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30/01/2019 | FRANCE | N°17-27549

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 janvier 2019, 17-27549


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué, (Douai, 30 juin 2016), qu'engagé le 29 janvier 2010 par la société Patfoort bâtiment en qualité d'ouvrier polyvalent, M. F... a été licencié pour faute grave le 15 juin 2012 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes d'indemnités de rupture et de rappel de salaire au titre de la mise à pied alors, selon le mo

yen :

1°/ que l'employeur ne peut se prévaloir comme d'une faute grave, de la répé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué, (Douai, 30 juin 2016), qu'engagé le 29 janvier 2010 par la société Patfoort bâtiment en qualité d'ouvrier polyvalent, M. F... a été licencié pour faute grave le 15 juin 2012 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes d'indemnités de rupture et de rappel de salaire au titre de la mise à pied alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur ne peut se prévaloir comme d'une faute grave, de la répétition de faits qu'il a tolérés sans y puiser motif de licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les faits d'intempérance, au sens d'un manque de retenue caractérisé par un comportement agressif envers ses collègues de travail, et d'insubordination réitérée de M. Y... F... étaient constitutifs d'une faute grave, après avoir pourtant constaté que le supérieur hiérarchique direct du salarié, M. Philippe A... attestait que ce comportement durait depuis plusieurs mois et que les faits décrits par deux témoins, M. David B... et Mme Marie-France C..., s'ils étaient prescrits, illustraient un comportement qui avait perduré au fil des mois ainsi que cela ressortait des témoignages précités ; qu'en se déterminant de la sorte, bien qu'il résultât de ses propres constatations que l'employeur tolérait depuis plusieurs mois le comportement du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ qu'à supposer par impossible qu'il soit considéré qu'il ne résulte pas des constatations des juges du fond que la répétition du comportement reproché au salarié a été tolérée par l'employeur, en ce cas, en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si l'employeur ne tolérait pas depuis des mois les faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que l'obligation faite à l'employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral n'implique pas par elle-même la rupture immédiate du contrat de travail d'un salarié à l'origine d'une situation susceptible de caractériser ou dégénérer en harcèlement moral ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, en retenant, pour considérer que la rupture immédiate et sans préavis du contrat de travail du salariée était justifiée, que l'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat, ne pouvait en outre laisser perdurer une situation liée au comportement de M. Y... F... qui, par l'effet d'une crainte décrite par plusieurs témoins, voire d'une dévalorisation ressentie par son supérieur hiérarchique, M. A..., face aux réactions et remarques réitérées de l'intéressé, était de nature à porter atteinte à la santé et à la sécurité des autres salariés de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui, effectuant la recherche prétendument délaissée, a retenu dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le manque de retenue du salarié caractérisé par un comportement agressif envers ses collègues de travail et une insubordination réitérée était établi, a pu en déduire que ces faits caractérisaient à eux seuls une faute grave qui rendait impossible la poursuite de la relation de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité pour travail dissimulé alors, selon le moyen, que le versement d'une prime exceptionnelle ne peut valoir paiement d'heures de travail ; qu'il s'ensuit qu'en se bornant à considérer que si le versement de primes exceptionnelles de montant variable apparaissait sur les bulletins de salaire des mois de décembre 2010 et juin 2011, aucun élément ne permettait de considérer que ces primes correspondaient à la rémunération déguisée d'heures supplémentaires, lesquelles étaient mentionnées de façon distincte sur les bulletins de paie et rémunérées comme telles, sans vérifier à quel titre cette prime exceptionnelle avait été versée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que l'examen des bulletins de salaire versés aux débats faisait régulièrement apparaître le paiement d'heures supplémentaires aux taux majorés de 25 et 50 % et que si le versement de primes exceptionnelles de montants variables apparaissait sur les bulletins de salaire des mois de décembre 2010 et juin 2011, aucun élément ne permettait de considérer que ces primes correspondaient à la rémunération déguisée d'heures supplémentaires, lesquelles étaient mentionnées de façon distincte sur les bulletins de paie et rémunérées comme telles, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. F... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour M. F...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. Y... F... reposait sur une faute grave et débouté en conséquence le salarié de ses demandes d'indemnités de rupture et de rappel de salaire au titre de la mise à pied ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : "Lors de notre entretien du lundi 11 juin 2012, nous vous avons entendu, ainsi que M. D... qui vous assistait, sur, les motifs qui motivaient notre décision de prendre à votre encontre une sanction disciplinaire. Vous avez sur chacun des sujets, reconnu les faits, sans toutefois nous convaincre sur les raisons justifiant un tel comportement En conséquence de quoi, nous sommes au regret de vous notifier par la présente, votre licenciement pour fautes graves, pour les motifs suivants : Propos diffamatoires et insultants à l'encontre de la direction de l'entreprise et de sa hiérarchie. Intempérance répétée dans votre comportement et votre langage. Refus de rendre compte du travail exécuté sur le chantier et ainsi, de vous soumettre aux instructions de votre hiérarchie. Absence sans autorisation lors de votre retour de congé du 23 mai 2012. La gravité des fautes que vous avez commises, vous prive des droits légaux et conventionnels de préavis et indemnités de licenciement (...) ». La société Patfoort Bâtiment produit plusieurs attestations qui évoquent le comportement de M. F... dans l'entreprise, étant observé que s'il ne peut être fait grief à l'employeur de ne pas avoir mentionné la date des faits dans la lettre de licenciement, encore faut-il que les griefs reprochés au salarié soient matériellement vérifiables. M. Samuel E..., aide chargé d'affaires, évoque les excès de colère de son collègue qui refusait de rendre compte de son activité, ajoutant qu'il "s'énervait quasiment tous les soirs allant parfois jusqu' à des échanges verbaux très violents et parfois vulgaires" et indiquant avoir "eu peur" à plusieurs reprises des réactions de M. F... -. M. Philippe A..., conducteur de travaux, évoque les mêmes réactions d'agressivité et de refus de rendre compte, décrivant une situation qui se poursuivait dans le temps depuis plusieurs mois, depuis sa nomination en qualité de conducteur de travaux et en tant que tel, responsable hiérarchique direct de M. F.... Il ajoute que "ce comportement s'aggravait, devenant pour lui invivable" et il ajoute : "J'ai même fait part à ma hiérarchie de mes doutes à la continuité de mes fonctions". Ce même témoin précise dans une seconde attestation que "surles dernières semaines de travail, il - M. F... - devenait ingérable. Il refusait systématiquement un ordre que je lui donnais. Il me disait que ça n'avait pas de sens et que je ne savais pas travailler (
)". M. Aurélien G..., chargé d'affaires second oeuvre, décrit le même climat de crainte et une dégradation des relations entre collègues, liée au comportement de M. F.... Il confirme les déclarations de M. A... et indique que ce collègue lui avait fait part de son intention de démissionner si la situation perdurait. Les attitudes agressives du salarié sont encore confirmées par M. Philippe C..., magasinier, qui évoque le refus de M. F... de remplir les bons de commande de matériel et un comportement agressif si un refus de délivrance du dit matériel lui était opposé, le témoin indiquant : "On a failli en venir aux mains". Si les faits décrits par deux témoins, M. David B... et Mme Marie-France C..., qui évoquent l'emportement et un comportement insultant de M. F... envers M. B..., comptable, au sujet de la régularisation d'une déclaration d'accident du travail, sont manifestement prescrits au regard des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail puisque datés des mois de décembre 2011 et janvier 2012, ils illustrent néanmoins un comportement qui a perduré au fil des mois ainsi que cela ressort des témoignages précités. M. B... et Mme C... évoquent comme leurs collègues, un sentiment de peur éprouvé face aux réactions de leur collègue. Ces faits ne sont pas utilement contredits par le salarié qui produit notamment un compte rendu d'entretien professionnel qui, outre le fait qu'il est antérieur aux premiers débordements verbaux décrits par M. B... et Mme C..., mentionnait s'agissant des relations avec la hiérarchie : "Ne pas oublier qui est qui". Les attestations de son épouse relative d'une part aux faits prescrits de décembre 2011, d'autre part à des faits étrangers au litige relatifs aux conditions d'exécution d'un stage par cette dernière en 2011, de même que l'attestation de M. Farid H..., dont la période de présence dans l'entreprise n'est pas indiquée, ne remettent pas plus utilement en cause les témoignages circonstanciés produits par l'employeur. Les faits d'intempérance, au sens d'un manque de retenue caractérisé par un comportement agressif envers ses collègues de travail et d'insubordination réitérée de M. F... sont établis. Ces faits, sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties sur les autres points évoqués dans la lettre de licenciement, caractérisent à eux seuls une faute grave qui rendait manifestement impossible la poursuite de la relation de travail. L'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat, ne pouvait en outre laisser perdurer une situation liée au comportement de M. F..., qui, par l'effet d'une crainte décrite par plusieurs témoins, voire d'une dévalorisation ressentie par son supérieur hiérarchique, M. A..., face aux réactions et remarques réitérées de l'intéressé, était de nature â porter atteinte â la santé et à la sécurité des autres salariés de l'entreprise. La rupture immédiate et sans préavis du contrat de travail intervenue dans ces conditions est justifiée et c'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté M. F... de l'intégralité de ses demandes ;

1) ALORS QUE l'employeur ne peut se prévaloir comme d'une faute grave, de la répétition de faits qu'il a tolérés sans y puiser motif de licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les faits d'intempérance, au sens d'un manque de retenue caractérisé par un comportement agressif envers ses collègues de travail, et d'insubordination réitérée de M. Y... F... étaient constitutifs d'une faute grave, après avoir pourtant constaté que le supérieur hiérarchique direct du salarié, M. Philippe A... attestait que ce comportement durait depuis plusieurs mois et que les faits décrits par deux témoins, M. David B... et Mme Marie-France C..., s'ils étaient prescrits, illustraient un comportement qui avait perduré au fil des mois ainsi que cela ressortait des témoignages précités ; qu'en se déterminant de la sorte, bien qu'il résultât de ses propres constatations que l'employeur tolérait depuis plusieurs mois le comportement du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, ET SUBSIDIAIREMENT, QU'à supposer par impossible qu'il soit considéré qu'il ne résulte pas des constatations des juges du fond que la répétition du comportement reproché au salarié a été tolérée par l'employeur, en ce cas, en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si l'employeur ne tolérait pas depuis des mois les faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3) ALORS, EN OUTRE, QUE l'obligation faite à l'employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral n'implique pas par elle-même la rupture immédiate du contrat de travail d'un salarié à l'origine d'une situation susceptible de caractériser ou dégénérer en harcèlement moral ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, en retenant, pour considérer que la rupture immédiate et sans préavis du contrat de travail du salariée était justifiée, que l'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat, ne pouvait en outre laisser perdurer une situation liée au comportement de M. Y... F... qui, par l'effet d'une crainte décrite par plusieurs témoins, voire d'une dévalorisation ressentie par son supérieur hiérarchique, M. A..., face aux réactions et remarques réitérées de l'intéressé, était de nature à porter atteinte à la santé et à la sécurité des autres salariés de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Y... F... de ses demandes en paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE M. F... affirme qu'il s'est vu rémunéré de ses heures supplémentaires par le biais d'une prime exceptionnelle, ce qui le prive de la défiscalisation et lui cause un préjudice financier. Il ne formule cependant aucune demande en paiement d'heures supplémentaires et ne produit aucun décompte hebdomadaire ou autre élément de nature à permettre un débat contradictoire sur la réalité des heures de travail effectif. L'examen des bulletins de salaire qu'il verse aux débats fait régulièrement apparaître le paiement d'heures supplémentaires aux taux majorés de 25 et 50 % et si le versement de primes exceptionnelles de montants variables apparaît sur les bulletins de salaire des mois de décembre 2010 et juin 2011, aucun élément ne permet de considérer que ces primes correspondent à la rémunération déguisée d'heures supplémentaires, lesquelles étaient mentionnées de façon distincte sur les bulletins de paie et rémunérées comme telles. La preuve d'une faute de l'employeur n'est pas rapportée et le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. F... de sa demande de dommages-intérêts. Il sera également confirmé en ce que la demande d'indemnité pour travail dissimulé a été rejetée, les conditions d'application des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail n'étant manifestement pas réunies en l'espèce et aucune intention de l'employeur de dissimuler tout ou partie des heures de travail effectuées n'étant démontrée ;

ALORS QUE le versement d'une prime exceptionnelle ne peut valoir paiement d'heures de travail ; qu'il s'ensuit qu' en se bornant à considérer que si le versement de primes exceptionnelles de montant variable apparaissait sur les bulletins de salaire des mois de décembre 2010 et juin 2011, aucun élément ne permettait de considérer que ces primes correspondaient à la rémunération déguisée d'heures supplémentaires, lesquelles étaient mentionnées de façon distincte sur les bulletins de paie et rémunérées comme telles, sans vérifier à quel titre cette prime exceptionnelle avait été versée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-27549
Date de la décision : 30/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 jan. 2019, pourvoi n°17-27549


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.27549
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