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20/02/2019 | FRANCE | N°17-26309;17-26310;17-26311

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 février 2019, 17-26309 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Y 17-26.309, Z 17-26.310 et A 17-26.311 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les jugements attaqués (conseil de prud'hommes du Mans, 25 juillet 2017), rendus en dernier ressort, que le 30 juin 1999, un accord sur la réduction et l'organisation du temps de travail a été signé au sein de l'établissement de Sougé le Ganelon de la société Hutchinson dans le cadre de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de tr

avail ; qu'un avenant portant révision de cet accord a été signé le 18 mai 2015 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Y 17-26.309, Z 17-26.310 et A 17-26.311 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les jugements attaqués (conseil de prud'hommes du Mans, 25 juillet 2017), rendus en dernier ressort, que le 30 juin 1999, un accord sur la réduction et l'organisation du temps de travail a été signé au sein de l'établissement de Sougé le Ganelon de la société Hutchinson dans le cadre de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail ; qu'un avenant portant révision de cet accord a été signé le 18 mai 2015 ; qu'invoquant une diminution du taux horaire servant de base au calcul de leur salaire par l'effet de cet avenant, M. D... et deux autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire pour la période allant de septembre 2015 à avril 2016 ;

Attendu que l'employeur fait grief aux jugements de le condamner à payer aux salariés certaines sommes à titre de rappel de salaire alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 7-1 de l'accord collectif du 30 juin 1999 sur la réduction et l'organisation du temps de travail prévoyait que « pour le personnel bénéficiant de la réduction du temps de travail, les rémunérations seront maintenues et calculées sur une base mensuelle lissée » ; que l'employeur ne pouvant réserver le bénéfice d'une augmentation du salaire horaire aux seuls salariés concernés par la réduction du temps de travail sans méconnaître le principe « à travail égal, salaire égal », les parties avaient nécessairement entendu instituer une prime différentielle versée en compensation de la perte de rémunération et non en contrepartie du travail fourni ; qu'en jugeant que l'accord du 30 juin 1999 n'avait « pas entendu instituer une prime ou indemnité différentielle de réduction du temps de travail », le conseil de prud'hommes l'a donc violé en son article 7-1 ;

2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, en retenant que « les bulletins de salaire établis par la société Hutchinson ne prévoient pas au demeurant le paiement d'aucune indemnité différentielle de réduction du temps de travail », quand il relevait pourtant que « les deux postes de rémunération mentionnés sur les bulletins de salaire sont pareillement qualifiés "d'appointements", seule la précision "appointement ARTT" étant apportée pour le second poste », ce qui désignait clairement et précisément la prime différentielle d'aménagement et de réduction du temps de travail, le conseil de prud'hommes a dénaturé les termes clairs et précis des bulletins de paie, en violation de l'article 1103 du code civil ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes ne pouvait considérer que la société Hutchinson avait « expressément reconnu » dans le bilan du 12 février 2016 que les « appointements ARTT » ne constituaient pas une prime différentielle mais devaient être inclus dans l'assiette de calcul du salaire horaire dès lors qu'il ressortait des termes clairs et précis de ce document, notamment à ses pages 7 et 11, que l'employeur s'était borné à rappeler la composition du salaire brut, sans se prononcer en revanche sur les éléments du salaire à prendre en compte pour le calcul du salaire horaire ; qu'en statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a dénaturé le bilan du 12 février 2016 en violation de l'article 1103 du code civil ;

Mais attendu que l'article 7.1 de l'accord, relatif aux rémunérations, prévoit que "Pour le personnel bénéficiant de la réduction du temps de travail, les rémunérations sont maintenues et calculées sur une base mensuelle lissée" ; que le conseil de prud'hommes qui a retenu que cette disposition n'instituait ni une prime, ni une indemnité différentielle de réduction du temps de travail, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, dont les deuxième et troisième branches critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Hutchinson aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hutchinson à payer à MM. D..., Q... et L... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en son audience publique du vingt février deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen commun produit, aux pourvois n° Y 17-26.309, Z 17-26.310 et A 17-26.311, par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Hutchinson

Il est fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR condamné la société Hutchinson à payer à MM. D..., Q... et L... une somme à titre de rappel de salaires outre les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande de rappel de salaires, il ressort du bulletin de salaire [du salarié] du mois d'août 2015, antérieur à l'entrée en application de l'avenant de révision du 18 mai 2015, que sa rémunération, hors primes et majorations pour cause de travail de nuit, comportait des « appointements », inscrits en ligne IS1, et des « appointements ARTT », inscrits en ligne IS5 ; que l'accord sur la réduction et l'organisation du temps de travail du 30 juin 1999 stipulait dans une clause 7-1 intitulée « Rémunérations » que : « Pour le personnel bénéficiant de la réduction du temps de travail, les rémunérations seront maintenues et calculées sur une base mensuelle lissée » ; que les modalités du maintien du salaire en dépit de la réduction du temps de travail opérée par cet accord d'entreprise n'y étaient pas définies plus précisément ; qu'il résulte cependant de cette clause que les parties n'ont pas entendu instituer une prime ou indemnité différentielle de réduction du temps de travail ; qu'aucune stipulation ne le prévoit et n'y fait référence ; que l'intention exprimée des parties était d'opérer une modification de la base mensuelle du calcul du salaire, ce qui implique nécessairement, par effet arithmétique, une augmentation du taux horaire qui était applicable lorsque le temps de travail hebdomadaire était de 39 heures ; que les bulletins de salaire établis par la société Hutchinson ne prévoient au demeurant le paiement d'aucune indemnité différentielle de réduction du temps de travail ; que les deux postes de rémunération mentionnés sur les bulletins de salaire sont pareillement qualifiés « d'appointements », seule la précision « appointement ARTT » étant apportée pour le second poste ; qu'il s'en déduit qu'ils ont la même nature, à savoir celle de salaires ; que la société Hutchinson, qui le conteste à présent dans le cadre de ce procès, l'a cependant expressément reconnu précédemment, notamment dans une note établie par la direction des ressources humaines le 12 février 2016, intitulée « Bilan de l'avenant 35 H » (pièce S de la défenderesse) ; qu'elle y explique les modalités de calcul du salaire avant et après l'avenant du 18 mai 2015 et indique clairement que, pour le personnel travaillant en équipe, le salaire était composé, avant l'entrée en vigueur de l'avenant, de l'addition des deux postes IS1 et IS5 du bulletin de paie soit, les « appointements » et les « appointements ARTT » (page 7 du bilan du 12 février 2016) ; que cette explication est complétée, en page 11 du bilan, par un exemple de bulletin de paie sur lequel la société Hutchinson a matérialisé l'addition des deux postes pour indiquer le montant total du salaire brut à prendre en compte ; que cette présentation confirme un tract d'information des salariés diffusée le 1er octobre 2015 intitulé « Social Info / Explications du bulletin de salaire avant/après avenant 35 H », qui comportait les mêmes explications (pièce n°12 du demandeur) ; que ces mêmes documents indiquent que le salaire total brut est déterminé après l'entrée en application de l'avenant de révision du 18 mai 2015 par l'addition des deux postes IS1 et BEU, à savoir « appointements » et « heures casse-croûte » ; que la société Hutchinson soutient à présent expressément qu'il n'y a pas lieu d'inclure le poste BEU pour calculer le montant du salaire total devant servir de base pour apprécier le respect de son engagement de garantie de maintien du salaire mensualisé dont bénéficiait chaque salarié avant l'entrée en application de l'avenant du 18 mai 2015, engagement pris dans cet accord en cas de changement d'équipe à l'initiative de l'employeur ; que pour caractériser ce maintien du salaire mensualisé, la société Hutchinson, dans le cadre de ce procès, indique qu'il convient seulement de se référer à la ligne IS1 portée sur les bulletins de salaires ; qu'il convient d'en prendre acte ; que par suite, concernant [le salarié], il résulte de ses bulletins de salaire que son salaire mensuel brut total était de [2 076,86 euros pour M. D..., 1 849,50 euros pour M. Q... et 1 705,81 pour M. L...] (IS1 + IS5) pour [144,92 heures pour M. D... et 140,41 heures pour MM. Q... et L...] mensuelles de travail, avant l'entrée en vigueur de l'avenant de révision du 18 mai 2015 et de [1 222,14 euros pour M. D..., 1 731,53 euros pour M. Q... et 1 597,04 euros pour M. L...] (IS 1) pour [95,33 heures pour M. D... et 151,67 heures pour MM. Q... et L...] mensuelles de travail, après l'entrée en vigueur de l'avenant ; que le taux horaire servant de base au calcul de la rémunération [du salarié] est donc passé de [14,33 euros (2 076,86 euros /144,92 heures) à 12,82 euros (1 222,14 euros / 95,33 heures), soit une diminution de 1,51 euros pour M. D... ; 13,17 euros (1 849, 50 euros / 140,41 heures) à 11,42 euros (1 597,04 euros / 151,67 heures), soit une diminution de 1,75 euros pour M. Q... ; 12,15 euros (1 705,81 euros / 140,41 heures) à 10,53 euros (1 597,04 euros / 151,67 heures), soit une diminution de 1,62 euros pour M. L...] ; que [le salarié] ne conteste pas la validité de l'avenant de révision du 18 mai 2015 mais le fait qu'il puisse être appliqué à la relation de travail qui l'unit à la société Hutchinson, non pas en ce qu'il modifie l'organisation du temps de travail mais en ce qu'il opère une diminution du taux horaire servant de base au calcul de la rémunération, sans que son consentement exprès ait été recueilli par écrit ; qu'aux termes de l'article L. 1222-7 du code du travail, « la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail ne constitue pas une modification du contrat de travail » qu'il découle de la précision « la seule diminution du nombre d'heures », apportée par le texte, qu'un tel accord s'impose à tous les salariés entrant dans son champ d'application dès lors que la modification ne porte que sur le temps de travail mais qu'il y a un maintien de la rémunération antérieure, même avec une structure de salaire modifiée ; qu'à défaut de maintien de la rémunération antérieure, il est opéré une modification d'un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être imposée au salarié sans recueillir son accord exprès ; que par analogie, en l'état de la législation applicable au jour de la conclusion de l'avenant de révision du 18 mai 2015, l'augmentation de la durée du travail en application d'un accord d'entreprise ne peut être imposée aux salariés entrant dans son champ d'application si cet accord n'a pas pour seul effet de modifier la durée du travail mais opère également une diminution de la rémunération par diminution du taux horaire applicable ; que dans l'hypothèse d'une diminution du taux horaire, il est opéré par l'employeur une modification d'un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être imposée au salarié sans son accord exprès ; qu'il ne pourrait en être autrement que dans l'hypothèse où aurait été conclu, en application des articles L. 5125-1 et suivants du code du travail, un accord aménageant temporairement les salaires, la durée et/ou l'organisation du travail pour cause de graves difficultés économiques conjoncturelles rencontrées par l'entreprise ; que telle n'est pas la nature cependant de l'avenant de révision du 18 mai 2015 ; qu'or, il est établi que la procédure de modification du contrat de travail [du salarié] pour cause de diminution du taux horaire servant de base au calcul de sa rémunération n'a pas été mise en oeuvre par la société Hutchinson ; que [le salarié] est dès lors bien fondé en sa demande de rappel de salaires [pour la période allant du 1er septembre 2015 au 30 avril 2016 s'agissant de MM. D... et L...], à concurrence de la somme totale de [1 195,40 pour M. D... ou 1 965,68 euros pour M. L...] calculée conformément au décompte détaillé de créance établi par [le salarié] (pièce n°8 du demandeur) [ou s'agissant de M. Q...] la somme totale de 826,62 euros, compte tenu de la régularisation partielle opérée par la société Hutchinson et dans la limite de la demande dont le conseil de prud'hommes est saisi, ainsi qu'en sa demande de congés payés afférent, soit la somme de [119,54 euros pour M. D..., 82,66 euros pour M. Q... et 196,57 euros pour M. L...] ; qu'en application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, pris dans leur rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêts de retard au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit en l'espèce à compter du 1er juin 2016 ;

1° ALORS QUE l'article 7-1 de l'accord collectif du 30 juin 1999 sur la réduction et l'organisation du temps de travail prévoyait que « pour le personnel bénéficiant de la réduction du temps de travail, les rémunérations seront maintenues et calculées sur une base mensuelle lissée » ; que l'employeur ne pouvant réserver le bénéfice d'une augmentation du salaire horaire aux seuls salariés concernés par la réduction du temps de travail sans méconnaître le principe « à travail égal, salaire égal », les parties avaient nécessairement entendu instituer une prime différentielle versée en compensation de la perte de rémunération et non en contrepartie du travail fourni ; qu'en jugeant que l'accord du 30 juin 1999 n'avait « pas entendu instituer une prime ou indemnité différentielle de réduction du temps de travail » (jugements, p. 4), le conseil de prud'hommes l'a donc violé en son article 7-1 ;

2° ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, en retenant que « les bulletins de salaire établis par la société Hutchinson ne prévoient pas au demeurant le paiement d'aucune indemnité différentielle de réduction du temps de travail », quand il relevait pourtant que « les deux postes de rémunération mentionnés sur les bulletins de salaire sont pareillement qualifiés "d'appointements", seule la précision "appointement ARTT" étant apportée pour le second poste », ce qui désignait clairement et précisément la prime différentielle d'aménagement et de réduction du temps de travail, le conseil de prud'hommes a dénaturé les termes clairs et précis des bulletins de paie, en violation de l'article 1103 du code civil ;

3° ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes ne pouvait considérer que la société Hutchinson avait « expressément reconnu » dans le bilan du 12 février 2016 que les « appointements ARTT » ne constituaient pas une prime différentielle mais devaient être inclus dans l'assiette de calcul du salaire horaire dès lors qu'il ressortait des termes clairs et précis de ce document, notamment à ses pages 7 et 11, que l'employeur s'était borné à rappeler la composition du salaire brut, sans se prononcer en revanche sur les éléments du salaire à prendre en compte pour le calcul du salaire horaire ; qu'en statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a dénaturé le bilan du 12 février 2016 en violation de l'article 1103 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26309;17-26310;17-26311
Date de la décision : 20/02/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes du Mans, 25 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 fév. 2019, pourvoi n°17-26309;17-26310;17-26311


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26309
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