CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 juin 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10402 F
Pourvoi n° N 18-20.714
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. I... N..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 26 avril 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme T... D..., veuve N..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. S... N..., domicilié [...],
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 mai 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. I... N..., de Me Rémy-Corlay, avocat de Mme D... ;
Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. I... N... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme D... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Auroy, conseiller doyen ayant assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. I... N....
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a, confirmant le jugement, débouté Monsieur I... N... de sa demande tendant au rapport à la succession des primes versées par Monsieur K... N... sur ses différents contrats d'assurance-vie ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. I... N..., rappelant que la réserve héréditaire est une disposition d'ordre public et que le dispositif de l'assurance-vie ne peut donc y déroger, fait plaider qu'il y aurait une disproportion entre les éléments d'actif révélés par la déclaration à l'administration fiscale, laquelle précise que l'actif net de la succession est de 40.700,20 euros, comparé au montant total des contrats d'assurance vie de 131.087 euros, dont 85.963,75 euros correspondent à des primes versées après les 70 ans du souscripteur ; que l'absence de patrimoine démontrerait que le versement des primes après 70 ans n'aurait eu pour finalité que d'organiser, à son détriment, une opération d'exhérédation ; que Mme T... N... soutient que l'appelant ne justifie d'aucune circonstance qui révélerait la volonté du défunt de se dépouiller de manière irrévocable lorsqu'il l'a désignée en qualité de bénéficiaire des deux contrats précités et n'établit pas non plus, qu'au moment du versement des primes, leur montant était manifestement excessif, ne donnant aucune indication sur le montant des revenus ou le patrimoine de K... N... à cette date ; qu'il résulte de l'article L132-13 du code des assurances que "le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant' ; que le caractère d'ordre public de la réserve héréditaire qui résulte de l'article 912 du code civil ne fait pas échec à cette dispense de rapport expressément prévue par la loi, s'agissant précisément d'une exception légale à la règle générale ; que ce moyen sera rejeté ; que le même article du code des assurances prévoit cependant que "ces règles (du rapport et de la réduction) ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primés, à moins que celles-et n'aient été manifestement exagérées" ; que le caractère manifestement exagéré des primes, par rapport aux facultés du souscripteur, s'apprécie au moment du versement au regard de sa situation patrimoniale et de l'utilité, pour lui, de la souscription ; que la charge de la preuve du caractère manifestement exagéré des primes pèse sur l'héritier qui demande le rapport ; que l'appelant ne se prévaut que de la déclaration de succession qui fait état d'un actif de 40.700 euros et ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe, ne donnant aucun élément d'information sur le patrimoine du défunt au moment de la souscription du ou des contrats d'assurance-vie e du versement des primes, susceptible d'établir qu'a la date de ces opérations, les sommes en jeu présentaient un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés- de K... N..., et alors que le contrat présentait pour lui une réelle utilité, tant de placement, que de réserve en cas de difficultés, avec la possibilité de rachats partiels ; en conséquence que les primes versées par le défunt sur le ou les contrats précités ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession., ni "à celles de la réduction » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « Aux termes de l'article 913 du code civil, les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s'il ne laisse à son décès qu'un enfant ; le tiers, s'il laisse deux enfants ; le quart, s'il en laisse trois ou un plus grand nombre ; qu'aux termes de l'article 920 du code civil, les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d'un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l'ouverture de la succession ; qu'aux termes de l'article L.132-13 du code des assurances, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; qu'en l'espèce, il résulte du projet de déclaration de succession à l'administration fiscale que K... N... a souscrit un contrat d'assurance vie auprès de CNP ASSURANCES et un autre auprès du CREDIT AGRICOLE, Madame T... N... ayant été désignée bénéficiaire de ces deux contrats ; que le montant total de ces deux contrats n'est pas précisé mais il apparaît que le montant des primes versées après le 70ème anniversaire de K... N..., soit à compter de 1996, s'élève à la somme totale de 85 963,75 euros, ceci alors que l'actif net de la succession s'élève à la somme ; que toutefois, pour obtenir la prise en compte d'un ou des deux contrats d'assurance-vie dans la masse de calcul des droits successoraux, Monsieur I... N... doit démontrer : - soit, l'absence d'aléa du contrat, excluant ainsi la qualification de contrat d'assurance-vie et permettant une requalification en donation, - soit le caractère manifestement excessif des primes, étant précisé que ce caractère doit s'apprécier au moment du versement de ces primes au regard de l'âge et de la situation patrimoniale et familiale du souscripteur ; qu'or, Monsieur I... N... ne justifie, ni même n' allègue, aucune circonstance qui révélerait la volonté de K... N... de se dépouiller de manière irrévocable lorsqu'il a désigné Madame T... N... en qualité de bénéficiaire des deux contrats précités ; que Monsieur I... N... ne justifie pas non plus, ni même n'allègue, que, au moment du versement des primes, leur montant était manifestement excessif. Notamment, Monsieur I... N... ne donne aucune indication quant aux dates de versement ou quant au montant des revenus et du patrimoine de K... N... à ces dates ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de dire qu'il devra être tenu compte, pour le calcul des quotités disponibles, des contrats d'assurance vie. » ;
ALORS QUE, premièrement, le juge ne peut méconnaître les termes du litige, tel qu'ils sont fixés par les conclusions par les parties ; qu'à ce titre, il ne saurait examiner le bien-fondé d'une demande formulée par une partie sur un certain fondement, à la lumière d'un autre fondement ; qu'aux termes de ses conclusions d'appel (p. 3), Monsieur I... N... sollicitait le rapport à la succession des primes d'assurances-vie sur le fondement des dispositions du code civile relatives aux donations déguisées ; qu'en examinant pourtant le bien-fondé de la demande de rapport à l'aune des dispositions de l'article L. 132-13 du code des assurances, la cour d'appel, qui a modifié le fondement du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, faute d'avoir énoncé, pour s'être placée exclusivement sur le terrain du code des assurances, le moindre motif susceptible de justifier du rejet des demandes de Monsieur I... N... au regard des dispositions du code civil relatives aux donations déguisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, troisièmement, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans provoquer les explications des parties, que « le contrat présentait pour [Monsieur K... N...] une réelle utilité, tant de placement, que de réserve en cas de difficultés, avec la possibilité de rachats partiels », la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, quatrièmement, à partir du moment où en cause d'appel, Monsieur I... N... entendait justifier du bien-fondé de ses prétentions au regard de la disproportion manifeste existant entre d'une part, l'actif net de la succession et d'autre part, le montant des assurances-vie, laquelle révélait l'intention du défunt « d'organiser (
) une véritable opération d'exhérédation », il était exclu que la cour d'appel retienne, par motif adopté, que Monsieur I... N... « ne justifie, ni même n'allègue, aucune circonstance qui révélerait la volonté de K... N... de se dépouiller de manière irrévocable » (jugement, p. 4, § 3) ; qu'à cet égard, l'arrêt a été rendu en violation de l'article 4 du code de procédure civile.