SOC.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 septembre 2019
Rejet non spécialement motivé
M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10873 F
Pourvoi n° E 18-18.637
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme P... J... T..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2018 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Coeurdor, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 juin 2019, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Richard, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme J... T..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Coeurdor ;
Sur le rapport de Mme Richard, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme J... T... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du président empêché, en son audience publique du onze septembre deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme J... T...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement le 20 février 2015 de Mme J... T... reposait sur une cause réelle et sérieuse, d'avoir ébouté en conséquence la salariée de sa demande d'indemnité de préavis et des congés payés y afférents, ainsi que de celle de dommages intérêts pour licenciement abusif ;
Aux motifs que quelques mois après son embauche par la SAS Coeurdor, Mme J... T... a, de par son comportement à l'égard du personnel de fabrication, généré des tensions au sein de l'entreprise ; que lors d'une réunion tenue 14 novembre 2013, les délégués du personnel ont relayé les plaintes des salariés en ces termes : « Est-il normal que les gens qui nous encadrent nous parlent mal... En date du 30 octobre une vive altercation s'est produite au service qualité. Nous constatons depuis quelques mois une tension perceptible en constante progression dans tous les secteurs...L'ambiance paraît tendue dans les ateliers. Le personnel de l'encadrement doit respecter le personnel de production
» ; que dans un courrier recommandé adressé le 22 janvier 2014 au directeur de l'entreprise une salariée s'est plainte des agissements de Mme J... T... envers le personnel de production, qualifié quotidiennement par cette dernière de « nul » ; qu'elle ajoute dans son courrier que l'intervention des délégués du personnel auprès de la direction n'avait en rien modifié la situation ; que pour résoudre ces difficultés la direction de l'entreprise a sollicité, suivant convention du 5 février 2014, l'intervention d'un prestataire extérieur pour organiser une formation sur le thème : « comprendre les différences comportementales dans une équipe » ; qu'il résulte d'un courrier adressé le 6 octobre 2014 au directeur de l'entreprise par une autre que si cette formation avait conduit dans un premier temps à une amélioration du comportement de Mme J... T..., cette dernière avait, à son retour des vacances d'été, à nouveau adopté un comportement empreint de mépris envers le personnel de production ; que les parties ont tenté de mettre un terme à leurs relations contractuelles et que l'échec de la rupture conventionnelle provient des prétentions indemnitaires formulées par la salariée ; que la salariée a par la suite été placée en arrêt de travail pour cause de maladie du octobre 2014 au 6 janvier 2015 ; qu'à la suite de la visite effectuée le 9 janvier 2015 la salariée a été déclarée apte par la médecine du travail à reprendre son emploi, sans réserve ou recommandation ; que le 28 janvier 2015, Mme P... J... T... a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique ; que le 30 janvier 2015, celle-ci adressait en réponse une correspondance à la direction de l'entreprise pour réclamer la restitution de ses prérogatives, telles qu'elles existaient antérieurement à son arrêt de travail avant la réorganisation de l'entreprise ; qu'à l'issue d'une seconde visite, organisée le 3 février 2015 à l'initiative de la médecine du travail, elle a été de nouveau déclarée apte à reprendre son poste, sans aucune restriction ni réserve; que par courrier du 20 février 2015 elle a été licenciée pour motif économique ; que dans la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige, la SAS Coeurdor invoque l'existence d'un motif économique, expliquant que la décision prise par son principal client, le groupe LVMH, de réduire de 30% ses commandes, allait conduire inéluctablement à la réalisation d'un résultat net d'exploitation négatif et menacer à terme l'existence même de l'entreprise si aucune mesure de diminution des coûts n'était prise ; que lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques s'apprécient au niveau du groupe considéré, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise ; que la SAS Coeurdor fait partie du groupe Surfaces Synergie Holding dont le secteur d'activité unique est presque exclusivement dédié au traitement de surfaces métallurgique, la SAS Coeurdor réalisant à elle-seule, 95 % de l'activité du groupe ; que la SAS Coeurdor produit un courrier de son expert-comptable indiquant que la décision du groupe LVMH de réduire ses commandes allait générer mécaniquement une diminution de l'ordre de 20% de la marge brute et un résultat net d'exploitation négatif, ce client participant à la réalisation de 80 % du chiffre d'affaires du groupe Surfaces Synergie Holding ; que les pièces comptables versées aux débats par la SAS Coeurdor confirment effectivement une baisse significative des commandes du groupe LVMH à la fin 2014 de l'ordre de 38 % ; que pour corriger cette situation, la société Coeurdor a alors procédé à une restructuration reposant sur des modifications des contrats de travail, la suppression de postes, ainsi que sur quatre licenciements dont celui de Mme J... T... ; que l'analyse prévisionnelle réalisée par l'expert-comptable sur la base des résultats des exercices antérieurs est confirmée par les résultats de l'entreprise enregistrés à la fin de l'année 2014 ; qu'il ne peut dès lors être fait grief à la SAS Coeurdor d'avoir anticipé d'éventuelles difficultés économiques au vu de ces données ; que l'entreprise peut légitimement se prévaloir d'une menace sur sa compétitivité pour procéder à une réorganisation et à des licenciements pour motif économique, et ce, même en l'absence de toutes difficultés économiques, étant ajouté que dans la présente espèce la société Coeurdor a connu une baisse de son résultat d'exploitation de l'ordre de 25% dès 2015 (
) ; que le licenciement procède d'un motif économique ; que sur l'obligation de reclassement, la SAS Coeurdor démontre avoir adressé le 23 janvier 2015 aux différentes entités du groupe des courriers en vue de rechercher une solution de reclassement pour les quatre salariés faisant l'objet d'un licenciement pour motif économique ; qu'il est avéré qu'à ces correspondances étaient jointes des fiches de poste ; qu'il est établi que la recherche de reclassement dans le groupe s'est avérée vaine ; que s'agissant plus particulièrement de la succursale de société Ionitec en Suisse, elle n'a pas de personnel propre et fait appel pour son fonctionnement au prêt de personnel ; que Mme J... T... ne saurait faire grief à la SAS Coeurdor de ne pas lui avoir proposé des postes, qui n'ont fait l'objet d'un recrutement que bien après son licenciement ; que de surcroît lesdits postes requerraient une qualification technique que la salariée ne détenait pas ; qu'au vu de ces constatations, la SAS Coeurdor a satisfait à son obligation de reclassement ;
que dès lors qu'il est retenu que le licenciement est fondé sur un motif économique, d'une part, et que la SAS Coeurdor a satisfait à son obligation de reclassement, d'autre part, le congédiement repose sur une cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera réformé sur ce point ainsi que dans ses dispositions qui en constituent l'accessoire ;
Alors 1°) qu'il appartient aux juges du fond de rechercher, au besoin d'office, en respectant le principe de la contradiction, si la lettre de licenciement, dont le défaut de motivation est nécessairement dans le débat, énonce le ou les motifs du licenciement ; que lorsqu'un motif économique est invoqué, la lettre de licenciement doit énoncer la cause économique prévue par l'article L. 1233-3 du code du travail ; que la lettre de licenciement du 20 février 2015, qui n'invoque ni difficultés économiques avérées ni la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité économique, n'est pas motivée ; qu'en jugeant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé ensemble le texte précité et l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Alors 2°) et en tout état de cause, que pour avoir une cause économique, le licenciement pour motif économique doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activité ; que la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en statuant sans avoir constaté qu'au moment où le licenciement était notifié, le 20 février 2015, la société Coeurdor était confrontée à des difficultés économiques avérées, ou qu'une menace pesant sur sa compétitivité rendait indispensable sa réorganisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Alors 3°) que l'employeur doit rechercher toutes les possibilités de reclassement existantes dans l'entreprise et le cas échéant à l'intérieur du groupe auquel elle appartient et rapporter la preuve de l'absence de poste disponible ; qu'en s'étant bornée à relever que la SAS Coeurdor démontrait avoir adressé le 23 janvier 2015 aux entités du groupe des courriers en vue de rechercher un reclassement pour les quatre salariés faisant l'objet d'un licenciement pour motif économique, en joignant des fiches de poste, que la recherche de reclassement dans le groupe s'était avérée vaine (p. 5), sans avoir recherché si la société Coeurdor rapportait la preuve qu'en interne, aucun reclassement n'était possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Alors 4°) qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée par Mme J... T..., qui sollicitait de la société Coeurdor la production d'une copie du registre d'entrée et sortie du personnel de chaque société du groupe auquel elle appartenait, des courriers de recherches de reclassement adressés à l'ensemble des sociétés du groupe et de leurs réponses, si l'employeur rapportait la preuve de l'absence de postes disponibles au sein du groupe auquel la société Coeurdor appartenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Alors 5°) que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation et a l'obligation d'indiquer les éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en affirmant qu'« il est établi que la recherche de reclassement dans le groupe s'est avérée vaine » (p. 5), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 6°) que le juge doit, en tout état de cause, rechercher, au-delà des termes de la lettre de licenciement et à la demande du salarié, la véritable cause de la rupture du contrat de travail ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée par Mme J... T... (conclusions d'appel p. 19 à 22), qui soutenait que la véritable cause de la rupture était d'ordre personnel, comme l'avaient retenu les premiers juges (jugement p. 4, avant-dernier et dernier §), si tel n'était pas la véritable cause de la rupture, de sorte que licenciement était nécessairement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail.