SOC.
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 juin 2019
Rejet non spécialement motivé
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10731 F
Pourvoi n° N 17-23.585
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. T... L... , domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 4 février 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à l'association Jean Cotxet, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 mai 2019, où étaient présents : M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, M. Liffran, avocat général, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. L..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de l'association Jean Cotxet ;
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. L... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. L...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. L... de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination salariale subie durant sa carrière et de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE à défaut pour M. L... de prouver que son consentement à la modification substantielle de son contrat de travail, objet de l'avenant du 1er octobre 1991 et portant sur sa rémunération, a été vicié, cet avenant doit recevoir application ;
ALORS QUE il n'y a point de consentement valable si le consentement a été obtenu sous l'effet déterminant d'une violence morale ; que dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience, M. L... a fait valoir que l'association « Foyer des jeunes de Ménilmontant » lui avait imposé la conclusion du second contrat de travail réduisant substantiellement sa rémunération et lui attribuant un coefficient ne correspondant pas à l'emploi pour lequel il était recruté sans lui donner le moindre délai de réflexion alors qu'il se trouvait à son arrivée en France dans un état de grande précarité matérielle avec deux enfants à charge et sans soumettre ce contrat au visa de l'office des migrations internationale et de la direction départementale du travail ; qu'en se bornant à affirmer que M. L... ne prouvait pas que son consentement à la modification substantielle de son contrat de travail avait été vicié sans s'expliquer sur le contexte dans lequel ce contrat a été signé par le salarié, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1108 et 1109 du code civil dans leur rédaction antérieure à l‘ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. L... de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination salariale subie durant sa carrière et de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE selon la grille de classification des emplois et coefficient de salaires, figurant en annexe 3 de la convention collective applicable, en vigueur à l'époque de l'embauche de M. L... est éducateur spécialisé le salarié qui justifie « de la reconnaissance de qualification obtenue au titre des articles 6, 10 ou 11 des accords nationaux de travail ARSEA/ANEJI du 16 mars 1958 ;- d'un diplôme d'éducateur spécialisé délivré par une des écoles de formation d'éducateurs spécialisés figurant sur la liste annexée à la présente convention (annexe n° 3 A) ;- du diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé (décret n° 67-138 du 22 février 1967, modifié par décret n° 73-116 du 7 février 1973) ;- du certificat national de qualification d'éducateur spécialisé régulièrement délivré par le CTNEAI au titre de l'action d'adaptation (protocole d'accord du 4 juin 1969, convention de type B du 3 décembre 1966) » ; qu'est éducateur scolaire avec CAP le salarié qui justifie « du certificat d'aptitude pédagogique ou du diplôme d'instituteur ou du certificat de qualification aux fonctions d'éducateur scolaire reconnu par le ministre des affaires sociales et obtenu avant le 31 décembre 1992 » ; que M. L... ne justifie pas remplir les conditions prévues par ces textes pour revendiquer la qualité d'éducateur spécialisé ou d'éducateur scolaire avec CAP, ni d'une reconnaissance de qualification ou d'un diplôme roumain équivalent à ces fonctions reconnu en France ; que si la commission nationale paritaire de conciliation a rendu en janvier 2000 un avis selon lequel « au vu de sa fiche de poste (
) M. L... n'assure pas les fonctions d'éducateur scolaire mais celle d'éducateur spécialisé », ce que confirme les collègues de travail, le salarié ne peut toutefois bénéficier du classement conventionnel d'éducateur spécialisé et de la rémunération correspondante et se comparer aux éducateurs spécialisés pour revendiquer l'application de la règle « à travail égal, salaire égal », qu'à la condition de l'obtention du diplôme d'éducateur spécialisé ; qu'à défaut d'établir être titulaires de ce diplôme, M. L... ne peut revendiquer la classification correspondant à un éducateur spécialisé et la différence de rémunération avec les salariés auxquels il se compare est justifiée objectivement par la détention de ce diplôme ; qu'il dot être précisé que M. L... a été accueilli en France bien avant l'adhésion de la Roumanie dans l'Union européenne ; qu'à défaut d'être titulaire du diplôme requis, l'article 11 de la convention collective du 15 mars 1966 n'obligeait pas l'employeur à assurer à M. L... la formation longue lui permettant de préparer et d'obtenir le diplôme d'éducateur spécialisé ; qu'en effet la convention collective met à la charge du salarié, et non l'inverse, une formation complémentaire lorsqu'il existe une différence substantielle de niveau théorique et/ou pratique entre la qualification dont l'intéressé, appartenant à l'un des Etats membres de l'Union européenne, se prévaut et celle requise en application du dispositif conventionnel ou des dispositions réglementaires ;
1°) ALORS QU'en vertu du principe « à travail égal, salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés occupant des fonctions identiques ; que la différence de rémunération constatée entre deux salariés n'est licite que si elle est justifiée par des éléments objectifs et pertinents ; que ne constitue pas un tel élément la détention du diplôme requis formellement par la convention collective pour accéder au classement conventionnel correspondant à l'emploi occupé dès lors que l'employeur n'a pas subordonné le recrutement du salarié à ce critère ; qu'en déboutant M. L... de sa demande de rappels de salaire fondée sur l'existence d'une discrimination salariale au seul motif que la différence de rémunération avec les salariés auxquels il se compare est justifiée objectivement par la détention du diplôme d'éducateur spécialisé requis par la convention collective pour accéder au classement conventionnel correspondant, la cour d'appel a violé les articles L.3221-2, L.3221-4 et L.3221-7 du Code du travail et du principe à travail égal, salaire égal ;
2°) ALORS QUE au regard du principe « à travail égal, salaire égal », l'employeur ne saurait justifier une différence de rémunération par le seul fait qu'un salarié n'est pas titulaire du diplôme formellement requis par la convention collective pour accéder au classement correspondant aux fonctions qu'il exerce dès lors que l'intéressé possède des diplômes d'un niveau équivalent et d'une expérience professionnelle le qualifiant pour exercer ces fonctions ; que M. L... a fait valoir, preuve à l'appui, qu'il était diplômé en qualité de professeur en langue et civilisation françaises depuis 1976, qu'il a obtenu, dans une université française, une maîtrise, un DEA et un doctorat, qu'il a effectué plusieurs stages sur la pédagogie et l'éducation spécialisée et qu'il a exercé en Roumanie en qualité d'instituteur de 1962 à 1963, d'éducateur en internat, travail identique à celui d'un éducateur spécialisé de 1963 à 1964, de professeur de collège de 1961 à 1963, de professeur de lycée et de professeur du supérieur au centre de formation et Management pour le tourisme à Bucarest de 1971 à 1990 ; qu'en déboutant M. L... de sa demande de rappels de salaire fondée sur l'existence d'une discrimination salariale au seul motif qu'il ne justifiait pas du diplôme prévu par la convention collective ou d'un diplôme roumain équivalent reconnu en France pour revendiquer la qualité d'éducateur spécialisé ou d'éducateur scolaire avec CAP sans rechercher si l'ensemble des diplômes de M. L..., dont les diplômes obtenus en France, n'étaient pas d'un niveau équivalent et si l'expérience professionnelle acquise en Roumanie dans l'enseignement primaire, secondaire et supérieur ne qualifiait pas M. L... pour les fonctions d'éducateur spécialisé ou à tout le moins pour celles d'éducateur scolaire CAP, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L.3221-2, L.3221-4 et L.3221-7 du Code du travail et du principe à travail égal, salaire égal ;
3°) ALORS QU'aux termes de l'article 11 de la convention collective des établissements et services pour personne inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, « Tout candidat devra justifier des aptitudes professionnelles, références, titres ou diplômes ou pour le personnel technique, de la connaissance approfondie de l'emploi. Dans tous les cas où la convention collective prévoit l'obtention ou la possession d'un diplôme formel, il y a lieu d'ajouter : ou un diplôme d'un Etat membre de la Communauté européenne permettant l'exercice de ces fonctions dans l'un des Etats membres de l'Union européenne ou des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen. Toutefois, s'il existe une différence substantielle de niveau théorique et/ou pratique entre la qualification dont l'intéressé se prévaut et celle requise en application du dispositif conventionnel existant ou des dispositions réglementaires concernant cet emploi (la preuve du niveau de qualification devant être apportée par l'intéressé lui-même), une formation complémentaire est exigée du salarié lors de son recrutement à ce niveau conventionnel de qualification. Le processus d'accès à la formation devra être engagé dans un délai maximum de 4 mois suivant l'embauche » ; que l'obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relevant de l'initiative de l'employeur, l'engagement du processus d'accès à la formation complémentaire prévu par l'article 11 de la convention collective incombe à ce dernier ; qu'en retenant, pour débouter M. L... de ses demandes, que la formation complémentaire prévue par le texte conventionnel était à la charge du salarié , la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 6321-1 du code du travail .
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. L... de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination salariale subie durant sa carrière et de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE l'avenant n° 250 du 11 juillet 1994, modifiant les grilles de classification, dispose en son article 24 que « le reclassement sera prononcé à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficiait dans son précédent classement » ; que le coefficient immédiatement supérieur à 369 étant le coefficient 393 dans la nouvelle grille de rémunération, M. L... a logiquement été reclassé à ce coefficient lors de l'entrée en vigueur de l'avenant 250 ; qu'après un an, son coefficient est passé à 407 le 1er octobre 1995, conformément à la grille de classification ; que deux après, conformément à l'évolution de la grille conventionnelle, M. L... a été classé au coefficient 423, repris à juste titre dans le contrat lors de sa reprise par l'Association Jean Cotxet ; que la mention en externat figurant sur le contrat du 7 avril 1998 est indifférente dans la mesure où la classification, hors le poste d'éducateur spécialisé, ne prend pas en compte la distinction entre externat et internat et que la sujétion spéciale pour le travail en internat a continué à être versée à M. L... ; que contrairement à ce que soutient le salarié, la reprise d'ancienneté par l'association Jean Cotxet ne devait pas se calculer depuis le premier contrat du 23 septembre 1991, soit une ancienneté de plus de 6 ans pour un coefficient 366 dans la mesure où un reclassement était intervenu par l'effet de l'avenant n° 250 du 11 juillet 1994 et qu'à la date du transfert de son contrat, l'intéressé était au coefficient 393 et avait une ancienneté de trois ans dans ce coefficient ; qu'un an après le dernier changement d'échelon en octobre 1998, le salarié a accédé au coefficient 447 bien que la convention collective ne prévoit des changements d'échelons que tous les deux ou trois ans ; qu'ensuite, M. L... a bénéficié de l'évolution normale de ses coefficients et de la rémunération afférente en fonction de la grille de rémunération des éducateurs scolaires, de sorte qu'il avait atteint le coefficient 501 lors de la rupture du contrat sans qu'il établisse une inégalité de traitement avec d'autres éducateurs scolaires ayant la même ancienneté que lui et qu'il ne présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte conformément à l'article L. 122-45 de l'ancien code du travail ;
ALORS QU'aux termes de l'article 38 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, lors du recrutement d'un salarié ayant exercé des fonctions identiques ou assimilables dans des établissements ou services de même nature, le classement prend en compte l'ancienneté de fonction dans sa totalité ; qu'il en résulte que l'ancienneté d'un salarié ayant toujours exercé les mêmes fonctions doit être calculée à compter de l'embauche initiale ; que selon les constatations de l'arrêt attaqué, M. L... a été engagé en septembre 1991 en qualité d'éducateur scolaire et qu'il a été recruté aux mêmes fonctions par l'association Jean Cotxet le 7 avril 1998 ; qu'en jugeant que M. L... ne pouvait revendiquer une ancienneté de plus de six ans lors de la reprise de son contrat de travail par l'association Jean Cotxet en se référant à l'ancienneté acquise dans le coefficient à compter de l'avenant modificatif du 11 juillet 1994 et non à celle acquise dans les mêmes fonctions depuis l'embauche en septembre 1991, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. L... de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE l'Association Jean Cotxet étant fondée à refuser à M. L... la qualité d'éducateur spécialisé, à appliquer l'avenant du 1er octobre 1991 et un coefficient de 393 lors du transfert du contrat de travail de ce salarié, et le salarié n'établissant pas la réalité de la maltraitance au travail dont il se plaint, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. L... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
1°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, les juges du fond doivent examiner chacun des faits invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux produits, et apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en écartant le harcèlement, sans viser, ni examiner l'ensemble des faits invoqués par M. L... parmi lesquels la transformation tardive de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le refus de son employeur d'accéder à la demande de saisine de la commission nationale paritaire pour éclaircir sa situation, le refus systématique de prendre en compte les fonctions réellement exercées pour fixer sa rémunération et de valoriser ainsi le travail réellement effectué, le fait que ses employeurs successifs ont profité de la précarité de sa situation de réfugié pour obtenir de lui la fourniture d'un travail en échange d'une rémunération sans rapport avec celle normalement due pour ces fonctions, le fait que ses employeurs, par diverses pressions, l'ont entretenu dans la crainte constante de perdre son emploi ainsi que la dégradation de son état de santé médicalement établie par des certificats médicaux versés aux débats et sa déclaration d'inaptitude, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'aux termes de l'article 38 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, l'ancienneté d'un salarié ayant toujours exercé les mêmes fonctions doit être calculée à compter de l'embauche initiale ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. L... a été engagé en septembre 1991 en qualité d'éducateur scolaire et qu'il a été recruté aux mêmes fonctions par l'association Jean Cotxet le 7 avril 1998, en sorte que son ancienneté dans le poste était de six ans au moment du transfert de son contrat de travail ; qu'en retenant, pour débouter M. L... de sa demande au titre du harcèlement moral, que la société Jean Cotxet avait à juste titre limité la reprise d'ancienneté à trois ans, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.