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29/05/2019 | FRANCE | N°18-13572

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mai 2019, 18-13572


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. U... a été engagé le 3 janvier 2007 en qualité de conducteur d'engins selon contrat de travail à durée indéterminée par la société Seco Rail, devenue Colas Rail, qui exerce une activité de travaux sur voies ferrées ; que par ordonnance du 26 juillet 2016, la juridiction prud'homale, statuant en référé, a condamné la société Colas Rail à le réintégrer dans s

es fonctions contractuelles de conducteur d'engins sous astreinte de 1 000 euros par jour d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. U... a été engagé le 3 janvier 2007 en qualité de conducteur d'engins selon contrat de travail à durée indéterminée par la société Seco Rail, devenue Colas Rail, qui exerce une activité de travaux sur voies ferrées ; que par ordonnance du 26 juillet 2016, la juridiction prud'homale, statuant en référé, a condamné la société Colas Rail à le réintégrer dans ses fonctions contractuelles de conducteur d'engins sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 3e jour suivant la notification de l'ordonnance ; que le 28 novembre 2016, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes en liquidation de l'astreinte ;

Attendu que pour infirmer l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Vienne du 31 janvier 2017 en ce qu'elle a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 37 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte et supprimer l'astreinte pour la période du 31 juillet au 18 octobre 2016, l'arrêt retient que le salarié a été placé en arrêt de travail du 17 septembre au 1er octobre 2016, puis à compter du 19 octobre 2016, que ces suspensions du contrat de travail constituent une cause étrangère empêchant l'employeur de remplir son obligation, que dans ces circonstances, les questions de la dangerosité avérée ou supposée du matériel au maniement duquel le salarié devait être affecté et de l'exercice par ce dernier de son droit de retrait sont indépendantes de celles portant sur sa capacité technique, et non pas seulement physique, à reprendre ses fonctions de conducteur d'engins et n'ont pas d'incidence sur l'exécution de l'obligation mise à la charge de l'employeur, dès lors que ce premier obstacle n'était pas levé, que l'employeur apporte ainsi la démonstration qu'il n'a pas respecté l'injonction qui lui était faite en raison d'une part des difficultés du salarié à maîtriser la manoeuvre des engins sur lesquels il entendait être affecté et d'autre part des difficultés à mettre en oeuvre la formation requise nécessaire, que compte tenu de ses difficultés et des périodes de suspension du contrat de travail résultant des congés payés et des arrêts pour maladie, l'astreinte ne pourra être liquidée pour la période du 31 juillet au 18 octobre 2016 et sera supprimée pour cette période ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que l'inexécution de l'obligation de réintégrer le salarié dans ses fonctions de conducteur d'engins provenait d'une cause étrangère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme l'ordonnance de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Vienne du 31 janvier 2017 en ce qu'elle condamne la société Colas Rail à verser à M. U... la somme de 37 000 euros et condamne la société Colas Rail aux entiers dépens, et en ce qu'il supprime l'astreinte pour la période du 31 juillet au 18 octobre 2016, dit n'y avoir lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamne le salarié aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 9 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Colas Rail aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Colas Rail à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. U...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Vienne en date du 31 janvier 2017 en ce qu'elle a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 37 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte et, statuant à nouveau, d'AVOIR supprimé l'astreinte pour la période du 31 juillet au 18 octobre 2016.

AUX MOTIFS QUE en exécution de l'ordonnance de référé du 26 juillet 2016, la société Colas avait l'obligation de « réintégrer M. U... E... dans ses fonctions contractuelles de conducteur d'engins » et il lui appartient de rapporter la preuve qu'elle a exécuté l'obligation mise à sa charge et des éventuelles difficultés qu'elle a rencontrées, ou qu'elle en a été empêchée, en tout ou en partie, par une cause étrangère ; par courrier du 28 juillet 2016, la société Colas a informé M. U... de son affectation à compter du 1er août suivant sur un chantier en qualité de conducteur d'engins ; il ressort cependant des pièces produites qu'invité à se présenter à 13h, M. U... n'a pas été en mesure de prendre son poste, l'employeur ne lui ayant pas délivré l'autorisation de conduite prévue par l'article R. 4323-56 du code du travail ; l'employeur justifie avoir délivré cette autorisation a posteriori pour les 1er et 2 août 2016, et une autre pour la période du 3 octobre jusqu'au 20 décembre 2016 ; les plannings d'affectation démontrent que M. U... a bien été affecté sur un chantier la semaine du 1er au 7 août, mais qu'il était placé en disponibilité du 8 août au 14 août, puis du 22 août au 25 septembre suivant ; le salarié a pris des congés du 12 au 16 août, puis du 22 août au 1er septembre 2016 et il résulte des échanges de courriels qu'il a été affecté ponctuellement sur des chantiers du 10 au 12 août, du 16 au 19 août puis à compter du 1er septembre ; néanmoins, l'employeur ne justifie pas lui avoir alors délivré une autorisation de conduite pour ces périodes permettant à M. U... d'exercer ses fonctions de conducteurs d'engins ; il en résulte que la société Colas n'a pas rempli l'obligation de réintégrer M. U... dans ses fonctions ; pour expliquer cette inexécution, l'employeur fait état de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé d'affecter le salarié au poste de conducteur d'engins, en raison de ses difficultés à utiliser la pelle mécanique ; M. K..., conducteur de travaux, dont l'attestation ne saurait être écartée au seul motif que sa signature a évolué depuis la délivrance de sa carte d'identité, ce dont la cour peut se convaincre à l'examen des trois exemplaires de signatures fournies, a témoigné de ce que le 2 août, M. U... a montré des difficultés à l'utilisation de la pelle mécanique qui lui était affectée, indiquant notamment avoir informé sa hiérarchie que de son point de vue, M. U... n'était pas apte à conduire une pelle en sécurité et à effectuer un travail correct à ce poste ; la société Colas justifie avoir organisé la formation de M. U... pour le renouvellement de son Caces dont la validité expirait en fin d'année 2016, en inscrivant le salarié à une formation spécifique à la conduite des engins de chantier (R372 M) en septembre 2016, formation à laquelle le salarié ne s'est pas présenté en raison d'un arrêt de travail ; l'employeur prouve également qu'il a formalisé une nouvelle demande de formation le 6 janvier 2017 et que M. U... était convoqué du 13 au 15 février 2017 ; il est constant que M. U... a été placé en arrêt de travail du 17 septembre au 1er octobre 2016, puis à compter du 19 octobre 2016 et ces suspensions du contrat de travail constituent une cause étrangère empêchant l'employeur de remplir son obligation ; dans ces circonstances, les questions de la dangerosité avérée ou supposée du matériel au maniement duquel le salarié devait être affecté et de l'exercice par ce dernier de son droit de retrait sont indépendantes de celles portant sur sa capacité technique, et non pas seulement physique, à reprendre ses fonctions de conducteur d'engins et n'ont pas d'incidence sur l'exécution de l'obligation mise à la charge de l'employeur, dès lors que ce premier obstacle n'était pas levé ; la société Colas apporte ainsi la démonstration qu'elle n'a pas respecté l'injonction qui lui était faite en raison d'une part des difficultés du salarié à maîtriser la manoeuvre des engins sur lesquels il entendait être affecté et d'autre part des difficultés à mettre en oeuvre la formation requise nécessaire ; compte tenu de ses difficultés et des périodes de suspension du contrat de travail résultant des congés payés et des arrêts pour maladie, l'astreinte ne pourra être liquidée pour la période du 31 juillet au 18 octobre 2016 et sera supprimée pour cette période, ce qui conduira la cour à infirmer la décision de première instance ; cette décision sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. U... de sa demande en fixation d'une astreinte définitive (arrêt attaqué pp. 3-4).

ALORS QUE le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécution et qu'une astreinte provisoire ou définitive ne peut être supprimée que s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou en partie, d'une cause étrangère ; que pour débouter le salarié de sa demande de liquidation de l'astreinte provisoire et supprimer celle-ci pour la période du 31 juillet au 18 octobre 2016, la cour d'appel a retenu des difficultés de celui-ci à maîtriser la manoeuvre des engins sur lesquels il entendait être affecté, des difficultés à mettre en oeuvre la formation requise pour utiliser la pelle mécanique et les périodes de suspension du contrat de travail résultant des congés payés pour les périodes du 12 au 16 août puis du 22 août au 1er septembre 2016 et des arrêts pour maladie pour la période du 17 septembre au 1er octobre 2016 ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser une cause étrangère justifiant la suppression de l'astreinte sur toute la période du 31 juillet au 18 octobre 2016, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-13572
Date de la décision : 29/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 09 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 mai. 2019, pourvoi n°18-13572


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.13572
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