SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 juin 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10690 F
Pourvois n° C 18-15.990
à E 18-15.992
et G 18-15.995
à K 18-15.997 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Statuant sur les pourvois n° C 18-15.990, D 18-15.991, E 18-15.992, G 18-15.995, J 18-15.996, K 18-15.997 formés respectivement par :
1°/ M. Q... A..., domicilié [...] ,
2°/ Mme O... R..., domiciliée [...] ,
3°/ M. S... K..., domicilié [...] ,
4°/ M. P... D..., domicilié [...] ,
5°/ M. U... M..., domicilié [...] ,
6°/ Mme W... J..., domiciliée [...] ,
contre six arrêts rendus le 2 mars 2018 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans les litiges les opposant :
1°/ à M. E... C..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Tranchage Isoroy,
2°/ à l'association AGS Centre Ouest-CGEA Rouen, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 mai 2019, où étaient présents : Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, Mme Rémery, avocat général, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Didier et Pinet, avocat de MM. A..., D..., M... et K... et de Mmes R... et J... ;
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la connexité, joint les pourvois n° C 18-15.990 à E 18-15.992 et G 18-15.995 à K 18-15.997 ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre des décisions attaquées, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois ;
Condamne MM. A..., D..., M... et K... et Mmes R... et J... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen commun produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour MM. A..., D..., M... et K... et Mmes R... et J..., demandeurs aux pourvois n° C 18-15.990 à E 18-15.992 et G 18-15.995 à K 18-15.997
Il est fait grief aux arrêts confirmatifs attaqués d'AVOIR déclaré inopposable l'exception de nullité du protocole d'accord transactionnel signé le 28 octobre 2004, invoquée par les salariés, d'AVOIR déclaré ceux-ci irrecevables en leur action contre Maître C... ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS de Tranchage Isoroy, pour cause de prescription et, en conséquence, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à inviter les parties à conclure sur le fond et à en débattre et condamné le salarié aux dépens ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. A... fait valoir que la transaction signée le 28 octobre 2004 est nulle parce qu'elle est dépourvue de cause et d'objet, que cette cause et cet objet sont illicites et qu'elle a été obtenue par fraude ; - qu'une convention privée de cause ou d'objet est atteinte d'une nullité relative ; - qu'une convention a une cause illicite quand cette cause est contraire notamment à l'ordre public (article 1133 ancien du code civil) ou quand son but est contraire à l'ordre public (article 1162 actuel du code civil) ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en effet, la signature d'une transaction portant versement d'une indemnité qui était, selon M. A..., déjà acquise par la voie d'un engagement unilatéral de l'employeur priverait cette transaction de cause - voire d'effet - mais ne rendrait pas cette convention illicite ; que la transaction a été signée après le licenciement ; qu'en admettant qu'elle ait été « négociée et convenue » avant le licenciement et que cette circonstance rende cette transaction nulle, cette nullité serait une nullité relative puisqu'elle a pour but de protéger les intérêts du salarié ; que M. A... invoque une « fraude » ; qu'il reproche à l'employeur d'avoir sciemment soumis à la signature des salariés une transaction nulle, d'y avoir inséré une clause pénale exorbitante pour, selon M. A..., faire échapper à toute critique, un licenciement qu'il savait infondé ; que ce comportement, à le supposer avéré, pourrait, le cas échéant, être qualifié de dolosif ; que ces moyens (absence de cause, d'objet, transaction décidée avant le licenciement ou manoeuvres dolosives) sont de nature à entraîner une nullité relative de la transaction ; que lorsque M. A... a saisi le conseil de prud'hommes, il a réclamé que soient fixés au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Tranchage Isoroy, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que dans son jugement, le conseil de prud'hommes évoque des conclusions déposées le 4 mai 2012 ; que ces conclusions ne figurent pas dans le dossier transmis à la cour par le conseil de prud'hommes, pas plus que les conclusions adverses ; que dans ses conclusions déposées devant le conseil de prud'hommes le 16 octobre 2012, M. A... demande que soit déclarée nulle la transaction et par conséquent, recevable sa demande en fixation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que devant la cour, il indique que la nullité de la transaction est invoquée à titre d'exception ; que si l'on déduit de ces éléments que M. A... a agi pour voir déclarer la transaction nulle puis, pour obtenir des dommages et intérêts, son action se trouve prescrite ; qu'en effet, M. A... ne soutient pas avoir découvert les causes de nullité qu'il invoque après la signature de cette transaction, le 28 octobre 2004 ; que dès lors, la prescription quinquennale était acquise quand il a saisi le conseil de prud'hommes le 16 mars 2012 ; qu'il ne peut plus, dès lors, obtenir la nullité de la transaction et sa demande de dommages et intérêts est irrecevable car elle se heurte à l'autorité de chose jugée de la transaction ; que, si l'on admet qu'il oppose, par voie d'exception, à la fin de non-recevoir découlant du caractère d'autorité de chose jugée de la transaction, la nullité de cet acte, il doit établir que cette transaction n'a pas encore été exécutée ; qu'or, il est constant que l'indemnité prévue a été versée ; que l'employeur a donc exécuté son obligation ; que M. A... a également respecté du 28 octobre 2004 au 15 mars 2012 ses obligations puisque, pendant ce délai, il n'a pas remis en cause son licenciement ; qu'en conséquence, l'exception de nullité ne pouvant prospérer que pour faire échec à une demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté, M. A... ne peut pas, non plus, valablement se prévaloir de cette nullité par voie d'exception ; que la transaction ne pouvant être annulée ni par voie d'action ni par voie d'exception, son autorité de chose jugée rend irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par M. A... ; que le jugement sera, en conséquence, confirmé ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la recevabilité de l'action du demandeur : la SAS de Tranchage Isoroy soulève l'irrecevabilité de la demande de M. A... au motif que l'action en contestation de la transaction qu'il a signée est prescrite et qu'il ne peut se prévaloir d'une exception de nullité perpétuelle de l'acte, celui-ci ayant été exécuté ; que M. A... ne peut soutenir qu'il n'invoque pas la nullité du protocole d'accord transactionnel à l'appui de son action en annulation du PSE et, subsidiairement, en contestation du motif économique de son licenciement, alors que dès ses premières écritures déposées le 4 mai 2012, avant toute défense de Maître C..., il a fait valoir le caractère inopérant de la transaction et, en toute hypothèse, sa nullité ; que, même s'il tient son droit à l'indemnité dite transactionnelle non de la transaction mais de l'engagement unilatéral pris par la SAS de Tranchage Isoroy, avec pour conséquence que l'annulation de la transaction n'emporte pas pour autant obligation de rembourser l'indemnité versée, il n'en demeure pas moins que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation du protocole d'accord transactionnel soulevée par l'AGS-CGEA de Rouen en réponse à son action en nullité du protocole d'accord transactionnel, lequel contenait d'autres dispositions que celle fixant une indemnité transactionnelle, est de nature à rendre irrecevables ses demandes en contestation du PSE et du motif économique de son licenciement, de sorte qu'il convient de l'examiner ; que la transaction, à la régularisation de laquelle est subordonnée, comme en l'espèce, le versement d'une indemnité prévue par un engagement unilatéral de l'employeur est entachée d'une nullité relative, celle-ci visant en effet à sanctionner une violation touchant à l'ordre public social de protection ; que l'action en nullité de cette transaction se prescrit donc par cinq ans ; que le délai de prescription courant à compter de la date de la signature de la transaction, soit en l'espèce à partir du 28 octobre 2004, il était expiré lorsque M. A... a saisi le conseil de prud'hommes par courrier du 12 mars 2012, reçu au greffe le 16 mars 2012 ; que M. A... soutient qu'il est recevable à opposer une exception de nullité de la transaction eu égard à la règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ; que, cependant, cette règle ne peut être invoquée que pour faire échec à une demande d'exécution d'un acte juridique ; qu'or, en l'espèce, l'action de l'AGS-CGEA de Rouen ne tend pas à la mise en oeuvre d'une obligation issue du protocole d'accord transactionnel du 28 octobre 2004, mais seulement à la constatation de la prescription de l'action en contestation de la transaction, ce dont il résulte que l'exception de nullité de la transaction ne peut être opposée à cette action ; que M. A... doit donc être déclaré irrecevable en son action ;
ALORS QUE la mise en oeuvre d'un accord atypique ou d'un engagement unilatéral de l'employeur dont les salariés tiennent leurs droits ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction ; qu'une telle transaction est atteinte de nullité absolue en raison de l'illicéité ou de l'immoralité de sa cause ; qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ramenant le délai de prescription de l'action en nullité d'un acte atteint de nullité absolue à cinq ans, celle-ci était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil ; qu'en jugeant dès lors que l'action en nullité de la transaction du 28 octobre 2004 introduite par les salariés exposants le 16 mars 2012 était prescrite, quand ils avaient jusqu'au 19 juin 2013 pour introduire leur action en nullité de la transaction conclue antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 en raison de l'illicéité ou de l'immoralité de la cause, la cour d'appel a violé les articles 1134, 2044, 2222 et 2262 du code civil dans leur rédaction alors applicable, ensemble l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article L. 1221-1 du code du travail.