CIV. 1
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 avril 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10224 F
Pourvoi n° Z 18-13.457
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme J... D..., divorcée A..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2018 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant à M. O... A..., domicilié [...],
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 mars 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme D... ;
Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme D...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la demande de Mme D... tendant à ce que la résidence d'E... soit fixée à son domicile, à ce que soit accordé à M. A... un droit de visite et d'hébergement et à ce que chacun des parents soit dispensé de toute contribution à l'entretien de l'enfant ;
AUX MOTIFS QUE pour débouter Mme J... D... de sa demande de transfert de résidence d'E..., le premier juge a retenu que « le père était beaucoup plus à même que la mère de satisfaire ses divers intérêts, ne serait-ce qu'en raison de son équilibre psychologique, ce en sus de ses réelles capacités éducatives » ; qu'après avoir vécu de 2005 à 2009 au domicile de sa mère, la résidence d'E... a été fixée chez le père depuis 2012 ; que la fratrie a été séparée deux ans, de 2012 à 2014 ; que M. O... A... a eu trois autres enfants avec sa compagne, tandis que Mme J... D... vient d'avoir un autre enfant avec son compagnon ; que les parents s'opposent sur le mode de prise en charge éducative et thérapeutique à mettre en oeuvre au profit de l'enfant E... ; que Mme J... D... met en avant la critique effectuée par le Docteur H... de la prise en charge d'E... en institution ; que, cependant, la directrice de l'IME « [...] » où il a été accueilli depuis octobre 2013 fait grief à ce spécialiste « de ne pas avoir visité la structure et de s'être arrêté à la lecture d'un planning d'activité » (pièce 77) ; que selon une note d'observation du 5 mars 2014 du Docteur W... X..., attaché à l'IME « [...] », il est précisé que « 5 mois après son arrivée, E... s'était bien adapté à l'IME et profitait pleinement des actions éducatives proposées » ; que l'enquête sociale réalisée par M. Q... avait relevé que les prises en charge de l'enfant E... à Nantes au domicile de sa mère « n'avaient jamais été efficientes, les projets de Mme J... D... relevant d'une détresse psychique face au handicap de l'enfant » ; que, notamment, pendant 6 mois, E... n'avait pas bénéficié de prise en charge adaptée ; que l'enquêteur social notait « que l'appel à bénévoles avait été effectué par voie de presse et qu'aucune sélection des bénévoles n'était effectuée par un professionnel, qui aurait évalué les compétences et motivations de chaque personne » ; qu'il était précisé « que M. O... A... proposait une prise en charge adaptée au handicap de l'enfant
et qu'il s'appuyait sur les structures et ne se posait pas à leur encontre comme pouvait le faire Mme J... D... » ; qu'antérieurement, l'assistante sociale scolaire avait conclu à ce qu'E... « était en danger avec sa mère, en raison de l'absence de soins nécessaires au handicap de l'enfant » ; que l'examen psychologique de Mme J... D... conduit par M. Q... en 2014 a relevé qu'elle présente « une personnalité problématique, en lien avec une pathologie d'état limite qui ne permet pas la prise en considération d'autrui dans son autonomie, position fortement préjudiciable à la prise en charge d'E... » ; qu'il est indiqué également « que le discours par moment à la limite du délire est un élément également anxiogène et problématique dans un relationnel éducatif et affectif » ; que figurent aux débats deux rapports d'expertise concernant l'enfant E... rédigés par le Docteur H..., celui de 2012 indiquant que quel que soit le lieu de prise en charge, celui-ci sera adapté à E... « si elle repose, notamment, sur l'utilisation d'un système de communication par échanges d'images (PECS) et sur une organisation de l'environnement adaptée à ces enfants telle que le préconise le TEACCH ; que ce sont les méthodes ABA qui montrent les résultats les plus intéressants » ; que le Docteur H..., dans son rapport de 2014, a précisé « que le choix de l'IME était rassurant et permettait de ne pas bouleverser la vie quotidienne, tandis que l'autre choix qui impose un investissement personnel de tous les instants était le choix des petits pas vers une autonomie plus importante sans qu'il soit possible d'en percevoir le niveau exact à ce jour » ; qu'il a ajouté « qu'aucun de ces choix ne met ou ne mettrait E... en danger » ; que l'emploi du temps d'E... à l'IME B... est produit en pièce 80 ; que les synthèses de mai 2015 et de janvier 2016 font état de progrès de l'enfant au regard des objectifs de son projet ; que l'évolution positive d'E... est encore confirmée en pièce 116 par la responsable de service à la date du 11 mai 2017 ; que selon pièce 105, il est établi que suite à une demande de parcours de scolarisation adressée à la Maison départementale des Personnes Handicapées (MDPH) le 10 mai 2016, la commission a pris la décision d'un accord de prise en charge pour une orientation vers un IME du 1er août 2016 au 30 novembre 2020 ; qu'en définitive, et alors même que M. O... A... indique dans ses écritures qu'il n'y a au aucun incident depuis la dernière décision de 2014, il convient, pour les motifs précités et ceux contenus dans la décision dont appel, de maintenir la résidence habituelle d'E... au domicile de son père ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toute décision le concernant (Convention internationale de New-York du 26/01/1990 relative aux droits de l'enfant publiée par décret n° 90-917 du 08/10/1990) ; que cet intérêt supérieur peut être appréhendé en termes de besoins pour se construire et s'épanouir, besoins notamment matériels, moraux, éducatifs, psycho-affectifs, etc. ; que cet intérêt supérieur prime sur les intérêts des tiers, dont ceux des père et mère tenus en vertu de l'article 371-1 du code civil de protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, d'assurer son éducation, de permettre en général son bon développement dans le respect dû à sa personne et d'associer aussi leur enfant à toutes décisions le concernant en fonction de son âge et de sa maturité ; que, sur la résidence et le droit d'accueil concernant E..., la demande de transfert de résidence sera rejetée car contraire aux intérêts d'E..., mais aussi relevant d'un détournement de procédure ; qu'en effet, la pathologie maternelle amplement décrite dans le rapport sus-analysé contre-indique toute nouvelle prise en charge par elle d'un enfant et particulièrement d'E..., puisque cette pathologie avait déjà mis en danger l'enfant autiste, ce qui motivait la décision de transfert chez le père de sa résidence prise le 26/11/2009 ; que cette décision était fondée en bonne part sur divers signalements scolaires, sociaux et médicaux relevant notamment l'absence chez la mère de soins nécessaires au handicap d'E..., celle-ci étant dans le déni de sa pathologie et refusant une intervention extérieure dans sa prise en charge ; que le projet actuel de scolarisation à domicile d'E... accroît les risques de mise en danger de l'enfant, puisque, d'une part, l'enfant vivrait au quotidien avec une mère présentant divers troubles psychiques et une carence affective certaine comme établi par l'expert Q..., mais serait aussi désormais privé d'un cadre extérieur de prise en charge psycho-éducative et surtout privé de socialisation quotidienne ; que dans un tel projet, dont les modalités précises ne sont du reste pas connues précisément, la scolarisation, les prises en charge psychologiques, médicales et paramédicales, outre la socialisation seraient alors laissées au bon vouloir de la mère ; que, de plus, sera noté le flou des réponses de celle-ci quant à sa disponibilité professionnelle et aux modalités précises de prise en charge quotidienne d'E..., questions légitimes puisque selon l'expertise du Docteur H..., le projet maternel exige « un investissement de tous les instants », s'agissant d'un « projet lourd pour les parents, qui se retrouvent garants de la cohérence et de l'organisation d'un système complexe de prise en charge » ; que Mme D... occulte les conclusions finales du rapport d'expertise, car le Docteur H... note que les projets des deux parents présentent tous les deux des aspects positifs pour l'enfant et sont au reste au coeur des débats théoriques nationaux actuels sur la prise en charge des enfants autistes ; qu'enfin sera soulignée la fluctuation des projets de la demanderesse, qui, récemment, encore en 2012-2013, dans ses conclusions devant la cour nationale du contentieux de l'incapacité, demandait une orientation d'E... en « milieu scolaire ordinaire, avec présence d'une AVS ou une scolarité en CLIS TED, faute de quoi seulement ce dernier sera orienté vers une intégration scolaire collective en IME avec accompagnement d'une AVS sur le temps de présence scolaire avec mise en place des prioritaires des méthodes PECS, TAECCH et ABA » ; que par ailleurs et surtout sera relevé le détournement de procédure utilisé par la demanderesse ; qu'en effet, la présente demande de transfert de la résidence d'E... a pour seul but de mettre en échec ou de contourner les différentes décisions d'orientation et de prise en charge d'E... par la CDAPH, mais aussi les juridictions du contentieux de l'incapacité ; qu'ainsi, ses conclusions de recours contre le jugement du TCI de Rennes en date du 02/08/2012 développaient les mêmes considérations d'ordre « psycho-éducatif » sur le mérite des méthodes comportementalistes PECS, TEACCH et ABA, en refusant le placement en IME d'Efflamm tel que préconisé par le TCI et notamment dans l'IME du [...] à Bruz car privilégiant selon l'intéressée une approche psychanalytique de l'autisme ; qu'à supposer que la cour nationale du contentieux de l'incapacité ait déjà statué ( ? rejet du recours de Mme D... ?), suite à l'avis de son médecin-expert du 18/09/2013 estimant que l'IME était adapté – tout comme la Clis TED – force est de rappeler que le juge aux affaires familiales ne constitue pas un troisième degré de juridiction en matière de contentieux de l'incapacité et qu'il ne saurait se substituer à ces juridictions spécialisées ou à la CDAPH pour décider d'une orientation éducative et scolaire ou d'un placement ou non en établissement spécialisé d'un enfant handicapé, voire même pour statuer sur les qualités ou compétences d'un IME comme sollicité présentement ; que telle est manifestement l'unique finalité de la présente demande de transfert de résidence d'E..., entièrement articulée sur son mode de prise en charge éducative et thérapeutique ; que même à supposer notre compétence sur une telle orientation en matière de prise en charge d'un enfant mineur handicapé par l'autisme, seront relevées l'approbation du père sur le mérite des trois outils comportementalistes exigés par la mère, tout comme sa mise en pratique quotidienne de ces outils, sachant qu'il est, tout comme la mère, régulièrement agréé/diplômé dans ce domaine ; que quant à l'IME critiqué B... , dont l'expert Docteur H... n'a malheureusement pas analysé avec un minimum de précisions les modalités de prise en charge d'E... en se concentrant surtout sur les discussions théoriques, il est décrit ainsi par les conclusions de la MDPH du 18/06/2013 (dans le cadre de la procédure précitée devant la CNCI) : « L'IME [...] est un IME ayant un agrément pour 16 enfants présentant des troubles envahissants du développement, troubles incluant la pathologie d'E... et un projet d'accompagnement spécifique d'aide à la communication (PECS ou Makaton), éléments confirmés dans le courriel ci-joint. L'assertion du défenseur de Mme D...* semble donc peu pertinente » (* Note du juge : assertion selon laquelle « les IME dont [...] ne sont pas adaptés à l'autisme mais aux personnes handicapées souffrant de retard mental ») ; que s'agissant du courriel susvisé du 11/06/2013 de l'ADAPEI relatif à l'IME [...], il précise que l'arrêté préfectoral de 2008 qui fixe les contours de l'agrément spécifie sa capacité à accueillir des enfants et jeunes atteints de troubles envahissants du développement ; que ceux-ci « font l'objet d'un accompagnement spécifique, où nous tenons compte des particularités de l'autisme dans le repérage temporel, l'aide à la communication (PECS ou Makaton), la stimulation sensorielle et l'éducation structurée d'inspiration TEACCH. De même, il est important pour nous de favoriser les relations sociales à travers des activités adaptées » ; que le père justifie de nombreuses prises en charge de tous ordres d'E... au sein de son IME – dont les éducateurs sont formés aux méthodes PECS et TEACCH – étant par ailleurs relevé le caractère très théorique des critiques de la mère sur cet IME, puisque celle-ci, à défaut de preuve et même d'allégation contraire, ne s'y est jamais rendue depuis le placement d'E... à la rentrée 2013, bien que régulièrement invitée ; qu'il sera donc conclu au nécessaire maintien de la résidence d'E... chez le père, qui est beaucoup plus à même que la mère de satisfaire ses divers intérêts, ne serait-ce qu'en raison de son équilibre psychologique et de ses capacités d'affection tels qu'établis par l'expertise psychologique, ce en sus de ses réelles capacités éducatives établies ci-dessus ;
1° ALORS QUE lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge doit prendre en considération l'aptitude de chacun des parents à respecter les droits fondamentaux de l'enfant et notamment son droit à l'éducation ; qu'en se bornant à constater que l'institut médico-éducatif auquel était confié E... par son père était autorisé à accueillir des enfants autistes, que son projet incluait certaines actions adaptées à ce handicap, que l'enfant s'y était lui-même adapté et qu'il y aurait fait des progrès, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été expressément invitée, si l'enfant recevait chez son père l'éducation – et notamment l'instruction – à laquelle il avait droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 373-2-9 et 373-2-11 du code civil et 3 de la convention de New York du 26 janvier 1990 ;
2° ALORS QUE lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge doit prendre en considération l'aptitude de chacun des parents à respecter les droits fondamentaux de l'enfant, et notamment son droit à l'éducation, sans être lié, lorsque l'enfant se trouve en situation de handicap, par la décision d'orientation prise par le tribunal du contentieux de l'incapacité ; qu'en retenant que la demande de transfert de la résidence d'E... formée par l'exposante aurait eu « pour seul but de mettre en échec ou de contourner les différentes décisions d'orientation et de prise en charge d'E... par la CDAPH, mais aussi les juridictions du contentieux de l'incapacité », Mme D... « refusant le placement en IME d'Efflamm tel que préconisé par le TCI et notamment dans l'IME du [...] à Bruz » et que « le juge aux affaires familiales ne constitue pas un troisième degré de juridiction en matière de contentieux de l'incapacité et qu'il ne saurait se substituer à ces juridictions spécialisées ou à la CDAPH pour décider d'une orientation éducative et scolaire ou d'un placement ou non en établissement spécialisé d'un enfant handicapé, voire même pour statuer sur les qualités ou compétences d'un IME comme sollicité présentement » (jugement, p. 7, al. 3 et 4), quand, saisie d'une demande de transfert de la résidence de l'enfant au domicile de sa mère, il lui appartenait de rechercher si son droit à l'éducation ne serait pas mieux garanti chez celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 373-2-9 et 373-2-11 du code civil et 3 de la convention de New York du 26 janvier 1990 ;
3° ALORS QU'en retenant que « l'examen psychologique de Madame J... D... conduit par Monsieur Q... en 2014 a[vait] relevé qu'elle présent[ait] « une personnalité problématique, en lien avec une pathologie d'état limite qui ne permet pas la prise en considération d'autrui dans son autonomie, position fortement préjudiciable à la prise en charge de E... » » (arrêt, p. 9, al. 3, nous soulignons), quand ce document mentionnait une pathologie « fortement préjudiciable à la prise en charge de S... » et non pas d'E... (Rapport de M. Q..., p. 11, al. 2), la cour d'appel en a dénaturé les termes en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
4° ALORS QU'en retenant que la « pathologie » de Mme D... décrite par M. Q... « avait déjà mis en danger l'enfant autiste, ce qui motivait la décision de transfert chez le père de sa résidence prise le 26/11/2009 » (jugement, p. 6, al. 5), quand cette décision ne faisait pas mention de la moindre « pathologie » de l'exposante, la cour d'appel en a dénaturé les termes en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.
Le greffier de chambre