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10/07/2019 | FRANCE | N°17-21405

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2019, 17-21405


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mai 2017), que M. Y... a été engagé le 9 mai 2005 en qualité de cadre technique par la société Application énergie électrique, aux droits de laquelle est venue la société A2E-Sadel et que son contrat de travail a été rompu le 2 juin 2014 dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, à la suite de son acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle ;

Attendu que la société A2E-Sadel fait grief à l'arrêt de j

uger qu'elle a méconnu les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail et de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mai 2017), que M. Y... a été engagé le 9 mai 2005 en qualité de cadre technique par la société Application énergie électrique, aux droits de laquelle est venue la société A2E-Sadel et que son contrat de travail a été rompu le 2 juin 2014 dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, à la suite de son acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle ;

Attendu que la société A2E-Sadel fait grief à l'arrêt de juger qu'elle a méconnu les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail et de la condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'inobservation des critères d'ordre des licenciements, alors, selon le moyen, que si le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles à celle de l'employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ; qu'à cet égard ne procède ni d'une erreur manifeste, ni d'un détournement de pouvoir, le licenciement d'un salarié dont les qualités professionnelles sont moindres que celles d'un autre salarié au regard de la polyvalence des fonctions exercées, critère suffisamment pertinent pour définir, avec les autres critères retenus par la loi, l'ordre des licenciements ; qu'en ayant jugé du contraire la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le nom du troisième salarié appartenant à la même catégorie professionnelle, qui était mentionné dans le tableau de répartition des tâches, n'apparaissait plus dans le tableau d'évaluation des critères d'ordre de licenciement, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que l'employeur n'avait appliqué ces critères qu'à deux salariés sur les trois appartenant à la même catégorie professionnelle et qui a retenu que l'application des autres critères ayant conduit à attribuer aux deux salariés un total de points presque identique, le critère des qualités professionnelles devenait discriminant, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société A2E-Sadel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société A2E-Sadel à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société A2E-Sadel

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société A2E-SADEL a méconnu les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail et l'avoir condamnée, en conséquence, à payer à M. D... Y... la somme de 65 000 euros au titre des dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique avec intérêts au taux légal.

AUX MOTIFS QUE "selon l'article L. 1233-5 du code du travail, alors applicable, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; que ces critères prennent notamment en compte les charges de famille, l'ancienneté de service, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficiles (personnes handicapées, salariés âgés, etc), les qualités professionnelles appréciées par catégorie ; que l'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus ; que l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique prévues à l'article L. 1233-5 du code du travail n'est pas soumise aux sanctions énoncées à l'article L. 1235-3 du code du travail ; qu'elle constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, lequel doit être intégralement réparé, selon son étendue, par les juges du fond ; Que dans ses écritures (pages 20 à 23), D... Y... fait observer que la S.A.S. A2E-SADEL employait trois chargés d'affaires (I... G..., E... V... et lui-même), et non deux ; qu'il soutient que parmi ceux-ci, il était à la fois le plus âgé, le plus expérimenté et le plus performant ; que la S.A.S. A2E-SADEL expédie les critères d'ordre de licenciement en quelques lignes (page 11) ; qu'elle dit avoir constaté que l'ancienneté, les charges de famille et la polyvalence professionnelle de I... G... étaient supérieures à celles de D... Y... ; que l'employeur présente un tableau de répartition des tâches des chargés d'affaires (pièce 9-3) qui fait apparaître que, contrairement à I... G... et E... V..., D... Y... n'assumait aucune fonction à dominante technique ou à dominante management et assumait un moins grand nombre de tâches à dominante commerciale ou à dominante chantier ; que ce tableau n'est étayé par aucune pièce permettant de connaître le poste de travail de chacun et les tâches qu'il recouvrait ; que E... V... disparaît du tableau d'évaluation des critères d'ordre de licenciement (pièce 9), ce qui accroît encore l'incertitude; que la pièce 9 démontre que les qualités professionnelles ont été appréciées exclusivement au regard de l'adaptabilité du salarié ; que 10 points ont été attribués à celui qui pouvait occuper plusieurs postes (I... G...) et 0 point à celui qui ne pouvait en occuper qu'un seul (D... Y...) ; qu'il résulte, certes, de la lecture des registres du personnel que I... G..., devenu in fine directeur général, avait été engagé par la société nouvelle Sadel en qualité de technicien de bureau d'études sous contrat de qualification le 27 janvier 2003 puis par la S.A.S. A2E-SADEL en qualité de dessinateur détaillant le 26 janvier 2004 , que la S.A.S. A2E-SADEL n'établit pas que la polyvalence ici prise en considération pour comparer les qualités professionnelles des salariés en concours correspondait à l'état des travaux effectivement réalisés par I... G... en mai 2014, et non à une simple virtualité ; que la polyvalence mise en avant en faveur de ce dernier ne pouvait dispenser l'employeur d'apprécier les qualités professionnelles des deux chargés d'affaires dans l'exercice des missions correspondant à ce poste de travail ; que la comparaison des chiffre d'affaires de production aurait pu être un élément, non seulement éclairant, mais essentiel dans un contexte de difficultés économiques ; que l'application des autres critères ayant conduit à attribuer aux deux salariés un total de points presque identique, le critère des qualités professionnelles devenait discriminant ; qu'en substituant à une appréciation objective de celles-ci un indicateur insuffisamment pertinent, auquel il a conféré un caractère exclusif, la S.A.S. A2E-ADEL a méconnu les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail ; Qu'admis par notification du 8 août 2014 au bénéfice de l'allocation de sécurisation professionnelles, D... Y... était toujours inscrit à Pôle Emploi en juin 2015 ; que le salarié, qui subit le handicap de son âge, justifie de nombreuses et vaines recherches d'emploi en 2015 ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 65 000 euros le montant des dommages-intérêts dus à D... Y... en réparation du préjudice consécutif à l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique" (arrêt p. 8).

ALORS QUE, si le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles à celle de l'employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ; qu'à cet égard ne procède ni d'une erreur manifeste, ni d'un détournement de pouvoir, le licenciement d'un salarié dont les qualités professionnelles sont moindres que celles d'un autre salarié au regard de la polyvalence des fonctions exercées, critère suffisamment pertinent pour définir, avec les autres critères retenus par la loi, l'ordre des licenciements ; qu'en ayant jugé du contraire la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-21405
Date de la décision : 10/07/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 12 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2019, pourvoi n°17-21405


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21405
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