CIV.3
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mars 2019
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10092 F
Pourvoi n° F 18-15.326
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme V... M..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2018 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. C... L...,
2°/ à Mme U... T..., épouse L...,
domiciliés [...] ,
3°/ à la caisse de crédit mutuel de Châtelaudren, dont le siège est [...] , [...],
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 janvier 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me Haas, avocat de Mme M..., de la SCP Gaschignard, avocat de M. et Mme L... ;
Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme M... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme M... ; la condamne à payer à M. et Mme L... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme M....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la vente intervenue le 25 mars 2014 entre les époux L... et Mme M... portant sur un terrain à bâtir d'une contenance approximative de 560 m² à détacher d'une parcelle sise [...] , cadastrée [...] pour un prix hors frais de 90 000 euros, est parfaite entre les parties, D'AVOIR désigné Me J..., notaire à Saint-Brieuc, à l'effet de recevoir l'acte authentique de vente, D'AVOIR désigné le cabinet de géomètre expert D2L Betali, [...] pour rédiger le document permettant de faire établir la division cadastrale suivant les limites convenues entre les parties dans le plan annexé à l'offre d'achat acceptée le 25 mars 2014, D'AVOIR dit que les frais de géomètre seront à la charge de Mme M..., et condamné, en tant que de besoin, cette dernière à les rembourser aux époux L... s'ils se trouvaient contraints d'en faire l'avance en raison de la carence de la venderesse, D'AVOIR condamné Mme M... à régulariser l'acte authentique de vente sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la sommation qui lui en sera faite par le notaire commis pour recevoir l'acte, lequel aura préalablement requis la purge du droit de préemption urbain et un certificat d'urbanisme ne révélant aucune servitude ou emprise administrative qui soit de nature à compromettre les droits des époux L... et la production d'un document d'arpentage du géomètre expert précité, D'AVOIR ordonné la consignation du prix de vente entre les mains du notaire instrumentaire, D'AVOIR dit que le prix de vente sera remis à la Caisse de crédit mutuel de Châtelaudren, D'AVOIR condamné Mme M... à payer les frais de mainlevée de radiation des inscriptions de toutes natures faites au service de la publicité foncière au titre du bien vendu et D'AVOIR débouté Mme M... de sa demande de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'acceptation de l'offre, sur la nécessité d'un permis d'aménager préalable à la promesse de vente, Mme M... soutient que des travaux d'extension des réseaux étaient nécessaires et que dès lors, en application des dispositions des articles L. 442-4 et R. 421-19 du code de l'urbanisme, aucune promesse de vente ne pouvait être consentie avant la délivrance du permis d'aménager ; qu'aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : « Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis » ; qu'aux termes de l'article L. 442-4 du même code : « Aucune promesse de vente ou de location d'un terrain situé dans un lotissement ne peut être consentie et aucun acompte ne peut être accepté avant la délivrance du permis d'aménager » ; qu'aux termes de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme, dans sa version issue du décret du 28 février 2012, applicable à la date de l'offre : « Doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : a) Les lotissements : - qui prévoient la création ou l'aménagement de voies, d'espaces ou d'équipements communs internes au lotissement (
) » ; qu'aux termes de l'article R. 442-1 du même code dans sa rédaction issue du même décret : « Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre (titre IV de ce code, sur les dispositions propres aux aménagements), et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d'aménager (...), e) les détachements de terrain d'une propriété supportant des bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis (...) » ; qu'il ressort du plan cadastral joint à l'offre d'achat du 25 mars 2014 que la parcelle objet de la vente est détachée d'une parcelle restant à appartenir à Mme M... supportant un bâtiment, et il n'est pas allégué par celle-ci que ce bâtiment soit destiné à la démolition ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que des extensions de réseaux soient prévues pour raccorder la parcelle détachée, ce détachement n'était pas, en application des dispositions de l'article R. 442-1 précité, soumis à permis d'aménager ; qu'il en résulte que le moyen tiré de la nullité de l'offre à défaut de permis préalable d'aménager doit être écarté ; que, sur l'absence d'accord de Mme M..., il résulte des dispositions de l'article 1583 du code civil que la vente est parfaite « dès qu'on est convenu de la chose et du prix » ; que, contrairement à ce que soutient Mme M..., son accord n'est soumis à aucune condition de forme et la formule « Bon pour offre d'achat » apposée en face de la formule « Bon pour achat au prix de 90 000 euros » permet de caractériser son accord pour vendre ; que la mention « au prix de 90 000 euros » rajoutée d'une autre main que la sienne, à côté de cette formule n'ôte pas à l'acte sa valeur probante dès lors que ce prix de 90 000 euros est spécifié dans la proposition de l'acquéreur et que de ce fait, c'est en connaissance de cause que Mme M... a apposé sa signature ; que, le 28 avril 2014, Mme M... a écrit à l'agence Plérin Immobilier : « Je vous informe par ce courrier que je n'accepte pas la présente offre signée le 25 mars 2014 en votre agence dont la validité est jusqu'au 30 avril 2014 (
) » ; qu'il est spécifié à l'acte du 25 mars 2014 que les époux L... ont fait une offre valable jusqu'au 30 avril 2014 et que son acceptation par la venderesse rendra la vente parfaite et que le compromis pourra être rédigé par le représentant de l'agence Plérin Immobilier ; qu'il en résulte que Mme M... qui avait accepté l'offre ne pouvait plus revenir sur son engagement ; que, sur le défaut d'accord sur la chose et sur le prix, en ce qui concerne le terrain, sa superficie est définie dans l'offre d'achat comme étant « d'environ 500 m² / 600 m² », et ses limites sont représentées en pointillés sur un plan cadastral coté, joint à l'offre et signé des deux parties ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'un acte de bornage préalablement à la vente, la superficie du terrain vendu était parfaitement déterminable ; qu'en ce qui concerne le prix, en premier lieu, le mandat de vente donné par Mme M... à l'agence Plérin Immobilier fait état d'un prix forfaitaire de 110 000 euros net vendeur sans précision de la valeur du prix au m² ; qu'en deuxième lieu, l'acte ne mentionne aucune réserve sur la charge des frais d'extension des réseaux et de nettoyage du terrain ; que, dès lors, et sans qu'il ait été nécessaire d'ajouter de plus amples précisions, le prix indiqué de 90 000 euros, hors frais notarié et frais d'agence à la charge de l'acquéreur, est celui déterminé et désigné par les parties après la négociation précontractuelle au regard du prix initialement attendu par Mme M... ; qu'il résulte de tout ceci que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la vente parfaite, et condamné Mme M... à régulariser l'acte sous astreinte ; que, par voie de conséquence, il sera également confirmé en ce qu'il a débouté Mme M... de sa demande de dommages-intérêts ;
ALORS QUE la vente n'est parfaite qu'en cas d'accord des parties sur la chose et sur le prix ; qu'en considérant, pour retenir que les parties s'étaient accordées sur la chose, que le terrain objet de la vente était localisé sur le plan cadastral, après avoir constaté que les parties n'avaient pas, dans l'offre d'achat, mentionné la superficie exacte dudit terrain mais seulement une large fourchette « d'environ 500 m² / 600 m² » et que tout acte de bornage préalablement à la vente était exclu, ce dont il résultait que la superficie du terrain n'était ni précisément déterminée ni déterminable par une opération de bornage, la cour d'appel a violé l'article 1583 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que Mme M... supportera les risques de la chose vendue jusqu'à sa libération et la prise de possession par l'acquéreur ;
AUX MOTIFS QUE, sur le transfert des risques de la chose vendue, dès lors que la vente judiciairement ordonnée fait peser sur la venderesse, partie perdante, de régulariser l'acte authentique et de délivrer la chose, il convient de faire supporter par celle-ci les risques de la chose vendue jusqu'à sa libération et la prise de possession par l'acquéreur ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ; qu'en revanche, les parties n'étant pas convenues d'une prise de possession par l'acquéreur antérieurement à l'acte authentique, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux L... de leur demande tendant à la libération des lieux par Mme M..., sous astreinte à compter de la date fixée par le notaire pour la régularisation de cet acte ;
ALORS, 1°), QUE la vente parfaite emporte, dès l'échange des consentements, transfert des risques de la chose à l'acheteur, à moins que le vendeur ne soit en demeure de la livrer, auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier ; que le jugement constatant le caractère parfait de la vente ne vaut pas sommation de délivrer la chose, la prise de possession n'intervenant qu'à la signature de l'acte authentique de vente ; qu'en considérant, pour faire peser sur la venderesse les risques de la chose vendue jusqu'à sa libération et la prise de possession par les acquéreurs, que la vente judiciairement ordonnée lui faisait obligation de régulariser l'acte authentique et de délivrer la chose, la cour d'appel a, faute d'avoir caractérisé une mise en demeure de livrer le terrain objet de la vente, violé les articles 1138 et 1139 du code civil, dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS, 2°), QUE le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc du 17 mai 2016, confirmé en appel sur ce point, a « condamné Mme M... à régulariser l'acte authentique de vente sous peine d'astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard à compter de la sommation qui lui en sera faite par le notaire commis pour recevoir l'acte » (v. jugement, p. 12) ; qu'en considérant, pour faire peser sur la venderesse les risques de la chose vendue jusqu'à sa libération et la prise de possession par les acquéreurs, que la vente judiciairement ordonnée lui ferait obligation de délivrer la chose, quand le jugement n'avait en aucun cas mis à la charge de Mme M... une telle obligation, la cour d'appel, qui l'a dénaturé, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, 3°), QUE la vente parfaite emporte, dès l'échange des consentements, transfert des risques de la chose à l'acheteur, à moins que le vendeur ne soit en demeure de la livrer, auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier ; qu'en se fondant sur la circonstance que la vente judiciairement ordonnée fait obligation à la venderesse de délivrer la chose, pour faire peser sur elle les risques de la chose vendue jusqu'à sa libération et la prise de possession par les acquéreurs, tout en constatant que les parties n'étaient pas convenues d'une prise de possession par les acquéreurs antérieurement à la régularisation de l'acte authentique, prise de possession qui constitue pourtant le corollaire de l'obligation de délivrer la chose, la cour d'appel a violé les articles 1138 et 1139 du code civil, dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.