LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, les articles L. 322-4-8-1 et L. 322-4-7 du code du travail alors applicables, et les articles L. 1242-3 et L. 1245-1 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée à compter du 1er décembre 2005 en qualité d'ambassadrice de tri par la communauté d'agglomération Communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) selon un contrat emploi consolidé (CEC) à durée déterminée d'une année renouvelé par deux avenants de même durée, suivi d'un contrat d'accompagnement à l'emploi (CAE) d'une durée déterminée d'un an prolongé par deux autres successifs jusqu'au 30 novembre 2010 ; qu'elle a ensuite été engagée à compter du 1er décembre 2010 en même qualité selon un contrat à durée déterminée de droit public renouvelé à plusieurs reprises pour se terminer le 2 février 2013 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à obtenir la requalification des contrats emploi consolidé et d'accompagnement à l'emploi en contrat de travail à durée indéterminée de droit privé et une indemnité de requalification, et à ordonner sa réintégration en raison de sa qualité de salariée protégée au moment de la rupture outre les conséquences financières découlant du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour dire que la juridiction prud'homale était incompétente pour trancher le litige au profit de la juridiction administrative, et rejeter les demandes de la salariée en requalification des contrats à durée déterminée de droit privé en contrat à durée indéterminée et en paiement d'une indemnité de requalification, la cour d'appel retient que même si l'intéressée poursuit depuis sa requête introductive d'instance la requalification de la relation salariale de droit privé résultant des CEC et CAE, l'objet du litige porte sur les conséquences de la rupture de la relation « salariale » de droit public résultant des derniers contrats ;
Qu'en statuant ainsi, alors que si le juge administratif est seul compétent pour tirer les conséquences de la rupture d'une relation de travail de droit public succédant à des contrats aidés de droit privé, le juge judiciaire est d'abord compétent pour effectuer une éventuelle requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée fondée sur un manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'orientation professionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la communauté d'agglomération Communauté intercommunale Réunion Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la communauté d'agglomération Communauté intercommunale Réunion Est à payer à la SCP Delvolvé et Trichet la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la juridiction prud'homale était incompétente pour connaître du litige opposant Madame Y... à la CIREST, qui relevait de la juridiction administrative, et d'avoir rejeté sa demande de requalification des contrats à durée déterminée de droit privé en contrat à durée indéterminée et de sa demande en paiement d'une indemnité de requalification
Aux motifs que le jugement critiqué s'était déclaré incompétent au motif de la doctrine de la Cour de cassation résultant de son arrêt du 13 octobre 2010, aux termes duquel s'il appartient au juge judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion , de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance du contrat emploi- jeune, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif, le juge administratif est seul compétent pour statuer sur la demande de requalification de la relation contractuelle, lorsque celle-ci s'est poursuivie avec la personne morale de droit public au-delà du terme des contrats, ainsi que sur les conséquences de la rupture survenue après cette échéance ; que cette doctrine est une déclinaison de la jurisprudence du tribunal des Conflits (arrêt du 19 octobre 2009), selon laquelle « si les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance des contrats emploi-solidarité et des contrats emploi- consolidé relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, la contestation soulevée par Madame A. est relative, non pas aux conséquences du non renouvellement au-delà du 14 mai 2006 de son dernier contrat emploi-consolidé, mais aux conséquences du non renouvellement à son échéance le 14 novembre 2007 du contrat administratif établi sur le fondement du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 qu'elle a signé le 11 mai 2006 à l'échéance de son dernier emploi-consolidé avec le Musée de l'Air et de l'Espace, établissement public à caractère administratif, qu'un tel litige relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif » ; qu'en l'espèce, même si Madame Y... poursuit depuis sa requête introductive d'instance la requalification de la relation salariale de droit privé résultant des CEC et CAE, l'objet du litige porte sur les conséquences de la rupture de la relation salariale de droit public résultant des derniers contrats ; que ce litige relève du juge administratif
Alors, d'une part, que, les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige ; qu'en l'espèce, Madame Y... « poursuivait depuis sa requête introductive d'instance la requalification de la relation salariale de droit privé résultant des CEC et CAE » et demandait le paiement d'une indemnité de requalification ; et qu'en considérant que l'objet du litige était circonscrit aux conséquences de la rupture de la relation salariale de droit public résultant des derniers contrats, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile
Alors, d'autre part, que les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance des contrats emploi-consolidé et des contrats d'accompagnement dans l'emploi, qui sont des contrats de travail de droit privé, relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que le juge judiciaire est seul compétent pour se prononcer sur la demande de requalification de ces contrats, lorsque la requalification sollicitée est fondée sur le manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'orientation professionnelle– condition d'existence de ces contrats -, et pour allouer l'indemnité de requalification prévue par l'article L.1245-2 du code du travail ; que la circonstance que la relation contractuelle se soit poursuivie avec l'employeur, personne morale de droit public gérant un service public à caractère administratif, à l'échéance des contrats de travail de droit privé, par la conclusion d'un contrat de droit public, donne certes compétence au juge administratif pour statuer sur les conséquences de cette rupture et de la requalification éventuellement prononcée par le juge judiciaire, mais laisse intacte la compétence exclusive du juge judiciaire pour se prononcer sur la requalification des contrats de droit privé ; et qu'en refusant de statuer sur la demande de requalification des contrats de droit privé qui avaient liés Madame Y... à la CIREST, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, les articles L.322-4-8-1 et L.322-4-7 du code du travail dans leur rédaction applicable, et les articles L.1242-3 et L 1245-1 du même code.