La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2019 | FRANCE | N°18-12.771

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 20 juin 2019, 18-12.771


CIV. 2

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 juin 2019




Rejet non spécialement motivé


M. PRÉTOT, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10541 F

Pourvoi n° D 18-12.771







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formÃ

© par la société Esso raffinage, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , et ayant un établissement secondaire [...],

contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2017 par la Cour...

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 juin 2019

Rejet non spécialement motivé

M. PRÉTOT, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10541 F

Pourvoi n° D 18-12.771

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Esso raffinage, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , et ayant un établissement secondaire [...],

contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2017 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section accidents du travail A), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) Rouen-Elbeuf-Dieppe, dont le siège est [...] , 76039 Rouen cedex,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 mai 2019, où étaient présents : M. PRÉTOT, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Esso raffinage ;

Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, l'avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Esso raffinage aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Esso raffinage ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision.

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Esso raffinage.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré opposable à la société Esso raffinage la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe en date du 23 octobre 2004 reconnaissant à M. C... F... un taux d'incapacité permanente partielle de 100% à la date de la consolidation du 17 novembre 2003 suite à la maladie professionnelle (MP 30) du même jour ;

AUX MOTIFS QUE sur l'inopposabilité, considérant que la caisse a satisfait à ses obligations résultant de l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale en transmettant copie de la déclaration de maladie professionnelle en date du 17 novembre 2003 et du certificat médical initial en date du 17 novembre 2003 émanant du docteur P..., pneumologue, la caisse précisant qu'il ne lui a pas été adressé de certificat médical final et que la consolidation a été fixée par le praticien-conseil du [service] médical ; que par ailleurs, le rapport d'évaluation d'incapacité a été transmis par le praticien conseil du service médical conformément aux dispositions de l'article R. 143-32 du code de la sécurité sociale et a été communiqué au médecin conseil désigné par la société Esso raffinage ainsi qu'au médecin consultant désigné par la juridiction ; que les documents médicaux présentés au praticien-conseil par l'assuré demeurent la propriété de ce dernier et n'ont pas à être transmis par le praticien conseil ; qu'enfin une éventuelle insuffisance du rapport d'évaluation du praticien conseil n'entraîne pas l'inopposabilité de la décision de la caisse à l'employeur, ce dernier conservant la possibilité de contester le bien-fondé du taux d'incapacité permanente ; qu'il convient donc de rejeter la demande d'inopposabilité à l'employeur de la décision de la caisse fixant le taux d'incapacité permanente ; que sur le taux d'incapacité permanente, le certificat médical initial en date du 17 novembre 2003 mentionne à titre d'affection entrant dans le cadre du tableau n+30 des maladies professionnelles un carcinome épidermoïde mature T3N2 de l'éperon inter-lobaire gauche, ayant nécessité le 29 avril 2003 une pneumonectomie gauche, et l'examen du 10 juin 2003 ayant mis en évidence la présence de 11 corps asbestosiques par gramme de poumon sec ; que le docteur P..., pneumologue, a effectué le 17 novembre 2003 la déclaration de cette maladie professionnelle ; que par décision du 17 juin 2004 à effet au 17 novembre 2003 la caisse a pris en charge cette affection au titre de la législation sur les risques professionnels sous le numéro de maladie professionnelle n° 030BAC34 à titre de cancer broncho-pulmonaire primitif ; qu'il n'y a pas lieu dans le cadre du contentieux technique de remettre en cause le principe de cette prise en charge ; qu'en sa deuxième partie, article 6-6-1, le barème indicatif d'invalidité prévoit un taux d'incapacité permanente de 67 à 100% en cas de cancer broncho-pulmonaire primitif, en fonction du code TNM et des suites thérapeutiques ; qu'en l'espèce, le cancer est classifié mature T3N2 ; qu'il convient de rappeler que la classification TNM utilisée pour la stadification du cancer pulmonaire, prend en compte : - la taille et la localisation de la tumeur primitive (T, avec classement allant de Tx et T0 à T4), - le nombre et le site des ganglions lymphatiques régionaux contenant des cellules cancéreuses (N, avec classement allant de Nx à N0 à N3), - la propagation du cancer – ou métastases – vers une autre partie du corps ; (M) ; que la classe T3 correspond à une tumeur primitive : - de plus de 7 cm, - ou envahissant directement une des structures suivantes : la paroi thoracique (y compris dans le cas de la tumeur de Pancoast), le diaphragme, le nerf phrénique, la plèvre médiastinale, pleurale ou pariétale ou le péricadre, - ou située dans la bronche souche à moins de 2 cm de la carène sans l'envahir, ou associée à une atélectasie ou d'une pneumopathie obstructive du poumon entier (c'est-à-dire l'affaissement total du poumon) ; - ou avec présence d'un nodule tumoral distinct dans le même lobe ; que la classe N2 correspond à la présence de métastases dans les ganglions lymphatiques médiastinaux ipsilatéraux (du même côté) et/ou sous-carinaires ; que ce cancer, ainsi défini, a nécessité une pneumectomie gauche en avril 2003, et l'examen réalisé en juin 2003 a mis en évidence la présence de onze corps asbestosiques par gramme de poumon sec ; que ces éléments sont nécessaires et suffisants pour évaluer le taux d'incapacité permanente ; considérant qu'au regard de l'article 6-6 de la deuxième partie du barème les séquelles présentées par l'assuré à la date de consolidation du 17 novembre 2003 justifiaient un taux d'incapacité permanente partielle de 100 %, tel que retenu par la caisse primaire d'assurance maladie et tel qu'évalué par le Professeur I... ; qu'au regard de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

1. ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les écritures des parties, reprises oralement à l'audience ; qu'au cas présent, la société Esso raffinage ne soutenait pas que l'insuffisance du rapport d'évaluation du praticien-conseil devait entraîner l'inopposabilité de la décision de la caisse à l'employeur mais faisait valoir, dans le cadre de la contestation du bien-fondé du taux d'incapacité permanente attribué à M. F..., qu'il ressortait du rapport du docteur A..., médecin désigné par l'employeur, et du médecin consultant désigné par la CNITAAT, que le rapport communiqué par le service du contrôle médical était insuffisant et ne répondait pas aux exigences de l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale ; que la société Esso raffinage en déduisait que l'avis du médecin consultant désigné par la cour était dénué de force probante et qu'en l'état d'un rapport d'évaluation du praticien conseil insuffisant, il était impossible de débattre contradictoirement du bien-fondé du taux d'IPP attribué à M. F... par la caisse, de sorte que le taux d'IPP opposable à l'employeur devait être ramené à 0% (concl, p. 7 à 9) ; qu'en s'abstenant d'examiner le caractère suffisant du rapport d'évaluation du praticien-conseil afin d'apprécier la force probante de l'avis du médecin consultant, et par conséquent le bien-fondé du taux d'IPP attribué à M. F..., et en déclarant opposable à la société Esso raffinage la décision de la CPAM reconnaissant à M. F... un taux d'IPP de 100% au motif qu'une éventuelle insuffisance du rapport d'évaluation du praticien-conseil n'entraînait pas l'inopposabilité de la décision de la caisse à l'employeur, tandis que la société Esso raffinage ne sollicitait pas l'inopposabilité de la décision de la caisse, mais sollicitait que le taux d'IPP soit ramené à 0%, la CNITAAT a modifié l'objet du litige, violant l'article 4 du code de procédure civile ;

2. ALORS QU'il résulte des articles L. 143-10, R. 143-32 et R. 143-33 du code de la sécurité sociale que le service national du contrôle médical est tenu de transmettre au médecin consultant désigné par la juridiction technique et au médecin désigné par l'employeur l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente ; qu'aux termes de l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale, ce rapport comprend l'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir et les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé ; qu'il incombe à la CNITAAT de vérifier que le rapport communiqué comporte les éléments prévus par l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, la société Esso raffinage faisait valoir qu'il ressortait du rapport du docteur A..., médecin désigné par l'employeur, que le rapport communiqué par le service du contrôle médical ne répondait pas aux exigences de l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale ; que le rapport ne contenait aucune conclusion motivée ni aucune référence aux constatations et éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'était fondé pour justifier de l'octroi du taux d'IPP de 100%, le rapport ne faisant notamment aucunement référence à la primitivité du cancer ; que le rapport du médecin désigné par la CNITAAT démontrait également que les éléments de faits communiqués par le service médical étaient insuffisants pour permettre d'attribuer un taux d'IPP de 100% à M. F..., le médecin désigné par la cour ayant seulement déduit la conformité du taux d'IPP retenu de la seule constatation de l'existence d'une pathologie (concl, p. 7 à 9) ; que la société Esso raffinage en déduisait que l'avis du médecin désigné par la cour était dénué de force probante et qu'en l'état d'un rapport d'évaluation du praticien-conseil, insuffisant et ne répondant pas aux exigences du code de la sécurité sociale, il était impossible de débattre contradictoirement du taux d'IPP du salarié, de sorte que le taux devait être ramené à 0% (concl, p. 8 et 9) ; qu'en énonçant qu'une éventuelle insuffisance du rapport d'évaluation du praticien-conseil n'entraînait pas l'inopposabilité de la décision de la caisse à l'employeur, ce dernier conservant la possibilité de contester le bien-fondé du taux d'incapacité permanente (arrêt, p. 7 § 3), sans contrôler, de manière effective, comme il lui était demandé, le contenu du rapport communiqué par le praticien-conseil afin d'apprécier la force probante du rapport du médecin consultant et de déterminer le taux d'incapacité permanente de M. F..., la CNITAAT a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 143-10, L 434-2, R. 143-32 et R. 143-33 du code de la sécurité sociale ;

3. ALORS QU' en tout état de cause, il incombe à la CNITAAT, saisie d'une contestation relative à l'état d'incapacité permanente partielle et au taux de cette incapacité, de vérifier, dans le cadre d'un contrôle de pleine juridiction, si le taux d'incapacité attribué par la caisse est justifié et d'évaluer elle-même le taux d'incapacité conformément à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ; que selon ce texte, le taux de l'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ; qu'il appartient donc au juge de déterminer les séquelles imputables à la maladie professionnelle à la date de consolidation ainsi que de déterminer si, au regard de ces séquelles, le taux attribué par la caisse est médicalement justifié ; que le juge ne peut fonder sa décision sur des motifs hypothétiques ; qu'au cas présent, en l'absence dans le rapport du médecin-conseil, et donc du médecin consultant, de précisions médicales relatives au cancer de M. F... expliquant la classification N3T2 retenue, la CNITAAT a énoncé que « la classe T3 correspond à une tumeur primitive : - de plus de 7 cm – ou envahissant directement un des structures suivantes : la paroi thoracique (y compris dans le cas de la tumeur de Pancoast), le diaphragme, le nerf phrénique, la plèvre médiastinale, pleurale ou patiérale ou le péricade, - ou située dans la bronche souche à moins de 2 cm de la carène sans l'envahir, - ou associée à une atélectasie ou d'une pneumopathie obstructive du poumon entier (c'est-à-dire l'affaissement total du poumon), - ou avec présence d'un nodule tumoral distinct dans le même lobe », avant d'en déduire que ces éléments « étaient nécessaires et suffisants » pour évaluer le taux d'incapacité permanente du salarié (arrêt, p. 8) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs hypothétiques quant à l'état de santé de M. F..., la CNITAAT a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4. ALORS, ENFIN, QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des connaissances personnelles, faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en l'espèce, la question de la signification de la classification TNM utilisée pour la stadification du cancer pulmonaire, au regard du taux d'IPP attribué, n'était pas dans le débat, en l'absence de toute discussion en ce sens dans le rapport du médecin consultant le docteur I..., qui s'est borné à énoncer que « dans le respect des critères du guide barème, la CPAM a retenu justement un taux d'IPP de 100% » (cf. prod. et arrêt, p. 6 § 9) ; que la CNITAAT a cependant énoncé que « la classe T3 correspondant à une tumeur primitive de plus de 7 cm, ou envahissant directement une des structures suivantes : la paroi thoracique (y compris dans le cas de la tumeur de Pancoast), le diaphragme, le nerf phrénique, la plèvre médiastinale, pleurale ou pariétale ou le péricadre, ou située dans la bronche souche à moins de 2 cm de la carène sans l'envahir, ou associée à une atélectasie ou d'une pneumopathie obstructive du poumon entier (c'est-à-dire l'affaissement total du poumon), ou avec présence d'un nodule tumoral distinct dans le même lobe, que la classe N2 correspond à la présence de métastases dans les ganglions lymphatiques médiastinaux ipsilatéraux (du même côté) et/ou sous carinaires » (arrêt, p. 8), pour en déduire que ces éléments étaient « nécessaires et suffisants pour évaluer le taux d'incapacité permanente », tandis que ces faits, relatifs à la portée de la classification du cancer de M. F..., n'étaient pas dans le débat ; qu'en statuant ainsi, la CNITAAT a violé l'article 7 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 18-12.771
Date de la décision : 20/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Deuxième chambre civile, arrêt n°18-12.771 : Rejet

Décision attaquée : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT)


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 20 jui. 2019, pourvoi n°18-12.771, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12.771
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award