de sa liberté d'expression ; qu'en affirmant en l'espèce péremptoirement, pour se déterminer comme elle l'a fait, que les propos de Mme L... avaient été « largement diffusés aux cadres de l'entreprise et aux délégués du personnel », sans rechercher, ainsi qu'elle y était explicitement invitée, si la salariée n'avait pas pour sa part envoyé son courriel du 3 mars 2012 qu'aux délégués du personnel, ainsi qu'à ses trois supérieurs hiérarchiques directs et à M. R..., en prenant donc soin de délimiter très strictement le périmètre de diffusion en interne, et sans aucune communication externe, tandis que c'était M. R... lui-même qui avait pris la décision de diffuser le courriel litigieux à l'ensemble des salariés de l'entreprise - et même au-delà aux actionnaires -, en sorte qu'il était seul responsable de l'étendue de sa diffusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard les articles L. 1121-1 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble les articles 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mais attendu qu'ayant relevé que, dans un courriel du 3 mars 2012, la salariée avait tenu des propos répétés qui constituent une critique grave du dirigeant de l'entreprise, exprimée en termes familiers et pour certains outranciers et excessifs, non justifiés par le contexte et confirmés dans un second courriel envoyé le lendemain, diffusés aux trois supérieurs hiérarchiques et aux délégués du personnel, la cour d'appel a pu caractériser un abus dans l'exercice de la liberté d'expression ; qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le comportement de la salariée constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et second moyens du pourvoi principal de la société, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Maron, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du président empêché, en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Invivogen, demandeur au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la convention collective de l'industrie pharmaceutique est applicable à la société Invivogen et d'AVOIR en conséquence condamné cette dernière à verser à Mme L... les sommes de 11 508,55 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté et 1 150,85 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, et 137,20 euros à titre de prime de naissance, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « Sur les primes de naissance et d'ancienneté Mme L... fonde ses demandes en paiement des primes d'ancienneté et de naissance sur l'application de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, alors que la société Invivogen estime que ni cette convention ni aucune autre n'est applicable dans l'entreprise.
La convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, qui a fait l'objet d'un arrêté d'extension, est applicable, notamment, aux entreprises ayant pour activité la recherche et le développement en médecine et en pharmacie humaines, les services et la sous-traitance de la recherche et développement et du contrôle correspondant aux activités ci-dessus.
Mme L... fournit un document de présentation de la société Invivogen qui détermine que cette société de biotechnologie développe des produits innovants pour la recherche en biologie et est spécialisée dans la production de principes actifs par fermentation (antibiotiques et cosmétiques) et propose des réactifs innovants pour la recherche en biologie moléculaire et cellulaire, et développe des anticorps mononucléaux et des médicaments ADN pour le traitement des cancers.
Il est donc établi que ses activités principales entrent dans le champ d'application de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.
Dès lors que l'employeur ne conteste pas les montants de la prime de naissance (137,20 euros) et du rappel de prime d'ancienneté sur cinq années (11 508,55 euros outre l'indemnité de congés payés afférente), il y a lieu de faire droit aux demandes de la salariée »
1/ ALORS QUE selon l'article 1er de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, celle-ci est applicable aux entreprises ayant pour activité 1° la fabrication et / ou l'exploitation de spécialités pharmaceutiques et autres médicaments à usage humain, 2° la recherche et développement en médecine et en pharmacie humaines, services et sous-traitance de la recherche et développement et du contrôle correspondant aux activités ci-dessus, 3° la promotion des médicaments, 4° le conditionnement et la distribution par dépositaire de médicaments ; que la société Invivogen faisait valoir que les produits qu'elle développe ne sont pas à usage humain, qu'ils sont destinés à la recherche en biologie, ses clients étant des laboratoires (conclusions d'appel de l'exposante p 16) ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Invivogen, qui a pour activité le développement de produits innovants pour la recherche en biologie, produit des principes actifs et réactifs innovants destinés aux laboratoires de recherche en biologie moléculaire et cellulaire, ce dont il résulte qu'elle n'a pas elle-même une activité de recherche et développement en médecine et en pharmacie humaine; qu'en jugeant néanmoins que ces activités rentraient dans le champ d'application de la convention collective de l'industrie pharmaceutique qui vise la recherche et développement en médecine et en pharmacie humaines, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation des articles L 2162-1 du Code du travail et 1er de la Convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique ;
2/ ALORS QUE seule est applicable aux salariés d'une entreprise la convention collective dont relève l'activité principale exercée par l'employeur; qu'en l'espèce, il résulte de la fiche de la société produite par la salariée sur laquelle s'est fondée la Cour d'appel que « Cayla-Invivogen est une société de biotechnologie qui développe des produits innovants pour la recherche en biologie. L'activité de la société se structure en trois entités : Cayla est spécialisée dans la production de principes actifs par fermentation. Invivogen propose des réactifs pour la recherche en biologie moléculaire et cellulaire. Invivogen Therapeutics développe des anticorps monoclonaux et des médicaments ADN pour le traitement des cancers » ; qu'en retenant que la convention collective de l'industrie pharmaceutique était applicable aux motifs que les « activités principales » de la société rentraient dans son champ d'application, sans cependant caractériser que l'activité de développement d'anticorps monoclonaux et de médicaments ADN pour le traitement des cancers, était son activité principale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2162-1 du Code du travail et 1er de la Convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme L... repose non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en conséquence condamné la SAS Invivogen à payer à Mme L... les sommes de 859 euros à titre de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et 85,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur la mise à pied, 4 314,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 431,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 8 809,30 euros au titre de l'indemnité de licenciement, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « Dans la lettre de licenciement, la société lnvivogen reproche à Mme L... d'avoir, le 3 mars 2012, adressé un mail à l'attention des délégués du personnel, de trois cadres de direction (son supérieur hiérarchique direct, le directeur de la recherche et le directeur des opérations), ainsi que du président de la société M. R..., contenant à l'égard de ce dernier des propos injurieux et diffamatoires, et le lendemain, un second mail envoyé à M. R... seul, ces deux courriers mettant en cause les compétences managériales, la crédibilité personnelle et l'honnêteté morale du dirigeant de l'entreprise.
Mme L... soutient en premier lieu, que ces griefs ne lui sont pas opposables dès lors qu'en l'absence de visite médicale de reprise du travail, son contrat de travail est demeuré suspendu.
Cependant, non seulement, une visite médicale de reprise n'était pas obligatoire après un congé parental, mais au surplus, la visite de reprise prévue à l'article R 4624- 23 du code du travail après un congé de maternité ne crée pas une cause de suspension du contrat et n'a pas pour effet de différer la protection de la salariée en matière de licenciement.
Le contrat de travail Mme L... n'étant pas suspendu, les griefs énoncés dans la lettre de licenciement lui sont opposables.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
La liberté d'expression dont jouit le salarié dans l'entreprise ne l'autorise à émettre des critiques à l'encontre de l'employeur qu'à la condition que ces critiques ne soient pas formalisées en des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs.
Dans le message électronique du 3 mars 2012, Mme L... reproche précisément à M. R..., président de la société Invivogen son comportement au cours d'une réunion du personnel, elle expose qu'il considère les arrêts de travail pour maladie comme de la fainéantise et critique les arrêts maternité, qu'il ne prend pas en compte la quantité et la qualité du travail fourni; elle écrit également que la réunion était trop longue et inutile, « une perte de temps », que M. R... a présenté un cours hors de portée de l'auditoire, qu'il a tenu des propos sur sa fille « déplacés », qu'il a fait un « monologue sans fin » ; elle le critique également sur ses interventions en matière d'encadrement et de social, demandant « qu'il s'abstienne! », affirmant qu'il ne sait pas manager, qu'il démotive les salariés, les nivelle par le bas ...
Ces propos, confirmés dans le mail du lendemain, qui constituent une critique grave du dirigeant de l'entreprise, exprimée en termes familiers et pour certains outranciers, sans aucune concession, de manière réitérée, sont excessifs.
Une telle liberté d'expression n'est pas justifiée par le contexte, s'agissant d'une réunion du personnel, dans laquelle la salariée n'a pas été mise personnellement en cause (puisqu'elle s'interroge sur l'identité des personnes visées par certaines des paroles de M. R...).
Ces propos largement diffusés aux cadres de l'entreprise et aux délégués du personnel doivent être considérés comme un abus de la liberté d'expression et justifient le licenciement de la salariée.
Toutefois, compte tenu du délai mis par l'employeur pour engager la procédure de licenciement (20 jours), qui n'était justifié par aucune vérification utile, le licenciement ne peut être jugé comme reposant sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence, Mme L... a droit au paiement de :
- 859 euros au titre du salaire pour la période de mise à pied,
- 85,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour cette période,
- 4314,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis de deux mois conformément à l'article L 1234-1 du code du travail,
- 431,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 8 809,30 euros au titre de l'indemnité de licenciement, calculée conformément aux dispositions de l'article 33 de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique »
1/ ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations; que la Cour d'appel a relevé d'office que le délai qui s'était écoulé entre la date à laquelle l'employeur avait été informé des faits reprochés à la salariée le 3 mars 2012, et la date à laquelle il avait engagé la procédure de licenciement le 23 mars suivant, faisait obstacle à la qualification de faute grave des propos tenus par la salariée, dont elle a par ailleurs relevé qu'ils constituaient une critique grave et réitérée du dirigeant de l'entreprise, exprimée en termes familiers et outranciers et largement diffusée, caractéristique d'un abus de la liberté d'expression; qu'en relevant d'office ce moyen pris du défaut de délai restreint pour engager la procédure de licenciement, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile;
2/ ALORS en outre QUE la société faisait valoir qu'une réunion de la délégation unique du personnel avait eu lieu le 12 mars 2012 suite aux mails adressés par Mme L... le 3 mars et qu'à la suite de cette réunion, le président de la société s'était accordé une semaine de réflexion afin de ne pas prendre de décision hâtive (conclusions d'appel de l'exposante p 11-12); qu'il résultait d'ailleurs des pièces produites, sur lesquelles s'est fondée la Cour d'appel, que M. R... avait, dès le 4 mars, répondu au mail que la salariée lui avait adressé la veille en lui indiquant : « je ferai connaître mes réactions prochainement après un délai pour les consultations et une réflexion sur vos dires et vos écrits » (pièce n° 6 de la société exposante comportant le mail du 3 mars 2012 de Mme L... et le mail en réponse de M. R... du 4 mars) ; qu'en jugeant que le délai qui s'était écoulé entre l'envoi des mails litigieux le 3 mars et l'engagement de la procédure de licenciement le 23 mars n'était pas suffisamment restreint pour lui permettre de licencier la salariée pour faute grave, sans cependant s'expliquer sur la volonté de l'employeur de consulter les représentants du personnel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail. Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme L..., demandeur au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme L... repose non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, débouté la salariée de ses demandes indemnitaires subséquentes ;
AUX MOTIFS QUE, dans la lettre de licenciement, la société Invivogen reproche à Mme L... d'avoir, le 3 mars 2012, adressé un mail à l'attention des délégués du personnel, de trois cadres de direction (son supérieur hiérarchique direct, le directeur de la recherche et le directeur des opérations), ainsi que du président de la société M. R..., contenant à l'égard de ce dernier des propos injurieux et diffamatoires, et le lendemain, un second mail envoyé à M. R... seul, ces deux courriers mettant en cause les compétences managériales, la crédibilité personnelle et l'honnêteté morale du dirigeant de l'entreprise ; que Mme L... soutient en premier lieu, que ces griefs ne lui sont pas opposables dès lors qu'en l'absence de visite médicale de reprise du travail, son contrat de travail est demeuré suspendu ; que cependant, non seulement, une visite médicale de reprise n'était pas obligatoire après un congé parental, mais au surplus, la visite de reprise prévue à l'article R 4624- 23 du code du travail après un congé de maternité ne crée pas une cause de suspension du contrat et n'a pas pour effet de différer la protection de la salariée en matière de licenciement ; que le contrat de travail Mme L... n'étant pas suspendu, les griefs énoncés dans la lettre de licenciement lui sont opposables ; que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que la liberté d'expression dont jouit le salarié dans l'entreprise ne l'autorise à émettre des critiques à l'encontre de l'employeur qu'à la condition que ces critiques ne soient pas formalisées en des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que dans le message électronique du 3 mars 2012, Mme L... reproche précisément à M. R..., président de la société Invivogen son comportement au cours d'une réunion du personnel, elle expose qu'il considère les arrêts de travail pour maladie comme de la fainéantise et critique les arrêts maternité, qu'il ne prend pas en compte la quantité et la qualité du travail fourni; elle écrit également que la réunion était trop longue et inutile, « une perte de temps », que M. R... a présenté un cours hors de portée de l'auditoire, qu'il a tenu des propos sur sa fille « déplacés », qu'il a fait un « monologue sans fin » ; qu'elle le critique également sur ses interventions en matière d'encadrement et de social, demandant « qu'il s'abstienne ! », affirmant qu'il ne sait pas manager, qu'il démotive les salariés, les nivelle par le bas
; que ces propos, confirmés dans le mail du lendemain, qui constituent une critique grave du dirigeant de l'entreprise, exprimée en termes familiers et pour certains outranciers, sans aucune concession, de manière réitérée, sont excessifs ; qu'une telle liberté d'expression n'est pas justifiée par le contexte, s'agissant d'une réunion du personnel, dans laquelle la salariée n'a pas été mise personnellement en cause (puisqu'elle s'interroge sur l'identité des personnes visées par certaines des paroles de M. R...) ; que ces propos largement diffusés aux cadres de l'entreprise et aux délégués du personnel doivent être considérés comme un abus de la liberté d'expression et justifient le licenciement de la salariée ; que toutefois, compte tenu du délai mis par l'employeur pour engager la procédure de licenciement (20 jours), qui n'était justifié par aucune vérification utile, le licenciement ne peut être jugé comme reposant sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, Mme L... a droit au paiement de : - 859 euros au titre du salaire pour la période de mise à pied ; - 85,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour cette période ; - 4314,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis de deux mois conformément à l'article L 1234-1 du code du travail ; - 431,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; - 8 809,30 euros au titre de l'indemnité de licenciement, calculée conformément aux dispositions de l'article 33 de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique ;
1°) ALORS QUE, sauf propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apportées que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que, pour retenir la faute grave, la cour d'appel a énoncé que, « dans le message électronique du 3 mars 2012, Mme L... reproche précisément à M. R..., président de la société Invivogen son comportement au cours d'une réunion du personnel, elle expose qu'il considère les arrêts de travail pour maladie comme de la fainéantise et critique les arrêts maternité, qu'il ne prend pas en compte la quantité et la qualité du travail fourni; elle écrit également que la réunion était trop longue et inutile, « une perte de temps », que M. R... a présenté un cours hors de portée de l'auditoire, qu'il a tenu des propos sur sa fille « déplacés », qu'il a fait un « monologue sans fin » ; qu'elle le critique également sur ses interventions en matière d'encadrement et de social, demandant « qu'il s'abstienne ! », affirmant qu'il ne sait pas manager, qu'il démotive les salariés, les nivelle par le bas
», puis estimé que « ces propos, confirmés dans le mail du lendemain, qui constituent une critique grave du dirigeant de l'entreprise, exprimée en termes familiers et pour certains outranciers, sans aucune concession, de manière réitérée, sont excessifs » ; qu'en statuant ainsi, sur le fondement de termes épars sortis de leur contexte, sans rappeler précisément les propos incriminé contenus dans le courriel de la salariée adressé aux délégués du personnel du 3 mars 2012 et dans celui envoyé parallèlement, très peu de temps après, à M. R... afin de lui préciser son ressenti et sa déception face à ses propos, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'abus commis par Mme L... dans l'exercice de sa liberté d'expression, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS QU'en se déterminant comme elle a fait, sans caractériser précisément en quoi les propos tenus par Mme L... à l'endroit de M. R... seraient excessifs, ni recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si les critiques formulées par la salariée n'étaient pas légitimes et justifiées dès lors que l'employeur s'était engagé, en réunion des délégués du personnel, à modifier la gestion du personnel pour y répondre favorablement et les mettre en oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble les articles 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS QUE, pour statuer ainsi, la cour d'appel a retenu qu'« une telle liberté d'expression n'est pas justifiée par le contexte, s'agissant d'une réunion du personnel, dans laquelle la salariée n'a pas été mise personnellement en cause (puisqu'elle s'interroge sur l'identité des personnes visées par certaines des paroles de M. R...) » ; qu'en se déterminant de la sorte, cependant qu'il ressortait des constatations de l'arrêt, d'une part, que le dirigeant d'entreprise considérait les arrêts de travail pour maladie comme de la fainéantise et critiquait les arrêts maternité, d'autre part, qu'avant l'envoi par Mme L... de son courriel du 3 mars 2012, elle avait été absente pour congés de maladie et maternité du 16 mars au 23 juillet 2011, puis en congé parental jusqu'au 3 janvier 2012, et enfin, que la salariée rappelait sans être utilement contestée qu'elle avait encore dû être placée en arrêt de travail pour un kyste synovial du poignet droit du 9 au 24 février 2012, ce dont il résultait que Mme L... avait légitimement pu, même sans être expressément nommée devant la collectivité des salariés, se sentir personnellement visée par les propos péjoratifs tenus publiquement par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble les articles 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°) ET ALORS QU'en vertu de l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché ; que le salarié jouit, sauf abus caractérisé par l'emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle il ne peut être apportées que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que le périmètre de diffusion des propos incriminés doit être dûment pris en considération dans l'appréciation de l'existence d'un abus par le salarié de sa liberté d'expression ; que le fait pour un salarié de s'ouvrir auprès des délégués du personnel, interlocuteurs naturels et légitimes en cas de difficultés concernant les conditions de travail ou les relations dans l'entreprise, et de sa hiérarchie, de façon interne, sans diffusion plus large dans l'entreprise et encore moins à l'extérieur, de dysfonctionnements, de comportements ou de propos qu'il estime injustifiés et/ou préjudiciables, ne saurait constituer de la part du salarié un abus de sa liberté d'expression ; qu'en affirmant en l'espèce péremptoirement, pour se déterminer comme elle l'a fait, que les propos de Mme L... avaient été « largement diffusés aux cadres de l'entreprise et aux délégués du personnel », sans rechercher, ainsi qu'elle y était explicitement invitée, si la salariée n'avait pas pour sa part envoyé son courriel du 3 mars 2012 qu'aux délégués du personnel, ainsi qu'à ses trois supérieurs hiérarchiques directs et à M. R..., en prenant donc soin de délimiter très strictement le périmètre de diffusion en interne, et sans aucune communication externe, tandis que c'était M. R... lui-même qui avait pris la décision de diffuser le courriel litigieux à l'ensemble des salariés de l'entreprise - et même au-delà aux actionnaires -, en sorte qu'il était seul responsable de l'étendue de sa diffusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard les articles L. 1121-1 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble les articles 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.