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06/03/2019 | FRANCE | N°17-21726

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2019, 17-21726


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mai 2017), que le groupement d'intérêt économique AGPM gestion a engagé M. G... à compter du 4 avril 1999 en qualité de délégué commercial ; que dénonçant la reprise par l'employeur d'une partie des commissions versées, en raison de la résiliation des polices d'assurances avant l'expiration d'un certain délai, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamn

er au paiement d'une somme à titre de régularisation des commissions, outre les congé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mai 2017), que le groupement d'intérêt économique AGPM gestion a engagé M. G... à compter du 4 avril 1999 en qualité de délégué commercial ; que dénonçant la reprise par l'employeur d'une partie des commissions versées, en raison de la résiliation des polices d'assurances avant l'expiration d'un certain délai, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme à titre de régularisation des commissions, outre les congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut modifier la convention des parties ; que la « règle des débits », en vertu de laquelle la valeur forfaitaire associée à chaque type de contrat souscrit par un assuré était versée à titre d'avance au salarié au moment de la souscription, mais pouvait ensuite être reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation du contrat avant le terme du 11e ou du 23e mois, faisait partie intégrante des barèmes de rémunération variable produits aux débats par l'employeur et visés par les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, en particulier par le contrat de travail de M. G... ; qu'en retenant que la part individuelle de la rémunération variable du salarié était constituée des valeurs forfaitaires fixées par ces barèmes, mais en jugeant néanmoins inapplicable la « règle des débits » par laquelle les mêmes barèmes pondéraient lesdites valeurs, la cour d'appel a modifié la convention des parties, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, et notamment celui de M. G..., définissaient la part individuelle de la rémunération variable en se référant aux valeurs forfaitaires fixées dans les barèmes de rémunération joints en annexe ; qu'en refusant d'appliquer la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération annexés au contrat, par la considération que le salarié n'avait pas donné son acceptation expresse à cette règle en apposant sa signature sur les barèmes, la cour d'appel, qui a soumis la clause de rémunération variable à un formalisme spécifique, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que toute clause de rémunération variable tend, par nature, à établir une corrélation entre la rémunération versée au salarié et le volume d'activité de l'entreprise ; qu'elle ne devient illicite, comme faisant supporter au salarié le risque d'entreprise, que dans les cas où elle revient à mettre à la charge du salarié les éventuelles pertes d'exploitation ; que la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération variable se bornait à prévoir que l'avance versée au délégué commercial à chaque souscription de contrat serait reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation intervenant au cours des deux premières années, et laissait en tout état de cause au salarié le bénéfice de 10 % ou de 50 % de l'avance perçue ab initio ; qu'une telle clause ne revenait aucunement à mettre à la charge du délégué commercial des pertes d'exploitation subies par l'employeur ; qu'en jugeant cependant que la clause était illicite en ce qu'elle faisait supporter au salarié le risque d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ qu'en matière d'assurance, le risque d'entreprise tient essentiellement au taux de sinistralité ; qu'en retenant que la reprise de 90 % ou de 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré, en cas de résiliation intervenant avant le terme du 11e ou du 23e mois, revenait à faire supporter au salarié le risque d'entreprise, et rendait à ce titre illicite la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération variable, quand l'événement provoquant la reprise était indépendant de toute considération liée à la sinistralité supportée par l'assureur, la cour d'appel a violé, de plus fort, les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ que seules constituent des sanctions les mesures prises par l'employeur à la suite d'agissements du salarié qu'il considère comme fautifs ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la reprise de 90 % ou 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré n'était pas provoquée par un agissement du salarié regardé comme fautif, mais par un événement objectif constitué de la résiliation du contrat avant le terme du 11e ou du 23e mois suivant sa souscription ; qu'en assimilant cependant ce mécanisme à une sanction pécuniaire infligée au salarié, pour en déduire l'illicéité de la « règle des débits », la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1331-2 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la clause du contrat de travail relative à la partie variable du salaire ne prévoyait aucun mécanisme de reprise des commissions versées et que le renvoi à une annexe ne concernait que les barèmes de calcul des commissions, la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas établi que cette annexe, incluant la règle dite des débits, avait été portée à la connaissance du salarié et acceptée par ce dernier lors de la conclusion du contrat de travail, en a exactement déduit que l'annexe lui était inopposable ; que le moyen, qui critique en ses deuxième à cinquième branches des motifs surabondants, n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le groupement d'intérêt économique AGPM gestion aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le groupement d'intérêt économique AGPM gestion à payer à M. G... la somme de 110 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour le groupement d'intérêt économique AGPM gestion

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir dit que l'AGPM avait unilatéralement modifié le contrat de travail de M. G... et avait pris à son encontre des sanctions pécuniaires prohibées et d'avoir, en conséquence, condamné l'AGPM à payer à M. G... les sommes de 21 342,17 euros brut à titre de rappel sur commissions et 2 134,21 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

Aux motifs propres qu'il ressort des pièces produites aux débats (contrat de travail, avenants, accord collectif du 13 janvier 1993) que les conseillers commerciaux du GIE AGPM Gestion disposent d'une rémunération comportant :

- une partie fixe,

- une partie variable dite "individuelle" définie au contrat de travail comme un intéressement, en fonction de la production du salarié concerné, à la souscription des différents produits et services proposés au nom des entités du groupe AGPM, constituée de forfaits déterminés par lignes de produits et susceptibles d'évolution à la hausse, à la baisse ou maintenus en fonction de la politique commerciale définie par la direction de l'entreprise dans un barème des rémunérations,

- une partie variable "collective" constituée par le versement de sommes dont le montant est calculé sur la production des différents salariés de la région ;

que par ailleurs, quels que soient les montants de la rémunération globale (fixe + variable) il est prévu par l'accord collectif du 13 janvier 1993 que la rémunération effective du conseiller commercial ne pourra jamais être inférieure à celle résultant de la rémunération minimale annuelle (ou RMA) ; que M. G... fait valoir que son employeur ne respecte pas le contrat de travail signé entre les parties, appliquant un décommissionnement non contractuellement prévu, et illicite comme représentant une sanction pécuniaire puisqu'il retire de son salaire, une partie de la commission perçue à l'occasion de la souscription d'une assurance lorsque celle-ci est résiliée par le client ; que le GIE AGPM Gestion réplique que les contrats de travail et les barèmes qui leurs sont annexés stipulent précisément ce mode de rémunération variable et cette règle des débits en cas de résiliation de contrat dans une durée déterminée, que cette partie de rémunération à l'intéressement est versée sous forme d'avance et n'est pas acquise au moment de la souscription des assurances, la rentabilité des contrats signés présentant un aléa en cas de résiliation rapide, aléa indépendant de la survenance de sinistres pesant quant à lui uniquement sur l'entreprise ; que cette règle des débits consiste à verser à la souscription du contrat d'assurance passé entre le client et le délégué commercial, la partie variable adéquate au délégué commercial à l'origine de cette souscription, avec application possible d'un débit de 90 % ou de 50 % si le contrat est résilié et selon la date de résiliation par l'adhérent ; qu'il n'est pas contesté que les contrats de travail comme les avenants liant les parties ne comportent pas cette clause telle qu'elle est précisément sus-définie, ceux-ci se contentant dans la définition de la partie variable individuelle de la rémunération de se référer à des valeurs forfaitaires visées dans des barèmes de rémunération joints en annexe et susceptibles d'être revus à la hausse, à la baisse ou maintenus en fonction de la politique commerciale de la direction, les actualisations du barème et des objectifs étant notifiés par tout moyen avant leur mise en place ; que, surtout, ces contrats et avenants, seuls documents signés par les parties, ne visent à aucun moment une règle de débits ou décommissionnements sur des commissions versées et des salaires obtenus, quelles qu'en soient les modalités, pas plus qu'ils ne visent de quelconques avances sur commissions ; que la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que cette modification ne porte que sur la partie variable et que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié ; qu'il appartient au juge de déterminer s'il y a eu modification de la rémunération indiquée dans le contrat de travail, cette modification s'entendant du montant mais aussi de la structure ou du mode de calcul de la rémunération prévue contractuellement ; qu'il lui appartient également de déterminer si cette modification, sauf à ce qu'elle porte sur la fixation unilatérale des objectifs, est intervenue avec l'accord express du salarié ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi au regard des contrats de travail produits que ceux-ci comportaient des annexes ou barèmes signés par les parties et visant précisément cette règle des débits, et qu'il y a bien eu accord express et en toute connaissance de cause du salarié à une clause du contrat portant sur un décommissionnement en cas de résiliation dans un délai donné de l'assurance souscrite par l'adhérent ; que, par ailleurs, le fait de recevoir et accepter mensuellement des relevés mentionnant les débits relevés par l'employeur, des bulletins de paie sans protestations et réserves ainsi que de nouveaux barèmes en cas d'évolution, ne constitue pas une acceptation expresse de la modification du contrat de travail ; qu'à défaut d'acceptation expresse du salarié il convient de dire que cette règle des débits est inopposable à M. G... et ne saurait trouver application ; que, qui plus est, toute clause de variation de salaire est licite si :

- la variation de la rémunération du salarié est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur,

- le salarié ne doit pas supporter le risque de l'entreprise,

- l'application de cette clause ne doit pas avoir pour effet de réduire la rémunération en dessous des minimas légaux ou conventionnels,

- elle ne permet pas indirectement à l'employeur d'infliger une sanction pécuniaire prohibée au salarié ;

qu'en l'espèce, le fait de réduire de moitié voire de 90 % le forfait obtenu par le salarié lors de la souscription du contrat d'assurance et de le débiter d'autant à l'occasion de la rupture de ce dernier par l'adhérent dans un délai plus ou moins court (soit moins de deux ans ou moins d'un an), revient bien à faire supporter au délégué commercial le risque de l'entreprise et la diminution de la rentabilité du contrat signé, et ce indépendamment de toute sinistralité intervenue à l'occasion dudit contrat d'assurance, et peut donc s'analyser comme une sanction pécuniaire infligée au salarié, cette règle des débits ayant pour effet de priver les salariés d'une partie des commissions qui leur étaient dues sur des contrats effectivement réalisés (arrêt attaqué, p. 3, dernier § à p. 5, § 3) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges qu'une partie de la rémunération de M. G... se compose de commissions sur ventes de contrats d'assurance, prévoyance et épargne ; que ces éléments sont des éléments de son contrat de travail et non des conditions de travail ; que dès lors que l'employeur souhaite modifier le contrat de travail il doit obtenir l'accord du salarié ; que cet accord doit nécessairement être exprès et ne peut jamais résulter de la poursuite du contrat aux conditions modifiées ; que la rémunération faite partie intégrante du contrat de travail et ne peut donc pas être modifée sans l'accord exprès du salarié ; que les commissions sont dues aux salariés dès lors que la commande passée par le client est ferme et transmise à l'AGPM ; qu'or, depuis de nombreuses années, la société AGPM opère des retenues rétroactives sur les commissions payées et encaissées par monsieur G... lors de la résiliation ultérieure des contrats par les clients, les preuves étant apportées par M. G... avec ses fiches de production et s'élevant à la somme de 21 342,17 euros ; que ces commissions payées par l'entreprise à M. G..., et qui sont encaissées par M. G..., font partie intégrante de sa rémunération et de son contrat de travail et ne peuvent donc pas lui être retirées rétroactivement sans son accord exprès ; qu'une diminution des commissions résultant d'annulation ultérieures de ventes par les clients prive le salarié d'une partie de sa rémunération et constitue une sanction pécuniaire prohibée ; que, de plus, les conditions de mise en oeuvre de la rémunération variable doivent être clairement stipulées dans le contrat de travail, à savoir :

- les objectifs à atteindre,

- le système d'actualisation et d'évolution des objectifs,

- les moyens de mesure, le montant, la graduation, qu'également, le salarié doit être en mesure de vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail ; qu'en l'espèce, la retenue ou le débit a été appliqué en cas d'impayés correspondant à l'essentiel des débits lors de la première année d'assurance, d'augmentation du montant des cotisations par l'employeur ; qu'or, aucune clause n'a été prévue dans le contrat ni conclue en ce sens ; que l'AGPM affirme qu'elle résultait des notes de service, en ce qui les concerne, celles-ci n'émanent que de l'employeur et sont insusceptibles de modifier le contrat de travail ; que l'AGPM se base sur la formation des commerciaux à la rémunération mais sans apporter la preuve qu'une telle formation ait été dispensée ; qu'il poursuit en concluant que cette règle émane de l'accord collectif du 04/06/2013, et de l'article 23 de l'accord collectif de 1993, de la refonte du système de communication de rémunération en 2002 et enfin à une justification économique ; que le projet général de rémunération 2013 évoqué a été soumis à un avenant contractuel individuel ; qu'ainsi, la rémunération variable étant prévue dans le contrat de travail, elle ne peut être modifiée que par un accord individuel entre les parties ; que, d'ailleurs, le fait, pour le concluant, d'accepter les salaires versés et de poursuivre le contrat n'équivaut pas à une acceptation, contrairement aux affirmations de l'employeur, l'article 23 ne stipule expressément aucune règle des débits ; que, quant à la refonte du système de communication en 2002 validée par le représentant du personnel rien n'est exprimé sur la règle des débits ; que l'AGPM continue son argumentaire en alléguant la clause de bonne fin ; qu'or, aucune clause n'a été conclue et la règle des débits a été appliquée sans accord préalable ; que l'employeur invoque que le salarié ne percevait pas des commissions mais des avances mais cette affirmation n'est nullement justifiée et ne résulte d'aucun accord, d'aucune clause du contrat, ni d'aucun accord collectif ; que quoi qu'il en soit, l'employeur ne pouvait modifier unilatéralement le montant de forfaits de rémunération car, le salaire résulte du contrat de travail et la rémunération contractuelle ou son mode de calcul ne peut être modifié sans l'accord du salarié ; qu'ainsi, toute modification du contrat est subordonnée à l'accord clair et non équivoque du salarié ; qu'également, le principe de la règle des débits n'a jamais été évoqué lors de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires ; que le retrait de commissions payées qui ont fait l'objet de déclarations de l'impôt sur le revenu et servi de base au paiement des charges sociales apparaît comme une sanction disciplinaire ; que la société AGPM a unilatéralement modifié le contrat de travail de M. G... et a pris à son encontre des sanctions pécuniaires prohibées ; qu'en conséquence, le conseil condamne la société AGPM a payer à M. G... la somme de 21 342,17 euros bruts au titre du « dé-commissionnement » (jugement entrepris, p. 8, § 3 à p. 9 § 3) ;

1) Alors que le juge ne peut modifier la convention des parties ; que la « règle des débits », en vertu de laquelle la valeur forfaitaire associée à chaque type de contrat souscrit par un assuré était versée à titre d'avance au salarié au moment de la souscription, mais pouvait ensuite être reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation du contrat avant le terme du 11e ou du 23e mois, faisait partie intégrante des barèmes de rémunération variable produits aux débats par l'employeur et visés par les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, en particulier par le contrat de travail de M. G... ; qu'en retenant que la part individuelle de la rémunération variable du salarié était constituée des valeurs forfaitaires fixées par ces barèmes, mais en jugeant néanmoins inapplicable la « règle des débits » par laquelle les mêmes barèmes pondéraient lesdites valeurs, la cour d'appel a modifié la convention des parties, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2) Alors que le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, et notamment celui de M. G..., définissaient la part individuelle de la rémunération variable en se référant aux valeurs forfaitaires fixées dans les barèmes de rémunération joints en annexe ; qu'en refusant d'appliquer la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération annexés au contrat, par la considération que le salarié n'avait pas donné son acceptation expresse à cette règle en apposant sa signature sur les barèmes, la cour d'appel, qui a soumis la clause de rémunération variable à un formalisme spécifique, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3) Alors que toute clause de rémunération variable tend, par nature, à établir une corrélation entre la rémunération versée au salarié et le volume d'activité de l'entreprise ; qu'elle ne devient illicite, comme faisant supporter au salarié le risque d'entreprise, que dans les cas où elle revient à mettre à la charge du salarié les éventuelles pertes d'exploitation ; que la « règle des débits »

inscrite dans les barèmes de rémunération variable se bornait à prévoir que l'avance versée au délégué commercial à chaque souscription de contrat serait reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation intervenant au cours des deux premières années, et laissait en tout état de cause au salarié le bénéfice de 10 % ou de 50 % de l'avance perçue ab initio ; qu'une telle clause ne revenait aucunement à mettre à la charge du délégué commercial des pertes d'exploitation subies par l'employeur ; qu'en jugeant cependant que la clause était illicite en ce qu'elle faisait supporter au salarié le risque d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

4) Alors qu'en matière d'assurance, le risque d'entreprise tient essentiellement au taux de sinistralité ; qu'en retenant que la reprise de 90 % ou de 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré, en cas de résiliation intervenant avant le terme du 11e ou du 23e mois, revenait à faire supporter au salarié le risque d'entreprise, et rendait à ce titre illicite la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération variable, quand l'événement provoquant la reprise était indépendant de toute considération liée à la sinistralité supportée par l'assureur, la cour d'appel a violé, de plus fort, les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

5) Alors que seules constituent des sanctions les mesures prises par l'employeur à la suite d'agissements du salarié qu'il considère comme fautifs ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la reprise de 90 % ou 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré n'était pas provoquée par un agissement du salarié regardé comme fautif, mais par un événement objectif constitué de la résiliation du contrat avant le terme du 11e ou du 23e mois suivant sa souscription ; qu'en assimilant cependant ce mécanisme à une sanction pécuniaire infligée au salarié, pour en déduire l'illicéité de la « règle des débits », la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1331-2 du code du travail ;

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné l'AGPM à payer à M. G... la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Aux motifs propres que, concernant les dommages et intérêts demandés par le salarié, il y a lieu de dire que le premier juge a justement évalué le préjudice subi et de confirmer la somme allouée en réparation du comportement déloyal et abusif de l'employeur (arrêt attaqué, p. 7, § 1) ;

Et aux motifs réputés adoptés des premiers juges que le conseil a condamné, entre autres, la société AGPM à payer à M. G... la somme de 21 342,17 euros bruts au titre du « dé-commissionnement » de juin 2010 à janvier 2012 ; que M. G... a été contraint de déclarer fiscalement et donc d'être imposé depuis l'année 2010, sur des sommes qui lui ont été illégalement retirées par la suite ce qui lui occasionne un lourd préjudice ; qu'en conséquence, le conseil de prud'hommes condamne la société AGPM à payer à M. G... la somme de 4 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur (jugement entrepris, p. 10, § 1 à 3) ;

1) Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, en ce que les reprises opérées en application de la « règle des débits » ont été jugées irrégulières, s'étendra, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, au chef de l'arrêt par lequel la cour d'appel a inféré de cette appréciation que l'employeur avait eu un comportement déloyal et abusif justifiant l'allocation de dommages-intérêts au salarié ;

2) Alors que, subsidiairement, les dommages-intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en relevant, pour accorder au salarié la somme de 4 000 euros en réparation des conséquences de la « règle des débits », que ce salarié avait été imposé sur des sommes lui ayant été illégalement retirées par la suite, sans tenir compte du fait que la reprise de ces avances avait diminué d'autant son revenu imposable des années suivantes, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit, en violation des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause, c'est-à-dire antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné le GIE AGPM Gestion à payer à M. G... la somme globale de 9 881,59 euros à titre de rappel de salaires sur RMA, outre la somme brute de 988,15 euros de congés payés y afférents ;

Aux motifs propres que M. G... fait valoir que dans le calcul de la RMA (ou rémunération minimale annuelle) qui lui est due, sont intégrées diverses primes contrairement à ce qui est prévu dans les accords collectifs comme dans le contrat de travail applicables, ce qui n'est pas contesté par l'employeur ; que le contrat de travail liant les parties stipule que la RMA de la classe 5 est calculée sur le salaire fixe plus la rémunération variable ; que dans son descriptif du salaire, cette convention prévoit la partie fixe et les deux parties de rémunération variable (partie individuelle et partie collective) et ajoute que le salarié bénéficiera en outre de primes dont la nature et les modalités d'obtention sont définies dans différents accords d'entreprise ; que les primes ainsi visées sont donc bien distinctes du salaire de base et ce que doit comprendre la RMA et ne peuvent être intégrées pour calculer cette dernière par rapport aux sommes dues au salarié ; qu'il convient donc de confirmer le jugement de ce chef (arrêt attaqué, p. 6, § 4 à 7) ;

Et aux motifs réputés adoptés des premiers juges que selon l'article 31 de la convention collective des sociétés d'assurance du 27 mai 1992 : « a) (

) La rémunération minimale annuelle représente la somme brute en-dessous de laquelle les salariés exerçant des fonctions relevant de la même classe au sens de l'annexe I et ayant satisfait à la période d'essai, ne peuvent être rémunérés pour une année complète de travail effectif ou de périodes assimilées.

b) Pour l'application de cette garantie, il y a lieu :

1. De prendre en considération – quels qu'en soient l'objet, les critères d'attribution, l'appellation et la périodicité de versement – tous les éléments du salaire effectif sans autres exceptions que celles énoncées au c ci-après.

2. D'assimiler à des périodes de travail effectif toutes celles pendant lesquelles la rémunération est maintenue en totalité par l'employeur, soit en vertu de dispositions légales ou conventionnelles, soit par décision de l'entreprise.

c) Toutefois, en tant qu'exceptions visées au b 1 ci-dessus, les éléments ci-après définis ne sont pas pris en compte pour vérifier si la rémunération minimale annuelle est atteinte - la gratification versée à l'occasion de l'obtention d'un diplôme selon les conditions fixées à l'article 65 ;

- les éléments qui sont attribués pour tenir compte de conditions exceptionnelles ou inhabituelles d'exercice des fonctions considérées, c'est-à-dire ceux qui cessent d'être payés lorsque ces conditions particulières prennent fin ;

- les éléments de salaire attribués à titre individuel en raison d'un fait non renouvelable, c'est-à-dire soit un événement exceptionnel concernant le salarié lui-même, soit un acte accompli ou un résultat obtenu ;

- la prime d'expérience calculée selon les conditions fixées à l'article 35 ;

- les éléments de rémunération afférents à du temps de travail effectué, le cas échéant, au-delà de la durée annuelle visée au 1er alinéa de l'article 32 ci-après ;

- l'indemnité de fin de contrat à durée déterminée ;

- les sommes ayant le caractère de remboursement de frais » ; que selon l'article 3 de l'avenant du contrat de travail du 2 juillet 2010 de Monsieur G... : « la RMA de la classe 5 (calculée sur le salaire fixe + rémunération variable) », et l'article 3 dudit avenant (Après avoir fait l'inventaire des éléments composant la part fixe et variable de la rémunération) : « Vous bénéficierez en outre, de primes dont la nature et les modalités d'obtention sont définies, dans l'accord d'entreprise AGPM, ainsi que dans les accords conclus au sein du groupe AGPM » ; qu'en l'espèce, afin de savoir si la rémunération minimale annuelle de Monsieur G... lui a bien été payée, l'employeur prend en compte ses primes de vacances, de 13ème mois et de cherté de la vie ; qu'or, l'article 2 de l'avenant de Monsieur G... à son contrat de travail du 2 juillet 2010 stipule que Monsieur G... est assuré de percevoir « la RMA de la classe 5 (calculée sur le salaire fixe + rémunération variable) » ; que l'article 3 intitulé « rémunération » du contrat de travail de Monsieur G... prévoit expressément, à titre liminaire, que la rémunération de Monsieur G... « sera composée de trois parties : une partie fixe, une partie variable individuelle et une partie variable collective » ; que l'article 3.1 présente expressément comment est constituée la partie fixe ; que l'article 3.2 présente expressément comment est constituée la partie variable dite individuelle et l'article 3.3 présente expressément comment est constituée la partie variable collective ; qu'enfin, le dernier paragraphe de l'article 3 stipule que Monsieur G... bénéficiera « en outre de primes dont la nature et les modalités d'obtention sont définies dans l'accord d'entreprise AGPM ainsi que dans les accords conclus au sein du groupe AGPM » ; que l'expression « en outre » signifie « en plus » ; que ceci étant plus favorable que les dispositions de la convention collective applicable, le contrat de travail de Monsieur G... prévoit donc, et en toute hypothèse, que Monsieur G... bénéficiera en plus de sa rémunération fixe et variable des primes de vacances, de 13ème mois et de cherté de la vie sans que celles-ci puissent donc être prises en compte dans le calcul de sa rémunération minimale annuelle ; que la société AGPM ne pouvait pas prendre en compte la prime de vacances ainsi que la prime de 13ème mois prévues par l'accord d'entreprise de Monsieur G... dans le calcul de sa rémunération minimale annuelle ; [

] qu'en conséquence, le conseil de prud'hommes condamne la société AGPM à payer à Monsieur G... la somme brute de 9 881,59 euros à titre de rappels de salaires concernant la rémunération minimale pour les années 2012 et 2013 (jugement entrepris, p. 3, dernier § à p. 5, § 2) ;

Alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'aux termes du contrat de travail de M. G..., la rémunération minimale annuelle applicable à ce salarié était calculée sur son salaire fixe cumulé à sa rémunération variable, sans aucune exclusion visant les éléments de rémunération issus d'accords collectifs et non du contrat ; qu'en jugeant qu'il résultait du contrat de travail liant les parties que les primes dont la nature et les modalités d'obtention étaient définies par accord d'entreprise, telles que les primes de vacances ou de 13e mois, étaient exclues du calcul de la rémunération minimale annuelle, dès lors qu'elles venaient s'ajouter aux parties fixe et variable de la rémunération contractuelle, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail de M. G..., en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-21726
Date de la décision : 06/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2019, pourvoi n°17-21726


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21726
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