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06/03/2019 | FRANCE | N°17-21722

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2019, 17-21722


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Groupement d'intérêt économique AGPM gestion a engagé M. D... à compter du 1er février 2006 en qualité de délégué commercial ; que dénonçant la reprise par l'employeur d'une partie des commissions versées, en raison de la résiliation des polices d'assurances avant l'expiration d'un certain délai, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme

à titre de régularisation des commissions, outre les congés payés afférents, alors, s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Groupement d'intérêt économique AGPM gestion a engagé M. D... à compter du 1er février 2006 en qualité de délégué commercial ; que dénonçant la reprise par l'employeur d'une partie des commissions versées, en raison de la résiliation des polices d'assurances avant l'expiration d'un certain délai, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme à titre de régularisation des commissions, outre les congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut modifier la convention des parties ; que la « règle des débits », en vertu de laquelle la valeur forfaitaire associée à chaque type de contrat souscrit par un assuré était versée à titre d'avance au salarié au moment de la souscription, mais pouvait ensuite être reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation du contrat avant le terme du 11e ou du 23e mois, faisait partie intégrante des barèmes de rémunération variable produits aux débats par l'employeur et visés par les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, en particulier par le contrat de travail de M. D... ; qu'en retenant que la part individuelle de la rémunération variable du salarié était constituée des valeurs forfaitaires fixées par ces barèmes, mais en jugeant néanmoins inapplicable la « règle des débits » par laquelle les mêmes barèmes pondéraient lesdites valeurs, la cour d'appel a modifié la convention des parties, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, et notamment celui de M. D..., définissaient la part individuelle de la rémunération variable en se référant aux valeurs forfaitaires fixées dans les barèmes de rémunération joints en annexe ; qu'en refusant d'appliquer la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération annexés au contrat, par la considération que le salarié n'avait pas donné son acceptation expresse à cette règle en apposant sa signature sur les barèmes, la cour d'appel, qui a soumis la clause de rémunération variable à un formalisme spécifique, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que toute clause de rémunération variable tend, par nature, à établir une corrélation entre la rémunération versée au salarié et le volume d'activité de l'entreprise ; qu'elle ne devient illicite, comme faisant supporter au salarié le risque d'entreprise, que dans les cas où elle revient à mettre à la charge du salarié les éventuelles pertes d'exploitation ; que la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération variable se bornait à prévoir que l'avance versée au délégué commercial à chaque souscription de contrat serait reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation intervenant au cours des deux premières années, et laissait en tout état de cause au salarié le bénéfice de 10 % ou de 50 % de l'avance perçue ab initio ; qu'une telle clause ne revenait aucunement à mettre à la charge du délégué commercial des pertes d'exploitation subies par l'employeur ; qu'en jugeant cependant que la clause était illicite en ce qu'elle faisait supporter au salarié le risque d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ qu'en matière d'assurance, le risque d'entreprise tient essentiellement au taux de sinistralité ; qu'en retenant que la reprise de 90 % ou de 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré, en cas de résiliation intervenant avant le terme du 11e ou du 23e mois, revenait à faire supporter au salarié le risque d'entreprise, et rendait à ce titre illicite la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération variable, quand l'événement provoquant la reprise était indépendant de toute considération liée à la sinistralité supportée par l'assureur, la cour d'appel a violé, de plus fort, les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ que seules constituent des sanctions les mesures prises par l'employeur à la suite d'agissements du salarié qu'il considère comme fautifs ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la reprise de 90 % ou 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré n'était pas provoquée par un agissement du salarié regardé comme fautif, mais par un événement objectif constitué de la résiliation du contrat avant le terme du 11e ou du 23e mois suivant sa souscription ; qu'en assimilant cependant ce mécanisme à une sanction pécuniaire infligée au salarié, pour en déduire l'illicéité de la « règle des débits », la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1331-2 du code du travail ;

6°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que la « règle des débits » figurant dans les barèmes de rémunération variable produits par l'employeur ne prévoyait pas que le décès de l'assuré dans les deux ans provoquait la reprise, à hauteur de 90 % ou de 50 %, de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription de contrat ; qu'en affirmant, par motif réputé adopté des premiers juges (jugement entrepris, p. 6, § 1), que la reprise résultant de la « règle des débits » s'appliquait « même en cas de décès du client dans les deux ans », la cour d'appel a dénaturé les barèmes de rémunération variable versés aux débats, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la clause du contrat de travail relative à la partie variable du salaire ne prévoyait aucun mécanisme de reprise des commissions versées et que le renvoi à une annexe ne concernait que les barèmes de calcul des commissions, la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas établi que cette annexe, incluant la règle dite des débits, avait été portée à la connaissance du salarié et acceptée par ce dernier lors de la conclusion du contrat de travail, en a exactement déduit que l'annexe lui était inopposable ; que le moyen qui critique en ses deuxième à cinquième branches des motifs surabondants, n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre de l'application de la revalorisation de la négociation annuelle obligatoire sur la rémunération variable, l'arrêt retient, par motifs propres, que les procès-verbaux de négociations annuelles obligatoires des années 2011 à 2015 ne permettent pas de justifier que ces négociations ont porté sur les salaires variables ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les procès-verbaux énonçaient les revendications syndicales en matière de rémunération variable des délégués commerciaux et constataient le refus de l'employeur d'y donner suite, la cour d'appel, qui a dénaturé ces actes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le Groupement d'intérêt économique AGPM gestion au paiement d'une somme de 33 117,69 euros en application de la revalorisation de la NAO sur la rémunération variable, outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 19 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. D... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société AGPM gestion

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que le « dé-commissionnement » appliqué par l'AGPM était une pratique illicite et d'avoir, en conséquence, condamné l'AGPM à payer à M. D... les sommes de 88 509,87 euros brut au titre de la régularisation des commissions et 8 850,99 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

Aux motifs propres qu'il ressort des pièces produites aux débats (contrat de travail, avenants, accord collectif du 13 janvier 1993) que les conseillers commerciaux du GIE AGPM Gestion disposent d'une rémunération comportant :

- une partie fixe,

- une partie variable dite "individuelle" définie au contrat de travail comme un intéressement, en fonction de la production du salarié concerné, à la souscription des différents produits et services proposés au nom des entités du groupe AGPM, constituée de forfaits déterminés par lignes de produits et susceptibles d'évolution à la hausse, à la baisse ou maintenus en fonction de la politique commerciale définie par la direction de l'entreprise dans un barème des rémunérations,

- une partie variable "collective" constituée par le versement de sommes dont le montant est calculé sur la production des différents salariés de la région ;

que par ailleurs, quels que soient les montants de la rémunération globale (fixe + variable) il est prévu par l'accord collectif du 13 janvier 1993 que la rémunération effective du conseiller commercial ne pourra jamais être inférieure à celle résultant de la rémunération minimale annuelle (ou RMA) ; que M. D... fait valoir que son employeur ne respecte pas le contrat de travail signé entre les parties, appliquant un décommissionnement non contractuellement prévu, et illicite comme représentant une sanction pécuniaire puisqu'il retire de son salaire, une partie de la commission perçue à l'occasion de la souscription d'une assurance lorsque celle-ci est résiliée par le client ; que le GIE AGPM Gestion réplique que les contrats de travail et les barèmes qui leurs sont annexés stipulent précisément ce mode de rémunération variable et cette règle des débits en cas de résiliation de contrat dans une durée déterminée, que cette partie de rémunération à l'intéressement est versée sous forme d'avance et n'est pas acquise au moment de la souscription des assurances, la rentabilité des contrats signés présentant un aléa en cas de résiliation rapide, aléa indépendant de la survenance de sinistres pesant quant à lui uniquement sur l'entreprise ; que cette règle des débits consiste à verser à la souscription du contrat d'assurance passé entre le client et le délégué commercial, la partie variable adéquate au délégué commercial à l'origine de cette souscription, avec application possible d'un débit de 90 % ou de 50 % si le contrat est résilié et selon la date de résiliation par l'adhérent ; qu'il n'est pas contesté que les contrats de travail comme les avenants liant les parties ne comportent pas cette clause telle qu'elle est précisément sus-définie, ceux-ci se contentant dans la définition de la partie variable individuelle de la rémunération de se référer à des valeurs forfaitaires visées dans des barèmes de rémunération joints en annexe et susceptibles d'être revus à la hausse, à la baisse ou maintenus en fonction de la politique commerciale de la direction, les actualisations du barème et des objectifs étant notifiés par tout moyen avant leur mise en place ; que, surtout, ces contrats et avenants, seuls documents signés par les parties, ne visent à aucun moment une règle de débits ou décommissionnements sur des commissions versées et des salaires obtenus, quelles qu'en soient les modalités, pas plus qu'ils ne visent de quelconques avances sur commissions ; que la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que cette modification ne porte que sur la partie variable et que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié ; qu'il appartient au juge de déterminer s'il y a eu modification de la rémunération indiquée dans le contrat de travail, cette modification s'entendant du montant mais aussi de la structure ou du mode de calcul de la rémunération prévue contractuellement ; qu'il lui appartient également de déterminer si cette modification, sauf à ce qu'elle porte sur la fixation unilatérale des objectifs, est intervenue avec l'accord express du salarié ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi au regard des contrats de travail produits que ceux-ci comportaient des annexes ou barèmes signés par les parties et visant précisément cette règle des débits, et qu'il y a bien eu accord express et en toute connaissance de cause du salarié à une clause du contrat portant sur un décommissionnement en cas de résiliation dans un délai donné de l'assurance souscrite par l'adhérent ; que, par ailleurs, le fait de recevoir et accepter mensuellement des relevés mentionnant les débits relevés par l'employeur, des bulletins de paie sans protestations et réserves ainsi que de nouveaux barèmes en cas d'évolution, ne constitue pas une acceptation expresse de la modification du contrat de travail ; qu'à défaut d'acceptation expresse du salarié il convient de dire que cette règle des débits est inopposable à M. D... et ne saurait trouver application ; que, qui plus est, toute clause de variation de salaire est licite si :

- la variation de la rémunération du salarié est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur,

- le salarié ne doit pas supporter le risque de l'entreprise,

- l'application de cette clause ne doit pas avoir pour effet de réduire la rémunération en dessous des minimas légaux ou conventionnels,

- elle ne permet pas indirectement à l'employeur d'infliger une sanction pécuniaire prohibée au salarié ;

qu'en l'espèce, le fait de réduire de moitié voire de 90 % le forfait obtenu par le salarié lors de la souscription du contrat d'assurance et de le débiter d'autant à l'occasion de la rupture de ce dernier par l'adhérent dans un délai plus ou moins court (soit moins de deux ans ou moins d'un an), revient bien à faire supporter au délégué commercial le risque de l'entreprise et la diminution de la rentabilité du contrat signé, et ce indépendamment de toute sinistralité intervenue à l'occasion dudit contrat d'assurance, et peut donc s'analyser comme une sanction pécuniaire infligée au salarié, cette règle des débits ayant pour effet de priver les salariés d'une partie des commissions qui leur étaient dues sur des contrats effectivement réalisés (

) ; qu'au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris et rejeter les demandes reconventionnelles de l'appelant, actualisant les sommes allouées au salarié à 88 509,87 + 8 850,99 euros au titre de la régularisation des commissions et des congés payés afférents, sommes arrêtées en 2015 (arrêt attaqué, p. 4, § 4 à p. 5, § 8 et p. 5, dernier §) ;

Et aux motifs réputés adoptés des premiers juges que les conditions d'exercice de la profession de M. D... sont fixées par son contrat de travail ; qu'à l'examen de ce document et des différents avenants à aucun moment la reprise des commissions n'est contractualisée par l'employeur ; que l'employeur invoque que la reprise de commission est valide puisque la commission n'est définitivement acquise que par la réalisation effective de la transaction ; que cette pratique (très clairement appelée « reprise des rémunérations » par l'ancien directeur de l'AGPM) apparaît sur les relevés mensuels de commission, et est déduite directement des dernières commissions du délégué commercial ; que sur les bulletins de salaire n'est mentionné que le total des commissions allouées aux salariés, après déduction des « dé commissionnements » ; que, de plus, les conditions de mise en oeuvre de la rémunération variable doivent être clairement stipulées dans le contrat de travail, à savoir :

- les objectifs à atteindre,

- le système d'actualisation et d'évolution des objectifs,

- les moyens de mesure, le montant, la graduation, qu'également, le salarié doit être en mesure de vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail ; que la retenue ou le débit a été appliquée en cas d'impayés correspondant à l'essentiel des débits lors de la première année d'assurance, d'augmentation du montant des cotisations par l'employeur ; qu'or, aucune clause n'a été prévue dans le contrat ni conclue en ce sens ; que l'AGPM affirme qu'elle résultait des notes de service, en ce qui les concernent, celles-ci n'émanent que de l'employeur et est insusceptible de modifier le contrat de travail ; que l'AGPM se base sur la formation des commerciaux à la rémunération mais sans apporter la preuve qu'une telle formation ait été dispensée ; qu'il poursuit en concluant que cette règle émane de l'accord collectif du 04/06/2013, et de l'article 23 de l'accord collectif de 1993, de la refonte du système de communication de rémunération en 2002 et enfin à une justification économique ; que le projet général de rémunération 2013 évoqué a été soumis à un avenant contractuel individuel ; qu'ainsi, la rémunération variable étant prévue dans le contrat de travail, elle ne peut être modifiée que par un accord individuel entre les parties ; que, d'ailleurs, le fait, pour le concluant, d'accepter les salaires versés et de poursuivre le contrat n'équivaut pas à une acceptation, contrairement aux affirmations de l'employeur, l'article 23 ne stipule expressément aucune règle des débits ; que, quant à la refonte du système de communication en 2002 validée par le représentant du personnel rien n'est exprimé sur la règle des débits ; que l'AGPM continue son argumentaire en alléguant la clause de bonne fin ; qu'or, aucune clause n'a été conclue et la règle des débits a été appliquée sans accord préalable ; que l'employeur invoque que le salarié ne percevait pas des commissions mais des avances mais cette affirmation n'est nullement justifiée et ne résulte d'aucun accord, d'aucune clause du contrat, ni d'aucun accord collectif ; que quoi qu'il en soit, l'employeur ne pouvait modifier unilatéralement le montant de forfaits de rémunération car, le salaire résulte du contrat de travail et la rémunération contractuelle ou son mode de calcul ne peut être modifié sans l'accord du salarié ; qu'ainsi, toute modification du contrat est subordonnée à l'accord clair et non équivoque du salarié ; qu'également, le principe de la règle des débits n'a jamais été évoqué lors de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires ; que le retrait de commissions payées qui ont fait l'objet de déclarations de l'impôt sur le revenu et servi de base au paiement des charges sociales apparaît comme une sanction disciplinaire ; que la société AGPM a unilatéralement modifié le contrat de travail de M. G... et a donc pris à son encontre des sanctions pécuniaires prohibées ; que d'ailleurs, par certains avenants proposés depuis, l'AGPM reconnaît implicitement que la reprise des commissions ("règle des débits") pratiquée était illégale ; que de plus, le fait, pour le concluant, d'accepter les salaires versés et de poursuivre le contrat, n'équivaut pas à une acceptation ; qu'ainsi, M. D... a subi cette pratique notamment pour les contrats non renouvelés suivants :

Mr Y... R... N° adhérent [...] (contrat auto souscrit le 05/04/2011 payé sur la production de avril 2011 103,00 euros). Dé-commissionné sur la paie de mars 2013 pour la somme de 51,50 euros ;

Mr O... N° [...] (contrat de prévoyance souscrit le 03/03/2008 payé sur la production de mars 2008 103,00 euros). Dé-commissionné sur la paie d'avril 2008 pour la somme de 92,70 euros ;

que cette retenue sur commissions est également appliquée en cas d'impayés, de résiliation motivée par l'augmentation du montant des cotisations de l'assurance souscrite, et même en cas de décès du client dans les deux ans ; que le montant de ces dé commissionnements s'élève à :

- 11 678,93 € en 2008

- 14 673,75 € en 2009

- 12 741,47 € en 2010

- 12 859,15 € en 2011

- 12 951,57 € en 2012

- 11 003,50 € en 2013

- 4 237,00 € jusqu'en juin 2014 ;

qu'en conséquence, le conseil constate que le GIE AGPM Gestion a procédé à des décommissionnements prohibés puisque constituant des sanctions pécuniaires et que M. D... est fondé à obtenir le paiement des commissions qui lui ont été retirées à tort et condamne l'AGPM à lui verser à ce titre la somme de 80 145,37 € brut à juin 2014 (jugement entrepris, p. 4, § 11 à p. 6, § 2) ;

1) Alors que le juge ne peut modifier la convention des parties ; que la « règle des débits », en vertu de laquelle la valeur forfaitaire associée à chaque type de contrat souscrit par un assuré était versée à titre d'avance au salarié au moment de la souscription, mais pouvait ensuite être reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation du contrat avant le terme du 11e ou du 23e mois, faisait partie intégrante des barèmes de rémunération variable produits aux débats par l'employeur et visés par les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, en particulier par le contrat de travail de M. D... ; qu'en retenant que la part individuelle de la rémunération variable du salarié était constituée des valeurs forfaitaires fixées par ces barèmes, mais en jugeant néanmoins inapplicable la « règle des débits » par laquelle les mêmes barèmes pondéraient lesdites valeurs, la cour d'appel a modifié la convention des parties, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2) Alors que le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, et notamment celui de M. D..., définissaient la part individuelle de la rémunération variable en se référant aux valeurs forfaitaires fixées dans les barèmes de rémunération joints en annexe ; qu'en refusant d'appliquer la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération annexés au contrat, par la considération que le salarié n'avait pas donné son acceptation expresse à cette règle en apposant sa signature sur les barèmes, la cour d'appel, qui a soumis la clause de rémunération variable à un formalisme spécifique, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3) Alors que toute clause de rémunération variable tend, par nature, à établir une corrélation entre la rémunération versée au salarié et le volume d'activité de l'entreprise ; qu'elle ne devient illicite, comme faisant supporter au salarié le risque d'entreprise, que dans les cas où elle revient à mettre à la charge du salarié les éventuelles pertes d'exploitation ; que la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération variable se bornait à prévoir que l'avance versée au délégué commercial à chaque souscription de contrat serait reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation intervenant au cours des deux premières années, et laissait en tout état de cause au salarié le bénéfice de 10 % ou de 50 % de l'avance perçue ab initio ; qu'une telle clause ne revenait aucunement à mettre à la charge du délégué commercial des pertes d'exploitation subies par l'employeur ; qu'en jugeant cependant que la clause était illicite en ce qu'elle faisait supporter au salarié le risque d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

4) Alors qu'en matière d'assurance, le risque d'entreprise tient essentiellement au taux de sinistralité ; qu'en retenant que la reprise de 90 % ou de 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré, en cas de résiliation intervenant avant le terme du 11e ou du 23e mois, revenait à faire supporter au salarié le risque d'entreprise, et rendait à ce titre illicite la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération variable, quand l'événement provoquant la reprise était indépendant de toute considération liée à la sinistralité supportée par l'assureur, la cour d'appel a violé, de plus fort, les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

5) Alors que seules constituent des sanctions les mesures prises par l'employeur à la suite d'agissements du salarié qu'il considère comme fautifs ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la reprise de 90 % ou 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré n'était pas provoquée par un agissement du salarié regardé comme fautif, mais par un événement objectif constitué de la résiliation du contrat avant le terme du 11e ou du 23e mois suivant sa souscription ; qu'en assimilant cependant ce mécanisme à une sanction pécuniaire infligée au salarié, pour en déduire l'illicéité de la « règle des débits », la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1331-2 du code du travail ;

6) Alors qu'il est interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que la « règle des débits » figurant dans les barèmes de rémunération variable produits par l'employeur ne prévoyait pas que le décès de l'assuré dans les deux ans provoquait la reprise, à hauteur de 90 % ou de 50 %, de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription de contrat ; qu'en affirmant, par motif réputé adopté des premiers juges (jugement entrepris, p. 6, § 1), que la reprise résultant de la « règle des débits » s'appliquait « même en cas de décès du client dans les deux ans », la cour d'appel a dénaturé les barèmes de rémunération variable versés aux débats, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné l'AGPM à payer à M. D... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Aux motifs propres que, concernant les dommages et intérêts demandés par le salarié, il y a lieu de dire que le premier juge a justement évalué le préjudice subi et de confirmer la somme allouée en réparation du comportement déloyal et abusif de l'employeur (arrêt attaqué, p. 6, § 1) ;

Et aux motifs réputés adoptés des premiers juges que le conseil a condamné, entre autres, la société AGPM à payer à M. D... la somme de 80 145,37 € bruts au titre du « dé-commissionnement » et les congés payés y afférents ; que M. D... a été contraint de déclarer fiscalement depuis l'année 2006 et donc d'être imposé sur ces montants qui lui ont été illégalement retirées, ce qui lui occasionne un lourd préjudice ; qu'en conséquence, le conseil de prud'hommes condamne la société AGPM à payer à M. D... la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur (jugement entrepris, p. 8, § 6 à 8) ;

1) Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, en ce que les reprises opérées en application de la « règle des débits » ont été jugées irrégulières, s'étendra, conformément à l'article du code de procédure civile, au chef de l'arrêt par lequel la cour d'appel a inféré de cette appréciation que l'employeur avait eu un comportement déloyal et abusif justifiant l'allocation de dommages-intérêts au salarié ;

2) Alors que, subsidiairement, les dommages-intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en relevant, pour accorder au salarié la somme de 5 000 euros en réparation des conséquences de la « règle des débits », que ce salarié avait été imposé sur des sommes lui ayant été illégalement retirées par la suite, sans tenir compte du fait que la reprise de ces avances avait diminué d'autant son revenu imposable des années suivantes, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit, en violation des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause, c'est-à-dire antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné l'AGPM à payer à M. D... les sommes de 33 117,69 euros brut au titre de « l'application de la revalorisation de la NAO sur la rémunération variable » et 3 311,77 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

Aux motifs propres qu'il est prévu par l'article L. 2242-8 du code du travail que chaque année l'employeur doit engager une négociation annuelle obligatoire (ou NAO) portant entre autres sur les salaires effectifs ; que M. B... D... fait valoir l'absence de NAO portant sur la partie variable des salaires, seule sa rémunération fixe ayant fait l'objet d'augmentations négociées et demande la revalorisation à compter de 2008 de la partie variable de son salaire ; que l'AGPM réplique qu'elle a engagé chaque année des NAO, dans lesquelles elle précisait vouloir maintenir telle quelle la partie variable des salaires, et précise que les employés concernés ont bien bénéficié d'augmentations sur la partie fixe de leurs rémunérations ; que les seuls PV de NAO produits aux débats visent les années 2000 à 2002 et 2011 à 2013 et ne permettent pas de justifier de négociations annuelles portant sur les salaires effectifs et notamment sur leur partie variable ; que par ailleurs, l'AGPM ne conteste pas le défaut d'augmentation de cette partie variable ; qu'or, la revalorisation de la rémunération négociée annuellement doit aussi concerner la rémunération variable ; qu'il convient donc de déclarer fondée la demande de revalorisation du salarié et de confirmer le jugement entrepris de ce chef (arrêt attaqué, p. 6, § 6 à 10) ;

Et aux motifs réputés adoptés des premiers juges que selon l'article L. 2242-8 du code du travail : « Chaque année l'employeur engage une négociation annuelle obligatoire sur : 1° Les salaires effectifs ; 2° La durée effective et l'organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel ou l'augmentation de la durée du travail à la demande des salariés. Cette négociation peut également porter sur la formation ou la réduction du temps de travail » ; que selon la Cour de cassation du 20 octobre 1998 : « le paiement de la partie variable de la rémunération résultait du contrat de travail ; qu'à défaut d'un accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombait au juge de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes » ; [

] qu'en l'espèce, l'inspection du travail, dans son courrier en date du 23 novembre 2012, a critiqué l'absence de négociation annuelle en ce qui concerne la rémunération variable ; que les syndicats ont également déploré cette pratique illégale qui consiste à ne pas intégrer la rémunération variable des salariés dans le cadre des négociations annuelles, surtout que cela concerne la partie la plus importante de la rémunération des commerciaux de l'AGPM ; que seule la rémunération fixe de M. B... D... a bénéficié de l'augmentation de salaire annuellement négociée avec les syndicats ; qu'or, la revalorisation de la rémunération négociée annuellement doit aussi concerner la rémunération variable ; qu'ainsi, M. D... est fondé à demander le bénéfice de cette revalorisation de salaire en ce qui concerne sa rémunération variable soit la somme de 33 117, 69 euros ainsi que 3 311,77 euros de congés payés y afférents, selon détail de calculs sur ces 5 dernières années ; qu'en conséquence, le conseil condamne l'AGPM à verser à M. D... la somme de 33 117, 69 euros brut de revalorisation de salaire en ce qui concerne sa rémunération variable ainsi que 3 311,77 euros brut de congés payés y afférents sur ces 5 dernières années (jugement entrepris, p. 7, §7 à p. 8, § 3) ;

1) Alors que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel soutenues à l'audience (p. 12, dernier §, p. 55, § 6), l'AGPM faisait valoir que la commission moyenne versée à M. D... par contrat souscrit était passée de 38,96 euros en 2008 à 50,74 euros en 2013 ; qu'en affirmant que l'AGPM ne contestait pas le défaut d'augmentation de la partie variable de la rémunération, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2) Alors qu'il est interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que les procès-verbaux de négociation annuelle du 29 novembre 2011, du 11 décembre 2012 et du 18 décembre 2013 produits aux débats par l'employeur faisaient état de discussions relatives à la revalorisation de la part variable du salaire des commerciaux, à la révision des barèmes de rémunération variable, à l'abandon de la « règle des débits », à la mise en place d'un nouveau système de rémunération variable des commerciaux, ainsi qu'à l'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise ; qu'en affirmant que ces procèsverbaux ne permettaient pas de justifier de négociations annuelles portant sur les salaires effectifs et notamment sur leur partie variable, la cour d'appel les a dénaturés, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3) Alors que, subsidiairement, la négociation annuelle obligatoire ne contraint pas l'employeur à trouver chaque année un accord avec les syndicats sur des augmentations de salaire ; que si aucun accord n'a été conclu au terme de la négociation, l'article L. 2242-4 du code du travail prévoit l'établissement d'un procès-verbal de désaccord dans lequel sont consignées, en leur dernier état, les propositions respectives des parties et les mesures que l'employeur entend appliquer unilatéralement ; qu'il s'en déduit qu'en l'absence de négociation annuelle sur un élément de rémunération, tel que la partie variable des salaires, il n'appartient pas au juge de se substituer à la négociation pour imposer à l'employeur des augmentations salariales qu'il n'a pas consenties ; qu'en inférant de l'absence prétendue de négociation annuelle sur la partie variable de la rémunération des délégués commerciaux qu'il y avait lieu d'accorder à M. D... la revalorisation rétroactive de son salaire variable, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles L. 1221-1, L. 2242-1, L. 2242-4 et L. 2242-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-21722
Date de la décision : 06/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2019, pourvoi n°17-21722


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21722
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