LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1233-3 et L. 2331-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme T... a été engagée à compter du 1er septembre 2007 en qualité de fleuriste vendeuse par la société Quelques fleurs du Berry ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 13 mars 2014 et a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que, pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt relève que celle-ci, pour démontrer que la société appartient à un groupe, a produit les fiches d'entreprises établissant seulement que la société employeur et les deux autres sociétés litigieuses, constituées sous forme de SARL unipersonnelle, avaient le même gérant, sans qu'il puisse être établi un autre lien entre elles, ce qui est insuffisant à rapporter la preuve d'activités et d'une organisation permettant la permutation de tout ou partie du personnel, de sorte qu'il ne peut être retenu l'existence d'un groupe de sociétés pour apprécier tant l'existence de difficultés économiques au niveau du secteur d'activité que le sérieux des recherches de reclassement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le périmètre du groupe à prendre en considération pour apprécier la cause économique d'un licenciement est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge le licenciement de Mme T... justifié et la déboute de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 24 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société Quelques fleurs du Berry aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Quelques fleurs du Berry à payer à la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en son audience publique du onze septembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour Mme T...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement économique de Mme T... justifié et de l'AVOIR déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le licenciement, pour apprécier la cause économique, ainsi que les possibilités de reclassement, il convient de se placer au moment de la notification du licenciement ; que Mme T... entend soutenir que la société intimée appartient à un groupe, ce que cette dernière conteste ; que, pour le démontrer, l'appelante produit uniquement les fiches des entreprises G... espaces verts et services entretiens, sociétés à responsabilité limitée unipersonnelle, dont il s'infère que leur gérant est également celui de la société Quelques fleurs du Berry sans qu'il puisse être établi d'autre lien entre lesdites entités juridiquement distinctes (pièces 21 à 23) ; que ce seul élément est totalement insuffisant pour rapporter la preuve d'activités et d'une organisation permettant la permutation de tout ou partie du personnel au sein desdites sociétés, laquelle n'est d'ailleurs même pas soutenue par l'appelante, de sorte qu'il ne peut être retenu l'existence d'un groupe de sociétés pour apprécier tant l'existence de difficultés économiques au niveau du secteur d'activité que le sérieux des recherches de reclassement ; que par ailleurs, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de la cause économique du licenciement et l'incidence matérielle de cette cause sur l'emploi du salarié ; qu'en l'espèce, elle précise que "les comptes de l'exercice clos au 31 octobre 2013 enregistrent une baisse d'activité, le résultat d'exploitation est négatif ainsi que le résultat net comptable, la situation financière est particulièrement précaire, la trésorerie est complètement obérée, le découvert bancaire est important. La restructuration de l'entreprise s'impose, d'autant qu'aucune amélioration ne se fait ressentir. Cette restructuration est nécessaire pour retrouver la compétitivité et pérenniser l'entreprise. Ainsi, votre poste se trouve supprimé" ; que force est de constater que le bilan clos au 31 octobre 2013 fait ressortir une perte d'exploitation (-16 030,50 euros) qui se creuse par rapport à l'exercice bénéficiaire précédent, avec, au surplus, un résultat d'exploitation qui devient négatif en 2013 (-1 038,67 euros) et le sera davantage en 2014 pour atteindre -50 180,69 euros ; qu'il peut être aussi observé un accroissement important de l'endettement de la société, puisqu'il s'élève à 33 336,24 euros en 2013 contre 3 822,40 euros en 2012 alors que la trésorerie est très obérée (pièces 4 et 35) ; que de plus et contrairement à ce que soutient l'appelante, il ressort également des relevés bancaires produits que le compte courant de la SARL Quelques fleurs du Berry présentait, au 31 mars 2014, un solde débiteur de 55 793,67 euros, nécessitant un renflouement financier par un associé, dès lors mois suivant (pièces 33 et 34) ; que dans ces conditions, l'appelante ne saurait valablement remettre en cause l'existence des difficultés économiques énoncées dans la lettre de licenciement et rapportées par les documents comptables produits, obligeant donc l'entreprise à réduire ses charges dont sa masse salariale, ce qui est corroboré par le bilan comptable démontrant l'économie significative faite sur ce poste (- 53 638,91 euros), outre les charges sociales afférentes (- 19 596,32 euros) ; qu'enfin Mme T... soutient que son poste n'a pas été supprimé en voulant pour preuve, selon elle, les recrutements précisés sur le registre du personnel (pièce 28) ; que toutefois, il résulte de l'examen de ce document que si postérieurement à son licenciement, l'entreprise a effectué des recrutements, dans le cadre de contrats à durée déterminée d'un ou deux mois sur la période d'avril à juillet 2014, ceux-ci ont concerné des ouvriers horticoles, alors que l'appelante exerçait des fonctions de vendeuse fleuriste ; que de même Mme T... échoue à démontrer que l'engagement de M. U... G..., d'abord en qualité de directeur (janvier 2013), et après d'ouvrier horticole, puis celui de la fille de ce dernier, B... G... (mars 2013), sous cette même qualification, avaient pour finalité l'exercice de ses fonctions de vendeuse, étant observé que ces embauches sont bien antérieures à son licenciement (janvier et mars 2013) ; que dès lors, il est établi par l'ensemble de ces éléments la réalité des difficultés économiques rencontrées par la société, ainsi que leur incidence sur le poste de l'appelante qui a été réellement supprimé ; qu'enfin Mme T... soutient qu'aucune recherche sérieuse de reclassement n'a été faite par son employeur dans l'entreprise et dans le groupe auquel elle appartient ; que compte tenu des précédents développements ayant conduit à considérer que la société intimée n'appartenait pas à un groupe au sens de l'article L. 1233-4 du code du travail, il convient de considérer que l'obligation de reclassement avait pour seul périmètre la société Quelques fleurs du Berry et, plus particulièrement, les postes disponibles, à la date du licenciement, relevant de la même catégorie que celle de Mme T... et compatible avec ses compétences ; que s'il est exact que ladite société a procédé comme précédemment rappelé, dans la suite immédiate de son licenciement, à des recrutements temporaires de salariés (notamment d'avril à juillet 2014), il est tout aussi vrai que les postes pourvus concernaient des emplois d'ouvriers horticoles pour lesquels Mme T... ne disposait pas des aptitudes professionnelles ; qu'en effet, quand bien même elle indique justement que son contrat de travail prévoyait qu'elle pouvait être amenée, en cas de surcroît d'activité, à travailler dans les serres, elle n'en demeurait pas moins, sauf preuve contraire qu'elle échoue à rapporter, qualifiée dans le seul domaine de la vente et non dans celui de l'exécution de travaux horticoles ; qu'au surplus, il n'est pas contesté qu'en dehors desdits emplois, la société intimée ne disposait d'aucun poste disponible en interne et qu'elle a étendu sa recherche de reclassement en externe (pièces 19 à 25) ; que compte tenu de ces éléments, il convient de considérer que la société intimée a rempli l'obligation de reclassement mise à sa charge, la décision déférée sera confirmée sur ce chef et en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts en découlant (arrêt p. 3 § 3 à p. 4 § 10) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur le licenciement économique, la société Quelques fleurs du Berry fait état du bilan clos le 31 octobre 2013 pour justifier des difficultés économiques ; qu'elle expose en outre que depuis cette date la situation de l'entreprise ne s'est pas inversée comme le démontre le bilan clos au 31 octobre 2014 ; que la société justifie en outre avoir tenté de reclasser la salariée y compris en interrogeant les sociétés G... services entretiens et espaces verts mais aucun poste n'était disponible ; qu'enfin il est fait état des critères de licenciement qui ont conduit au choix de Mme T... ; que le licenciement est donc justifié ;
ALORS QUE la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail ; qu'en énonçant, pour écarter les sociétés G... espaces verts et G... services entretien dirigées par le gérant de la société Quelques fleurs du Berry, du cadre d'appréciation du motif économique du licenciement de Mme T..., que cet élément était totalement insuffisant pour rapporter la preuve d'activités et d'une organisation permettant la permutation de tout ou partie du personnel au sein desdites sociétés, de sorte qu'il ne pouvait être retenu l'existence d'un groupe de sociétés pour apprécier tant l'existence de difficultés économiques au niveau du secteur d'activité que le sérieux des recherches de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-5 du code du travail alors en vigueur.