CIV. 1
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 mai 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10287 F
Pourvoi n° W 18-14.834
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme S....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 30 mai 2018.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. N... E..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2017 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant à Mme H... S..., épouse E..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 avril 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. E..., de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme S... ;
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. E... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme S... la somme de 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. E...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté que le jugement de divorce prononcé le 12 février 2012 par le tribunal de Ras el Oued (Algérie) ne revêtait pas l'autorité de la chose jugée sur le territoire français, rejeté la demande de suppression de sa contribution aux charges du mariage formulée par M. N... E... et toute autre demande ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Pour contester le jugement déféré, M. N... E... fait valoir que le jugement de divorce prononcé en Algérie le 12 février 2012 a effet à l'égard de tous par application de la convention franco-algérienne relative à l'exequatur et à l'extradition signée le 27 août 1964 et que Mme H... S... avait connaissance de l'existence de ce jugement contrairement à ce qu'elle a soutenu devant le premier juge, ceci résultant des termes mêmes du jugement qui indique qu'elle avait constitué avocat et qu'elle contestait un précédent jugement rendu par défaut du 16 octobre 2011, qu'en conséquence de ce divorce aucune contribution aux charges du mariage n'est plus due et que Mme H... S... doit lui rembourser la somme de 19.250 euros correspondant aux sommes perçues depuis le mois d'août 2012 à ce titre ; que la convention entre la France et l'Algérie relative à l'exequatur et à l'extradition et l'échange de lettre complétant le protocole judiciaire du 28 août 1962, signé le 27 août 1964 et publiée au Journal Officiel en vertu d'un décret du 11 août 1965, dispose en son article premier que, en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses rendues par les juridictions de l'un ou l'autre Etat si elles réunissent un certain nombre de conditions relatives, entre autres, au fait que ladite décision est passée en force de chose jugée et se trouve susceptibles d'exécution ; que l'article six de cette même convention précise que la partie qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire ou qui en demande l'exécution doit produire l'original de l'exploit de signification de la décision ou de tout autre acte qui tient lieu de signification ainsi qu'un certificat des greffiers compétents constatant qu'il n'existe contre cette décision ni opposition ni appel ni pourvoi en cassation ; qu'en l'espèce, M. N... E... produit le jugement du tribunal de Ras el Oued en date du 12 février 2012 qui, saisi dans le cadre d'une opposition de Mme H... S... à un précédent jugement de ce tribunal rendu le 16 octobre 2011 dans le cadre d'une instance où elle n'était pas comparante, a « jugé de nouveau la dissolution de la relation con jugale par le divorce entre le contesté E... N... (
) et la contestante S... H... (
) » ; que M. N... E... produit également un document intitulé certificat de divorce établi par l'officier de l'Etat civil de la commune de Ras el Oued en conséquence du jugement du 12 février 2012 ; que toutefois, dès lors qu'il ne produit ni l'original de l'exploit de signification de la décision ou de tout autre acte qui tient lieu de signification ni encore un certificat du greffier compétent constatant qu'il n'existe contre cette décision aucun appel ni pourvoi en cassation, il ne saurait prétendre établir que le jugement du 12 février 2012 est revêtu de l'autorité de la chose jugée, et ceci alors qu'e Mme H... S... conteste qu'une telle signification ait été effectuée ; qu'il importe peu à cet titre que, comme l'explique M. N... E..., Mme H... S... ait eu effectivement connaissance du jugement, l'acte de signification ayant pour objet de lui en donner une connaissance officielle et de faire courir à son égard les délais de recours ; que dans ces conditions, M. N... E... n'est pas fondé à demander la réformation du jugement déféré qui a écarté sa prétention pour ces mêmes motifs ;M. N... E... fait valoir à titre subsidiaire que sa situation financière justifierait que sa contribution soit supprimée ; que Mme H... S... fait valoir, après avoir expliqué que M. N... E... avait abandonné le domicile conjugal en janvier 2011 pour aller s'installer en Algérie, qu'elle ne dispose pour toutes ressources que d'une pension de retraite annuelle de 5.415 euros, qu'elle acquitte une somme de 265 euros à l'indivision E... au titre de la maison d'habitation qui constitue son domicile, qu'elle a la charge d'une enfant adulte handicapée trisomique, l'ensemble de ses charges de la vie courante s'élevant à 653,70 euros ; qu'elle estime que M. N... E... perçoit une retraite de l'ordre de 850 euros par mois outre une retraite complémentaire sur laquelle il ne s'explique pas, qu'il est en réalité propriétaire en Algérie de deux immeubles « cossus » qui sont productifs de revenus, qu'il tient un train de vie dispendieux en Algérie, est propriétaire d'un véhicule de luxe et que d'une façon générale, il dissimule le montant exact de ses ressources et de son patrimoine, un tel manque de transparence ayant été relevé par le premier juge ; que force est de constater que, devant la cour, M. N... E... ne produit pas le moindre élément présentant un caractère de fiabilité permettant de déterminer quel est le montant total de ses ressources perçues non seulement en France mais également en Algérie ; que le seul élément récent produit est une attestation de paiement de l'agent comptable de la Carsat du nord-est en date du 22 mai 2015 faisant apparaître le versement d'une pension de retraite mensuelle de 378,61 euros alors que des éléments plus anciens permettent de retenir, comme l'a fait le premier juge, une retraite mensuelle de l'ordre de 850 euros à laquelle il convient d'ajouter une retraite complémentaire ; que bien plus, il ne conteste même pas dans ses conclusions les allégations circonstanciées de Mme H... S... quant à son train de vie en Algérie et quant à son patrimoine immobilier, se contentant d'évoquer ses « faibles ressources » ; que dans ces conditions, la demande subsidiaire de M. N... E... sera rejetée par la cour comme elle a été par le premier juge qui a relevé le manque de transparence de sa situation personnelle et financière » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur l'autorité de la chose jugée ; que l'article 480 du code de procédure civile dispose que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout incident a, dès son prononcé, l'autorité de chose jugée relative à la contestation qu'il tranche ; que le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ; qu'en l'espèce, Monsieur N... E... verse aux débats l'acte de mariage des époux établi par l'officier d'état civil de la commune de RAS EL OUED (Algérie) portant mention de ce que le divorce est intervenu le 12 février 2012 au tribunal de RAS EL OUED ; qu'il produit également le certificat de divorce entre Monsieur N... E... et Madame H... S... portant mention de ce que le mariage a été dissous le 12 février 2012 à RAS EL OUED ; que par ailleurs, il communique une traduction du jugement de divorce prononcé le 12 février 2012 par la juridiction algérienne ; qu'il ressort du dispositif du jugement que : « Le tribunal statuant dans les affaires de la famille, juge publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort en ce qui concerne le divorce et en premier ressort pour outre que cela : En la forme reçoit l'opposition, Sur le fond, juger de nouveau la dissolution conjugale par le divorce entre le contesté E... N..., fils de G..., et la contestante S... H..., fille d'M..., avec ordonnance à l'officier d'état civile de la commune de Ras El Oued de le transcrire et d'en apposer la mention en marge des actes de naissance des deux parties et de leur acte de mariage. Met la responsabilité entière du divorce aux torts uniques du contesté, et par conséquent, l'obliger à verser à la contestante la somme de 80.000 dinars algériens comme indemnisation en contrepartie du divorce abusif. La somme de 15.000 dinars algériens au titre de la pension de retraite légale et la somme de 3000 dinars algériens au titre de la pension d'abandon qui prend effet mensuellement à compter de la date du rejet de l'instance initiale ; qui correspond au 25 juillet 2011 et continue jusqu'à la date du prononcé du jugement, rejeter les autres requêtes pour non fondement. » ; qu'il convient, à titre préalable, de se prononcer sur le caractère opposable du jugement de divorce prononcé par la juridiction algérienne au regard du décret n° 65-679 du 11 août 1965 portant publication de la convention entre le France et l'Algérie relative à l'exequatur et à l'extradition et de l'échange de lettres complétant le protocole judiciaire signés le 27 août 1964 ; qu'en effet, aux termes de l'article 1er de la convention précitée, en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Algérie, ont de plein droit l'autorité de chose jugée sur le territoire de l'autre Etat si elles réunissent les conditions prévues audit article ; que par ailleurs, l'article 6-b de la convention précitée indique notamment que la partie qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire ou en demande l'exécution doit produire l'original de l'exploit de signification de la décision ou de tout autre acte qui tient lieu de signification ; que force est de constater que Monsieur N... E... ne rapportent pas la preuve de ce que le jugement de divorce prononcé par la juridiction algérienne a été signifié à Madame H... S..., il y a lieu de considérer qu'il ne peut se prévaloir de la chose jugée ; qu'en conséquence, il y a lieu de constater que le jugement de divorce prononcé le 12 février 2012 par le tribunal de RAS EL OUED (Algérie) ne revêt pas l'autorité de chose jugée sur le territoire français ; [
] ; Sur la demande de suppression de la contribution aux charges du mariage ; qu'aux termes de l'article 214 du code civil, les époux contribuent aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respective ; si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile ; qu'il est constant que l'action en contribution aux charges du mariage n'implique pas l'existence d'une communauté de vie entre les conjoints ; que pour fixer le montant de la contribution d'un époux aux charges du mariage, le juge doit prendre en considération, outre les facultés respectives des époux, l'ensemble des charges de l'intéressé correspondant à des dépenses utiles ou nécessaires ; qu'il convient de rappeler que pour fixer à la somme de 350 euros la contribution aux charges du mariage à la charge de Monsieur N... E..., le Magistrat avait relevé les éléments suivants : - pour Madame E... : une pension de retraite, aucune charge de loyer, étant hébergée à titre gratuit dans une maison appartenant à ses enfants ; qu'elle vivait seule avec deux enfants majeurs encore à charge, Y... qui était handicapée et O... qui était étudiante en BTS ; - pour Monsieur E... : une retraite mensuelle de 850 euros, outre une retraite complémentaire ; que Madame S... indiquait que son époux était propriétaire de deux immeubles situés en Algérie, comme en attestait X..., I... et B... E... qui certifiaient avoir participé à l'acquisition de ces maisons avec leur père ; qu'outre les charges habituelles de la vie courante (EDF, eau, assurances, mutuelle, téléphone, taxes et impôts
), la situation matérielle des parties s'établit comme suit : - Madame H... S... perçoit un salaire mensuel de 447 euros (avis d'impôt sur le revenu 2015 sur ses revenus de l'année 2014) ; qu'elle justifie de ce qu'elle ne perçoit aucune prestation de la CAF des Ardennes (attestation de la CAF en date du 16 octobre 2015) ; - Monsieur N... E... est retraité et perçoit une pension de 378,61 euros (CARSAT du Nord Est) ; qu'il y a lieu de relever que Monsieur N... E... ne produit aucun élément concernant sa retraite complémentaire ou encore sa situation patrimoniale et la perception d'éventuels revenus fonciers puisqu'il était justifié dans la dernière décision qu'il possédait deux immeubles en Algérie ; qu'au regard du manque de transparence de la situation personnelle et financière de Monsieur N... E..., il y a lieu de dire qu'il ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un élément nouveau justifiant la suppression de la contribution aux charges du mariage mise à sa charge ; qu'en conséquence, la demande de suppression de la contribution aux charges du mariage formulée par Monsieur N... E... sera rejetée » ;
ALORS QU' en matière civile, la décision contentieuse rendue par une juridiction algérienne a de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire français dès lors qu'elle a été rendue par une juridiction compétente, que les parties ont été légalement représentées, qu'elle est, d'après la loi algérienne, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution et qu'elle ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat français ; qu'en refusant dès lors de reconnaître l'autorité de chose jugée au jugement rendu en dernier ressort prononçant le divorce entre Mme H... S... et M. N... E... rendu le 12 février 2012 par le tribunal de Ras el Oued quand elle constatait pourtant que ce jugement, rendu dans le cadre d'une opposition de Mme H... S... à un précédent jugement, avait donné lieu à la rédaction d'un certificat de divorce établi par l'officier d'état civil de la commune de Ras el Oued, ce dont il résultait nécessairement que Mme H... S... avait eu connaissance de cette décision qui avait été exécutée sur le territoire algérien où elle avait donné lieu à l'établissement d'un certificat de divorce par l'officier d'état civil de la commune de Ras el Oued le 14 octobre 2015, la cour d'appel a violé les articles 1er et 6 de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964.