CIV.3
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 juin 2019
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10222 F
Pourvoi n° Q 18-20.279
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. J... R...,
2°/ Mme F... G..., épouse R...,
domiciliés tous deux [...],
contre l'arrêt rendu le 3 mai 2018 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige les opposant à M. U... K..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 mai 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. et Mme R..., de Me Le Prado, avocat de M. K... ;
Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme R... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme R... ; les condamne à payer à Mme K... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. et Mme R....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR jugé que la limite séparative des deux fonds R... et K... était matérialisée par des opérations de bornage suivies de l'implantation de bornes OGE et d'un descriptif de bornage du 26 septembre 2005 annexé à l'acte de vente V.../R..., telle qu'elle figure sur le plan annexé au rapport d'expertise judiciaire de M. T... et condamné M. et Mme R... à supprimer tout appui des constructions, enrochements et autre ouvrage sur le mur K... et à rétablir lesdits ouvrages, sauf à les détruire purement et simplement, en deçà de la limite séparative de leur propriété telle que ci-dessus rappelée, dans un délai de 9 mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
AUX MOTIFS QU'il résulte très clairement du rapport de l'expert T..., qui avait été antérieurement sollicité en sa qualité de géomètre-expert par les auteurs des deux parties pour procéder aux opérations d'arpentage à l'occasion de la division d'une entité foncière alors unique, puis par M. K... pour dresser un bornage contradictoire en octobre 2003, dont Mme V..., auteur des époux R... a ensuite demandé confirmation en 2005, le descriptif de bornage du 26 septembre 2005 ayant été annexé à l'acte de vente V.../R... puis enfin par ces derniers le 26 septembre 2006 à l'effet de confirmer la position des limites périphériques : que la limite séparative avait alors été établie au contradictoire des parties ou de leurs auteurs par un géomètre-expert qui a implanté les bornes selon un descriptif de bornage annexé aux actes des deux parties, lequel est reproduit sur le plan annexé au rapport de l'expert judiciaire, que le mur édifié par M. K... est décalé de cette limite séparative sur son propre fonds de quelques centimètres au sud et de plusieurs décimètres au nord, où la limite se trouve marquée par une borne, que ni ce mur ni les fondations de ce mur n'empiètent sur la propriété R..., contrairement à ce qu'avait déduit ou suggéré l'expert S... ; que le bornage ainsi réalisé, concrétisé par l'implantation de bornes, et qui est expressément référencé par le titre de propriété des époux R... du 11 juillet 2016 auquel il est annexé, a autorité de la chose jugée sur la limite séparative ; qu'en cet état, la demande des époux R... tendant à voir dire et juger, contre un bornage antérieur qui leur est opposable, que la limite séparative est le parement extérieur du mur K... est irrecevable et en tout état de cause mal fondée ; que le mur K... étant privatif, les époux R... ne pouvaient édifier deux ouvrages en appui sur ce mur, peu important qu'il ne s'agisse que de « simples appuis sans ancrage ni fixation dans le mur » comme l'a noté l'expert S... ; que ce mur étant en retrait de la limite séparative établie par bornage, l'appui des deux ouvrages sur ce mur consacre en outre un empiétement de ces derniers sur la propriété K... ; que le jugement déféré ne peut par conséquent qu'être infirmé et il sera fait droit à la demande de démolition présentée par M. K... dans les termes du dispositif ;
1°/ ALORS QUE les juges doivent s'abstenir de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, les époux R... demandaient dans leurs conclusions de « dire et juger qu'en regard des circonstances de fait la limite entre les propriétés K... et R... sera le parement extérieur du mur de clôture/ soutènement construit par M. U... K... » (ccl. p. 21 in fine) ; que la cour d'appel a cependant retenu que « la demande des époux R... tendant à voir dire et juger, contre un bornage antérieur qui leur est opposable, que la limite séparative est le parement extérieur du mur K... est irrecevable et en tout état de cause mal-fondée » (arrêt, p. 5 § 10) ; que les époux R... avaient expressément formé une demande en revendication de propriété et non une demande visant à voir fixer la ligne séparative des deux fonds comme en matière de bornage, qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des époux R... et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'un bornage amiable n'a pas autorité de la chose jugée sur la propriété ; qu'en l'espèce, pour débouter les époux R... de leur demande de voir fixer la limite de leur propriété au parement extérieur du mur de M. K..., la cour d'appel a énoncé que le bornage amiable réalisé en octobre 2003 entre M. K... et Mme V... et confirmé en 2005 avait autorité de chose jugée sur la ligne séparative, de sorte que la demande des époux R... était « irrecevable et en tout état de cause mal fondée » (arrêt, p. 5 § 10) ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'un bornage amiable, qui n'a que pour objet de fixer la ligne séparative de deux fonds, ne pouvait avoir aucune autorité de chose jugée sur la propriété et sur la demande de revendication de propriété, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil devenu l'article 1355 du même code ;
3°) Alors que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'un bornage amiable n'a pas autorité de la chose jugée sur la propriété ; qu'en l'espèce, pour juger que les époux R... devaient détruire les ouvrages en appui sur le mur de M. K..., la cour d'appel a énoncé que le bornage amiable réalisé en octobre 2003 entre M. K... et Mme V... avait autorité de chose jugée sur la ligne séparative et que ce mur étant en retrait de la ligne séparative établie par bornage, l'appui des deux ouvrages consacrait un empiétement sur la propriété de M. K... (arrêt, p. 5 § 10 et p. 5 § 1) ; qu'en statuant ainsi tandis qu'un bornage amiable, qui n'a que pour objet de fixer la ligne séparative de deux fonds, ne pouvait avoir aucune autorité de chose jugée sur la propriété et sur la demande de revendication de propriété, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil devenu l'article 1355 du même code ;
4°) ALORS QUE, en toute hypothèse, les modes de preuve de la propriété immobilière sont libres ; qu'en l'espèce, pour établir la preuve de leur propriété jusqu'au parement extérieur du mur de M. K..., les époux R... avaient produit un acte sous seing privé du 27 février 2008, soit postérieur au bornage amiable, par lequel ils avaient conclu avec M. K... un accord les autorisant à accoler, contre rémunération, leurs murs de clôture au mur de M. K... et à crépir le mur de M. K... ; que l'expert T... avait relevé dans son rapport que cet accord signifiait une rétrocession de l'espace entre la ligne de bornage et le mur de M. K... ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé (ccl. p. 11 in fine et p. 12) si cet accord conclu en 2008 entre les parties démontrait que les époux R... avaient acquis, moyennant 1.000 euros, l'espace de quelques centimètres carrés entre la ligne séparative du bornage et le parement extérieur du mur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 544 et 1134 du code civil ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
5°) ALORS QUE, en toute hypothèse, le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, les époux R... pour établir la preuve de leur propriété jusqu'au parement extérieur du mur de M. K... avaient fait valoir que par un acte sous seing privé du 27 février 2008, soit postérieur au bornage amiable, ils avaient conclu avec M. K... un accord les autorisant à accoler, contre rémunération, leurs murs de clôture sur le mur de M. K... et à crépir le mur de M. K..., de sorte qu'ils étaient propriétaires du terrain jusqu'au parement extérieur du mur (ccl. p. 11 et 12) ; que la cour d'appel, en se bornant à énoncer que le bornage réalisé en 2003 avait autorité de la chose jugée, sans répondre aux conclusions des époux R... qui faisaient état d'un accord postérieur, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté les époux R... de leur demande tendant à la suppression de toute végétation implantée par M. K... en limite de propriété, la violation de l'article 671 du code civil n'étant pas caractérisée ;
AUX MOTIFS QUE les époux R... invoquent le trouble anormal de voisinage au soutien de leurs prétentions en faisant valoir pour l'essentiel qu'en ayant surélevé son terrain et dirigé les ruissellements vers leurs fonds, M. K... a aggravé la servitude d'écoulement des eaux supportée par eux et créé une vue droite sur leurs pièces à vivre qui n'est pour l'heure empêchée que par la présence d'arbustes en limite de propriété dont ils demandent par ailleurs la suppression au visa de l'article 671 du code civil ; que le juge d'instance a compétence exclusive, par application respective des articles R 221-16 du code de l'organisation judiciaire et 641 du code civil, sur les actions relatives à la distance prescrite par la loi pour les plantations, d'une part, et d'autre part, sur les contestations auxquelles peuvent donner lieu l'établissement et l'exercice des servitudes d'écoulement des eaux pluviales et les indemnités dues le cas échéant aux propriétaires des fonds inférieurs, sans qu'un moyen pris du trouble anormal de voisinage exclusivement caractérisé par des manquements allégués à ces seuls deux titres puisse faire échec à la compétence exclusive du tribunal d'instance ; que la présente cour étant cependant juridiction d'appel du tribunal d'instance et du tribunal de grande instance, et se trouvant saisie du tout par l'effet dévolutif de l'appel par application de l'article 562 du code de procédure civile, il lui appartient de statuer, s'agissant des plantations en limite de propriété, il résulte du rapport de l'expert S... qu'elles ne dépassent pas deux mètres (p. 5 de son rapport), de sorte que, faute d'autre élément ou usage local invoqué, la distance minimale avec le fonds voisin est de 50 centimètres ; que les époux R... qui ont la charge de la preuve n'établissent pas que cette distance au regard de la limite séparative telle que résultant du plan de bornage T... du 26 septembre 2005 serait méconnue ; que le rapport S... est à cet égard inexploitable évoquant un retrait de « la limite séparative théorique » (sic) de 10 à 20 centimètres sans aucune précision sur ce que serait cette « limite théorique », laquelle ne peut pas, à la date de ses opérations, être la limite séparative résultant des opérations de bornage T... qui ne seront produites que postérieurement au dépôt de son rapport ; qu'il sera rappelé en outre que M. S... soutenait par ailleurs que le mur K... empiétait sur le fond R..., ce qui sera ultérieurement démenti, de sorte que la seule évocation d'une distance de 10 à 20 centimètres sans référence à la limite bornée est inopérante ; que le cliché 12 en pièce 4a des époux R... n'est pas probant, la distance des plantations qui s'établit à 9 ou 10 centimètres en deçà du mur K... n'étant pas pertinente, dès lors que l'on sait que ce mur est en retrait de la limite séparative sur la propriété K... de plusieurs centimètres ou "de plusieurs décimètres au nord" (p. 10 du rapport T...), de sorte que la distance des plantations de la limite séparative s'en trouve d'autant augmentée ; que faute de rapporter après 8 ans de procès et trois mesures d'expertise (une amiable, deux judiciaires) la preuve qui leur incombe, les époux R... seront déboutés de leur demande de ce chef ;
ALORS QU'il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations ; que la distance existant entre les arbres et la ligne séparative des héritages doit être déterminée depuis cette ligne jusqu'à l'axe médian des troncs des arbres ; que la ligne séparative des héritages n'est pas la ligne établie par bornage ; qu'en l'espèce, pour juger que les époux R... n'établissaient pas un non-respect de la distance minimale de 50 centimètres, la cour d'appel a relevé la distance entre les plantes et la ligne séparative résultant du plan de bornage (arrêt, p. 7 § 1) ; qu'en statuant ainsi, tandis que le calcul de la distance devait être effectué entre les arbres et la ligne séparative des héritages, c'est-à-dire la ligne séparative des propriétés, la cour d'appel a violé l'article 671 du code civil.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté les époux R... de leur demande tendant à la suppression de toute végétation implantée par M. K... en limite de propriété, la violation de l'article 671 du code civil n'étant pas caractérisée ;
AUX MOTIFS QUE les époux R... invoquent le trouble anormal de voisinage au soutien de leurs prétentions en faisant valoir pour l'essentiel qu'en ayant surélevé son terrain et dirigé les ruissellements vers leurs fonds, M. K... a aggravé la servitude d'écoulement des eaux supportée par eux et créé une vue droite sur leurs pièces à vivre qui n'est pour l'heure empêchée que par la présence d'arbustes en limite de propriété dont ils demandent par ailleurs la suppression au visa de l'article 671 du code civil ; que la vue droite n'a jamais été invoquée depuis le début du litige, il y a huit ans, ne l'a pas été davantage durant les opérations d'expertise, pourtant au nombre de deux, et ne résulte d'évidence d'aucune des pièces produites, M. K... faisant justement valoir de surcroît que son terrain est naturellement plus haut que le terrain R... (62.98 et 60.78), que les époux R... ont construit après lui et que le mur de soutènement et la haie végétale protègent l'intimé de ces derniers ; que ce moyen sera par conséquent rejeté, comme le moyen pris d'un trouble anormal de voisinage lié à l'encaissement de la propriété R... ensuite de la surélévation du terrain K..., que les pièces au débat et notamment les photographies ne caractérisent pas à suffisance pour lui conférer le caractère d'anormalité invoqué, s'agissant de deux parcelles en déclivité naturelle ;
ALORS QUE le juge doit se prononcer seulement sur ce qui lui est demandé ; qu'en l'espèce, les époux R... avaient fait valoir que le remblaiement du terrain par M. K... avait encaissé leur propriété et que celui-ci devait être condamné à rétablir le niveau d'origine de son fonds et à retirer la terre amassée contre le mur sous astreinte (ccl, p. 22) pour, d'une part, ralentir l'évacuation des eaux pluviales, d'autre part, supprimer la vue créer par ce remblaiement ; que pour juger que le moyen des époux R... « pris de la vue droite sur le fonds » était mal fondé, la cour d'appel a énoncé que la vue droite n'avait jamais été évoquée, les pièces versées aux débats ne caractérisant pas à suffisance l'encaissement de la propriété pour lui conférer le caractère d'anormalité invoqué ; qu'en statuant ainsi, tandis que les époux R... n'avaient pas demandé la suppression de la vue droite, mais la remise à niveau du terrain de M. K... au niveau d'origine, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.