CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 janvier 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10084 F
Pourvoi n° X 18-10.189
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par le Centre hospitalier universitaire de Nice, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (6e chambre B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. X... Y..., domicilié [...] ,
2°/ à M. Luc Y..., domicilié [...] ,
3°/ à Mme Mauricette Y..., épouse Z..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 décembre 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme A..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat du Centre hospitalier universitaire de Nice, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. X... et Luc Y... et de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme A..., conseiller référendaire et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Centre hospitalier universitaire de Nice aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à MM. X... et Luc Y... et à Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour le Centre hospitalier universitaire de Nice
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté le Centre Hospitalier Universitaire de Nice de sa demande tendant à la condamnation solidaire de MM. X... et Luc Y... et de Mme Mauricette Y... épouse Z... à lui payer à titre d'arriéré la somme de 46.479,40 euros sur le fondement de l'article L.6145-11 du code de la santé publique et des articles 205, 206, 207 et 212 du code civil,
AUX MOTIFS PROPRES QU' « En vertu de l'article 205 du code civil, les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. Selon l'article 208 du code civil les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit. En l'espèce la demande du centre hospitalier de Nice ne concerne que le paiement d'arriérés à hauteur de la somme de 46.479,40 euros, montant de la dette due au 30 décembre 2015 (pièce de l'appelant) correspondant à des frais d'hébergement en EHPAD afférents aux années 2012 à 2015. Il échet de relever que la réalité de la créance du centre hospitalier de Nice n'est pas contestée. S'il est exact qu'en application de la règle « Aliments ne s'arréragent pas » la pension alimentaire prend naissance au jour de la demande en justice, il est tout aussi admis qu'il s'agit là d'une présomption simple pouvant être combattue par la démonstration que le créancier a entrepris les démarches utiles pour recouvrer sa créance. En l'espèce c'est à juste titre que le premier juge a relevé la carence du créancier qui ne rapporte pas la preuve d'avoir engagé une démarche de paiement contre Mme Ida Y... elle-même ni d'avoir mis tous les obligés alimentaires en mesure de connaître les tarifs d'hébergement de leur mère en EHPAD ni surtout d'avoir valablement et avant l'introduction de l'instance exercé à l'encontre des enfants de Mme Ida Y... des démarches utiles pour recouvrer sa créance. La légèreté avec laquelle le Centre hospitalier de Nice a poursuivi le recouvrement de sa créance d'un montant pourtant non négligeable apparaît manifestement lorsqu'elle saisit le juge aux affaires familiales de Nice sans même communiquer dans sa requête initiale le coût de l'hébergement ni aucun élément relatif à la situation financière de Mme Ida Y.... Il est aujourd'hui acquis aux débats que le coût d'hébergement en maison de retraite de Mme Ida Y..., une somme variant entre 1.936,48 euros et 2.166,28 euros par mois entre 2012 et 2015, excède largement les capacités financières de l'intéressée, laquelle perçoit des ressources (pension de réversion et retraites) inférieures à 1.000 euros par mois (une somme de 946,31 euros par mois en novembre 2014, cf. pièce 4 de l'appelant). Il est également constant que les obligés alimentaires ont fait des versements en 2015 (pièce 15 de l'appelant) et qu'ils sont d'accord pour verser au total une somme de 726 euros par mois à compter de février 2015 conformément à la proposition du conseil départemental des Alpes-Maritimes (pièces 5 et 6 des intimés). La bonne foi des intimés ne peut être remise en cause alors qu'ils ont accepté de contribuer dès qu'ils ont eu connaissance de la situation. En effet, antérieurement à l'introduction de l'instance, la seule véritable démarche pour recouvrer la créance consiste en une mise en demeure de régler les sommes dues à laquelle il a été procédé le 7 novembre 2014, soit quelques jours avant la requête en justice enregistrée le 3 décembre 2014 au greffe du juge aux affaires familiales de Nice. De plus cette lettre de mise en demeure a été adressée uniquement à M. Luc Y... alors que celui-ci avait été déchargé de ses fonctions de curateur. En effet le juge des tutelles de Menton a rendu le 21 février 2014 une décision constatant la caducité de la curatelle renforcée pour défaut de son renouvellement au 31 décembre 2013 (pièce 3 des intimés). De plus il n'est pas certain que M. Luc Y... fût encore chargé de la moindre fonction puisqu'il est versé aux débats un courrier du greffe du tribunal d'instance de Menton faisant état d'une ordonnance du juge des tutelles l'ayant déchargé de ses fonctions de curateur de Mme Ida Y... à compter du 17 juin 2002 (pièce 2 des intimés). Comme l'a souligné le premier juge il est pour le moins étonnant que les services sociaux du CHU de Nice n'aient pas été informés de la situation juridique exacte de la patiente et des coordonnées de son représentant légal. L'appelant fait valoir qu'il avait adressé précédemment une autre lettre de mise en demeure à Monsieur Luc Y... en date du février 2013 (pièce 11 de l'appelant) dont il n'est pas démontré, d'ailleurs comme pour celle en date du 7 novembre 2014, qu'elle a effectivement été reçue par l'intéressé en l'absence d'accusé de réception. En outre la lettre du 11 février 2013 a été envoyée au [...] ( [...]) alors qu'il ressort du dossier soumis à la cour que M. Luc Y... est domicilié [...] de Tende ( [...]). A l'époque la créance était nettement moins importante (14.961,96 euros). Dès lors il doit être souligné que le CHU de Nice est peu diligent pour recouvrer sa créance puisqu'il attendra ensuite 21 mois pour relancer le seul M. Luc Y... et s'étonner auprès du juge des tutelles, à la même date, le 7 novembre 2014, de l'inertie et de l'absence de réponse de l'intéressé (pièce 12 de l'appelant). Les autres démarches réalisées par le CHU de Nice, à savoir un avis et une opposition à tiers détenteur à destination de l'organisme d'assurance retraite et de l'établissement bancaire de Mme Ida Y... sont certes établies mais insuffisantes à elles seules pour démontrer qu'il a été porté à la connaissance des différents co-obligés alimentaires non seulement l'existence mais aussi l'importance de la dette accumulée. Il s'ensuit que la règle selon laquelle les aliments ne s'arréragent pas doit s'appliquer en l'espèce. En effet ce n'est pas aux débiteurs alimentaires de faire les frais de la lenteur et des négligences du CHU de Nice pour recouvrir sa créance. En conséquence le jugement rendu le 25 juin 2015 par le juge aux affaires familiales de Nice sera lui aussi confirmé dans l'ensemble de ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « l'article 205 du code civil dispose : « Les enfants doivent aliments à leur père et mère ou autres ascendants dans le besoin ». L'article 206 du code civil dispose par ailleurs que « les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leur beau-père et belle-mère, mais cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l'affinité et les enfants issus de son union avec l'autre époux sont décédés. » Pour l'application de cette obligation alimentaire, il appartient à celui qui réclame des aliments de prouver son état de besoin et son impossibilité à assurer sa subsistance. Plus précisément dans le cas de l'action directe des établissements de santé, le requérant doit justifier d'une créance hospitalière, d'un défaut de paiement du débiteur et de l'absence de ressources personnelles de ce dernier. En l'espèce il n'est pas contestable que le Centre hospitalier universitaire de Nice a une créance hospitalière concernant Mme Ida Y..., qui est prise en charge en EHPAD depuis le 2 novembre 2011 ainsi que cela ressort du bulletin de situation présenté (édition du 13 novembre 2014). Cette créance s'élève à la somme de 44.026,43 euros selon bordereau du 17 novembre 2014. Il apparaît par ailleurs que le Centre hospitalier universitaire de Nice a adressé à Monsieur Luc Y... ès qualité de curateur, une mise en demeure de régler les sommes dues par sa protégée en date du 7 novembre 2014, soit quelques jours avant l'enregistrement de la requête. Néanmoins, cette mise en demeure n'était pas valablement orientée, dans la mesure où, comme cela a été rappelé ci-dessus, la mesure de protection concernant Mme Ida Y... était devenue caduque entre-temps et où M. Luc Y... avait été déchargé de son rôle de curateur plusieurs années auparavant. Il est d'ailleurs pour le moins étonnant que les services sociaux du Centre hospitalier universitaire de Nice n'aient pas été informés de la situation juridique exacte de la patiente et des coordonnées de son représentant légal. De plus aucun élément n'est produit par le requérant concernant la situation financière de Mme Ida Y... elle-même. Seuls ses trois enfants ont listé à l'audience ses ressources consistant en une pension de réversion de 75 euros par mois, une retraite de 715 euros par mois et une complémentaire de 154,34 euros par mois soit 976 euros par mois au total. Néanmoins aucun élément objectif n'a été présenté pour corroborer ces déclarations. Le coût actuel de l'hébergement de Mme Ida Y... n'est pas connu et il n'est donc pas possible de vérifier si ses capacités financières telles qu'exposées par ses propres enfants, permettent de subvenir à ses besoins. Enfin, et a fortiori, il convient de rappeler au Centre hospitalier universitaire de Nice que compte tenu de l'adage selon lequel les aliments ne s'arréragent pas, les débiteurs d'aliments ne peuvent en principe pas être condamnés à payer une pension pour la période antérieure à l'assignation en justice qui leur a été délivrée, sauf pour l'établissement de santé à rapporter la preuve qu'il n'est pas resté inactif pour récupérer les sommes échues antérieurement. Dans ces conditions, le Centre hospitalier universitaire de Nice qui ne rapporte ni la preuve d'avoir engagé une démarche de paiement contre Mme Ida Y... elle-même, ni la preuve de l'absence de ressources de cette dernière, ni la preuve de démarches antérieures au 7 novembre 2014, devra être débouté de sa demande » ;
1°) ALORS QUE la règle « aliments ne s'arréragent pas », fondée sur l'absence de besoin et sur la présomption selon laquelle le créancier a renoncé à agir contre ses débiteurs alimentaires, s'apprécie en la seule personne du créancier d'aliments et non pas en celle de l'établissement public de santé qui exerce le recours qu'il détient contre les débiteurs alimentaires de la personne hospitalisée ; que pour écarter la demande du CHU de Nice tendant au paiement d'une somme due au titre de l'hospitalisation de Mme Ida Y... de 2012 à 2015, la cour d'appel a retenu que le CHU n'établissait pas avoir entrepris avant 2015 les démarches utiles pour recouvrer sa créance auprès des débiteurs alimentaires ; qu'en statuant ainsi, en recherchant l'existence d'une renonciation à agir dans le chef de l'établissement public de santé et non dans le chef du créancier d'aliments, la cour d'appel a violé l'article L.6145-11 du code de la santé publique, ensemble les principes qui régissent l'obligation alimentaire ;
2°) ALORS en toute hypothèse QU'aucune renonciation à agir ne peut être opposée au créancier alimentaire qui n'est pas resté inactif, que ses démarches aient effectivement touché ou non le débiteur d'aliments ; que pour écarter la demande du CHU de Nice faute pour ce dernier d'établir avoir entrepris les démarches utiles pour recouvrer sa créance, la cour d'appel a retenu, d'abord, qu'une mise en demeure avait été adressée le 7 novembre 2014 à M. Luc Y... alors que celui-ci n'était plus curateur de la personne hospitalisée, ensuite, qu'une autre mise en demeure avait été précédemment adressée le 11 février 2013 mais sans que la réception de cette mise en demeure soit établie, et enfin, que l'avis et l'opposition à tiers détenteur signifiés à l'organisme d'assurance retraite et à la banque de Mme Ida Y... sont insuffisants à établir que les différents obligés alimentaires aient eu connaissance de l'existence et de l'importance de la dette accumulée ; qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations desquelles il s'évinçait que le CHU n'était pas resté inactif, si bien qu'indépendamment du résultat de ses démarches, aucune renonciation ne pouvait lui être opposée, la cour d'appel a derechef violé l'article L.6145-11 du code de la santé publique, ensemble les principes qui régissent l'obligation alimentaire.