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29/05/2019 | FRANCE | N°17-20316;17-20317;17-20318;17-20319;17-20320;17-20321;17-20322;17-20323;17-20324;17-20325;17-20326;17-20327;17-20328;17-20329;17-20330;17-20331;17-20332;17-20333;17-20334;17-20335;17-20336;17-20337;17-20338;17-20339;17-20340;17-20341;17-20342;17-20343;17-20344;17-20345;17-20346;17-20347;17-20348;17-20349;17-20350;17-20351;17-20352;17-20353;17-20354;17-20355;17-20356;17-20357;17-20358;17-20359;17-20360;17-20361;17-20362;17-20363;17-20364;17-20365;17-20366;17-20367;17-20368;17-20369;17-20370;17-20371;17-20372;17-20373;17-20374;17-20375;17-20376;17-20377;17-20378;17-20379;17-20380;17-20381;17-20382;17-20383;17-20384;17-20385;17-20386;17-20387;17-20388;17-20389;17-20390;17-20391;17-20392;17-20393;17-20394;17-20395;17-20396

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mai 2019, 17-20316 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° J 17-20.316 à W 17-20.396 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 25 avril 2017), que la société UPM France, qui développait une activité de fabrication de papier dans trois établissements situés à La [...], [...] et [...], ce dernier, dénommé « Stracel » employant deux-cent-cinquante salariés, appartenait au groupe UPM ; que celui-ci a annoncé, le 31 août 2011, un projet de restructuration destiné à sauvegarder sa compétit

ivité sur ce secteur d'activité qui incluait diverses fermetures d'usines de papier dont...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° J 17-20.316 à W 17-20.396 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 25 avril 2017), que la société UPM France, qui développait une activité de fabrication de papier dans trois établissements situés à La [...], [...] et [...], ce dernier, dénommé « Stracel » employant deux-cent-cinquante salariés, appartenait au groupe UPM ; que celui-ci a annoncé, le 31 août 2011, un projet de restructuration destiné à sauvegarder sa compétitivité sur ce secteur d'activité qui incluait diverses fermetures d'usines de papier dont celles de « Stracel » et de [...] ; que la société UPM France a partiellement cédé ses actifs à la société Blue Paper qui s'est engagée à proposer cent trente postes sur les cent quarante créés, dans le cadre du développement d'une nouvelle activité de production d'emballages de carton ondulé à base de papier recyclé, aux salariés du site « Stracel », tout en écartant l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en janvier 2013, un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été adopté par la société UPM France, dans le cadre de la suppression des deux cent quarante-trois postes existant au sein de l'établissement de [...] ; qu'à compter du 31 janvier 2013, elle a procédé au licenciement pour motif économique des salariés non reclassés dans le cadre de ce plan ; que M. V... et quatre-vingts autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale le 4 avril 2013 pour solliciter l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et contester le bien-fondé des licenciements ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux salariés des dommages-intérêts pour licenciement sans effet, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité ; qu'après avoir relevé que l'usine Stracel constituait un ensemble organisé de moyens corporels ou incorporels et de personnes permettant l'exercice d'une activité économique autonome tendant à des résultats spécifiques et à une finalité économique propre, la cour d'appel a relevé que « des fonctions commerciales se trouvaient assurées par d'autres entités du groupe dans le cadre de services partagés » ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que l'usine Stracel ne constituait pas une entité économique autonome, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que l'usine Stracel de [...] fût intégrée dans le groupe et que les autres structures « nécessaires à l'activité industrielle et économique du site de [...] » n'aient pas été cédées à la société Blue Paper, n'excluaient pas l'existence d'une « entité économique autonome qui aurait été cédée à Blue Paper dans la mesure où les éléments d'actifs cédés ne permettent pas à l'activité de continuer », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

3°/ que méconnaît les termes du litige le juge qui énonce qu'un plaideur ne conteste pas un point ou ne dénie pas un fait, alors que son système de défense contestait ce point ; qu'en ayant énoncé que « l'intimée ne dit rien de contraire » à l'existence d'une entité économique autonome, cependant qu'elle soutenait précisément que l'usine Stracel ne pouvait fonctionner sans des éléments supports essentiels extérieurs qui n'avaient pas été cédés à la société Blue Paper, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité, ce qui implique celui d'éléments corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations relatives à l'absence de transmission à la société Blue Paper d'éléments corporels et incorporels importants, tels que « tous les contrats clients ou consommateurs afférents à l'activité et tous droit relatifs à ces derniers », les fichiers clientèle, les systèmes informatiques, les droits de propriété intellectuelle de la société UPM France et relatives au fait que « l'acquéreur, pour les besoins de son activité papier d'identité analogue, disposait de ses propres procédés et brevets et ciblait une clientèle autre », dont il résultait que la société Blue Paper possédait déjà certains éléments d'actifs importants, qui ne lui avaient donc pas été transférés et dont il ressortait, de surcroît, que le cédant et le cessionnaire s'adressaient à des clientèles différentes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

5°/ qu'en s'étant fondée sur la constatation de la cession « des éléments techniques et logistiques permettant de s'approvisionner pour produire du papier – quand bien même il serait de qualité et de composition autres – et de transporter ce produit fini au départ de l'usine vers ses destinataires », inopérante pour caractériser le transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

6°/ que l'interruption d'activité imputable aux transformation et reconversion de l'outil essentiel de production, afin de fabriquer de nouveaux produits à partir de matières premières différentes, exclut le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que l'arrêt a constaté que l'usine Stracel assurait sa production à l'aide du matériel dénommé « la machine à papier », élément essentiel intéressant le cessionnaire qui envisageait de la reconvertir pour produire, non plus du papier magazine à partir de bois, mais un papier de grammage léger à partir de papiers et cartons recyclés, pour alimenter dans d'autres sites de son groupe la production d'emballages, que le cessionnaire avait décidé de la transformer pour un coût important (environ 100 millions d'euros) avec des travaux ayant duré plusieurs mois ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que la transformation de l'élément de production essentiel, après plusieurs mois d'interruption d'activité, en vue de fabriquer de nouveaux produits à partir de nouvelles matières (emballages à partir de papiers et cartons recyclés), avait fait perdre son identité à l'entreprise et à son outil de production, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

7°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant constaté, d'une part, des « travaux de reconversion » ou de « transformation » de la machine à papier « pour un coût d'environ 100 millions d'euros ayant nécessité l'interruption de l'activité pendant plusieurs mois » et, d'autre part, une simple « adaptation » de la machine, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°/ que l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité, c'est-à-dire la même ; qu'en ayant retenu que ce texte s'appliquait à tout transfert d'entité économique autonome permettant une activité ayant conservé son identité, à savoir « totalement la même, ou similaire, analogue » sans que ne disparaisse ladite identité, la cour d'appel a violé ce texte ;

9°/ que viole l'article 4 du code de procédure civile et méconnaît les termes du litige le juge qui énonce qu'un plaideur ne conteste pas un point ou ne dénie pas un fait, alors que son système de défense contestait ce point ; qu'en énonçant que « de concert les parties rappellent avec pertinence que l'article L. 1224-1 ne peut trouver à s'appliquer que si l'objet de la cession caractérise lui-même un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels significatifs et nécessaires permettant, en poursuivant un objectif propre, d'exercer à titre principal ou accessoire, de manière totale ou partielle, une activité ayant conservé son identité à savoir totalement la même, ou similaire, analogue sans que ne disparaisse ladite identité », cependant que la société UPM soutenait que l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail impliquait la poursuite d'une activité identique, sans avoir admis « de concert » avec les salariés que le développement d'une activité analogue ou similaire pouvait être suffisante, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

10°/ que l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité ; que la société UPM a soutenu que l'activité de la société Blue Paper sur le site n'avait « strictement rien à voir avec l'activité qui était exercée par UPM », dès lors que « l'activité de fabrication de papier magazine fabriqué à base de bois a été arrêtée sur le site de [...] et Blue Paper a démarré une nouvelle activité qui n'existait pas au sein du groupe UPM », produisant désormais du « papier carton ou pour ondulé utilisé pour réaliser des emballages en carton qui sont deux activités totalement différentes tant en terme de matière première, que de technique de production industrielle et de débouchés clients », que « le seul fait que ces produits portent la dénomination de papier ne suffit pas à prouver que l'activité qui consiste à les fabriquer et à les vendre est identique ; le terme « papier » est générique et couvre une vaste gamme de produits qui nécessitent une technicité et des moyens d'exploitation très différents ; c'est le cas du papier magazine, du papier carton, mais également du papier de verre, papier toilettes ou du papier peint dont les matières premières utilisées, les méthodes de production et les clients sont très différents ; pourtant, il s'agit là aussi de papier » et que, de surcroît, « l'activité développée par Blue Paper sur le site de [...] répond à des méthodes et des moyens d'exploitation » différents ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si ces éléments n'excluaient pas le transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et poursuivi son activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

11°/ que l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail implique que l'entité économique autonome elle-même, et non pas seulement l'activité, conserve son identité ; qu'en se fondant, de manière inopérante, sur le fait que l'activité avait conservé son identité, relevant ainsi que « l'identité de l'activité « papier » n'est pas affectée par l'adaptation de ce moyen essentiel de production, ni par son alimentation avec une autre matière première ou par l'interruption de production nécessitée par les travaux de reconversion », que « les modes de production et la matière première ne font pas perdre à l'activité papier son identité », pour retenir « qu'il s'en infère de plus fort l'identité de l'activité poursuivie », ce qui n'était pas de nature à caractériser que l'entité avait conservé son identité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

12°/ que la conclusion – et non le transfert – de nouveaux contrats de travail, même nombreux, à de nouvelles conditions et sans reprise d'ancienneté, ne caractérise pas le transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité ; qu'en relevant, de manière inopérante, que le repreneur avait émis cent trente offres d'emplois à l'intention des salariés de la société UPM France « du fait de la concordance de leurs compétences avec la production qu'elle allait mettre en oeuvre », pour en déduire « l'identité de l'activité poursuivie », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

13°/ qu'il appartient au salarié qui invoque une fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail de rapporter la preuve de ses éléments constitutifs ; qu'après exactement rappelé que la partie appelante avait la charge de prouver la fraude à l'article L. 1224-1 qu'elle allègue, la cour d'appel, qui s'est bornée à retenir que la société UPM France avait « éludé » les dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail, sans avoir constaté les éléments matériel et intentionnel constitutifs d'une fraude, a violé ce texte et le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

14°/ que viole l'article 954 du code de procédure civile le juge qui infirme le jugement dont l'intimée demandait la confirmation, sans réfuter les motifs péremptoires de cette décision ; qu'en ayant infirmé le jugement, sans avoir réfuté ses motifs déterminants selon lesquels la société UPM justifiait que « - l'offre de reprise faite par Blue Paper portait sur la reprise de certains actifs du site et que la société UPM souhaitait en tout état de cause ne pas céder son activité commerciale ; - UPM a cédé à la société Blue Paper, non pas une activité, mais des actifs isolés (une partie seulement des installations, notamment le bâtiment et les infrastructures, UPM ayant conservé une partie du terrain en vue d'un projet « Advance Biofuels ») ; - cette cession partielle d'actifs ne s'est pas inscrite dans une poursuite de l'activité de production de papier graphique puisque le site a été reconverti (sur une durée de neuf mois et moyennant un investissement de 100 millions d'euros) en une usine de papier pour emballages ondulés, base recyclé, avec une production vapeur biomasse et la consommation de 100 000 tonnes de bois et de 350 000 tonnes de papier recyclés ; - ainsi UPM n'a pas cédé certains éléments nécessaires à l'activité antérieure et qui ont été expressément exclus de la cession d'actifs tels que du matériel d'exploitation et installations de TMP (les raffineurs et les ateliers de blanchisseurs pour l'atelier de Pâte Thermomécanique, la ligne d'emballage, l'atelier d'écorçage et de transformation des rondins en copeaux, la cuisine de couchage) les contrats et fichiers clients afférents à l'activité, les droits de propriété intellectuelle afférents à l'activité ; - aucun système information du groupe UPM existant sur le site de [...] n'a été cédé à la société Blue Paper ; - les contrats avec les fournisseurs de bois destiné à la fabrication du papier magazine ont été interrompus et n'ont pas été repris par la société Blue Paper ; - la clientèle n'a pas non plus été reprise puisque celle de la société Blue Paper n'était pas la même ; - la fabrication de papier fin pour magazine, qui était celle de la société Stracel, est une activité autre que celle réalisée par la société Blue Paper de production de papier épais, majoritairement à base de papier recyclé, utilisé pour réaliser des emballages en carton, la technique de production industrielle et les débouchés clients n'étant pas les mêmes (
) ; - les seuls actifs cédés ne permettaient ni de continuer à produire, ni de commercialiser une quelconque production en l'absence d'équipements suffisants de données informatiques, de brevets, de fichier clientèle et de service commercial sur le site et que la nouvelle activité développée par la société Blue Paper ne s'est pas inscrite dans la continuité, pas même temporelle, de celle de l'établissement Stracel mais était différente en tant qu'elle faisait appel à des méthodes, des moyens d'exploitation et des fournisseurs autres, pour la fabrication d'un produit qui n'était pas le même et visant une clientèle distincte », « la cession de certains des actifs du site de Stracel par la SAS UPM France à la société Blue Paper n'apparaît pas constitutive d'un transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité aurait été reprise ou poursuivie », motifs péremptoires qui excluaient le jeu de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, ayant relevé que l'usine dite « Stracel » appartenant à la division papier du groupe avait pour activité la production de « papier magazine », qu'elle employait deux cent cinquante salariés, dont deux cent douze étaient affectés à la production, le surplus de l'effectif regroupant le directeur, les départements des ressources humaines, du développement, de l'approvisionnement, des achats, de la technique, de l'informatique et celui consacré à la santé-sécurité, qu'elle disposait de ses propres institutions représentatives du personnel, a pu décider, sans méconnaître les termes du litige, que cette entité constituait un ensemble organisé de moyens corporels ou incorporels et de personnes permettant l'exercice d'une activité économique autonome tendant à des résultats spécifiques et à une finalité économique propre, peu important que des fonctions commerciales aient été assurées par d'autres entités du groupe dans le cadre de services partagés ;

Attendu, ensuite, qu'ayant relevé le rachat par la société Blue paper de la machine à papier de la société UPM France installée dans l'usine de Stracel ainsi que la plus grande partie des locaux pour y développer une activité de papier de même grammage, le maintien de l'organigramme de cette usine et la proposition de reprendre cent-trente salariés de celle-ci sur les cent-quarante emplois créés, la cour d'appel a pu retenir, sans modifier les termes du litige ni se contredire et réfutant les motifs des premiers juges, que l'activité était identique après la cession et que les moyens significatifs et nécessaires à celle-ci avaient été transférés, en sorte que l'identité de l'activité de l'entité économique autonome ayant été poursuivie, les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient applicables ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa treizième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société UPM France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société UPM France à payer à M. V... et quatre-vingt-deux autres défendeurs la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par le président et M. Maron, conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit aux pourvois n°s J 17-20.316 à W 17-20.396 par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société UPM France

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société UPM France à payer au salariés des dommages-intérêts pour licenciement sans effet, outre les dépens d'appel et les frais irrépétibles ;

Aux motifs que courant 2012, en expliquant que cette réorganisation s'imposait aux fins de sauvegarde de sa compétitivité, la SAS UPM, qui appartient à un important groupe oeuvrant dans l'industrie du papier, a mis en oeuvre la fermeture du site de production sis à [...] (connu sous son ancienne dénomination de Stracel) et après l'élaboration d'un Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) elle a, entre février et mars 2013, notifié les licenciements pour motif économique aboutissant à la suppression des 243 emplois salariés existant dans cet établissement, dont celui de la partie appelante ; que le 22 janvier 2013, la SAS UPM avait conclu avec la SAS Blue Paper « un protocole de cession d'actifs » ayant appartenu à l'établissement Stracel dont elle organisait la fermeture ; qu'il y a lieu de rechercher si, au jour de la cession, les conditions d'application de l'article L 1224-1 s'avéraient réunies, étant souligné qu'en vertu de l'article 12 du code de procédure civile, il incombe au juge de restituer aux faits leur exacte qualification, en sorte que c'est au-delà des énonciations contenues tant dans l'acte de cession que dans le PSE – la SAS UPM insistant sur le fait qu'elle-même et Blue Paper ont expressément exclu dans l'acte de cession qu'il puisse avoir pour objet le transfert d'une activité et que les propositions d'embauche de Blue Paper émises à l'intention des salariés Stracel licenciés dont l'emploi se trouvait supprimé n'intervenaient que dans un but social en constituant des offres de reclassement - en considération des circonstances effectives que doit s'effectuer cette analyse, la partie appelante ayant la charge de prouver la fraude à l'article L 1224-1 qu'elle allègue ; que d'emblée – et du reste l'intimée ne dit rien de contraire et la description contenue dans les documents d'information et de consultation remis par elle courant 2012 au Comité Central d'Entreprise le font ressortir – il échet de constater que l'usine Stracel constituait un ensemble organisé de moyens corporels ou incorporels, et de personnes permettant l'exercice d'une activité économique autonome tendant à des résultats spécifiques et à une finalité économique propre ; que cette usine relevant de la division papier du groupe avait pour activité la production du « papier magazine » ; qu'elle occupait 250 salariés dont 212 étaient affectés à la production, et le surplus de l'effectif regroupait le directeur, et les départements RH, développement, approvisionnement, achat, technique, informatique et santé-sécurité, observation faite que cet établissement disposait de ses propres institutions représentatives du personnel ; que par ailleurs, Stracel ayant une fonction centrée sur la production, des fonctions commerciales se trouvaient assurées par d'autres entités du groupe dans le cadre de services partagés ; que de concert, les parties rappellent avec pertinence que l'article L. 1224-1 ne peut trouver à s'appliquer que si l'objet de la cession caractérise lui-même un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels significatifs et nécessaires permettant, en poursuivant un objectif propre, d'exercer à titre principal ou accessoire, de manière totale ou partielle, une activité ayant conservé son identité à savoir totalement la même, ou similaire, analogue sans que ne disparaisse ladite identité ; qu'au contraire de ce que prétend la SAS UPM, la partie appelante met en exergue qu'étaient cédés des éléments techniques et logistiques permettant de s'approvisionner pour produire du papier – quand bien même il serait de qualité et de composition autres – et de transporter ce produit fini au départ de l'usine vers ses destinataires ; que dans la traduction non discutée d'anglais en français des extraits de l'acte de cession du 22 janvier 2013 produits par la SAS UPM, la liste des actifs cédés est ainsi rédigée : « Les Actifs incluent, entre autre chose, et sans que cette liste soit exhaustive : la machine à papier et ses pièces de rechange, les bâtiments, les équipements de logistique, les actifs nécessaires pour la production d'énergie, le site de Traitement des Eaux Usées, l'atelier, la chaudière biomasse, les camions, chariots élévateurs, et les véhicules ainsi que l'équipement pour manoeuvrer le papier et le bois de combustion, les deux lignes équipées de distribution et l'installation y afférente dans la station EDF, les servitudes d'accès au pont à bascule et au site, les tuyaux allant (i) du « puits nr 16 » au bâtiment de la machine à papier, (ii) du bâtiment de la machine à papier au site de Traitement des Eaux Usées, (iii) du site de Traitement des Eaux Usées au « puits nr 16 », (iv) de la chaudière au bâtiment de la machine à papier et à la chaîne de déchargement du site de Traitement des Eaux Usées au Rhin, (iv) la ligne d'électricité allant de la station EDF à la machine à papier, le site de Traitement des Eaux Usées et la chaudière, et (v) les câbles de la station EDF » ; que l'usine Stracel assurait sa production avec l'équipement désigné dans l'acte précité comme « La machine à papier » et qu'il s'agissait donc de l'élément essentiel qui intéressait le cessionnaire outre la situation géographique et les accès au bâtiment qui l'abritait ainsi que les aménagements énergétiques et de traitement des eaux usées dont elle était pourvue ; que le Cabinet SECAFI qui a réalisé l'expertise commandée par le Comité d'Entreprise dans le cadre des consultations autour du PSE, sans être critiqué par l'intimée sur ce point, a souligné que le cessionnaire était intéressé par « la » machine Stracel car même s'il envisageait de la reconvertir pour produire non plus du papier magazine à partir de bois, mais du « Testliner » à savoir un papier de grammage léger à partir de papiers et cartons recyclés destiné à alimenter dans d'autres sites de son groupe la production d'emballages, elle permettait avec une laize parfaitement adaptée à ses besoins d'obtenir les grammages légers qu'il souhaitait ; que par ailleurs si Blue Paper avait décidé de transformer cette machine là pour un coût important (environ 100 millions d'euros aux dires de SECAFI cités par l'intimée) avec une durée de travaux de plusieurs mois, au lieu de porter son choix sur une machine neuve, ou du moins immédiatement opérationnelle, il s'en évince de plus fort qu'il s'agissait d'un élément essentiel pour assurer une production autonome ; que sans être contredite au moyen de photos et d'échantillons des papiers produits par Stracel sous-direction UPM puis sous-direction Blue Paper, la partie appelante met en évidence que la machine avant et après sa transformation produit de manière autonome des bobines de papier au grammage léger ; que l'identité de l'activité « papier » n'est pas affectée par l'adaptation de ce moyen essentiel de production, ni par son alimentation avec une autre matière première ou par l'interruption de production nécessitée par les travaux de reconversion ; que l'intimée soutient vainement que les analogies de ces productions respectives de papier seraient insuffisantes pour caractériser un maintien de l'identité de l'activité, alors qu'elle-même dans ce qu'elle caractérise comme le secteur « papier »
du groupe auquel elle appartient – et cela apparaît du document d'information remis au CE – décrit des fabrications de papier distinctes : magazine, journal, fins couchés et non couchés, de spécialités (papiers krafts et pour enveloppes teintées et blanches) ; qu'elle décrit dans ce même document les différentes activités « papier » de ses établissements en France et y figure notamment à la [...] le papier journal, à partir de fibres recylées ; qu'il s'en évince que les modes de production et la matière première ne font pas perdre à l'activité papier son identité ; que d'ailleurs encore dans ce même document d'information rédigé par la SAS UPM, il apparaît que celle-ci avait racheté Stracel en 1988 qui produisait du papier journal et qu'elle a alors investi dans l'achat de « la » machine à papier qui sera en service en 1990 pour continuer à fabriquer du papier journal mais qu'en 1999 elle-même reconvertira le site (et donc la machine cédée à Blue Paper) pour 75 M€ afin de produire dès 2000 du papier magazine ; qu'enfin la partie appelante verse aux débats des extraits du site Internet de Blue Paper qui se présente comme poursuivant l'industrie papetière à [...] sur le site Stracel, issu de l'entreprise créée en 1937 sous le nom « Cellulose de [...] » ; que partant au contraire de ce que croit encore pouvoir soutenir la SAS UPM, les actifs qui ont été exclus de la cession à Blue Paper n'ont pas d'incidence sur la poursuite autonome par le cessionnaire de la production de la qualité de papier souhaitée par lui, ni sur le maintien de l'identité de l'activité ; que ceux-là sont ainsi énumérés dans l'acte de cession : 1. (a) les raffineurs pour l'atelier de TMP (Pâte Thermomécanique) ; (b) les ateliers de blanchiment de la TMP (à l'exception des épaississeurs) ; (c) la calendre optiload sur la machine à papier ; (d) la ligne d'emballage (à l'exception du convoyeur à bobines) ; (e) l'atelier d'écorçage et de transformation des rondins en copeaux pour l'atelier de TM ; (f) la cuisine de couchage : les équipements non utilisés de la cuisine de couchage : 2. Tous les contrats clients ou consommateurs afférents à l'Activité et tout droit relatifs à ces derniers ; 3. Les fichiers clients, livres et autres informations de la société relatifs au Vendeur ou aux Actifs Exclus ; 4. Les espèces, les comptes bancaires ou comptes de dépôt et les coffres bancaires du Vendeur ; 5 Les systèmes informatiques conservés (note : à discuter - les applications utilisées localement font partie des Actifs) ; 6. Les droits de propriété intellectuelle afférents à l'Activité ;

7. Les dossiers relatifs essentiellement aux Actifs Exclus ; que ces moyens corporels et incorporels concernaient les caractéristiques du papier magazine (particularités des techniques de production et des matières premières, des brevets et de la clientèle) ; qu'à l'évidence, l'acquéreur pour les besoins de son activité papier d'identité analogue disposait de ses propres procédés et brevets et ciblait une clientèle autre, ce qui ne suffit pas à mettre en échec l'application de l'article L. 1224-1 ; qu'il en est de même de la circonstance que la SAS UPM n'avait pas vendu la totalité du terrain, alors qu'il a été observé que néanmoins Blue Paper était devenue propriétaire de tous les bâtiments abritant la machine et les équipements utiles à son fonctionnement après reconversion ainsi que les accès pour les transports ; que s'agissant des moyens humains et de la création de l'ensemble organisé nécessaire à la mise en oeuvre autonome d'une production d'identité papetière, la partie appelante relève que Blue Paper, comme avant elle UPM, a maintenu un organigramme de l'entreprise avec un directeur des effectifs majoritaires de salariés de production et qu'elle aussi fournit d'autres entités du groupe papetier auquel elle appartient ; que l'expertise SECAFI a observé – et la SAS UPM ne critique pas ces constatations – que le cessionnaire avait manifesté son intérêt pour les compétences existantes sur le site Stracel qui sécurisaient son projet alors qu'il projetait « la création de 138 postes correspondant aux compétences des salariés de Stracel » ; que de fait – au-delà du cadre apparent visant au reclassement des salariés de la SAS UPM - c'est 130 offres d'emplois que la SAS Blue Paper émettra à l'intention des salariés de l'intimée et ceci au vu de ce qui précède du fait de la concordance de leurs compétences avec la production qu'elle allait mettre en oeuvre ; qu'il apparait de la liste produite par la SAS UPM que 115 personnes avaient accepté ; que ces constats sont contemporains de la cession et des licenciements ; qu'il s'en infère de plus fort l'identité de l'activité poursuivie ; que la circonstance que Blue Paper n'a pas repris l'ensemble des salariés, ni celle qu'ultérieurement des salariés qui avaient émis un accord à leur embauche par le cessionnaire n'ont finalement pas conclu de contrat de travail, ne suffit pas à exclure la réunion des conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en conséquence, la pièce nouvellement produite par la SAS UPM constituée par l'attestation de M. Bru, actuellement directeur général de Blue Paper SAS, s'avère dépourvue de valeur probante pour exclure l'application de l'article 1224-1 ; que celui-ci – qui du reste rappelle qu'il a été salarié de UPM Stracel de 1994 à 2013, et il figure sur la liste des salariés ayant accepté la proposition d'embauche de Blue Paper, ce qui vient encore étayer les constats sur l'identité de l'activité et de l'organisation du cessionnaire des actifs – décrit à l'instar des moyens soutenus par l'intimée, mais ceux-ci ont été écartés, les modifications apportées aux équipements de production et d'emballage des bobines de papier emballage ne permettant plus le retour au papier graphique ; qu'il appert de cette analyse, ainsi que le soutient la partie appelante – et celle-ci est recevable à agir en réparation à son choix contre le cédant où le cessionnaire – que la SAS UPM a éludé les dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1, qui devaient trouver à s'appliquer, pour procéder au licenciement litigieux ;

que celui-ci est dès lors sans effet étant observé que si, comme il se devait fût-ce une partie des contrats de travail avaient été transférés à Blue Paper en vertu du texte précité, l'intimée n'aurait pas été empêchée de procéder au licenciement des salariés restant – sous réserve de la preuve d'une cause réelle et sérieuse économique – mais pour ne pas viser le même nombre de personnes, ni le PSE, ni l'ordre des licenciements n'auraient été ceux mis en oeuvre ; que la SAS UPM est obligée à réparer entièrement le préjudice subi par la partie appelante consécutivement à son licenciement sans effet, ce qui commande l'infirmation du jugement qui a débouté celle-ci de sa demande de dommages-intérêts ;

Alors 1°) que l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité ; qu'après avoir relevé que l'usine Stracel constituait un ensemble organisé de moyens corporels ou incorporels et de personnes permettant l'exercice d'une activité économique autonome tendant à des résultats spécifiques et à une finalité économique propre, la cour d'appel a relevé que « des fonctions commerciales se trouvaient assurées par d'autres entités du groupe dans le cadre de services partagés » ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que l'usine Stracel ne constituait pas une entité économique autonome, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Alors 2°) et en tout état de cause, que l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que l'usine Stracel de [...] fût intégrée dans le groupe et que les autres structures « nécessaires à l'activité industrielle et économique du site de [...] » n'aient pas été cédées à la société Blue Paper (conclusions d'appel de la société UPM p. 16), n'excluaient pas l'existence d'une « entité économique autonome qui aurait été cédée à Blue Paper dans la mesure où les éléments d'actifs cédés ne permettent pas à l'activité de continuer », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Alors 3°) que méconnaît les termes du litige le juge qui énonce qu'un plaideur ne conteste pas un point ou ne dénie pas un fait, alors que son système de défense contestait ce point ; qu'en ayant énoncé que « l'intimée ne dit rien de contraire » à l'existence d'une entité économique autonome, cependant qu'elle soutenait précisément que l'usine Stracel ne pouvait fonctionner sans des éléments supports essentiels extérieurs qui n'avaient pas été cédés à la société Blue Paper (conclusions d'appel de la société UPM p. 16), la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors 4°) que l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité, ce qui implique celui d'éléments corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations relatives à l'absence de transmission à la société Blue Paper d'éléments corporels et incorporels importants, tels que « tous les contrats clients ou consommateurs afférents à l'activité et tous droit relatifs à ces derniers », les fichiers clientèle, les systèmes informatiques, les droits de propriété intellectuelle de la société UPM France et relatives au fait que « l'acquéreur, pour les besoins de son activité papier d'identité analogue, disposait de ses propres procédés et brevets et ciblait une clientèle autre », dont il résultait que la société Blue Paper possédait déjà certains éléments d'actifs importants, qui ne lui avaient donc pas été transférés et dont il ressortait, de surcroît, que le cédant et le cessionnaire s'adressaient à des clientèles différentes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Alors 5°) qu'en s'étant fondée sur la constatation de la cession « des éléments techniques et logistiques permettant de s'approvisionner pour produire du papier – quand bien même il serait de qualité et de composition autres – et de transporter ce produit fini au départ de l'usine vers ses destinataires », inopérante pour caractériser le transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Alors 6°) que l'interruption d'activité imputable aux transformation et reconversion de l'outil essentiel de production, afin de fabriquer de nouveaux produits à partir de matières premières différentes, exclut le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que l'arrêt a constaté que l'usine Stracel assurait sa production à l'aide du matériel dénommé « la machine à papier », élément essentiel intéressant le cessionnaire qui envisageait de la reconvertir pour produire, non plus du papier magazine à partir de bois, mais un papier de grammage léger à partir de papiers et cartons recyclés, pour alimenter dans d'autres sites de son groupe la production d'emballages, que le cessionnaire avait décidé de la transformer pour un coût important (environ 100 millions d'euros) avec des travaux ayant duré plusieurs mois ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que la transformation de l'élément de production essentiel, après plusieurs mois d'interruption d'activité, en vue de fabriquer de nouveaux produits à partir de nouvelles matières (emballages à partir de papiers et cartons recyclés), avait fait perdre son identité à l'entreprise et à son outil de production, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Alors 7°) et en tout état de cause, que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant constaté, d'une part, des « travaux de reconversion » ou de « transformation » de la machine à papier « pour un coût d'environ 100 millions d'euros ayant nécessité l'interruption de l'activité pendant plusieurs mois » et, d'autre part, une simple « adaptation » de la machine, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 8°) que l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité, c'est-à-dire la même ; qu'en ayant retenu que ce texte s'appliquait à tout transfert d'entité économique autonome permettant une activité ayant conservé son identité, à savoir « totalement la même, ou similaire, analogue » sans que ne disparaisse ladite identité, la cour d'appel a violé ce texte ;

Alors 9°) que viole l'article 4 du code de procédure civile et méconnaît les termes du litige le juge qui énonce qu'un plaideur ne conteste pas un point ou ne dénie pas un fait, alors que son système de défense contestait ce point ; qu'en énonçant que « de concert les parties rappellent avec pertinence que l'article L. 1224-1 ne peut trouver à s'appliquer que si l'objet de la cession caractérise lui-même un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels significatifs et nécessaires permettant, en poursuivant un objectif propre, d'exercer à titre principal ou accessoire, de manière totale ou partielle, une activité ayant conservé son identité à savoir totalement la même, ou similaire, analogue sans que ne disparaisse ladite identité », cependant que la société UPM soutenait que l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail impliquait la poursuite d'une activité identique (conclusions de la société UPM p. 13, 2ème §, p. 18, avant-dernier et dernier § ; p. 21), sans avoir admis « de concert » avec les salariés que le développement d'une activité analogue ou similaire pouvait être suffisante, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors 10°) et en tout état de cause, que l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité ; que la société UPM a soutenu que l'activité de la société Blue Paper sur le site n'avait « strictement rien à voir avec l'activité qui était exercée par UPM », dès lors que « l'activité de fabrication de papier magazine fabriqué à base de bois a été arrêtée sur le site de [...] et Blue Paper a démarré une nouvelle activité qui n'existait pas au sein du groupe UPM », produisant désormais du « papier carton ou pour ondulé utilisé pour réaliser des emballages en carton qui sont deux activités totalement différentes tant en terme de matière première, que de technique de production industrielle et de débouchés clients », que « le seul fait que ces produits portent la dénomination de papier ne suffit pas à prouver que l'activité qui consiste à les fabriquer et à les vendre est identique ; le terme « papier » est générique et couvre une vaste gamme de produits qui nécessitent une technicité et des moyens d'exploitation très différents ; c'est le cas du papier magazine, du papier carton, mais également du papier de verre, papier toilettes ou du papier peint dont les matières premières utilisées, les méthodes de production et les clients sont très différents ; pourtant, il s'agit là aussi de papier » et que, de surcroît, « l'activité développée par Blue Paper sur le site de [...] répond à des méthodes et des moyens d'exploitation » différents (conclusions d'appel de la société UPM p. 19 et s.) ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si ces éléments n'excluaient pas le transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et poursuivi son activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Alors 11°) que l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail implique que l'entité économique autonome elle-même, et non pas seulement l'activité, conserve son identité ; qu'en se fondant, de manière inopérante, sur le fait que l'activité avait conservé son identité, relevant ainsi que « l'identité de l'activité « papier » n'est pas affectée par l'adaptation de ce moyen essentiel de production, ni par son alimentation avec une autre matière première ou par l'interruption de production nécessitée par les travaux de reconversion », que « les modes de production et la matière première ne font pas perdre à l'activité papier son identité », pour retenir « qu'il s'en infère de plus fort l'identité de l'activité poursuivie », ce qui n'était pas de nature à caractériser que l'entité avait conservé son identité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Alors 12°) que la conclusion – et non le transfert – de nouveaux contrats de travail, même nombreux, à de nouvelles conditions et sans reprise d'ancienneté, ne caractérise pas le transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité ; qu'en relevant, de manière inopérante, que le repreneur avait émis 130 offres d'emplois à l'intention des salariés de la société UPM France « du fait de la concordance de leurs compétences avec la production qu'elle allait mettre en oeuvre », pour en déduire « l'identité de l'activité poursuivie », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Alors 13°) qu'il appartient au salarié qui invoque une fraude à l'article L 1224-1 du code du travail de rapporter la preuve de ses éléments constitutifs ; qu'après exactement rappelé que la partie appelante avait la charge de prouver la fraude à l'article L. 1224-1 qu'elle allègue, la cour d'appel, qui s'est bornée à retenir que la société UPM France avait « éludé » les dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail, sans avoir constaté les éléments matériel et intentionnel constitutifs d'une fraude, a violé ce texte et le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

Alors 14°) que viole l'article 954 du code de procédure civile le juge qui infirme le jugement dont l'intimée demandait la confirmation, sans réfuter les motifs péremptoires de cette décision ; qu'en ayant infirmé le jugement, sans avoir réfuté ses motifs déterminants selon lesquels la société UPM justifiait que « - l'offre de reprise faite par Blue Paper portait sur la reprise de certains actifs du site et que la société UPM souhaitait en tout état de cause ne pas céder son activité commerciale ; - UPM a cédé à la société Blue Paper, non pas une activité, mais des actifs isolés (une partie seulement des installations, notamment le bâtiment et les infrastructures, UPM ayant conservé une partie du terrain en vue d'un projet « Advance Biofuels ») ; - cette cession partielle d'actifs ne s'est pas inscrite dans une poursuite de l'activité de production de papier graphique puisque le site a été reconverti (sur une durée de 9 mois et moyennant un investissement de 100 millions d'euros) en une usine de papier pour emballages ondulés, base recyclé, avec une production vapeur biomasse et la consommation de 100 000 tonnes de bois et de 350 000 tonnes de papier recyclés ; - ainsi UPM n'a pas cédé certains éléments nécessaires à l'activité antérieure et qui ont été expressément exclus de la cession d'actifs tels que du matériel d'exploitation et installations de TMP (les raffineurs et les ateliers de blanchisseurs pour l'atelier de Pâte Thermomécanique, la ligne d'emballage, l'atelier d'écorçage et de transformation des rondins en copeaux, la cuisine de couchage) les contrats et fichiers clients afférents à l'activité, les droits de propriété intellectuelle afférents à l'activité ; - aucun système information du groupe UPM existant sur le site de [...] n'a été cédé à la société Blue Paper ; - les contrats avec les fournisseurs de bois destiné à la fabrication du papier magazine ont été interrompus et n'ont pas été repris par la société Blue Paper ; - la clientèle n'a pas non plus été reprise puisque celle de la société Blue Paper n'était pas la même ; - la fabrication de papier fin pour magazine, qui était celle de la société Stracel, est une activité autre que celle réalisée par la société Blue Paper de production de papier épais, majoritairement à base de papier recyclé, utilisé pour réaliser des emballages en carton, la technique de production industrielle et les débouchés clients n'étant pas les mêmes (
) ; - les seuls actifs cédés ne permettaient ni de continuer à produire, ni de commercialiser une quelconque production en l'absence d'équipements suffisants de données informatiques, de brevets, de fichier clientèle et de service commercial sur le site et que la nouvelle activité développée par la société Blue Paper ne s'est pas inscrite dans la continuité, pas même temporelle, de celle de l'établissement Stracel mais était différente en tant qu'elle faisait appel à des méthodes, des moyens d'exploitation et des fournisseurs autres, pour la fabrication d'un produit qui n'était pas le même et visant une clientèle distincte », « la cession de certains des actifs du site de Stracel par la SAS UPM France à la société Blue Paper n'apparaît pas constitutive d'un transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité aurait été reprise ou poursuivie », motifs péremptoires qui excluaient le jeu de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-20316;17-20317;17-20318;17-20319;17-20320;17-20321;17-20322;17-20323;17-20324;17-20325;17-20326;17-20327;17-20328;17-20329;17-20330;17-20331;17-20332;17-20333;17-20334;17-20335;17-20336;17-20337;17-20338;17-20339;17-20340;17-20341;17-20342;17-20343;17-20344;17-20345;17-20346;17-20347;17-20348;17-20349;17-20350;17-20351;17-20352;17-20353;17-20354;17-20355;17-20356;17-20357;17-20358;17-20359;17-20360;17-20361;17-20362;17-20363;17-20364;17-20365;17-20366;17-20367;17-20368;17-20369;17-20370;17-20371;17-20372;17-20373;17-20374;17-20375;17-20376;17-20377;17-20378;17-20379;17-20380;17-20381;17-20382;17-20383;17-20384;17-20385;17-20386;17-20387;17-20388;17-20389;17-20390;17-20391;17-20392;17-20393;17-20394;17-20395;17-20396
Date de la décision : 29/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 25 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 mai. 2019, pourvoi n°17-20316;17-20317;17-20318;17-20319;17-20320;17-20321;17-20322;17-20323;17-20324;17-20325;17-20326;17-20327;17-20328;17-20329;17-20330;17-20331;17-20332;17-20333;17-20334;17-20335;17-20336;17-20337;17-20338;17-20339;17-20340;17-20341;17-20342;17-20343;17-20344;17-20345;17-20346;17-20347;17-20348;17-20349;17-20350;17-20351;17-20352;17-20353;17-20354;17-20355;17-20356;17-20357;17-20358;17-20359;17-20360;17-20361;17-20362;17-20363;17-20364;17-20365;17-20366;17-20367;17-20368;17-20369;17-20370;17-20371;17-20372;17-20373;17-20374;17-20375;17-20376;17-20377;17-20378;17-20379;17-20380;17-20381;17-20382;17-20383;17-20384;17-20385;17-20386;17-20387;17-20388;17-20389;17-20390;17-20391;17-20392;17-20393;17-20394;17-20395;17-20396


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.20316
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